L’îlot de la Halle

Depuis des décennies, les emplacements de la rue de la Halle ont toujours été occupés par des estaminets ou des grossistes en fruits et légumes. En 1968, sur 14 maisons, on dénombre 11 grossistes et semi-grossistes en fruits légumes et 3 cafés.

Citons entre autres, quelques entreprises de l’époque : Seynave, Mathis, Divol, Florin, VandenBroeke, Valcke, VanMoer, Prevost, Tack-Boutten-Kuhn, Ferreira.

la rue de la Halle ( documents archives municipales )

Les conditions de travail sont de plus en plus difficiles pour cette activité de gros, en plein centre ville :

– La rue de la Halle est toujours très animée aux premières heures du jour et donc très bruyante

– Les problèmes de stationnement sont récurrents

– Le manque de place se fait cruellement sentir pour le stockage

– Les chariots élévateurs ont beaucoup de difficultés à manoeuvrer pour charger et décharger les camions

De ce fait, la concurrence du nouveau marché de gros de Lomme est d’autant plus vive, car certes, il est plus éloigné mais beaucoup plus facile d’accès et donc plus pratique pour les commerçants.

La ville souhaite effectuer une opération d’aménagement et de restructuration de cette partie du centre ville en Mars 1980 : rajeunir le triangle se trouvant en face de la Poste, et délimité par les rues de la Halle, Pierre Motte et par le boulevard Leclerc à savoir « l’Ilot de la Halle ».

le café de la Poste et la rue de la Halle ( document archives municipales )

Du côté du boulevard Leclerc, la Banque Populaire du Nord s’est déjà implantée à la place du café « La Rotonde ». Des bureaux sont programmés pour remplacer l’ancienne carrosserie « Van Den Hende ».

Pour la rue de la Halle, ce n’est pas une réhabilitation qui est envisagée mais un véritable curetage pour faire oublier les dents creuses correspondant aux anciens magasins de grossistes en fruits légumes, primeurs, beurre, œufs et fromages.

En 1982, les grossistes quittent la rue pour le Marché d’intérêt local du Pile rue de Valenciennes ( voir sur notre site un précédent article intitulé « Le Marché des Halles s’en va au Pile »)

document Nord Eclair 1982

Le projet initial prévoit la démolition de 22 immeubles sur les 3 rues, soit au total une superficie de 4983 m2. Sont concernés : les n° 5 au 29 rue de la Halle, les n° 10 et 12 rue Pierre Motte, et les n° 35 à 43 du boulevard Leclerc

document archives municipales

Finalement, la démolition ne concernera que la rue de la Halle et le n° 41 du boulevard Leclerc ainsi que le café de la Poste. Sur les plans ci-dessous on peut constater en effet que les 2 immeubles de gauche (grisés sur le 1er plan) ont été conservés.

document archives municipales

65 logements, bureaux et commerces sont construits par la Société d’HLM : « Le nouveau logis », pour un budget de 48 millions de francs. L’hôtel Ibis est construit à l’emplacement du café de la Poste. Les travaux s’étalent sur une durée de deux ans en 1987 et 1988.

Les travaux pendant la construction ( documents b.n.r Daniel Labbé )

 

Après l’achèvement des travaux en 1989 ( documents b.n.r Daniel Labbé )

Remerciements aux archives municipales.

Le bazar des halles

Alfred Devriese est né en 1897 à Roubaix. Il se marie en 1921 avec Marguerite Duthilleul, née en 1902. Alfred et Marguerite Devriese reprennent le commerce d’articles de ménage de C. Vanparys-Deldique, au 4 rue Pierre Motte, au milieu des années 1920. Ils s’installent un peu plus loin, au 37 de la même rue, dans un local beaucoup plus vaste, et créent « Le Bazar des Halles ». La rue Pierre Motte est une artère commerçante ; les halles de Roubaix sont à deux pas ; le nouvel hôtel des postes est en construction, et ils habitent sur place.

( Document Archives Départementales )
( Document coll. priv. )

Ils décident de vendre un peu de tout, sans vraiment se spécialiser dans une activité précise ; c’est « le bazar », comme on appelle à l’époque ce genre de magasin. On y trouve donc de tout : Faïences, Verrerie, Articles de ménage, Objets d’art, Objets fantaisie, Jouets, Lustres, Meubles, Voitures d’enfants, Laveuse-batteuse, Postes de radio. Dans les années 30, les affaires sont florissantes. La clientèle apprécie de trouver beaucoup de choses, à un prix défiant toute concurrence, sous un même toit.

( Documents coll. priv. )

Alfred est toujours à l’affût d’événements qui peuvent améliorer ses affaires. Dans les années 1940, l’activité musicale roubaisienne se concentre au cœur de la ville, autour des halles, et la rue Pierre Motte se transforme en « rue du jazz ». Les principaux commerces créent leur formation de jazz et de swing. Dans cette rue, nous trouvons l’orchestre de Jean Poulin au 55, le Celtic au 11 (voir précédent reportage), et la Rotonde à l’angle du Boulevard Gambetta. Alfred Devriese constate le succès de ses confrères, et décide de former un orchestre, en débauchant des musiciens (dont Richard Herne) de ses concurrents. Une fois l’époque des zazous et du swing terminée, chacun reprend ses occupations et Alfred retourne à ses casseroles.

( Document Charles Verstraete )

Les années 50 connaissent un bouleversement du commerce de l’électro ménager, et Alfred a bien l’intention d’en profiter. Il distribue les téléviseurs Télérêve, les réfrigérateurs Frigéavia et les machines à laver Flandria fabriquées à Wattrelos. Il remplace son enseigne « le bazar des halles » par son nom propre : les Ets Devriese.

( Documents coll. priv. )

Pour faire face au développement de son magasin, il en fait transformer la façade et installe un auvent, en 1956, pour un montant total de 3.000.000 Frs. En 1966, il se spécialise en installateur agréé GDF et crée un rayon de chauffage central au gaz.

( Documents coll. priv. )

En 1967, arrive la télévision couleur. Alfred compte bien profiter de cette occasion exceptionnelle, pour vendre ses téléviseurs Téléavia.

( Documents coll. priv. )

Alfred Devriese prend sa retraite et cède son commerce, en 1977, à Christiane Vanaldewelt qui va changer complètement l’activité. Le bazar des halles change d’enseigne et devient « Au Grand Marché ». C’est un commerce de fruits, légumes et fleurs ; viennent ensuite un rayon poissonnerie, boulangerie et crémerie.

( Documents coll. priv. )
( Document Archives Municipales )

En 1998, une nouvelle enseigne « Nouveau Siècle » voit le jour. C’est un commerce de bijoux, maroquinerie, cadeaux, bibelots et articles de décoration géré par Nicolas et Hélène Chu.

( Photo BT )

Aujourd’hui, et depuis 2013, nous trouvons un magasin de vêtements et sacs à main, à prix discount, à l’enseigne « Roubaix modes ».

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Remerciements aux Archives Municipales.

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Le marché des Halles s’en va au Pile

Après la démolition des Halles en 1956, on parlait du déplacement du marché de demi-gros depuis 1961. La rue de la Halle avait en effet conservé cette activité de « ventre de Roubaix » puisqu’elle était constituée des cellules commerciales des grossistes en fruits et légumes, beurre, œufs et fromages. Son activité se déroulait régulièrement de trois heures à huit heures du matin, avec une dizaine de grossistes sur place et la présence de grossistes forains, de deux à quarante selon les saisons.

Les Halles du côté de la rue de la Halle qui conserva un temps une partie des activités CP Méd Rx
Les Halles du côté de la rue de la Halle qui conserva un temps une partie des activités CP Méd Rx

Mais la restructuration du centre-ville, et notamment la construction du nouvel hôtel des postes, fait que les conditions de fonctionnement de ce marché sont de plus en plus difficiles, faute de surface de stationnement.  On se met en recherche d’un autre emplacement et c’est dans le quartier du Pile, rue de Valenciennes, que seront reconcentrées les activités qui s’étendaient sur les 130 mètres de la rue de la Halle. Meilleurs espaces, possibilité de conservation des denrées périssables sont les plus de ce nouveau projet de marché.

Les travaux rue de Valenciennes Photo NE
Les travaux rue de Valenciennes Photo NE

Les travaux commencent le 15 avril 1982 et devraient s’achever début octobre. Reste alors à penser la signalétique de ce nouveau Marché d’Intérêt Local consacré aux fruits et légumes. Début septembre, on se prépare au déménagement pour les nouveaux entrepôts du Pile. Les grossistes sont en plein creux du mois d’août, et ils signalent que le commerce baisse à cause du dépeuplement de Roubaix. Les nouveaux locaux seront plus spacieux et les commerçants seront plus à l’aise pour travailler. Mais ils voient aussi les inconvénients, comme les charges qui seront plus importantes que dans la rue de la Halle. Six grossistes sur les huit à demeure vont déménager car les conditions de fonctionnement seront meilleures : pas d’heure limite pour la vente, pas de couloir de bus, donc un meilleurs accès pour les automobilistes. Dernier bémol, l’isolement du Pile par rapport au centre-ville.

L'inauguration du Marché d'Intérêt Local Photo NE
L’inauguration du Marché d’Intérêt Local Photo NE

Le 5 octobre 1982, c’est fait, le marché des fruits et légumes est installé au Pile, près de la gare du même nom. Les commerçants évoquent les qualités de ce nouvel emplacement : ils travaillent à l’abri, avec un éclairage suffisant. Le MIL (marché d’intérêt local) a redémarré ses activités au Pile, avec de bons résultats. L’inauguration officielle aura lieu le même mois : Pierre Prouvost, maire de Roubaix, se félicite de la mise en œuvre de ce nouveau marché, qui va redonner vie et animation au secteur du Pile, et qui va permettre la rénovation de l’îlot délimité par la rue de la Halle, le boulevard Leclerc et la rue Pierre Motte.

Le Marché du Pile en activité Photo NE
Le Marché du Pile en activité Photo NE

 

Sources : Archives Municipales de Roubaix, Presse Locale

 

 

 

Le ventre de Roubaix

 L’implantation d’un marché couvert est envisagée dès 1852 à Roubaix. L’abattoir[1] eut la priorité, qui sera construit en 1860. Le Minck, sorte de halle au poisson, où l’on vendait à la criée, est édifié en 1863, sur la place du Trichon.

C’est l’époque de la construction des grandes halles métalliques en France. A Paris, les Halles Centrales sont dessinées par Baltard et construites par Pierre Joly à partir de 1854.  Ses successeurs, César Jolly, Delafoy et Théophile Joly terminent les halles Baltard en 1866[2]. Ils construiront ensuite les Halles centrales de Lille, rue Solferino en 1878, ainsi que le Palais du Trocadéro. Entre-temps, la ville de Tourcoing a fait construire les siennes en 1877.

Le marché de la Grand-Place autrefois Collection Médiathèque de Roubaix

Les deux grands marchés de Roubaix se situent à l’époque sur la Grand Place et sur la Place de la Liberté, également appelée Place du marché aux charbons, du nom de son ancienne fonction, quand le canal arrivait jusque là. Une enquête du 29 mars 1879 menée par le préposé en chef, directeur de l’octroi roubaisien, rapporte que le marché de la Grand Place accueille une cinquantaine de marchands de légumes et de fleurs, une douzaine de marchands de fruits, une dizaine de volaillers, plus d’une trentaine pour le beurre, les œufs et le fromage. Quant au marché de la Place de la Liberté qui se tient le mardi, il s’y trouve ordinairement vingt trois bouchers, six charcutiers, trois tripiers, deux bouchers chevalins.

Pour l’emplacement des futures halles centrales, le choix se porte sur un terrain bordé par les rues Pierre Motte, Saint Martin et de la Sagesse. La proximité de la Grand Place, à moins de dix mètres, est un argument déterminant pour le choix définitif de l’emplacement. Il faut néanmoins prévoir quelques travaux : une quatrième rue devra compléter le rectangle formé par les rues Pierre Motte, Saint Martin qui deviendra la rue de la Halle, la rue de la Sagesse, ce sera la rue Jeanne d’Arc. Le coût total des travaux, démolitions, nivellement et construction, s’élève à 785.000 francs.

Les Halles centrales avant 1928 Collection Médiathèque de Roubaix

 Le 15 octobre 1879, le conseil municipal décide officiellement la création d’un marché couvert composé de deux pavillons carrés séparés par une rue couverte. Il est fait appel aux constructeurs qui doivent déposer leurs projets dans les deux mois. Le 7 février 1880, les différents projets sont tenus à la disposition des conseillers pour consultation pendant huit jours. Parmi les propositions, se trouve celle de la maison Jolly, Delafoy et Théophile Joly d’Argenteuil, qui respecte les contraintes de prix et envisage même d’effectuer les travaux de maçonnerie qui n’étaient pas inclus dans le projet de superstructure.       

On en sait plus sur la Halle : elle fera près de quatre-vingt mètres de long sur trente de large, sur une surface de près de 2.500 m². Sa façade longitudinale comprend treize travées de six mètres, et la travée du milieu permet un passage pour voitures qui s’élargit à l’intérieur, formant une rue couverte. Les espaces entre les travées sont de deux mètres, afin de faciliter la circulation de la clientèle. La façade transversale comporte cinq travées de six mètres.

Les boutiques se présentent sous la forme de 36 groupes à quatre emplacements, dont la surface est de 4 m² et qui occupent la surface principale de la halle. Il y a également une trentaine de groupes à deux emplacements situés le long des murs de la halle. L’aménagement intérieur comprend des bureaux et des cabinets d’aisance. Le marché couvert est ouvert au public le 22 janvier 1882, alors que tous les étaux ne sont pas encore occupés, mais la halle centrale est cependant noire de monde. La réception des travaux de voirie, dernière étape du grand chantier de la halle centrale intervient en août 1882. Dès lors, on peut accéder par la porte monumentale sous l’horloge à un premier ensemble de soixante douze petites boutiques occupées par des marchands de fruits et légumes. Les boutiques jumelles et latérales sont tenues par des bouchers. Au milieu de la halle centrale, on traverse l’allée couverte, après avoir dépassé la tribune de la criée, on atteint le domaine des bouchers, de la triperie et des volaillers, qui occupent la droite de l’emplacement, les crémiers et les épiciers se tenant sur la gauche. Telle était la disposition des marchands en 1882.

Images de la démolition des Halles centrales en août 1956 Photo Nord Éclair

 La halle centrale sera démolie en 1956, son emplacement restera quelque temps un parking puis on y construira en 1967 la cité de transit du lido, destinée à accueillir les commerçants de la rue de Lannoy. Aujourd’hui, l’endroit n’est plus un lieu d’activités commerciales, puisqu’il est occupé par la poste et la médiathèque de Roubaix.

 


[1] Aujourd’hui disparu, il se trouvait à l’emplacement du collège en face de la place Jean Baptiste Clément, ex place de l’abattoir.
[2] D’après l’article du site de la ville d’Argenteuil.