Briqueterie de Hem

Dans le quartier du Rivage à Hem, au 17ème siècle un chemin menant au hameau du Petit Voisinage bifurque ensuite vers Sailly et Willems. En 1931, ce chemin est devenu la rue du Calvaire et doit son nom à une petite chapelle calvaire située à son extrémité, avant la ville de Sailly-lez-Lannoy.

De son vrai nom « Briqueterie de l’Entreprise de Roubaix et ses environs », la briqueterie « dite d’Hem », Comptoir Régional de la Terre Cuite, s’implante au 187 rue du Calvaire au lieu dit «  Au-Dessus du Petit-Voisinage » en 1930, suite à une demande de construction faite en 1929 par Mrs Degallay et Delfosse. On la voit clairement sur une photo aérienne de 1933.

Photo panoramique de 1933 (Document IGN)

L’entreprise utilise une terre ocre, particulière à la région : le limousin argileux des Flandres. Elle est constituée d’un atelier de fabrication, d’une aire de séchage, d’un logement d’ouvriers, d’un bureau d’entreprise, d’une cour, d’une voie ferrée, d’une cheminée d’usine en briques portant son année de construction, 1930, et d’une pièce de stockage du combustible.

Elle n’apparait cependant en tant que Briqueterie de l’Entreprise de Roubaix et ses environs dans l’annuaire qu’après la seconde guerre mondiale. On constate mieux l’importance de l’entreprise en terme de surface dans la rue du Calvaire sur une photo aérienne de 1962.

Photo panoramique de 1962 (Document IGN)

L’entreprise est construite en briques avec une charpente pour partie en bois couvert en ciment amiante en ce qui concerne les séchoirs et pour partie métallique en ce qui concerne l’atelier de fabrication recouvert d’un toit à longs pans couvert en ciment amiante. Le logement d’ouvriers comporte quant à lui un étage carré avec sous-sol couvert d’un toit à longs pans brisés, recouvert de tuiles flamandes.

La briqueterie vue de la zone des 4 Vents et les logements des ouvriers (Documents Historihem)

L’usine fabrique des briquettes de parement, produits creux, et des briques pleines ordinaires et rustiques dont la cuisson se fait au charbon dans un four Hoffmann. Sa production journalière d’avril à septembre se monte de 30 000 à 35 000 briques. La briqueterie emploie de 27 à 37 saisonniers, à l’origine belges puis italiens.

Antonio, l’un des saisonniers italiens employés par la briqueterie, à droite sur la photo (Documents Historihem)

Dans  les années 1920-1930 l’extraction ne se fait plus de façon manuelle mais à l’aide de pelleteuses. La terre est ensuite acheminée à l’usine par wagonnets sur rails ou par camions. Ce travail a lieu toute l’année pour alimenter l’usine en continu.

Elle est ensuite convoyée par un tapis roulant jusqu’aux broyeurs à meules verticales qui la broient et la malaxent avec de l’eau puis elle est transformée en pâte. Celle-ci est ensuite moulée puis propulsée en continu au travers d’une filière qui lui donne la forme désirée. Ce ruban d’argile est tronçonné à la longueur voulue par le fil d’acier d’un découpeur.

Le séchage s’effectue le plus souvent dans un séchoir tunnel, dans lequel les produits, empilés sur des wagonnets, sont balayés par un courant d’air chaud, de l’ordre de 120° C., récupéré du four. Le four Hoffmann, inventé en 1858, est un four à cuisson continue et à foyer mobile (le feu se déplace dans des chambres de cuisson), chauffé au charbon, de plan circulaire à l’origine.

L’intérieur d’un four à briques et les rails des wagonnets (Documents Historihem)

Lors de la seconde guerre mondiale, une ligne défensive, la ligne Maginot, consistant en fortifications commencées en 1927 et achevée en 1936, est sensée arrêter les troupes allemandes. A Hem, les troupes britanniques font des travaux de défense militaire sur les terrains de culture exploités par le fermier Callewaert autour de sa ferme sise 234 rue de la Vallée.

Ses terres sont alors entièrement sillonnées de tranchées et boyaux de 5 mètres de profondeur. La terre de ces ouvrages est rejetée sur les bords et des parapets en sacs de terre sont établis. La prairie garnie de réseaux de barbelés est inaccessible aux bestiaux.

Ces ouvrages et la résistance acharnée des troupes britanniques ne suffisent pourtant pas à arrêter l’ennemi et l’occupation de Hem commence. Une quinzaine de militaires allemands ont cependant trouvé la mort derrière la briqueterie et leurs corps sont transférés au cimetière d’Haubourdin.

Photo prise du château d’eau situé rue de la vallée vers les tranchées et le blockhauss (Document Historihem)

Après-guerre, bien que dans le Nord la brique soit le matériau de construction privilégié, l’urgence de la reconstruction oblige les entreprises à utiliser des parpaings et ce n’est que nombre d’années plus tard que, par souci d’esthétisme et de solidité, les bâtisseurs reviennent à la brique. Pourtant la Briqueterie d’Hem tient bon.

Remerciements à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leur ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui.

A suivre…

Contribution pour le Cul de Four

Il existait autrefois, avant la première guerre mondiale, une usine à gaz dans la rue de Tourcoing. Elle avait été construite au n°58 de la rue par la société roubaisienne d’éclairage par le gaz et l’électricité. Une grande halle abritait 38 fours, il y avait une salle des machines, une chaufferie. Cette usine fournissait en gaz la ville et les industries roubaisiennes. Dans la nuit du 16 au 17 octobre 1918, les soldats allemands truffèrent les installations d’explosifs. Puis ils firent sauter l’usine, le 17 octobre à 10 h 30. Après avoir pillé la ville, ils la laissaient sans énergie.

usine après bombardement

Dès le 2 décembre 1918, quatre fours étaient reconstruits, ce qui permit d’éclairer la ville de manière restreinte. Car c’était encore l’époque des allumeurs de réverbères, bien qu’une première tentative d’éclairage électrique ait été faite pour la rue de la gare, à l’occasion de l’exposition internationale de 1911. Le 1er avril 1919, l’usine satisfaisait aux besoins immédiats des particuliers et de l’industrie.  En 1920, la société entreprend la construction d’une batterie mécanique moderne afin de remplacer les anciens fours.  A la fin de l’année, la modernisation est achevée. Monsieur Ricard, le directeur de l’établissement, fait visiter les nouvelles installations à la presse en février 1921, assisté de ses collaborateurs, MM. Tourrière, ingénieur, et Leclercq, chef de fabrication. La nouvelle batterie est composée de huit fours, dont le chargement est plus rapide qu’autrefois, grâce à l’appareillage mécanique. Progrès important, car il fallait plus de trois heures pour cette opération avant la guerre, et seulement 40 minutes en 1921. Le coût de l’installation se monte à plus de deux millions des francs de l’époque. La société d’éclairage souhaite construire une autre batterie dès que les matériaux de construction subiront une baisse sensible. Parallèlement le réseau d’électricité, composé de trente deux postes entièrement détruits par les allemands, fut reconstitué et progressivement augmenté, avec l’aide de l’Energie Electrique du Nord de la France, autre société implantée à Wasquehal.

L’usine reconstruite en 1921 Le Monde illustré

Voilà donc une contribution historique à l’appellation du quartier « Cul de four », qui se situait donc à proximité des fours de l’usine de la société roubaisienne d’éclairage de la rue de Tourcoing. Mais la discussion reste ouverte, car le mot four a d’autres acceptions, du boulanger aux ouvriers des briqueteries. Décider péremptoirement de l’origine de l’appellation du quartier serait prendre le risque de faire un four…

D’après le Monde Illustré (article et photos) et le Journal de Roubaix de février 1921