Le blockhaus de la rue de Cartigny

Un blockhaus se trouve à hauteur du N° 130 de la rue de Cartigny à Roubaix , entre le cimetière et la rue d’Alger, curieusement posé, comme en équilibre sur le mur.

le blockhaus rue de Cartigny ( document BNR Daniel Labbé 1982 )

Il a été construit par les allemands au début de la seconde guerre mondiale. Les sentinelles étaient chargées de surveiller la rue, les soldats étaient équipés de mitrailleuses. Nul doute que cette casemate protégeait un lieu sensible derrière le mur, certainement un dépôt de munitions, ou le garage de véhicules militaires ou bien un atelier de réparation du matériel de défense anti-aérienne de la Luftwaffe. C’est l’une des rares constructions de la guerre 39-45 à Roubaix.

document archives municipales

En 2001, l’état du mur qui supporte le blockhaus n’est pas brillant, il y a des risques pour les piétons, et la mairie envisage de le détruire purement et simplement.

Une association est créée dont le but est de sauvegarder le blockhaus, vestige de la guerre et qui, de plus, fait partie du paysage du cimetière.

document Nord Eclair 2001

Au mois de Juin 2001, Thierry Delattre, conservateur du patrimoine de la ville, Jean-Louis Denis, membre de l’association Espace du Souvenir, Evelyne Delannay, conservateur du cimetière, Pierre Leman, membre de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) se réunissent sur place avec le propriétaire des lieux José Baptista.

document Nord Eclair 2001

L’accès au blockhaus se fait par un bâtiment industriel désaffecté. Une échelle de fer rustique et vacillante mène à la plate-forme de l’ouvrage. La construction est faite de plaques de béton. Des meurtrières offrent une vision rare des deux côtés de la rue et du cimetière.

document Nord Eclair 2001

Il faut absolument que le site soit classé au titre du patrimoine. On envisage même de le faire visiter par les roubaisiens, pour les prochaines journées du patrimoine du mois de Septembre. Certes, quelques travaux sont nécessaires : remplacer l’échelle, nettoyer l’accès, poser une porte et surtout consolider le mur du soutien…

Malheureusement deux années plus tard, la mairie décide de raser le blockhaus ! La demande de permis de démolir signée par J.F. Boudailliez le 30 Août 2003, est acceptée en Septembre pour risque de « péril ». On imagine donc que les commissions de sécurité ont estimé que le mur de soutien sur lequel est posée la casemate est trop fragile, et qu’il y a donc un risque grave d’effondrement sur le trottoir et la chaussée. Le blockhaus est démoli en fin d’année 2003.

la flèche rouge indique l’endroit où se trouvait le blockhaus ( Photo BT )

Remerciements aux archives municipales

Le carrossier Robert Barbe

Robert Barbe : trois générations successives d’artisans à Roubaix. Robert-Arthur Barbe est né, en 1883, à Menin. Il est charron ; il fabrique et répare des chariots, des charrettes, des voitures hippomobiles, et en particulier, le cerclage ( bandage en métal ) des roues en bois, pour éviter leur usure prématurée. Il est également forgeron. Il crée son atelier artisanal en 1911.

85 rue de Cartigny 1928 ( Doc Archives Municipales )

En 1928, il a son atelier au 154 rue de Constantine. Il demande un permis de construire pour édifier un bâtiment au 85 rue de Cartigny, à l’angle de la rue de Biskra. Il habite au 126 rue du Caire avec son épouse Julie Deboevere. Ils ont un fils Robert-Nestor, né en 1911.

( Document L. Barbe )

L’arrivée des véhicules automobiles modifie complètement son activité. Des roues en bois, il passe aux premières roues équipées de pneumatiques et se spécialise dans la carrosserie des voitures et surtout des camions. Dans les années 1930, Robert-Nestor devient adulte et développe la petite entreprise. Le principe est assez simple : les clients achètent la base du camion, c’est à dire le tracteur et le châssis. Le carrossier équipe la partie chargement, en fonction du choix du client. La transformation dépend bien sûr des métiers de chacun (transport, déménagement, livraison… ).

Les camions GBM au quai d’Anvers ( Document L. Barbe )

Robert est créatif. Il invente et propose le « plateau plat » à ouverture latérale. C’est un camion idéal pour les brasseurs car, à l époque, les brasseries livrent la bière en caisse, directement aux particuliers. L’ouverture latérale permet aux livreurs d’accéder directement au chargement en évitant ainsi des manipulations inutiles et fatigantes. Ce camion connaît un énorme succès. Les brasseries ( la GBM : Grande Brasserie Moderne, les Débitants Réunis, les Enfants de Gayant ) passent des commandes importantes. Robert-Nestor Barbe se marie, en 1937, avec Prudence Lowie, qui va s’occuper de la gestion administrative de l’entreprise. Leur fils Robert-Patrick naît à Roubaix en 1942.

85 et 91 rue de Cartigny ( Photo Google Maps et document Archives Municipales )

En 1946, Robert et son épouse habitent 65 rue Mazagran, et ce jusqu’en 1953, date à laquelle ils font l’acquisition d’une maison d’habitation au 91 rue de Cartigny, à côté de l’atelier. Robert achète également un local juste en face, de l’autre côté de la rue de Biskra.

( Doc Archives Municipales )
Robert-Patrick 8 ans, en 1950, devant le camion Poutrain chargé de ballots de lin (Document L. Barbe )

Au début des années 60, Robert-Patrick, après ses études aux Arts et Métiers à Lille, travaille à l’atelier et aide son père à développer l’entreprise. Les locaux deviennent, encore une fois, trop petits. En 1968, il fait l’acquisition d’un immense local, au 167 rue Daubenton, précédemment occupé par les Ets Pauchant : une scierie et fabrique de caisses d’emballages.

167 rue Daubenton ( Photo Google Maps )

C’est un bâtiment immense. De nombreuses machines sont installées, y compris d’énormes cabines de peinture, pour peindre les carrosseries. Pour les décorations publicitaires des camions, Robert confie les travaux aux Ets Dedryver, au 16 bis rue de l’Espierre, à Tourcoing. Vingt cinq personnes travaillent désormais dans l’entreprise : tôliers, menuisiers pour les planchers en bois, spécialistes en capitonnage, ouvriers pour les réparations, un gestionnaire de stock pour le magasin et une secrétaire au bureau.

Camion Mercedes ( Document L. Barbe et Nord Eclair )

Les commandes de grosses entreprises affluent. Parmi elles, citons :

– des entreprises de transport : Dubois, Brocvielle, Mussche

– des entreprises de VPC : La Redoute, Les 3 Suisses, Daxon, Damart

– des entreprises de déménagement : Voreux Lauwers, …

– des entreprises diverses : Verquin, Union biscuits, La Voix du Nord, et bien d’autres.

Robert est un bon commerçant ; il se lie d’amitié avec de nombreux clients, en particulier les responsables de transport des grosses sociétés. Il édite même des publicités communes comme celle ci-dessous.

Carrosserie du camion des transports Dumont ( Document Nord Eclair ) et Robert Barbe père et fils ( Document L. Barbe )

Au décès de son père, en 1987, Robert-Patrick prend la direction de l’entreprise. Dans les années 90, la profession change et évolue ; les fabricants comme Cargovan ou Durisotti proposent désormais d’installer des « kits mécano » : kits de carrosserie pour véhicules industriels, à poser en un temps record, afin de réduire les coûts, ce qui entraîne des réductions de personnel. En 2000, Robert a des problèmes de santé. Il cède son affaire à deux associés : Jean Bekaert et Philippe Woestelandt qui continuent l’activité et développent les aménagements intérieurs de véhicules utilitaires, avant de disparaître au milieu des années 2010.

Photo BT

Aujourd’hui, le bâtiment du 167 rue Daubenton a été transformé en plusieurs parties. On y trouve désormais un atelier de réparation de véhicules d’occasion; l’habitation a été divisée en plusieurs appartements et, derrière, il y a un projet de réhabilitation des énormes entrepôts, en vue de leur transformation en de nombreuses parcelles avec entrée au 24 rue Olivier de Serres.

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Remerciements aux Archives Municipales, et à Laurence Choteau Barbe pour son témoignage et sa documentation.

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Les huileries de Roubaix et d’Odessa

Juste avant la première guerre mondiale apparaît dans le Ravet-Anceau, au 121 de la rue d’Alger, l’entreprise des huileries de Roubaix, dont le directeur est M. Desprez. Elle forme un vaste ensemble limité par la rue d’Alger, la rue de Cartigny, et le mur du cimetière.

Document coll. particulière
Document coll. particulière

Cette société fonde en Russie une huilerie et savonnerie à Odessa, à la direction de laquelle elle place M. Thieux en 1914. L’entreprise roubaisienne est dirigée en 1918 à 1921 par M. Grelaud. Ses affaires semblent prospérer, puisque, avec la participation de la banque Worms, elle est à l’origine de la fondation de la Société d’études industrielles et commerciales, dont le but est l’exploitation d’entreprises agricoles, industrielles et commerciales en France, dans les colonies, et à l’étranger. Pourtant, la société éprouve des difficultés financières au début des années 20, et elle doit se résoudre à dissoudre cette filiale. Elle prend en 1927 la dénomination de Société des huileries de Roubaix et d’Odessa, avec pour directeur M. Ego.

 

Document archives municipales
Document archives municipales

En 1939 la raison sociale de l’entreprise change et devient les Huileries Darier de Rouffio, huiles comestibles. En 1953, nouveau changement : on trouve maintenant au 121 la société Chimie dans l’agriculture (Y. Dubois) et la société Lestarquit. S’y ajoutent en 1965 France pigments et les transports Wenderbecq et fils, transporteur. En 1973, on ne trouve plus que Y. Dubois, fabricant cette fois ci des aliments, et les transports Wenderbecq. S’y adjoignent en 1979 les SARL Omnico et Taquin, puis en 1981 Hyperemball, une société d’emballage.

 

L'usine en 1965 – Document IGN
L’usine en 1965 – Document IGN

La société des huileries de Roubaix et d’Odessa se préoccupe très tôt de son approvisionnement en matières premières et de l’expédition de sa production : on trouve trace d’un projet de raccordement ferroviaire avec le quai de Marseille, daté de 1920, et non abouti. La voie aurait traversé des terrains appartenant à la société pour accéder au quai. Finalement, la direction opte pour un raccordement à la voie menant à la gare du Pile. La voie traverse par une courbe serrée la rue d’Alger, pour rejoindre la voie de la compagnie des chemins de fer du Nord en traversant les emprises de la société Amédée Prouvost. Ce raccordement est déjà visible sur les photos aériennes de 1932.

 

Le raccordement prévu avec le canal - Document Archives municipales 1920
Le raccordement prévu avec le canal – Document Archives municipales 1920

Par ailleurs, on pouvait remarquer jusqu’à une époque récente un ouvrage militaire fortifié en béton dépassant le mur d’enceinte de l’usine à côté de son issue s’ouvrant rue de Cartigny et empiétant sur cette même rue. Il apparaît que cette casemate, qui n’apparaît pas sur les photos anciennes, a été construite lors de la dernière guerre, sans doute à l’instigation de l’occupant allemand.

 

La casemate de la rue de Cartigny – document IGN
La casemate de la rue de Cartigny – document IGN

 

Le quartier ECHO

Le quartier ECHO est un regroupement contemporain de lieux dits et de rues. La lettre E pour entrepont, correspond aux habitations et aux rues se trouvant entre les deux ponts, celui du canal et celui du Laboureur à l’orée de Wattrelos. La lettre C reprend l’initiale de la rue de Cartigny.  La lettre H est l’initiale d’un très ancien lieudit le Hutin. La lettre O est l’initiale d’une rue importante, la rue d’Oran. Le regroupement opéré donne un quartier situé au nord est et à l’est de la ville, délimité par le parcours du canal à l’ouest, le cours de l’Espierre au nord, la voie de chemin de fer à l’est et à nouveau le canal au sud.

Extrait Plan début du XXème siècle Médiathèque de Roubaix

En partant du nord, le Hutin était le nom d’une cense et d’un hameau au début du XIXème siècle. C’était la pleine campagne; et le Hutin divisé en « Bas-Hutin » et « Haut-Hutin » par le sentier du Mont à Leux, englobait tout le secteur situé entre la Grande Vigne et le territoire de Wattrelos.

La ferme Brasserie Salembier Photo PhW

Plus au sud,  la rue d’Oran traverse le lieudit la Grande Vigne. Ouverte en 1887, elle part de la ferme brasserie Salembier, et se dirige en ligne droite vers le passage à niveau du chemin de fer. En 1894 démarre la construction de l’école publique, futur groupe scolaire Paul Bert Edgar Quinet. De 1910 à 1939, la rue sera presque entièrement urbanisée. L’industrie y était fortement présente avec La Lainière de Roubaix  créée en 1911. C’est là que naîtront les laines du  Pingouin, les chaussettes Stemm, les tricots Korrigan, les créations  Intexa, et Rodier. La Lainière a cessé ses activités à la fin de l’année 1999.

Collection particulière

Plus bas encore se trouvait le chemin de Cartigny qui menait au hameau du Crétinier à Wattrelos. La rue de Cartigny se développe à partir de 1895. On y relève la présence du cimetière communal de Roubaix qui fut établi de 1848 à 1920. Rue de fleuristes et de marbriers, elle a connu très tôt un fort trafic surtout avec la desserte du Peignage Amédée Prouvost et de la Lainière.  Les matches du stade Amédée Prouvost amenaient beaucoup de monde.  Les nouvelles rues de la fin du dix neuvième siècle portent les noms de villes d’Algérie: Constantine, Oran, Philippeville, Biskra, Blida, Mascara, Mazagran, Bône. C’est dans la rue d’Alger que se trouvaient en 1895  la filature de coton Etienne Motte et Cie au n°30, la Société Anonyme des Peignages de Roubaix au n°176, le tissage Henri Bonnet au n°232, et le tissage Dubar Delespaul au n°292.

La rue d’Avelghem autrefois CP Médiathèque de Roubaix

La Grand Rue traverse l’actuel quartier de l’Entrepont, lieu d’habitation et d’industrie. Ainsi la société de filature et de retorderie Etienne Motte constituée en 1887 s’étendait sur cinq hectares. De même la rue d’Avelghem sépare les habitations des industries dont le nombre s’est fortement restreint à la fin du siècle dernier. Sur les terrains situés entre cette rue et le canal, Alfred Motte (frère de Louis Motte-Bossut) avait fait construire dès 1878 un peignage important s’étendant sur 14 hectares.