Le salon de coiffure Carmen

Carmen Stoltz naît à Roubaix, en 1913, au 50 rue du Marquisat. Après son certificat d’études, elle devient apprentie de 1932 à 1934, chez Mme Lenglez qui tient un salon de coiffure au 86 de la rue de Mouvaux.

Carmen Stoltz ( document P. Van Hove )

Carmen est particulièrement douée pour la coiffure, et souhaite absolument s’installer à son compte. Faute de moyens financiers suffisants, elle décide avec l’autorisation de ses parents, de s’installer au domicile familial, pour commencer son activité, en 1934. Elle se marie, en 1935, avec Maurice Van Hove, messager, qui dirige, avec son frère René, l’entreprise de transports-messagerie Van Hove de la rue de Rome.

Carmen et Maurice ( document P. Van Hove )

Carmen et Maurice trouvent une maison en location au 26 rue de Turenne, en 1935. Ils décident d’installer le salon de coiffure dans la pièce du devant de leur habitation, avec l’accord de leur propriétaire, Mme Balde. Ils récupèrent leur enseigne qui était auparavant sur la façade de la maison des parents.

Carmen Van Hove ( document P. Van Hove )

Dans cette pièce, se trouvent une coiffeuse des années 1930, un fauteuil de coiffeur confortable, deux chaises, un appareil électrique chauffant pour permanentes. Le coffre cache-compteurs sert à présenter les produits de parfumerie proposés à la clientèle. Le salon est séparé de l’habitation par une simple tenture.

Plan du salon

Carmen Van Hove n’utilise pas de publicités pour se faire connaître, car elle ne possède pas le budget nécessaire. Seule, la plaque émaillée, posée à l’extérieur, annonce son salon de coiffure. Quelques cartes parfumées, que l’on appelait à l’époque : cartes « sent bon » sont offertes aux clientes,

( documents P. Van Hove )
cartes parfumées ( documents P. Van Hove )

Carmen investit dans du matériel de coiffure, et en particulier un « appareil à indéfrisable » chez son fournisseur Oscar Matton au 86 rue du Fontenoy ainsi qu’un nouveau sèche cheveux, pour éviter les parasites nuisibles sur la radio de ses voisins.

la coiffeuse et le fauteuil ( documents collection privée )
le bac à shampoing, le broc-arrosoir et l’appareil à indéfrisable ( documents collection privée )

Un des neveux de Carmen se souvient parfaitement des techniques de coiffure de l’époque, car il aidait sa tante, le jeudi :

« Je me souviens que j’étais chargé d’installer le bac à shampoing mobile en inox, derrière la cliente. J’allais remplir d’eau une bouilloire, que je faisais chauffer sur la cuisinière, et quand l’eau était suffisamment chaude, je la transvasais dans un broc-arrosoir, de façon à ce que tante Carmen puisse shampouiner la cliente ( celle-ci était tenue d’amener sa propre serviette de toilette ). L’eau tombait dans un seau que j’allais vider dans le bac des pompes. La permanente terminée, après le passage de la cliente sous le casque, j’étais chargé du nettoyage des bigoudis en séparant le papier, le bigoudi, et l’élastique. »

instruments utilisés par Carmen ( document P. Van Hove )

Après la seconde guerre mondiale, l’état s’organise, et en 1949, Carmen reçoit sa carte officielle de coiffeur pour dames.

( document P. Van Hove )

Dans les années 1960, Carmen investit dans du mobilier et matériel modernes, fauteuil et chaises en inox et skaï, coiffeuse en inox et marbre noir, casque-séchoir plus performant, mais ses techniques de coiffure restent inchangées.

le fauteuil et le casque séchoir ( documents collection privée )

La clientèle est essentiellement locale et familiale ; elle se raréfie car la nouvelle génération est attirée par des salons de coiffure aux techniques modernes et aux amplitudes horaires plus larges convenant davantage à la vie active des clientes.

Les méthodes artisanales de travail de Carmen sont à l’origine de la lente agonie de son salon. Elle n’avait d’ailleurs pas le téléphone pour recevoir les appels de la clientèle ! Elle ferme définitivement son salon à la fin des années 1970 et continue ensuite d’habiter sur place avec son mari.

Le 26 rue de Turenne ( Photo BT 2020 )

De Ruyck

Pierre De Ruyck naît à Roubaix en 1879. Il est passionné de musique ; il fait ses études au conservatoire de la rue de Soubise et obtient un 2° prix de saxhorn, en 1890, puis un 1er prix avec médaille, l’année suivante. Vers 1900, il est nommé directeur de la fanfare l’Espérance de Roubaix et, en 1904, il devient directeur de la fanfare cycliste du Nord Touriste.

Document P. Balenghien
Document Gallica

En 1898, Pierre De Ruyck ouvre un commerce au 128 de la Grande Rue, avec deux activités : un estaminet et un magasin d’instruments de musique. Vu le succès rapide des ventes de pianos, de phonographes et de disques 78 tours, il abandonne le débit de boissons pour se consacrer exclusivement à la musique.

Pierre De Ruyck en costume, au centre ( Document P. Balenghien )
Document collection privée

Pierre De Ruyck met au point la « Méthode Epinette ». L’épinette est un instrument de musique à cordes pincées.

Document P. Balenghien

Mireille De Ruyck naît à Roubaix rue d’Isly, en 1911 ; elle est la fille d’Édouard De Ruyck, le frère de Pierre, et de Marthe Masquelin. Edouard est tué au début de la première guerre mondiale, en 1914, dans les Ardennes. Marthe, la mère de Mireille, se remarie et habite désormais à Tourcoing.

Mireille De Ruyck ( document B. Balenghien )

Mireille fait l’apprentissage des instruments de musique, et en particulier le piano. Elle est aidée par son oncle, Pierre De Ruyck. Elle est particulièrement douée malgré ses légers problèmes auditifs : elle obtient le 1er prix de solfège en 1927  et le 1er prix de piano du conservatoire de Lille en 1928.

Document P. Balenghien

Dans les années 1920, Pierre a l’opportunité d’ouvrir un deuxième point de vente au 44-46 de la rue Saint Georges ( aujourd’hui : rue du Général Sarrail )

Document b.n.r

Le magasin de la Grande Rue se spécialise en phonographes Pathé Gramophone, et en pick-up. Le magasin de la rue Saint Georges, géré par H. Groiselle, devient le point de vente de pianos.

Pierre doit malheureusement fermer le magasin de la rue Saint Georges au milieu des années 1930, car l’entreprise Leclercq-Dupire, de la rue de l’Hospice, a prévu de raser les 3 ou 4 points de vente nécessaires pour agrandir l’entreprise.

Document collection privée
Document B. Balenghien

En 1933, Pierre De Ruyck est présent au salon de la T.S.F à Roubaix pour exposer les plus grandes marques de radio de l’époque : Philips, Sonora, Pathé etc

Publicité 1933 ( Document Gallica )

Mireille se marie avec Georges Balenghien, en Mars 1936. Pierre De Ruyck, leur propose alors de leur céder le magasin de la Grande Rue. Ils reprennent le point de vente et gardent le nom de l’enseigne De Ruyck qui bénéficie d’une extraordinaire notoriété.

Document b.n.r

Mireille et Georges développent alors fortement l’entreprise dans tous les domaines. Mireille s’occupe de la vente de disques de musique classique en magasin. Georges s’occupe de l’administratif et de la clientèle professionnelle. Il prospecte une clientèle diverse :

– les écoles élémentaires, pour la vente de flûtes à bec de marque « Aulos »

– les églises pour les orgues électroniques à pédalier, pour remplacer les orgues détruits pendant la guerre

– les écoles de musique pour leur proposer des petits accordéons-école en location ( le coût servait d’apport en cas d’achat )

Document collection privée

Mireille et Georges font partie du Hot Club de Jazz de Roubaix. Ils ont l’occasion de rencontrer des musiciens célèbres, comme le clarinettiste Sydney Bechet, le trompettiste Louis Armstrong, le pianiste Claude Bolling, le chef d’orchestre Claude Luter ou le saxophoniste Coleman Hawkins. La photo ci-dessous a été prise, à l’intérieur du magasin de la Grande rue.

Mireille à droite, Coleman Hawkins au centre et Georges derrière lui à sa droite. (document P. Balenghien)

Au début des années 1950, le disque microsillon arrive sur le marché, et remplace le 78 tours. C’est une véritable innovation. Mireille et Georges développent alors fortement leurs ventes de disques en 45 et 33 tours et proposent un choix très important.

En Juillet 1962, Mireille et Georges créent la société « Flandres Disques » grossiste en disques vinyl, ce qui leur permet de développer leurs ventes chez les détaillants et leurs propres confrères de toute la métropole. Leur fils, Bernard, est chargé du développement de cette activité. Georges propose alors, à de nombreux chanteurs et musiciens, de venir au magasin de la Grande Rue pour signer leurs disques. Le public se presse alors pour recueillir un vinyl dédicacé de leur vedette favorite. C’est le cas de Georges Brassens, Gilbert Bécaud, Annie Cordy, Henri Salvador, Albert Raisner, et bien d’autres.

Documents collection privée

Lors d’un concert à Bruxelles, en 1962, Ray Charles est venu à Roubaix avec Jacques Souplet, le bras droit d’Eddy Barclay, pour jouer un morceau de piano avec Mireille, dans le magasin, sous le regard ébahi des passants. Autre anecdote amusante ; un jour, à la fin des années 1960, Dick Rivers entre dans le magasin pour demander à Georges s’il peut lui prêter une sono, pour son concert le soir même, dans une salle de spectacle roubaisienne !

En 1966, Mireille et Georges décident de transformer complètement le point de vente. Ils font appel au cabinet d’agencement de magasins P. Sori à Lille. Pendant les travaux, la vente continue dans un local situé juste en face, au N° 137.

Le nouveau magasin est magnifique. L’immense vitrine permet une exposition idéale des instruments de musique. Sur un tapis rouge, des accordéons, guitares, harmonicas, trompettes, saxophones attendent des doigts agiles pour s’éveiller aux mélodies.

Document Nord Eclair 1967

Tout le rayon disques est exposé sur le mur de gauche. Un choix immense est proposé. Chacun sait que Mireille est musicienne et pianiste ; ses conseils pour le choix d’œuvres de musique classique sont particulièrement appréciés de la clientèle mélomane.

Document Nord Eclair 1967

Au milieu du magasin, trois postes d’écoute mono et stéréo sont installés afin que chaque client puisse écouter au casque et choisir les disques de variété. Au fond, un salon est équipé pour la présentation de chaînes hi-fi de grandes marques pour l’audition de musique stéréophonique.

Georges décède, en 1969, à l’âge de 59 ans. Mireille continue seule l’activité, avec l’aide de 2 de ses enfants. Dans les années 1970, la concurrence des grandes surfaces se fait de plus en plus dure, dans le domaine des disques 45 et 33 tours. En 1976, la société Flandres disques dépose le bilan.

En 1981, Mireille, à 70 ans, prend sa retraite. Le magasin ferme définitivement ses portes. Quelques temps après, le point de vente est cédé et devient une pâtisserie orientale.

Remerciements à Bernard et Patrick Balenghien ainsi qu’aux archives municipales

Août 1901

Le journal des sports Août 1901

La corrida du 18 août sera l’occasion d’admirer les Senoritas Toreras, lesquelles ont triomphé à Bordeaux récemment. Lolita a été applaudie comme matadora et caballera en plaza. Son habileté, sa grâce et son sang-froid lui ont valu des récompenses prestigieuses dans les plazas méridionales. Elle va affronter avec ses collègues des toros andalous venant de la ganaderia de Diaz. C’est un bétail petit mais bien encorné agile et vigoureux qui devra fournir une course superbe.

Senoritas toreras Coll Privée

Courses à pied. Une course Roubaix Lille et retour est organisée à l’occasion de la braderie de l’Epeule. Le parcours est long de 20 kilomètres. La course est ouverte à tous les nordistes. Le départ sera donné à neuf heures du matin. Les engagements sont reçus chez le secrétaire du concours, M. Clovis Carette, estaminet du Brondeloire rue de Wasquehal. Droit d’entrée, un franc.

L’Avenir Athlétique Roubaisien organise une fête interclubs pendant laquelle on procédera à des assauts de canne, on travaillera aux anneaux, on boxera, il y aura des tentatives de battre le record du nord de saut en hauteur, des combats de lutte, des poids et haltères. Les clubs participants seront principalement le Stade Roubaisien, et l’Avenir Athlétique Roubaisien.

Maurice Garin remporte la course Paris Brest ! 1.200 kms en moins de 53 heures !

Garin à l’arrivée Doc la vie au grand air

Au vélodrome roubaisien, match entre Baert, Lepoutre et Jaeck. La dernière course de 24 heures au vélodrome a vu la victoire de Baert, 19 ans, encore inconnu la veille, qui bat Lepoutre, après que les deux coureurs aient roulé ensemble pendant près de 23 heures. Le stayer lillois Lepoutre a lancé un défi à son vainqueur du jour sur la piste roubaisienne. Un troisième adversaire se joindra à eux, le champion suisse Jaeck, lequel avait gardé la tête de la course jusqu’à la 12e heure avant de chuter.

Vélodrome roubaisien doc BNRx

Fête vélocipédique de quartier. Les quartiers du Petit Roubaix et du Haut Hutin organisent une grande fête vélocipédique avec le concours du Vélo Club Algérien. Cortège, concours de machines ornées et fleuries. Départ de la course à trois heures et demie. A huit heures du soir retraite vénitienne et concours de machines illuminées. Prix à la société la plus représentée. Inscriptions au local chez M. Duquenne 65 rue Delespaul. Mise : 50 centimes.

Quartier du Pont Morel. Grande fête vélocipédique organisée par le Nord Cycliste société établie chez M. Alphonse Marescaux 143 rue de Tourcoing. À neuf heures du matin course de fond : Roubaix Armentières aller et retour soit 50 kms pour tous coureurs amateurs. À neuf heures et demie, course de pupilles au dessous de 16 ans autour du quartier. À une heure de l’après midi course de lenteur. À trois heures de l’après midi grand carrousel vélocipédique. À huit heures et demie du soir grand cortège avec machines illuminées. Des prix pour les mieux décorées. Prix pour les courses affichés la veille des courses au local ; De nombreux lots pour les participants. Les habitants du quartier sont priés de pavoiser leurs maisons.

Juillet 1901

Le journal des sports de Juillet 1901

Aviron : Les Régates Internationales de Roubaix organisées par le Cercle Nautique l’Aviron auront lieu sur le canal de Roubaix. Tous les roubaisiens voudront aller voir les luttes émouvantes que nous annoncent le nombre et surtout la qualité des équipes engagées. Les grands arbres qui bordent le canal donnent une ombre agréable et la douce brise qui se fait sentir sur les bords du canal du Blanc Seau, le bief supérieur, donne une fraîcheur très goûtée par ce temps de chaleur. Les membres actifs de la section nautique du Racing Club auront droit à l’entrée aux Régates sur la présentation de leur carte. Les élèves des écoles de Roubaix en uniforme auront droit à une réduction de 50 % sur le prix d’entrée. Continuer la lecture de « Juillet 1901 »

Roubaix : Une vannerie rue de l’Epeule

Micheline Hoys habite au 96 rue de Rome. Elle est vendeuse chez L. Huclier, pâtissier, situé au 87 rue de l’Epeule. Micheline est satisfaite de son travail, mais a un projet bien précis en tête : celui de s’installer à son compte.

L’occasion se présente au milieu des années 1950, lorsqu’elle s’aperçoit que le pas-de-porte situé en face de la pâtisserie, au 86 rue de l’Epeule, à l’angle de la rue du Marquisat, est à céder. C’était une teinturerie tenue par Mme Delobel. Micheline s’informe, prend contact avec le propriétaire de l’immeuble : la brasserie Salembier, car autrefois  il s’agissait d’un café, siège d’associations de « coulonneux ». Continuer la lecture de « Roubaix : Une vannerie rue de l’Epeule »

Roubaix : Le trottoir aux musées

Il semble que le côté de la Place Carnot situé entre le débouché de la rue du Pile et celui de la rue Marceau n’a pas connu d’estaminets. En 1972, il comprend les n°2 à 26 et commence par la cour Baussart, l’atelier d’encadrement de Mme Prévot au n°4, la pharmacie Delforge et la carrosserie auto Devryver au n°8, le cordonnier Verspeeten au n°10, un coiffeur pour hommes au n°16, la cour Bossut Brame au n°18, Mamadou N’Diaye aux n°20 et 22, la maison d’Octave Vandekerkhove au n°24, construite en 1934 et son entreprise de literie au n°26. Continuer la lecture de « Roubaix : Le trottoir aux musées »

Roubaix : La place du Pile

 

En 1886, le conseil municipal décide le redressement du chemin vicinal numéro 10, dit du Pile et en profite pour créer une place. C’est l’époque où les édiles se préoccupent de créer à Roubaix des places publiques pour aérer les quartiers et permettre aux fêtes et manifestations diverses de s’y dérouler. On crée donc au tout début des années 1890 une série de six places, dont celles du Travail au Sud-Ouest, de la Fraternité au Sud, Édouard Roussel au Nord-Ouest, de la Nation et du Progrès au Nord-Est, et, celle qui nous occupe aujourd’hui, la place Carnot au Sud-Est. Toutes sont implantées le long d’une voie de communication existante. Continuer la lecture de « Roubaix : La place du Pile »