Lors de la première guerre mondiale Alice-Adrienne Coudert, née en 1897, fille de paysans, intelligente mais peu cultivée, est infirmière, travailleuse acharnée, et sa brillante conduite lui vaut une citation élogieuse et la croix de guerre. Elle met au monde un an plus tard, en 1918, une fille, Paulette, née de son aventure avec un major, le docteur Nicquet, rencontré à l’hôpital auxiliaire d’Amiens. Celui-ci reconnaît l’enfant mais, au lieu d’ épouser Adrienne, comme il l’avait promis, préfère se marier à une riche héritière.
Abandonnée par son amant elle l’assigne au tribunal devant lequel il prétend ne pas être certain que l’enfant soit le sien. Furieuse Adrienne se rend à son domicile où elle est reçue par sa rivale qu’elle blesse d’un coup de révolver. Laissée en liberté provisoire, elle se retrouve quelques semaines plus tard face à son ancien amant et c’est à son tour d’être grièvement blessée par balle par l’intéressé. Tous deux comparaissent donc en 1920 devant les assises de la Somme qui prononce leur acquittement en raison de leurs torts réciproques.
Elle part en Lorraine et y rencontre, à l’hôpital de Metz où elle officie comme infirmière, un étudiant en médecine, Jean Leplat, auquel elle raconte ses mésaventures. Il l’épouse à Paris en 1925, alors qu’il est médecin major, détaché en Allemagne tandis que la petite Paulette est confiée à ses grands-parents installés en Corrèze.
Quand le docteur Leplat quitte l’armée, le jeune couple s’installe à Hem où Jean ouvre un cabinet médical, boulevard Delory (actuellement bd Clémenceau), avec l’argent de la dot de sa femme. L’année suivante les 2 époux, apparemment très unis, ont la joie d’avoir un petit garçon qu’ils prénomment Roger.
Le jeune couple accueille ensuite une petite fille Gisèle en 1927. Malheureusement celle-ci décède en 1929, à l’âge de 2 ans d’une bronco pneumonie. Dans l’attente d’une sépulture définitive, son cercueil reste durant un mois dans un abri provisoire au cimetière où sa mère lui rend visite tous les jours et, la veille de l’inhumation, Adrienne dévisse le couvercle du cercueil pour revoir sa fille une dernière fois et rentre raconter la scène, qui n’avait eu aucun témoin, à son mari, sans avoir trouvé la force de refermer la bière. Elle affirmera toujours qu’elle a alors agi sous l’emprise de la douleur et non sous le coup d’une crise de folie.

Les scènes de ménage, déjà fréquentes se multiplient et deviennent plus violentes au sein du couple et, à l’été 1929, son mari prend prétexte de ses « extravagances » pour la faire interner par surprise, à l’aide d’un certificat établi par son confrère de Lannoy, le docteur Parmentier, qui ne l’a pourtant pas examinée, dans une clinique de Lille, la clinique d’Esquermes, avant d’intenter une action en divorce contre elle, pour abandon du domicile conjugal. La clinique est un ancien couvent des Bernardines repeint à neuf dans le parc des la Châtaigneraie.
Au bout de 2 semaines, elle se sauve, après avoir crocheté des serrures à l’aide d’un tire-bouchon et avoir escaladé le mur d’enceinte. Elle se réfugie à Amiens chez sa sœur d’où son père, présent, prévient son mari. Elle réintègre alors le domicile conjugal mais décide de défendre ses droits. A cet effet elle porte plainte contre son mari pour coups et violence ainsi que pour internement arbitraire et obtient sa condamnation fin 1929 pour coups et blessures.

La vie commune reprise par les époux après l’évasion se transforme en un combat réciproque judiciaire. Adrienne intente un nouveau procès contre son mari pour abandon de famille. Elle est en effet demeurée au domicile conjugal tandis que lui-même est parti vivre chez son père rue Jean Jaurés. Après une première comparution à Lille, une seconde a lieu à Douai et la pension alimentaire qui lui avait été initialement allouée est réduite de 2000 F à 1200 F.
En 1930, la situation s’envenime, cette fois entre Jean Leplat et son beau-père. Philippe Coudert réclame en effet la somme de 62.000 francs qu’il aurait prêté à son gendre, lequel refuse de lui payer quoique ce soit. Il admet ensuite une dette de 12.000 francs mais conteste celle de 50.000. Pourtant le Tribunal Civil le condamne au remboursement de l’intégralité de la somme réclamée par son beau-père.

En janvier 1931, à bout de ressources et en instance de divorce elle décide de faire un coup d’éclat pour tenter d’obtenir justice. En compagnie de son père, Adrienne se rend chez le procureur de la République pour lui demander audience mais il est absent. Elle se présente alors en consultation chez le Dr Raviart, directeur de la clinique d’aliénés d’Esquermes, contre lequel elle éprouve une vive antipathie en raison d’une part du poste qu’il occupe et d’autre part du conseil qu’il a prodigué au docteur Leplat en faveur d’un divorce. Elle fait feu sur lui à plusieurs reprises, le blessant grièvement, tandis que son père prend la fuite.

Celui-ci, qui s’était réfugié chez sa deuxième fille après le drame, revient sur Lille et, après avoir rendu visite à son petit-fils Roger chez sa grand-mère paternelle, il est entendu par le juge d’instruction mais ne peut pas dire grand-chose, ayant accompagné sa fille Adrienne à sa demande chez le docteur, sans avoir la moindre idée de ses intentions, et ainsi dans l’affolement avoir pris la fuite sans réfléchir, tandis qu’Adrienne était arrêtée et menée à l’infirmerie de la prison pour soigner son bras luxé à la suite de la tentative du Dr Raviart de lui faire quitter de force son cabinet.

A suivre…