On continue à dégager le carrefour

A peine les bâtiments des 1 et 3 rue de l’Hommelet sont-ils démolis, qu’on regarde en face, de l’autre côté de la grand-rue, où se trouvent tout une série de maisons vétustes qui gênent la visibilité des automobilistes. Ces bâtiments sont placés sur la grand-rue côté pair, juste avant la rue Pierre de Roubaix, et aux premiers numéros pairs de cette dernière voie. Sur le coin même, au 134 grand rue, se trouvait un estaminet, tenu en 1920 par Mme Vansteenkiste ; en 1939 on trouvait au 130 un marchand de légumes, et, au 134, un serrurier. Nord Eclair insiste en 1952 sur l’état de délabrement de ce bâtiment :

Photo Nord Eclair
Photo Nord Eclair

On remarque sur la photo, au premier plan, la maison qui vient d’être démolie au 1 rue de l’Hommelet, et, au troisième plan à droite, les premières maisons de la rue Pierre de Roubaix, des « basses toitures » également très anciennes, à qui l’administration n’a pas, non plus, l’intention de faire grâce. Tous ces bâtiments font un ensemble fermé autour d’une cour, qu’on trouve déjà sur le plan cadastral de 1804, cent cinquantenaires tout comme l’impasse St Paul, placée juste après entre les numéros 4 et 6.

 

Plan cadastral 1826
Plan cadastral 1826

 

On trouve dans les bâtiments bas au début de la rue Pierre de Roubaix jusqu’à la seconde guerre un estaminet, qui porte, au 2, l’enseigne « à l’encre noire » en 1895, et, au 4, une épicerie.

La décision d’abattre tous ces bâtiments est prise en conseil municipal, mais la réalisation se fait attendre. Deux ans plus tard, Nord Matin rappelle l’existence de cet ensemble qui continue à se dégrader :

 Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Ce rappel ne suffit toujours pas , et ce n’est que trois ans plus tard que l’entreprise Vandecastelle porte la pioche contre ces vénérables demeures.

Photo La Voix du Nord
Photo La Voix du Nord

Elles disparaissent donc en 1957, pour faire place à un parking ouvert. Celui-ci permettra de restaurer la visibilité dans ce carrefour très emprunté par les automobilistes, le reste du terrain restant en friche pour un moment encore.

Documents IGN
Documents IGN

 Mais cette friche va peut pas rester là à déparer ce coin de rue : en 1965, on y construit un immeuble, toujours présent aujourd’hui.. L’immeuble comporte au rez de chaussée des commerces, parmi lesquels on trouvera un moment un magasin « les coopérateurs ». Il sera dénommé « Super Coop » en 1968.On voit sur les photos que le 128 ter est épargné et qu’on le retrouve aujourd’hui à cet endroit :

Documents IGN 1965 – Google 2014
Documents IGN 1965 – Google 2014

 

Retour sur le pont

A la suite de notre précédent article retraçant l’histoire du pont de la Vigne, un des membres des ateliers mémoire s’est manifesté pour nous proposer des documents nouveaux. Ceux-ci étant particulièrement intéressants, il nous a semblé que leur publication méritait un nouvel article. Nous remercions leur propriétaire d’avoir bien voulu nous les communiquer.

La première photo nous montre l’inauguration de la passerelle en 1904. Elle est peinte de frais et on l’a pavoisée de nombreux drapeaux. On assiste à un lâcher de pigeons devant une assistance très dense.

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Un autre document confirme la destruction du pont en 1918 : la photo nous montre une partie de la passerelle plongée dans l’eau, et le pont lui-même remplacé provisoirement par une frêle construction de planches, sans doute placée là pour faciliter les travaux de reconstruction.

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La photo suivante, nous fait assister aux préparatifs pour l’ installation de la grue en 1955. Elle vient d’être amenée sur place, et elle est couchée sur la berge côté Cartigny avant qu’on la dresse sur cette même rive.

arrivee grue-96dpi

Nous voyons ensuite un demi-tablier du nouveau pont en cours de construction, puis le même, terminé. Il s’agit de la moitié située côté Hommelet.

tablier-96dpi

Nous assistons maintenant les tests effectués sur le pont terminé. On a mobilisé trois camions de l’entreprise Carette-Duburcq lourdement chargés pour vérifier la solidité de l’ouvrage. On ne peut s’empêcher de penser que certains spectateurs sont bien imprudents : si le pont s’effondrait, ils seraient plongés dans le canal !

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La dernière illustration nous montre le pont et sa cabine de commande flambant neuve, placée côté Hommelet :

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Documents collection particulière.

Les bus et le tout béton

Nos kiosques « vitrés de glaces » vont rester en place une cinquantaine d’années. Puis, atteints par la limite d’âge, ils seront remplacés dans le paysage roubaisien par des « aubettes modernes » selon l’expression de la Voix du Nord. Ces aubettes en béton seront, pour le modèle courant, ouvertes et disposeront de fenêtres de petites dimensions, plus faciles à entretenir.

Le premier kiosque ancien à disparaître, à la fin de l’année 1954, est celui de la grand-place. Il est remplacé l’année suivante par une construction spécifique comportant des bureaux, rapatriés du laboureur, et un abri pour les usagers. Nord Éclair souligne que sa « sobriété de lignes sera appréciée des connaisseurs ».

Photo Nord Eclair
Photo Nord Éclair

La même année, on projette de déplacer le terminus des Mongy de la place de la Liberté à la grand-place. La voie sera tracée sur un terre-plein dans l’axe de la place, bordé de places de stationnement en épi pour les voitures. Ce projet signe l’arrêt de mort de l’ancien kiosque qui disparaît peu après.

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Le kiosque situé sur le terre-plein central du boulevard Leclerc, presque en face du Broutteux, perd sa raison d’être avec la disparition des tramways. Il verra pourtant son existence temporairement prolongée par reconversion, et sera transformé en 1956 en magasin de fleurs à l’enseigne des « Floralies Roubaisiennes ». On le voit encore sur les photos aériennes de 1968, mais il a disparu sur celles de 1969.

 

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Le kiosque de la place Chaptal est victime de l’automobile en 1957. Relativement grand, il interdisait pratiquement le stationnement sur la place. On le remplace par un abri béton décentré et beaucoup plus petit, ce qui libérera des places de stationnement. Ce dernier est édifié avant la destruction de l’ancien, qui remplira ainsi son office jusqu’au bout.

Photos la Voix du Nord
Photos la Voix du Nord

Dès 1962 Nord Matin se fait l’écho d’un projet visant à améliorer la circulation et le stationnement sur la place de la gare. On prévoit notamment d’installer des plate-formes en épis pour les bus, ainsi qu’un kiosque en béton au débouché de la rue de l’Alma. Ces aménagements entraîneront la démolition de l’ancien kiosque. Tous ces travaux seront réalisés en 63-64.

document collection particulière
document collection particulière

Le remplacement de celui de la place de la Fraternité suivra de peu. Toujours présent en 1965, il disparaît lui aussi, laissant la place à une aubette béton reportée quelques mètres plus loin. Les photos aériennes successives montrent l’ancien puis le nouvel abri.

Photos IGN
Photos IGN

Mais, à côté des remplacements, il est des aubettes qui apparaissent. C’est le cas du quartier de Barbieux, où l’on crée, en 1955, un abri béton juste à la porte de l’hospice. Il est destiné aux usagers de la ligne 15.

Photo Nord Eclair
Photo Nord Éclair

De même, un nouveau kiosque est installé au coin de la rue rue Charles Fourier et de l’avenue Delory, face à la « banane ». Il est visible sur les photos aériennes de 1962 à 1988. Il sera ensuite délogé de son emplacement par des plantations.

Document Médiathèque de Roubaix
Document Médiathèque de Roubaix

Il est d’autres kiosques, construits aux arrêts du Mongy notamment le long du parc Barbieux. L’un d’eux est même déplacé d’une quarantaine de mètres en 1951 lors des travaux d’aménagement de la ligne à la suite de la suppression la Laiterie.

Photo Nord Matin
Photo Nord Matin

Il reste à évoquer le cas du kiosque de la compagnie TELB, celle des tramways de Lille. Il a été installé au coin de la rue de Lille et du boulevard de Cambrai, près du bureau de l’octroi en 1907,et semble encore présent sur une photo aérienne de 1953. Il disparaîtra sans doute un peu plus tard, peut-être lors de la suppression de la ligne F entre Lille et Roubaix en 1956 ?

Document collection privée
Document collection privée

 

Le pont de la Vigne

Dès la construction du canal, on prévoit des ponts aux endroits de passage les plus fréquentés. Celui reliant la rue de la Vigne et la rue de Cartigny est édifié en 1870. C’est un pont tournant à ossature métallique, construit sur le même modèle que les ponts Daubenton et du Fontenoy. Son tablier est étroit : la chaussée ne fait pas plus de trois mètres et le croisement est impossible ; les trottoirs ne permettent le passage que d’une personne de front. Sa date de construction est inscrite de chaque côté de sa pile centrale.

Documents Bibliothèque numérique de Roubaix
Documents Bibliothèque numérique de Roubaix et archives municipales

Pour éviter aux piétons une attente lors du passage des péniches, due à la lenteur de la manœuvre manuelle du pont, on décide de lui adjoindre en 1902 une passerelle. Placée à quelques mètres en amont du pont, elle est inaugurée le 10 Octobre 1904.

 

Le pont et sa passerelle – document coll. particulière
Le pont et sa passerelle – document coll. particulière

Comme les autres ponts du canal, il est sans doute démoli par les allemands lors de leur retraite en 1918. Il sera néanmoins réparé et remis dans son état premier.

En juin 1955, on le trouve trop incommode et son état nécessiterait des travaux importants. On pense le démolir pour le remplacer par un pont basculant à deux travées. Le tablier fera 13 mètres de large, dont 9 mètres pour la chaussée : les véhicules pourront enfin s’y croiser ! Il faudra trouver une solution pour le passage des tramways qui l’empruntent.

Pour effectuer les travaux, on érige une grue, et Nord Eclair précise « Il s’agit d’une grue particulièrement puissante, dont il n’existe, paraît-il, qu’un seul exemplaire en France… » Elle sera capable de soulever l’ancien pont d’une seule pièce. Elle doit servir également à enfoncer des pieux destinés à stabiliser le nouvel ouvrage.

 

L'installation de la grue – document Nord Eclair
L’installation de la grue – document Nord Eclair

On démarre les travaux, mais le 9 décembre, la grue s’effondre, pilier central brisé. Il faut réparer la grue, et pour cela la soutenir par un échafaudage.

Réparation de la grue – document La Voix du Nord
Réparation de la grue – document La Voix du Nord

Le 21 décembre, nouvel accident. Cette fois, la flèche s’effondre sur la toiture du café à l’enseigne du pont de la Vigne, formant le coin. Heureusement, les dégâts sont mineurs. On relève la flèche et on répare de nouveau la grue, avant de reprendre les travaux.

Le deuxième accident – document Nord Eclair

On installe des palplanches, derrière lesquelles on fait le vide d’eau, de manière à construire les culées sur les pieux de béton préalablement enfoncés.

 

Les travaux – document Nord Eclair
Les travaux – document Nord Eclair

L’ouvrage va maintenant bon train, et l’inauguration et la mise en service ont lieu en octobre 1957, concomitamment avec l’exposition d’étalages organisée par l’union des commerçants de la rue de la Vigne. Victor Provo coupe le cordon inaugural, devant une foule nombreuse malgré le mauvais temps. L’événement est précédé d’animations : caravane publicitaire, combat de catch, et retraite aux flambeaux.

 

L'inauguration – Document Nord Eclair
L’inauguration – Document Nord Eclair

La passerelle métallique de 1904 présente sur une photo de presse de 1957, disparaîtra à son tour en Novembre 1958, victime de son âge. Une expertise révèle un affaiblissement considérable dû à l’oxydation des poutrelles métalliques qui la composent et des piliers qui la soutiennent.

 

Le nouveau pont et la passerelle survivante – document La Voix du Nord 1957
Le nouveau pont et la passerelle survivante – document La Voix du Nord 1957

On décide donc sa démolition.

Le pont est celui qu’on utilise encore de nos jours ; il donne toujours satisfaction à ses utilisateurs.

 

 

 

L’indésirable kiosque

Sur la place de la gare, l’introduction d’un kiosque-abri va soulever des problèmes et être à l’origine d’échanges et de nombreux affrontements.

gare00-96dpiL’abri, d’abord prévu par le cahier des charges « sur le refuge existant au centre de la place », est placé sur ce trottoir circulaire, dans l’alignement de l’avenue qui y mène, à l’intérieur de la raquette formée par les voies. Son accès se fait côté gare.

gare02-96dpiMais, très vite, on se rend compte qu’il gêne la circulation. Une lettre du service de la voirie de juin 1920 fait état « d’études et pourparlers établis avant la guerre, pour le déplacement du kiosque-abri de la place de la gare » : on propose d’abord en 1908 à la compagnie de diminuer l’emprise du refuge. Celle-ci fait une contre-proposition en 1911. Elle préférerait carrément supprimer l’abri pour en installer un plus petit sur le trottoir de gauche de la place, face à l’impasse Deldique, ruelle allant de la rue du chemin de fer à la rue de la Gare. Il se trouve que la municipalité verrait d’un bon œil la suppression d’un obstacle dans la perspective de l’avenue de la gare, mais on demande d’abord l’avis de la chambre de commerce. Celle-ci se prononce contre cette solution. On réunit alors une commission municipale qui examine la question.

Gare03-96dpiLa municipalité opte pour le déplacement et choisit pour y implanter le kiosque le trottoir situé devant les bureaux de la grande vitesse et l’octroi, c’est à dire à droite en regardant la gare. La compagnie du Nord répond que l’emplacement est très mal choisi et demande de trouver un autre point de chute pour cette construction. Elle propose le côté gauche, près de la passerelle du Fresnoy. La municipalité juge très incommode cet emplacement gênant l’accès à la passerelle. La compagnie de tramways remarque de son côté que l’emplacement est situé trop loin des voies.

Toutes ces études, sont faites avant la guerre, et les hostilités arrêtent le projet. Il ne revient à la surface qu’à partir de 1920. Cette année là, une commission municipale se rend sur place et préconise enfin l’entrée du passage Deldique, avec une partie en saillie sur le trottoir, de même importance que celles des terrasses des cafés situés à côté. Elle ne prévoit plus une démolition, mais un simple déplacement.

Document archives municipales
Document archives municipales

Les travaux sont réalisés par la compagnie des tramways et le kiosque rejoint son nouvel emplacement. Il est maintenant placé sur la gauche de la place, à la limite de la rue de la gare, à côté du café du Coq Hardi. L’impasse a été couverte entre-temps et seule une partie de l’abri en émerge. Un photo nous laisse apercevoir son toit au dessus de l’autobus :

gare04-96dpiUn article du Journal de Roubaix de 1935 nous informe que la l’ELRT propose de déplacer l’abri depuis « la petite ruelle » vers le trottoir des numéros impairs, de manière à ce que le chef de station puisse « commodément surveiller l’embarquement des voyageurs et donner au wattman le signal de départ ». Cette proposition n’a pas de suite, et l’abri reste au même endroit jusque bien après la guerre.

Photo Nord-Eclair
Photo Nord-Eclair

Néanmoins on se préoccupe d’aménager la place cette même année 1935 pour faciliter la circulation, gênée par le nombre des tramways mis en réserve et stationnés au milieu de la place en attendant les heures de pointe pour être mis en service. En effet, l’abondance des véhicules particuliers devient telle que les bouchons se multiplient à cet endroit. L’idée est de reporter les stationnements des trams le long des trottoirs, de supprimer les poteaux supportant les lignes aériennes, et de créer une double voie dans la rue de l’Alma pour y reporter les tramways en réserve d’utilisation. L’abri est de plus en plus mal placé…

Les autres documents proviennent de collections particulières

 

 

Les kiosques-abris des tramways

La municipalité, dans ses relations avec la compagnie des tramways, se réserve par le cahier des charges de 1875 le droit d’imposer l’emplacement des « bureaux d’attente et de contrôle ». Quel est le nombre et l’emplacement de ces bureaux ? Les cartes postales les plus anciennes nous montrent un tel édifice sur la grand place, construit avec un toit à deux pans, et placé devant l’église St Martin. Cet emplacement se situe à un endroit privilégié, point de rencontre des lignes A Croix-Tourcoing par grand place de Roubaix et la place de la Fosse aux chênes, B Roubaix-Lannoy, et C Mouvaux-Wattrelos. Dans un entrefilet du 6 octobre 1897, le Journal de Roubaix nous annonce la démolition d’un kiosque sur la grand place qui doit être immédiatement suivie de celle du kiosque situé sur la place de la Liberté.

Le premier kiosque grand place – documents archives municipales et coll. particulière
Le premier kiosque grand place – documents archives municipales et coll. particulière

Un nouveau cahier des charges, annexé à la convention signée par le Président de la République en 1905 prévoit 7 bureaux d’attente pour le service des voyageurs pour la ville de Roubaix. La compagnie des tramways de Roubaix-Tourcoing doit donc s’exécuter et construire ces édicules. L’implantation de ces kiosques est prévue grand place, place de la gare, place de la fosse aux chênes, la place Chaptal, le boulevard Gambetta, la place de la Fraternité , et le parc Barbieux. Ils sont pratiquement tous identiques, à deux exceptions près, constitués qu’ils sont d’un soubassement en pierre bleue, surmontée d’une armature métallique en fer forgé vitrée de glaces. Au dessus, une corniche en chêne couverte d’un toit de zinc. Le sol est en carreaux de céramique, et le plafond en pitchpin verni, ainsi que les banquettes. Seuls les abris de la grand place et de Barbieux ont en plus une avancée, fermée pour le premier, ouverte pour le second.

L'aubette de Barbieux – document archives municipales
L’aubette de Barbieux – document archives municipales

On fait les enquêtes administratives nécessaires, mais il se trouve que les riverains de la place Chaptal protestent contre l’emplacement prévu. La commission d’enquête municipale conclut que la compagnie doit louer une maison de la place et en transformer le rez de chaussée pour en faire un abri. Il reste six autres aubettes à construire, et la mairie rappelle à la compagnie l’urgence de ces constructions. En 1908, on modifie l’emplacement prévu du kiosque de Barbieux : destiné à l’origine à se dresser au coin du boulevard de Cambrai devant le café du Parc, il va être placé en face, au coin du boulevard de Douai. Mais il faut démolir pour cela le mur des serres de la ville, installées là. L’aubette est construite, mais les riverains se plaignent très vite de la présence d’immondices dans le kiosque. La compagnie se défend en déclarant qu’un homme est affecté à plein temps au nettoyage, mais que que la police ne fait pas son travail de surveillance. Cet échange de courriers nous apprend par ailleurs que les kiosques sont fermés la nuit. Six abris sont maintenant construits, mais il manque encore le septième, prévu place de la fosse aux chênes. On reste sur l’idée de louer une maison pour y aménager un abri et le septième est finalement construit sur la grand place de Wattrelos, avec la participation financière de l’ELRT, dont le nouveau réseau départemental dessert cette ville.

Le kiosque de Wattrelos – document Journal de Roubaix - 1930
Le kiosque de Wattrelos – document Journal de Roubaix – 1930

L’abri de la grand place a remplacé, sur le même emplacement, celui démoli précédemment. Il est plus vaste et plus commode que son prédécesseur.

La seconde aubette de la grand place et celle de la place de la Fraternité – documents médiathèqu
La seconde aubette de la grand place et celle de la place de la Fraternité – documents médiathèque

Nous allons passer en revue dans une prochaine livraison le destin des autres kiosques roubaisiens. A suivre …

 

 

La rue Mascara

Le long de la rue d’Alger s’installe l’usine d’Etienne Motte. Juste à côté, le terrain est libre et on trace une rue perpendiculaire pour le lotir. Très vite, en 1899, M. Georges Browaeys fait la demande pour la construction d’une usine front aux rues d’Alger et Mascara. Les bâtiments de cette teinturerie existent encore aujourd’hui, et la cheminée en est toujours en place. Elle prendra le nom d’usine de Mascara entre les deux guerres. L’entreprise s’agrandira encore par la construction d’un magasin en face de l’usine, sur l’autre trottoir en 1941. L’activité de cette teinturerie se poursuivra très longtemps : on la trouve encore au numéro 4 dans le Ravet-Anceau de 1968.

La façade de l'usine – document archives départementales – photo Jpm
La façade de l’usine – document archives départementales – photo Jpm

Mais il reste du terrain entre l’usine et la voie de chemin de fer. En 1906 la compagnie des tramways de Roubaix et Tourcoing dépose une demande pour la construction d’un bâtiment à « usage de remise à voitures » rue Mascara. Cette remise constituera le dépôt principal de la compagnie, en remplacement du site voisin du laboureur où l’on construit une usine électrique pour fournir l’énergie aux moteurs de traction des tramways qui abandonnent alors la traction hippomobile.

Le dépôt – document SNELRT – in Au fil des trams.
Le dépôt – document SNELRT – in Au fil des trams.

 Le plan prévoit un alignement dans le prolongement de l’usine Browaeys, sans toutefois dépasser l’alignement de la rue Mascara. Mais d’autres hangars seront construits par la suite, et le dépôt va s’étendre et pourra alors abriter jusqu’à 80 tramways. Sous les hangars, 22 voies parallèles desservies par une série d’aiguillages. Une voie supplémentaire contourne les installations, permettant de retourner les rames constituées d’une motrice et d’une remorque et de classer les matériels en fonction de leur heure de départ.

Plan du dépôt – document Au fil des trams
Plan du dépôt – document Au fil des trams

A partir de 1925, une partie des motrices est redirigée vers le dépôt de l’Union, Mascara ne conservant que les voitures utilisées sur les lignes roubaisiennes. Les trams rejoignent le réseau par une voie de service qui, après avoir suivi la rue Mascara, traverse la rue d’Alger et emprunte la rue de la conférence jusqu’à la grand rue, où elle rejoint le réseau public urbain.

Document Nord Eclair 1950
Document Nord Éclair 1950

Le dépôt profite de la voie-mère desservant les embranchements des usines environnantes à travers la rue d’Alger. Cette voie-mère lui permet, en particulier, de se faire livrer par chemin de fer toutes les motrices 500 du Mongy, restées dans toutes les mémoires roubaisiennes, avant acheminement vers le dépôt de Marcq.

Projet de construction des motrices 500 – document La Voix du Nord 1948
Projet de construction des motrices 500 – document La Voix du Nord 1948

Le dépôt continuera son activité autant que les tramways circuleront sur le réseau, et mourra avec lui. Les matériels seront ferraillés sur place, puis les installations seront démolies. Le site abrite aujourd’hui des entrepôts après avoir, dans les années 60, été le refuge de la LPA.

Le site de nos jours – collection particulière
Le site de nos jours – collection particulière

De l’autre côté la rue ont prospéré depuis les années 20 deux estaminets aux numéros 5 et 7. On les trouve encore en activité en 1961. Ils sont aujourd’hui démolis, comme pratiquement toutes les constructions côté impair.

Sur ce même côté, a été ouverte la courte rue de Blidah qui apportait de l’animation par sa caserne des douanes, situées au 6, au fond de la rue, et la cour Marengo qui alignait 12 maisons.

Il ne reste aujourd’hui que les maisons situées de part et d’autre de l’entrée de la rue Mascara, numérotées dans la rue d’Alger qui ont connu différents commerces, notamment des débits de boisson. L’état des bâtiments anciens de la rue pourrait laisser présager pour eux une fin prochaine …

Le site après fermeture du dépôt – photo IGN 1962
Le site après fermeture du dépôt – photo IGN 1962

 

 

Les transports Vanhove – suite

A la libération, la situation de l’entreprise n’est pas brillante : les loyers ne sont pas payés, il n’y a plus de camion pour assurer le transport, et la clientèle n’existe plus. La famille se demande s’il faut relancer la société telle qu’elle était, ou se lancer dans une autre activité. Sur les conseils d’un ami, ils relancent l’activité avec l’Hotchkiss qui a été préservée durant la guerre : elle sera découpée pour en faire une camionnette. On examine la situation, et il apparaît que Henri Prouvost sous-louait les locaux plus cher qu’il ne payait l’ensemble de l’usine. La famille engage un procès qu’elle gagne. Les Prouvost quittent les lieux, remplacés par un tissage au nom de Lienart (un cousin du cardinal). Ce tissage ferme dans les années 60, et la société Vanhove rachète l’ensemble., et développe son activité de transports de messagerie (c’est à dire les colis trop grands ou trop lourds que refuse la poste).

Les camions de l'après-guerre
Les camions de l’après-guerre

Les camions transportent tous types de marchandises. Ils desservent les particuliers, les commerces, les entreprises… Les bâtiments annexes servent de dépôt et de stockage pour les bonbons Lutti (elle fournit les clients, et livre ceux qui ne peuvent pas se déranger). Elle est également dépositaire de la société Luterma (contre plaqués). Elle stocke aussi du colorant bleu d’outremer et des teintures dans des fûts et en effectue la livraison. Elle est encore correspondante pour les biscuiteries de Touraine, et les transports Marquis de Lavelanet en Ariège, un très gros centre textile. Cette société travaillant des basses qualités, la société Vanhove ramasse les déchets ici et les échange contre des tissus remontés du sud. La société Travaille aussi pour Phildar, les pâtes Lustucru… Elle possède des dépôts un peu partout : généralement dans des bistrots où sont regroupés les colis pour un ramassage en une seule fois.

Les camions suivants – à droite des Chevrolets
Les camions suivants – à droite des Chevrolets

Son slogan : « Livre vite, bien et sans manquant ». Pour se rappeler au bon souvenir des clients et se faire connaître, elle distribue des cartes publicitaires. Le développement se fait grâce au bouche à oreille. Les camions ne reviennent jamais à vide, chargeant du fret sur place pour le voyage de retour. La principale activité reste la desserte du nord Pas-de-calais, en particulier dans sa partie sud-est. Elle fait le porte à porte, tout en étant plus rapide que la Sncf, et possède jusqu’à une dizaine de camions. Ceux-ci sont peints par M.Cappelle, lettreur situé à côté. On achète aussi des châssis-cabines qu’on va chercher jusqu’à Paris, et qui sont alors carrossés chez Barbe, rue de Cartigny. Une anecdote : lors d’un accident avec un camion qui contenait des Luttis, ceux-ci se répandent sur la chaussée : les gens n’avaient qu’à ramasser les bonbons sur la route sans descendre de voiture, en ouvrant simplement la portière…

Camions Chevrolet, Berliet, Renault et Citroën aux couleurs de l'entreprise
Camions Chevrolet, Berliet, Renault et Citroën aux couleurs de l’entreprise

Mais les affaires vont moins bien pour les transporteurs routiers : la chute est surtout due à l’avènement des grandes surfaces et la fermeture des petits commerces, mais aussi à la mise en place d’horaires de livraisons en ville incompatibles avec les horaires réels d’ouverture des magasins. Le père décède en 76 et les affaires périclitent ; Les transports Vanhove ne dépassent pas 1978. L’entreprise est vendue, les nouveaux propriétaires sont les transports Carton, qui reprennent les chauffeurs. La grand mère a participé jusqu’à la fin aux activités. Elle, jusque là en pleine forme, est morte un an après la fermeture.

Photo Jpm
Photo Jpm

Les photos noir et blanc proviennent de la collection Vanhove

 

 

 

 

 

 

L’origine des transports Vanhove

Arthur Vanhove reprend un café dans la rue de l’Alma à Roubaix en 1925. Il y restera jusqu’en 1929. Désirant changer d’activité, il reprend d’abord une corderie à Tourcoing jusqu’en 1932, puis il rachète une maison de transports « l’Express Roubaisien » situé au 68 rue de la Perche.

En 1933, deux chevaux forment l’élément « moteur » de l’entreprise. Mais celle-ci, concernée par l’élargissement de la rue en 1933, voit ses locaux expropriés et va s’établir dans la rue du Trichon, au numéro 45. Elle demeure à cette adresse jusqu’en 1936.

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Les fils d’Arthur, Maurice et René prennent une part active dans le travail quotidien.

Un des camions subit un jour l’attaque de voleurs. Les chevaux prennent peur et se mettent au galop. De retour au siège de l’entreprise, ils sont en transpiration. Arthur, sans rien vouloir écouter de leur aventure, oblige son fils à promener les chevaux à la main pour les calmer. Autre anecdote, un des chevaux , avant de se mettre en route, se retournait pour évaluer la taille du chargement. S’il estimait qu’il était trop important, il refusait d’avancer. Il fallait qu’on lui mette un autre cheval à côté de lui (même s’il n’était pas attelé) pour qu’il accepte de de trainer sa charge…

Vers 1936, l’entreprise se sépare des chevaux et leur substitue la traction mécanique. A la même époque, elle vient s’installer au 84 rue de Rome.

Comme la maison est grande, ils cohabitent avec un de leurs fils, René. Le bâtiment appartenait à la famille Coustenoble, qui fabriquaient des machines à laver en bois (qu’on appelait des « batteuses » à l’époque). Ils sous-louent également une partie de l’usine de grillages ( 300 à 400 m2) située à côté, au 82.

L’entreprise compte à ce moment deux chauffeurs et un manœuvre, handicapé, qui effectue les livraisons en ville avec une baladeuse. Elle possède deux camions avant la guerre, dont un Saurer qu’on voit sur une photo prise à la gare de marchandises de Roubaix. L’entretien de ces camions se fait alors au garage Moneron rue du Fresnoy.

Le Saurer et une attestation le concernant.
Le Saurer et une attestation le concernant.

A la déclaration de guerre, Arthur ne possède toujours pas le permis de conduire ; ce sont ses fils qui conduisent. Mais, ceux-ci sont mobilisés dès le début du conflit avec leurs camions. Maurice se rend à la réquisition avec un camion qu’on lui prête, René emmène le Saurer.

Le grand père avait une grosse voiture, une Hotchkiss (qui avait été achetée au consul de suède) qu’ils avaient mise en panne pour qu’elle ne soit pas réquisitionnée.

L'Hotchkiss avant guerre
L’Hotchkiss avant guerre

La guerre se passe. Sans camion et sans chauffeur, les affaires sont au plus bas. De plus, Arthur Vanhove décède en 1944 les fils sont prisonniers de guerre. La maman se retrouve sans ressources.

Au retour de captivité, Maurice et René se trouvent devant une cruelle alternative : faut il relancer la société de transports, réduite à rien, ou envisager une autre activité ?

A suivre…

Nous tenons à remercier Patrick et son frère qui ont accepté de partager avec nous et leurs souvenirs, et les documents de leur collection.

 

 

 

 

Souvenirs de la zone bleue

A l’instar de nombreuses autres villes qui, comme Lille, ont adopté ce dispositif qui facilite l’accès au stationnement pour une durée limitée, Roubaix saute le pas en novembre 1962. Cette instauration se fait à la demande notamment des commerçants du centre qui espèrent ainsi régler le cas des « voitures ventouses ». L’adjoint au maire, monsieur Loucheur, indique à Nord Éclair que « les parkings, les rues sont pleins de voitures statiques ». Ce même journal, interroge les roubaisiens, et il semble ressortir de cette enquête que la zone bleue est indispensable.

La durée maximale de stationnement est fixée à une heure et demie, les heures de début et de fin étant matérialisées par un disque de carton que l’automobiliste dépose derrière le pare-brise, à la vue du fonctionnaire chargé du contrôle. Il est interdit de modifier les horaires indiqués sur le disque sans avoir déplacé le véhicule d’au moins 100 mètres. Ces disques, financés par la publicité qu’ils présentent, sont offerts gratuitement aux usagers.

Document Nord-matin
Document Nord-matin

La zone bleue comprend le centre de Roubaix, et s’étend aux principales artères qui en sont issues : jusqu’à la place de la Fosse aux chênes, la gare et le début des rues de Mouvaux et de l’Epeule, une partie des rues de Lille, de Lannoy, et de la Grande rue. Elle concerne près de 18 kilomètres de voies.

Document La Voix du Nord
Document La Voix du Nord

La municipalité prévoit par ailleurs des parkings, où il sera permis de stationner trois heures (le même disque faisant foi pour l’heure d’arrivée). Sur les boulevards Gambetta et Leclercq, le stationnement sera limité à cinq heures.

Pierre Herman, adjoint chargé de la circulation fait, en septembre, une conférence de presse pour expliquer les raisons de la mise en vigueur de la zone bleue.

On estime qu’il faut une cinquantaine de personnes pour contrôler les véhicules en stationnement. La police urbaine est renforcée à cet effet, « d’éléments d’Afrique du Nord » (dixit Nord-Eclair). Dans un premier temps, les gardiens de la Paix se borneront à apposer sur le pare-brise des contrevenants un papillon indiquant l’infraction. Mais cette période d’adaptation devait être courte ; bientôt viendra celle des véritables amendes.

La zone bleue sera pourtant éphémère. On commence par la supprimer durant les vacances en 1972. 1973 voit apparaître les parcmètres boulevard Gambetta : la zone bleue, gratuite, cède la place au stationnement payant…

Photo La Voix du Nord
Photo La Voix du Nord

Les documents produits proviennent des archives municipales