Des sabots à la SARL

Photo La Voix du Nord - 1975
Photo La Voix du Nord – 1975

En 1869 a lieu le mariage d’Amédée Papillon, employé de commerce, et domicilié rue de la Gaîté, et de Lievène Thomas.Deux ans après le mariage leur naîtra un fils, Eugène. Le couple fonde alors un commerce de sabots au 146 de la rue de Lannoy, juste après la rue Decrême. Ils resteront à cette adresse jusqu’après 1891, puis déménagent avant 1894 pour installer leur négoce au 164 de la même rue, sur un terrain encore resté libre.

A cent mètres de là, Alfred Bonte tient en 1891, avec son épouse Désirée Platel, une épicerie située au 179, futur emplacement des galeries Maman Louise. Le couple, marié en 1870, donne naissance à une fille Marie. Après le décès du chef de famille en 1890, sa veuve reprend l’épicerie, qu’elle ne cède que vers 1900. Elle se retirera ensuite au 45 rue Ste Therese.

Ces deux familles se rapprochent en 1897, à l’occasion du mariage d’Eugène Papillon et de Marie Bonte, mariage qui fait l’objet d’un contrat, délivré par maître Vahé. Eugène est alors, comme son père, négociant en chaussures. Ils auront trois enfants, Suzanne, Lievin, et Louise, et prendront plus tard chez eux la mère de Marie, Désirée Platel, qui quitte la rue Ste Therese. Le couple reprend le commerce de chaussures des parents d’Eugène.

Sur ces entrefaites, en 1901, l’architecte Achille Dazin demande un permis de construire au nom de Eugène Papillon-Bonte au 167, sur l’autre trottoir. Le plan de ce bel immeuble très orné inclut à droite un magasin dont la vitrine comporte une double porte. La demande est renouvelée en 1910, la propriété s’étendant jusqu’à la rue Beaurewaert.

Document archives municipales - photo Jpm
Document archives municipales – photo Jpm

En 1913 le Ravet Anceau indique au 167 Papillon-Bonte, chaussures en gros. Le 164 est repris par une maison de vente à crédit.

Dans les années 30, Eugène Papillon fils, représente la deuxième génération pour l’entreprise. En 1933, il crée derrière le magasin la première usine de pantoufles à semelles vulcanisées de France, les « pantoufles du Docteur Bontemps ». En 1939, on trouve dans le Ravet-Anceau au 167 Papillon-Bonte, négociant, et au 167 bis anciens établissements Papillon-Bonte, E. et A. Papillon, fabricants de chaussures, l’adresse étant partagée avec un garage. La mairie reçoit une demande pour agrandir les ateliers. L’entreprise est également propriétaire des numéros 169 et 171. L’usine est de nouveau agrandie en 1947.

1947-96dpiDans les années 40, un second magasin ouvre ses portes, toujours rue de Lannoy par l’absorption des chaussures Dolly, magasin installé au 20, au coin de la rue de la Tuilerie, ainsi qu’un autre , au 6 et 8 avenue Jean Lebas à l’enseigne Deflou.

Photos La Voix du Nord et médiathèque de Roubaix – documents coll. particulière
Photos La Voix du Nord et médiathèque de Roubaix – documents coll. particulière

 Papillon-Bonte ouvre également un magasin Grand Place à Tourcoing. En 1956, l’usine de caoutchouc ferme, mais l’entreprise continue à grandir : en 1960, on ouvre Grand Place à Roubaix le premier magasin dédié aux enfants. Les magasins Chauss’Mômes se multiplient dans la région. Le nombre de magasins s’accroît dans différentes villes.

Mais le magasin du numéro 20 rue de Lannoy est exproprié lors de la démolition de l’îlot Anseele. Il est réinstallé ans un premier temps au Lido.

Photos la Voix du Nord et Nord Eclair
Photos la Voix du Nord et Nord Eclair

L’un après l’autre tous les magasins installés à Roubaix ferment pour des raisons diverses. Le siège social s’installe à Marcq. C’est maintenant la quatrième génération de Papillon qui est aux commandes de la société. Les magasins continuent à se multiplier, mais, peut-être pour l’instant, pas à Roubaix.

Le magasin grand rue – photo Delbecq archives municipales
Le magasin grand rue – photo Delbecq archives municipales

 

 

 

 

 

Contributions d’artistes

La nouvelle bibliothèque municipale de Roubaix a donc été construite de juin 1956 à décembre 1958. Le projet de construction prévoyait au-dessus de chaque porte d’entrée une table saillante permettant d’exécuter deux motifs sculptés. Le 4 septembre 1958, l’administration roubaisienne charge Pierre Lemaire de réaliser ces deux motifs sculptés. Il est statuaire, professeur à l’École Nationale des Arts et Industries Textiles (ENSAIT).

Sculptures de façade Photos PhW
Sculptures de façade Photos PhW

Il présente « deux esquisses symbolisant les activités de l’esprit encouragées par la lecture ». Ce sont des sculptures de deux mètres de longueur sur quatre-vingt-treize centimètres de largeurs et 6 millimètres d’épaisseur. Le travail comprend esquisses, maquettes à grandeur, moulage, sculpture. Chaque motif sera réalisé au prix de 287.000 francs de l’époque. Soit 594.000 francs. Le 7 novembre le conseil municipal adopte le projet.

Le 6 mars 1959, le peintre roubaisien André Missant écrit au Maire de Roubaix pour l’informer qu’il a procédé à l’étude de la décoration picturale de la bibliothèque. Il fait une proposition de deux tableaux et d’une fresque dont il joint les croquis : un portait de Maxence Van der Meersch 95/59 cm pour la salle de lecture du 1er étage, un tableau allégorique « les arts » à placer au palier de l’escalier principal 1,00/65, et une fresque « la lumière émanant du Livre » 3,50/1,55 à placer dans la salle de lecture en face du portrait de Van Der Meersch. Le prix des trois œuvres se monte à 500.000 francs, cadres et bordures compris. L’artiste livrerait dans un délai d’un mois à six semaines à compter de la date de notification de l’avis favorable de l’administration municipale.

Les propositions Missant AmRx
Les propositions Missant AmRx

L’administration municipale retiendra finalement le portrait de Maxence Van Der Meersch et le tableau allégorique « les Arts » par sa délibération du 26 mai, pour une somme de 250.000 francs.

Sources Archives Municipales de Roubaix

Pennel & Flipo 1935-1945

Le bulgomme devient le produit phare de la maison. On souhaite étendre la production en ouvrant une nouvelle unité. Une nouvelle usine s’ouvre donc en Belgique à Hérinnes les Pecq, la première pierre est posée en septembre 1936, et l’usine tourne en janvier 1937.

En tête Pennel belge Coll Particulière
En tête Pennel & Flipo belge Coll Particulière

En 1937, intervient la création de l’Enverdaim, traitement pour imperméables, pour lequel un brevet est obtenu en 1938. Le procédé Enverdaim fut acheté par la firme Ferguson and Shiers de Manchester, qui vendait ses produits sous la marque Doeskin (littéralement « peau de daim » ).

Publicité Enverdaim Coll Particulière
Publicité Enverdaim Coll Particulière

Avant la guerre, le chiffre d’affaires se répartissait de la manière suivante : rayon confectionnés ameublement : 33,3 %, Tapis : 10,58 %, Gommage : 38,42 %, Tissus divers : 15 %, Dermoplast : 0,48 %, Feuille de gomme : 2,20 %.

La guerre éclate, et dans un premier temps, l’entreprise pense se délocaliser dans la commune de Pons, en Charente, entre Royan et Cognac, mais elle est de retour à Roubaix dès octobre 1940. Pendant la guerre, Jean Pennel crée dans son établissement une section de jeunes apprentis, car  «les matières premières manquent et la main d’œuvre juvénile est exposée au désœuvrement ». Ce sont donc les circonstances qui ont entraîné les premières bases d’un apprentissage rationnel et de l’enseignement professionnel. La première promotion d’apprentis date de 1940. En 1941, la S.A. Pennel & Flipo devient une S.A.R.L.

L'usine en 1940 Coll Particulière
L’usine en 1940 Coll Particulière

De 1942 à 1944, l’entreprise Pennel & Flipo œuvre à soustraire les jeunes aux réquisitions et rafles de l’occupant, en les éloignant dans le cadre de chantiers forestiers. Ainsi les jeunes ayant l’âge du service militaire, s’en vont travailler dans des chantiers forestiers à Bouconville dans la Meuse et à Chermisy en Champagne, avec le concours du secrétariat général des eaux et forêts.

Le journal du Bulgomme Col PhW
Le journal du Bulgomme Col PhW

L’entreprise Pennel & Flipo assurera également le lien entre son personnel mobilisé ou prisonnier et les familles avec le journal de l’entreprise, intitulé Le journal de Bulgomme. Dans le numéro d’avril 1940, on pouvait y lire les travaux effectués dans l’usine, des conseils de cuisine, de la poésie, un article sur le comité d’entraide des enfants de mobilisés, des histoires de permissionnaires, les événements familiaux et une importante rubrique du courrier des mobilisés.

(à suivre)

De l’Ouest au Danemark

Au moment des vacances scolaires de Pâques, une mission italienne composée en majorité de jeunes gens et de jeunes filles de Modène venait à Roubaix rendre visite à la nombreuse colonie italienne de la ville et de ses environs, et soutenir l’apostolat des deux Pères Bruno et Severio. Ces deux prêtres italiens étaient installés rue de l’Ouest dans une des maisons aux balcons caractéristiques ayant appartenu à M. Dujardin. Un témoin nous raconte que Mme Magris dont la famille était italienne, et qui était l’épouse de l’entrepreneur bien connu dans le quartier, avait fait refaire le grand salon par le peintre Michel Toulemonde et l’avait fait aménager en chapelle.

Le cardinal Liénart rue de l'Ouest Photo NE
Le cardinal Liénart rue de l’Ouest Photo NE

Le 5 avril 1967, c’est le Cardinal Liénart en personne qui vient apporter son soutien spirituel à la colonie italienne, avant le départ des jeunes missionnaires. Une messe est célébrée en l’église Saint Antoine, par l’abbé Desmettre, professeur au collège de Marcq, puis les paroissiens français et italiens ont écouté les homélies de don Galasso, prêtre de la mission de Modène et de Monseigneur Devos, vicaire général. Après la messe, une réception est donnée dans la salle paroissiale de la rue de Remiremont, à deux pas de l’église. Le consul d’Italie, M. Tarquinio, rue d’Isly à Lille, est présent, ainsi que l’abbé Dejager, curé de Saint Antoine, le RP Falciola de Modène et d’autres prêtres de la mission. Après les remerciements des uns et des autres, le Cardinal Liénart a ces mots : « Vous êtes le trait d’union entre l’Italie et la France. C’est dans le plan de Dieu ». Et il souhaite à tous les modéniens un heureux séjour. Le Cardinal se rendra ensuite à la mission de la rue de l’Ouest, où sont installés les jeunes de Modène.

Devant l'église Saint Vincent Photo NE
Devant l’église Saint Vincent Photo NE

Signe de l’importance de la présence italienne à Roubaix et ses environs, il est procédé au jumelage de la paroisse et de la mission catholique italienne dans le cadre de l’église Saint Vincent de Paul en 1982. L’église Saint Vincent de Paul fut construite avant la première guerre mondiale, mais ce sont les allemands qui l’occupèrent en premier, la transformant en écurie pendant leur séjour de quatre ans à Roubaix. Quand ils eurent vidé les lieux, et après un grand nettoyage, l’église devint le cœur de la paroisse le 9 mai 1920, avec l’arrivée de son premier desservant, le curé Minnebon.

L'église Saint Vincent de Paul rue du Danemark CP coll Particulière
L’église Saint Vincent de Paul rue du Danemark CP coll Particulière

L’église est rénovée à la fin des années soixante, et Monseigneur Decourtray vient la bénir le 10 mars 1968. En juin 1979, on célèbre le départ et le jubilé de l’abbé Picques, qui fut le curé de la paroisse pendant 28 ans. En mars 1980, c’est l’installation de l’abbé Saint Venant, et son successeur l’abbé Ferrucio Sant arrivera le 12 décembre 1982. Avec l’appui de Monseigneur Gand, l’église Saint Vincent de Paul devient la paroisse de la communauté italienne de l’agglomération, ainsi que celle de tous les habitants du quartier. Les offices sont d’ailleurs célébrés dans les deux langues.

L'intérieur de l'église Saint Vincent de Paul Coll Particulière
L’intérieur de l’église Saint Vincent de Paul Coll Particulière

d’après la presse locale, et les témoignages des participants de l’atelier mémoire du Fresnoy-Mackellerie

La création d’une bibliothèque

Dans l’immédiat après-guerre, l’idée d’une bibliothèque populaire est à l’ordre du jour. Le 16 janvier 1945, après la visite d’un Inspecteur Général des Bibliothèques, la création d’une bibliothèque municipale est retenue par l’Administration. Le projet aboutira après de nombreuses péripéties.

Les magasins Rammaert-Jeu CP Méd Rx
Les magasins Rammaert-Jeu CP Méd Rx

Une délibération municipale en date du 30 juin 1950 décide de l’acquisition des magasins Rammaert-Jeu située 22-23 Grand Place, dans le but d’y installer des services administratifs et une bibliothèque municipale.

Puis définir un projet d’aménagement.

Si l’avant-projet d’aménagement des services est approuvé le 6 février 1953, celui de l’installation de la bibliothèque est revu afin d’en réduire le coût sans mettre en péril la valeur du projet. Lors d’une réunion tenue le 19 juillet 1954, il est donc remanié et approuvé : au rez-de-chaussée, on trouvera une salle de prêt, une salle de périodiques, une bibliothèque enfantine, une salle de conférences, une salle d’exposition, un bureau, un atelier de reliure. Au sous-sol, des magasins de livres et la chaufferie. Au 1er étage : une salle de lecture, une salle de distribution et de catalogue, un bureau de bibliothécaire et des magasins. Aux 2e et 3e étages, des réserves et l’appartement destiné au bibliothécaire, dont les dispositions réglementaires ont prévu qu’il soit logé dans ses services. Le 9 mai 1955 intervient l’approbation du projet de construction de la bibliothèque.

Ensuite, la question du financement.

Le 8 septembre 1955, le Préfet informe le conseil municipal du montant de la subvention du ministère de l’Éducation Nationale. Elle est inférieure à la somme escomptée, ce qui oblige les conseillers à modifier le dispositif financier, en augmentant la part de la ville, le 20 février 1956. L’adjudication des travaux est lancée en avril 1956. Le chantier est ouvert en juin 1956. La dépense prévue se monte à un peu plus de 40 millions de francs.

Adjudication doc AmRx
Adjudication doc AmRx

Mais il est apparu nécessaire d’aménager deux salles supplémentaires et un logement pour le concierge, sans parler des hausses intervenues sur les devis, et la présence du champignon sur la charpente ! Le coût total de l’opération sera finalement de 59,5 millions de francs, soit une augmentation de près de 45% !

Après quelques péripéties de chantier, dont l’effondrement des palissades de façade par grand vent, on enlève en juillet 1958 les dites palissades. Le même mois, le conseil municipal approuve la« revalorisation » du budget. Une subvention supplémentaire sera demandée à l’Etat.

Façade juillet 1958 Photo NE
Façade juillet 1958 Photo NE

Le 11 juillet 1958, suite à un appel lancé par Charles Bodart-Timal[1], qui suggère d’installer un musée local dans l’une des salles de cette bibliothèque, un vœu est émis et adopté en séance publique du conseil municipal. Il sera fait appel au ministre sur la regrettable situation faite au musée abrité dans l’ENSAIT de Roubaix, fermé depuis 1939 ! Il est demandé la cession gratuite par l’Etat des œuvres à la ville de Roubaix, qui aménage une importante bibliothèque municipale où pourraient se trouver ces œuvres d’art. L’attention du ministre est attirée sur la collection Tissus de l’ancien musée, en voie de détérioration. La ville s’engagerait financièrement. En quelque sorte, c’était demander un juste retour des choses. En effet, la Ville de Roubaix avait cédé gratuitement sa bibliothèque par convention en 1882 avec l’Etat afin de créer l’Ecole Nationale des Arts Textiles (l’actuelle ENSAIT). Même s’il était précisé que cette bibliothèque était ouverte à tous, peu de Roubaisiens la fréquentaient. Un article de février 1959 annonce la réouverture de cette bibliothèque[2], fermée depuis deux ans, où l’étudiant, le chercheur et le bibliophile trouveront de quoi satisfaire leurs goûts respectifs[3]. Mais Roubaix souhaite désormais disposer d’un véritable centre culturel digne de l’importance de sa population. L’ouverture prévue pour la fin de l’année 1958, aura lieu le 23 mai 1959.

A suivre

 


[1] Charles Bodart-Timal (1897-1971) chansonnier roubaisien d’expression picarde du Nord

[2] Grâce à l’intervention de Marcel Wattebled directeur de l’ENSAIT, et avec l’artiste peintre érudit Jean Lanthier comme bibliothécaire.

[3] In Nord Eclair février 1959.

On lira avec intérêt sur le sujet le travail suivant : La Mise en place d’un service patrimonial dans une bibliothèque de lecture publique : le cas de la Médiathèque de Roubaix. Maîtrise en sciences de l’information et de la documentation. Esther De Climmer.- Lille : Université Charles De Gaulle, 2000 (en Médiathèque)

 


 

Pennel & Flipo : 1924 à 1934

Le 10 juin 1924, c’est la création de la société anonyme des Ets Pennel & Flipo. Firmin Dubar[1]  annonce aux jeunes entrepreneurs : il faut dix ans pour créer une entreprise !

Deux des parrains de l'entreprise: Firmin Dubar et l'abbé Pinte Photo VDN
Deux des parrains de l’entreprise: Firmin Dubar et l’abbé Pinte Photo VDN

Ils se lancent donc dans la fabrication de feuille de gomme. Pour la fabriquer, il faut une calandre avec un mélangeur pour l’alimenter. Le calandrage est un procédé de mise en forme du caoutchouc qui permet de fabriquer des feuilles de caoutchouc dont l’épaisseur et la largeur sont constantes. On utilise également le calandrage pour recouvrir une feuille de tissu d’une mince couche de caoutchouc ou pour imprimer un dessin sur la feuille ou lui donner une texture. Pennel & Flipo seront les premiers à utiliser ce nouveau procédé en Europe. Pennel et Flipo avaient acheté une première calandre chez Repiquet à Bobigny. En 1928, ils achèteront une autre calandre plus grande chez Repiquet, pour tissus de grande largeur, encore en service trente ans après ! Ce matériel produisait 5.000 mètres par journée de huit heures.

Calandre Repiquet Coll. Particulière
Calandre Repiquet Coll. Particulière

En 1926, Pennel & Flipo s’intéressent aux vêtements de pluie caoutchoutés. 1930, l’entreprise prospère ! L’atelier devient petit, surtout après l’achat d’une deuxième grande calandre chez Repiquet. Il fallait aussi trouver une clientèle. Ce seront les confectionneurs pour lesquels on produit du gommage à façon. Ils font leurs achats de tissus à Roubaix Tourcoing, ils font l’économie des transports, le « gommeur » de Roubaix va les chercher. Pennel & Flipo auront bientôt un agent unique à Paris au n°3 rue André-Gill de 1926 à 1929 (Métro Pigalle) puis au 70 rue de l’aqueduc de 1929 à 1936, (Métro Stalingrad) et enfin boulevard Voltaire.

Bulgomme Coll. Particulière
Bulgomme Coll. Particulière

En 1932, le Bulgomme, caoutchoutage cellulaire, fait l’objet d’un brevet. Il contribuera à assurer solidement la réputation de la maison, alors qu’elle produit encore les articles qui l’avaient fait vivre jusque là, à savoir les culottes, alèzes, bavoirs, bonnets de bain, tabliers en tissus imprimés caoutchoutés. La gomme renforcée remplace progressivement le taffetas huilé.

En  1932, on prépare la loi sur les allocations familiales. Certains industriels pratiquaient déjà la prime en faveur de la mère au foyer. Quand parut la loi sur les allocations familiales obligatoires, les prestations légales étaient inférieures à celles déjà pratiquées. L’année suivante, en 1933, cinq entreprises dont Pennel et Flipo (Leclercq Dupire, Léon Olivier, Lesaffre et cie et Saint Gobain) versent une allocation complémentaire pour couvrir la différence.

L'usine en 1936 Coll Particulière
L’usine en 1936 Coll Particulière

On poursuit l’équipement, signe de l’évolution de la production. En 1933-1934, il est procédé à l’achat d’une quatrième calandre chez Repiquet. Pennel & Flipo, à cette époque, c’est 100 salariés. On célèbre les traditionnelles fêtes patronales suivantes : la Sainte-Anne pour la confection, et la Saint-Eloi pour la fabrication. Le bilan des dix ans est positif. Firmin Dubar pouvait être fier de ses filleuls.

à suivre

D’après l’historique de la société Pennel et Flipo, et le Journal de Roubaix


[1] Firmin Dubar (1860-1947) directeur de la firme textile Dubar-Delespaul à Roubaix, parrain de la nouvelle société.

Années 50 : baby-boom et constructions scolaires

Dans les années 50, les quartiers sud vont être abondamment lotis. Cet afflux de population a pour corollaire la construction d’écoles primaires qui permettront d’absorber cet afflux d’enfants, lié au transfert de population venue d’autres quartiers, mais aussi à l’influence du baby boom. Les nouveaux lotissements sont construits sous l’égide du CIL, dans le but d’éliminer l’habitat insalubre.

Ces constructions débutent en 1950 par l’école Ste Bernadette, située dans un quartier où se mettent en place les chantiers des groupes Pigouche (45 maisons) et Carpeaux (54) sous l’égide de l’UMIC. L’école est construite sur l’emplacement de la vieille ferme de la Haie, appartenant à la famille d’Halluin et acquis en 1946 par la ville. Les bâtiments sont construits dans le style des maisons environnantes, récemment construites. Ils forment un L qui inclut l’ancien bâtiment d’habitation de la ferme servant aux religieuses.

L'école en 1983 - Photo Lucien Delvarre
L’école en 1983 – Photo Lucien Delvarre

1951 voit, rue de Condé dans le quartier du Pile, l’ajout de 3 classes aux 6 existantes et la construction d’un réfectoire, à la grande satisfaction de Mme Legrand, la directrice. Ces travaux s’expliquent par le fait qu’on prévoit 88 logements collectifs au square Destombes, tout proche, dont la construction démarre cette même année.

Photo Nord Matin 1951
Photo Nord Matin 1951

Après ces chantiers isolés, à partir de 1955 est mis en place un vaste plan de construction comportant plusieurs groupes scolaires, pour répondre au lotissement des nouveaux quartiers construits sur les zones restées libres.

Les premiers immeubles collectifs du quartier du Pont-rouge sont mis en chantier en 1950. D’autres constructions suivront à partir de 1953. On prévoit également un peu plus tard la construction du quartier des 3 ponts. Il faut scolariser toute cette nouvelle population, et l’on construit en 1955 un groupe scolaire comportant 16 classes à l’extrémité de la rue Julien Lagache, après l’hôpital et face à la vieille ferme Loridan. L’ouverture a lieu l’année suivante. Construite en plein champs, on l’appellera quelques années « l’école aux vaches », jusqu’à ce que les bâtiments s’implantent tout autour.

 

Le chantier à ses débuts. Photo Nord Eclair 1955
Le chantier à ses débuts. Photo Nord Eclair 1955

Pour répondre à la construction de la cité de débord, implantée dès 1950, et anticiper celle du quartier des Hauts Champs, qui s’élèvera à partir de la fin des années 50, on prévoit la construction du groupe Brossolette. La construction démarrera en 1956 et sera conduite en plusieurs phases successives pour arriver à un total de 38 classes.

Document la Voix du Nord 1956
Document la Voix du Nord 1956

Plus ponctuellement, apparaît une nouvelle maternelle au 225 de la rue de Leers. Mme Naye y sera directrice en 1968.

Photo Nord Eclair 1956
Photo Nord Eclair 1956

 Dans le quartier de Beaumont, où apparaissent également des lotissements de maisons individuelles, on élève un nouveau groupe scolaire, mais sur deux terrains proches pour des raisons de place disponible, toutes deux sur l’emplacement d’anciennes fermes (Leuridan et Cruque). On installe rue Edouard Vaillant l’école de filles et la maternelle (respectivement 4 classes, directrice Mme Brouart, et 3 classes, Mme Fourrage), et place du Travail l’école de garçons (directeur M. Godin).

Photo la Voix du Nord 1957
Photo la Voix du Nord 1957

A la Potennerie s’implantent au début des années 50 des collectifs. Dans le même temps s’ouvre en 1956 au coin des rues Jules Guesde et Dupuy de Lôme, sur une partie du parc, un ensemble scolaire comportant 10 classes de filles et 6 de maternelles. Il est inauguré en septembre 1956.

Document Nord Eclair 1955
Document Nord Eclair 1955

 En ce qui concerne l’enseignement privé, on construit à la même époque 4 classes supplémentaires à l’école St Michel rue Jouffroy.

Durant cette période, la municipalité fait donc un effort considérable pour s’adapter et faire face à l’afflux des élèves. Cet effort se poursuivra au cours la décennie suivante, mais dans une moindre mesure, l’essentiel étant réalisé.

Tous les documents proviennent des archives municipales.

 

Le mystère du vase de Sèvres

Parmi les monuments qui agrémentent çà et là le beau jardin, alias le Parc de Barbieux, se trouvait autrefois un imposant vase de Sèvres en grès céramique. L’auteur de cette œuvre était le sculpteur Gauvenet, entré à la Manufacture nationale de Sèvres en mai 1908, pour y être sculpteur de 1912 à 1925, puis artiste-sculpteur de 1925 à 1943. Il est l’auteur de nombreuses sculptures et formes, et notamment des vases.

Le pavillon des deux villes à l'exposition des arts décoratifs de 1925 Coll. Particulière
Le pavillon des deux villes à l’exposition des arts décoratifs de 1925 Coll. Particulière

Ce vase de couleur blanc crème provenait de l’Exposition des Arts décoratifs de 1925, à laquelle participèrent conjointement les villes de Roubaix et Tourcoing. Ses dimensions étaient considérables : 7 mètres 30 de hauteur, trois mètres de diamètre, à sa partie le plus ventrue. C’est une délibération du conseil municipal du 18 juin 1926 qui nous donne l’origine de la présence de cette urne monumentale. Il s’agit d’un don de l’État à la ville de Roubaix.

Le vase de Sèvres du Beau Jardin CP Méd Rx
Le vase de Sèvres du Beau Jardin CP Méd Rx

Nos édiles ne souhaitèrent pas le placer à l’intérieur du parc, dont il aurait immanquablement obstrué la vue. Ils préférèrent lui donner comme emplacement un rond-point situé en bordure de l’avenue Jean Jaurès, situé à égale distance de la Laiterie et de l’extrémité du parc côté Croix. C’était un des points les plus hauts du parc, qui conviendrait parfaitement à sa mise en valeur, sans gêner pour autant la perspective d’ensemble du parc. Il en coûta 12.200 francs pour installer ce monumental vase.

Victor Provo inaugurant le golf miniature Photo Nord Matin
Victor Provo inaugurant le golf miniature Photo Nord Matin

Il disparaîtra en février 1962, à cause de son mauvais état. Les concessionnaires du Bol d’Air utilisèrent son emplacement pour des pistes de pétanque plus prosaïques, la pelouse comprise entre le Bol d’Air et le vase étant reconvertie en un golf miniature. C’est un véritable centre de délassement, pour reprendre les termes de l’époque, que Victor Provo, maire de Roubaix,  inaugura début juillet de la même année. Le golf miniature et les cinq pistes de pétanque faisaient partie d’un ensemble de travaux comprenant également les nouvelles terrasses du Bol d’Air.

Le golf miniature Coll. Particulière
Le golf miniature Coll. Particulière

Quand les loisirs prenaient le pas sur les commémorations symboliques…

Pennel & Flipo : les débuts roubaisiens 1921-1924

La première société Pennel & Flipo est constituée en 1921 et ses locaux se trouvent dans un ancien café reconverti en atelier (Estaminet Hiroux en 1914). Aujourd’hui démoli, ce café, qui appartenait à la Brasserie Jonville, était situé au n°58 rue de l’espérance. Jean Pennel a 25 ans, il est chimiste. Joseph Flipo a 29 ans, fils de fabricant, il est dans la finance.

Publicité dermoplaste Willot Coll. Particulière
Publicité dermoplaste Willot Coll. Particulière

Ils vont se lancer dans la fabrication d’un sparadrap pharmaceutique, le dermoplaste Willot, un produit du laboratoire Joseph Willot, le pharmacien roubaisien bien connu de la rue du vieil abreuvoir. Mais le dermoplaste ne suffit pas à faire vivre la société. Ils font la découverte d’un produit à Paris, les culottes bébé en feuille de gomme de couleur naturelle. Le produit est fabriqué par la société S.I.T. caoutchouc Paris, qui sera reprise par la société Kléber Colombes. C’est la grande époque du caoutchouc ! A Roubaix, Emile Degraeve établit la manufacture de caoutchouc du Coq français (n°173 en 1885) qui sera reprise par la société Hutchinson.

Société Degraeve Col Méd Rx
Société Degraeve Col Méd Rx

Les commandes augmentent, on complète la gamme: un bavoir, une alèze… Côté dermoplaste, d’autres produits : le taffetas Pierart, œuvre d’un pharmacien parisien, qui change le traditionnel taffetas chiffon à base d’huile de lin par une feuille caoutchoutée, et un autre fournisseur, Morel, pour acheter du drap d’hôpital afin de renforcer le rayon pansement. Mais tout cela revient cher : trop de fournisseurs, trop d’intermédiaires. Les deux associés se décident à passer à la fabrication du principal produit, la culotte bébé en caoutchouc ! Ils ont bien un fournisseur de feuilles, la maison Lick et Paramount de Paris, mais elles sont de qualité irrégulière et en quantité insuffisante ! Alors, fabriquer le produit de base ?

Les parrains de l'Oiseau de France Monde Illustré 1923
Les parrains de l’Oiseau de France Monde Illustré 1923

Leur projet est clair : il faut construire un immeuble, y mettre du matériel, apprendre à s’en servir, et trouver l’argent nécessaire. Pour l’argent, des souscripteurs ont accepté de prendre le risque, ils y retrouveront plus que leur compte après coup. Il y a tout d’abord Adolphe Delmasure et ses deux frères. Adolphe Delmasure (1890-1978) est une personnalité de l’Action Catholique du département du Nord. Fils d’industriel et lui-même petit patron, il est à l’origine des secrétariats sociaux et de l’émergence du syndicalisme chrétien C.F.T.C. dans le Nord. Puis Firmin Dubar (1867-1947) a participé. Lui, c’est la famille. Il est l’oncle des deux partenaires. Sa sœur Marie Dubar a épousé Charles Flipo, lesquels sont les parents de Joseph Flipo. La femme de Firmin Dubar est une Pennel. Et il possède des terrains dans le quartier du Hutin, ce qui n’est pas négligeable. Vient ensuite Alphonse Louis Allard (1860-1936), un important industriel roubaisien. Ils reçoivent aussi de l’aide de la part de l’Abbé Pinte lequel était chimiste de formation. L’abbé Jules Pinte, Firmin Dubar et Joseph Willot, c’est l’équipe reconstituée de l’Oiseau de France, journal de résistance pendant la première guerre. Ce sont des héros !

L'usine Pennel & Flipo en 1934 Coll Particulière
L’usine Pennel & Flipo en 1934 Coll Particulière

Avec de tels parrainages, le 10 juin 1924, la société anonyme des Ets Pennel & Flipo est créée avec un capital de 900.000 francs. Elle absorbe la première affaire qui apporte ses actifs. Un beau champ de blé est acheté dans le quartier du Hutin et un premier immeuble est construit.

 (à suivre)

D’après l’historique de la société Pennel et Flipo, et le Journal de Roubaix

Un dernier élargissement

Le coin de la grand rue et des rues de l’Hommelet et Pierre de Roubaix n’a pas fini d’être élargi : la pioche des démolisseurs va maintenant s’attaquer aux deux angles Est.

Le plan cadastral de1845 nous montre un bâtiment formant l’angle sud-est du carrefour. Il est composé de plusieurs propriétés, numérotées 134bis, 136 et 138 sur la grand rue, et 1 sur la rue du quai . Le 138 est prolongé parallèlement à la rue du quai par un bâtiment long qui forme un retour à angle droit pour rejoindre cette même voie, enserrant ainsi un terrain clôturé par un mur. La propriété porte les numéros 3 à 9 dans la rue.

Plan cadastral 1884
Plan cadastral 1884

Un article de la Voix du Nord publié en 1958 nous apprend que c’est justement au 138 qu’Eugénie Scrépel-Pollet transfère le magasin de pianos et instruments de musique qu’elle a ouvert en 1880 rue des Champs. Très vite, M. et Mme Marcellin Willot-Scrépel prennent une part active dans le commerce qu’ils reprennent rapidement. En effet, en 1893, monsieur Willot-Scrépel , négociant, domicilié au 70 boulevard de Strasbourg, est propriétaire du 138. L’enseigne affiche toujours néanmoins le nom de Scrépel-Pollet.

Il procède à des aménagements (installation d’une vitrine grand rue, et percement d’une grand porte et de fenêtres sur l’ancienne rue du quai, devenue rue Pierre de Roubaix.

Le magasin - Document médiathèque de Roubaix
Le magasin – Document médiathèque de Roubaix

Marcellin Willot-Scrépel était employé de commerce lors de son mariage avec Justine Scrépel-Pollet, fille de François Scrépel et de Marie Françoise Pollet. Leur gendre, Amand Lecat, les aide dans le commerce qu’il reprendra à son tour dans les années 30.

Il installe sur la rue Pierre de Roubaix des ateliers, car il fabrique également sa propre gamme d’instruments.

Les ateliers - Document médiathèque de Roubaix
Les ateliers – Document médiathèque de Roubaix

Très tôt, le commerce s’élargit par la commercialisation de machines parlantes, mais aussi de pianos automatiques à cylindres et et pneumatiques. L’entreprise suit les évolutions de près : avec l’avènement du pick up, on assiste à l’ouverture d’un rayon de disques. Apparaissent les premiers postes de radio ; l’enseigne a des relations suivies avec la maison Philips, dont elle deviendra distributeur officiel. On passera ensuite à la télévison et la Hi-fi, mais aussi à l’électroménager.

Documents journal de Roubaix
Documents journal de Roubaix

Durant cette période, les numéros 134 bis et 136, ainsi que le numéro 1 rue Pierre de Roubaix abritent encore d’autres commerces. On trouvera longtemps un estaminet au numéro 134 bis, un coiffeur au 136, une épicerie, puis une école de coupe au 1. cette situation dure jusque dans les années 50, où, finalement, Scrépel Pollet rachète les propriétés formant le coin.

En 1958, M. Francis Lecat étant responsable du commerce, la presse nous annonce l’ouverture d’un magasin agrandi et rénové, dont les vitrines ouvrent désormais sur les deux rues. L’inauguration réunit de nombreuses personnalités.

La nouvelle vitrine - Document Nord Eclair
La nouvelle vitrine – Document Nord Eclair

Le magasin s’agrandit encore au détriment des anciens ateliers de pianos rue Pierre de Roubaix. Les vitrines sont surmontées d’un bardage métallique reprenant le sigle stylisé de la société. La propriété s’étend désormais jusqu’au boulevard Gambetta.

Photo Lucien Delvarre
Photo Lucien Delvarre

En 1984 le magasin est repris par les établissements Leroy-Horinque. A cette même époque, les travaux de l’avenue des nations-unies avançant, supprimant le dernier tronçon de la rue de l’HOmmelet, et obligeant à un élargissement de la rue Pierre de Roubaix jusqu’au boulevard Gambetta. Le magasin, désormais frappé d’alignement, est démoli, ainsi que la belle maison située en face, de l’autre côté de la grand rue.

L'extrémité côté Gambetta. Photo la Voix du Nord
L’extrémité côté Gambetta. Photo la Voix du Nord

On reconstruit un nouveau magasin dans l’alignement, situé du côté du boulevard Gambetta.. Celui-ci changera de nom, la nouvelle enseigne arborant Leroy-Horinque, avant de disparaître victime de la concurrence des grandes surfaces. Il est désormais remplacé par un centre de remise en forme.

Les autres documents proviennent des archives municipales.