Journal de Roubaix

Au début du dix-neuvième siècle, la ville de Roubaix compte 16.000 habitants. C’est un pharmacien, Hippolyte Beghin qui, ayant obtenu son brevet d’imprimeur en 1829, lance le premier périodique imprimé à Roubaix, un bi-hebdomadaire nommé « La feuille de Roubaix », qu’il imprime sur une presse à bras installée dans la librairie de sa femme.

Le feuille de Roubaix Août 1829 (Document la Presse du Nord et du Pas de Calais au temps de l’Echo du Nord)

Un an plus tard, la feuille de Roubaix devient le « Narrateur Roubaisien ». Au décès d’Hippolyte en 1851, sa veuve Hyacinthe Defrenne reçoit son brevet en succession et continue son activité d’imprimeur parallèlement à son activité initiale de libraire spécialisée en livres de piété. L’activité de l’entreprise cesse en 1875.

Carte publicitaire de la librairie Béghin au milieu du 19ème siècle (Document collection privée)

Pendant ce temps à Lille, Jean-Baptiste Reboux Leroy a lancé en 1824 le Journal du département du Nord, journal royaliste légitimiste, vite concurrencé, avec succès, par l’Echo du Nord. En 1831, il lance donc la Boussole, journal royaliste également mais ce journal subit une lourde condamnation dès l’année suivante, Jean-Baptiste et Charles, son fils journaliste, subissant une peine d’emprisonnement pour délit politique. Leur journal ne s’en relève pas et disparaît dès 1833.

Dès lors il renonce à la politique, ce qui lui permet de conserver deux presses. Ses deux autres fils, Jean-Baptiste et Edouard, lui succèdent à la tête de son journal à son décès en 1843. Ils fondent ensuite le journal la Liberté, journal catholique, jusqu’à ce que le premier laisse l’imprimerie paternelle au second. Ce journal, en opposition au pouvoir impérial, subit également des condamnations avant de disparaître au profit de la Vérité qui paraitra jusqu’en 1857.

Jean Reboux (Document Nord-Eclair)

Entretemps Jean-Baptiste fils (qui se fait appeler Jean pour éviter la confusion avec son père) s’est installé à Roubaix en tant que lithographe, rue Saint Georges au 16 bis avant de reprendre la librairie de Gaspard Burlinchon au 1 rue du Vieil Abreuvoir après avoir obtenu son brevet de libraire. Puis il prend en 1846 la succession de son beau-frère Charles Hennion, imprimeur lithographe à Roubaix, époux de sa sœur Mathilde, « par suite d’arrangements de famille », ayant obtenu son brevet d’imprimeur, avec plus de difficultés le préfet rechignant à le lui délivrer afin de ne pas précipiter la ruine de l’imprimerie Béghin.

Cartes publicitaires de J Reboux rue Saint-Georges, de la librairie Burlinchon et de Charles Hennion (Documents collection privée et dictionnaire des imprimeurs et lithographes du 19ème siècle)

Enfin en 1856, après plusieurs années de démarches, Jean-Baptiste Reboux, obtient l’autorisation de publier un journal non politique : le Journal de Roubaix, moniteur industriel et commercial du département du Nord. Il installe d’abord son journal au n° 20 rue Neuve. Comme les premiers journaux roubaisiens il s’agit plutôt d’une feuille d’annonces qui s’adresse à une clientèle particulière d’industriels, de négociants, de commerçants et d’agriculteurs.

En-tête du 1er numéro du journal de Roubaix en 1856 (Document BNR)

D’abord bi-hebdomadaire, ce journal ne devient quotidien qu’en 1865, et il se situe alors au 56 Grande- Rue. Organe conservateur et catholique, il est poursuivi à plusieurs reprises par l’administration impériale, notamment en 1867 pour avoir imprimé, sans déclaration préalable des dépêches télégraphiques, donnant des nouvelles politiques, qui ont été affichées dans la vitrine de son magasin mais aussi vendues par colportage par des enfants dans des cafés et estaminets de la ville.

En-tête du quotidien en 1865 (Document BNR)

Le journal de Roubaix ne va réellement connaître un développement important qu’à l’arrivée à l’âge de 18 ans du fils de son fondateur, Alfred Reboux, comme journaliste, lequel succède à son père en 1872, trois ans avant l’installation du journal au n°1 rue Nain. Ce n’est qu’à la fin du siècle, en 1898, qu’Alfred Reboux installe son quotidien dans les locaux qui seront les siens jusqu’à la fin, au 71 de la Grande Rue à Roubaix. Quant au 56 Grande Rue, l’immeuble est dès lors occupé par le journal catholique lillois La Croix du Nord.

La Croix du Nord 56 Grande Rue (Document collection privée)

Alfred Reboux a racheté la propriété appartenant à Jean Lefebvre-Soyer composée d’une grande demeure, d’une maison de concierge, d’une écurie, d’une remise, d’une buanderie, de serres et de bureaux. Sur le cadastre la propriété couvre les parcelles 613 à 615 en 1884. Jean Lefebvre, grand officier de la légion d’honneur, époux d’Hermance Soyer, était l’associé d’Amédée Prouvost. La surface et la splendeur des nouveaux locaux en disent long sur la stature acquise par le quotidien sous la direction d’Alfred, propriété de la Société des Journaux Réunis.

Cadastre de 1884 (Document archives municipales)

Photo de Jean Lefebvre-Soyer (Document Thierry Prouvost la lignée des Lefebvre)

Tout en gardant un fort contenu économique : cotations en bourse, tarifications de la laine et du coton, le journal acquiert également un contenu de politique générale et internationale. La chronique locale y prend aussi de l’importance en instituant des correspondants dans toutes les communes aux alentours de Roubaix et jusqu’en Belgique. Au début du vingtième siècle, tout comme l’Echo du Nord Lillois, le Journal de Roubaix publie une série de 10 cartes postales présentant ses locaux.

Photo d’Alfred Reboux ( Document un siècle de presse roubaisienne de la médiathèque de Roubaix)
Hôtel du Journal de Roubaix (Documents collection privée)

Les différentes étapes de l’édition d’un journal à l’époque y apparaissent : l’alimentation du journal en informations au moyen du téléphone et du télégramme, la rédaction des articles et leur passage à la composition où les linotypes composent les textes, leur assemblage au marbre pour les disposer dans une forme constituant une page de journal, le passage à la clicherie puis la dernière opération : l’impression par les rotatives et la découpe en feuilles et enfin le départ par la salle des expéditions où après avoir été mis en paquets ils sont livrés aux vendeurs ou déposés à la gare, à l’aide de camions floqués à son enseigne.

Différents ateliers et salle de rédaction (Documents collection privée)
Le camion du journal de Roubaix (Documents collection privée)

Le journal, comme son propriétaire est catholique et défend les intérêts de l’église. Il lutte contre la laïcité et proteste contre la laïcisation de l’enseignement, l’expulsion des congrégations religieuses et la loi de séparation de l’église et de l’Etat. C’est un grand quotidien de province et un groupe de presse inventif et tourné vers les techniques innovantes.

Très rapidement le Journal de Roubaix entre dans la vie des habitants de Roubaix et environs : les vendeurs les livrent à l’aide de « carettes à quiens » (charettes à chiens), les enfants en font des déguisements, les pères et mères de familles et les soldats le lisent.

Les lecteurs du Journal de Roubaix (Documents collection privée)

A suivre…

Remerciements aux Archives Municipales de Roubaix

Visite d’une journée à « La Lainière »

document collection privée

En 1956, la direction de l’entreprise de « La Lainière de Roubaix » souhaite faire visiter son impressionnante usine à sa clientèle. Elle affrète alors plusieurs trains à plusieurs reprises, pour faire venir ses clients dépositaires des marques Pingouin et Stemm, directement sur les quais de l’usine au sein même de l’entreprise.

La  »gare » du Crétinier ( document collection privée )

Il faut préciser que la gare SNCF du Crétinier à Roubaix-Wattrelos n’existe pas ! En effet, ce n’est pas une gare SNCF : c’est la gare privée du peignage Amédée Prouvost.

La ligne de chemin de fer Menin-Somain passe entre les bâtiments de l’usine de la Lainière. Un embranchement particulier permet la réception des matières premières et l’expédition des produits finis. La direction a donc profité de cet embranchement pour en faire « la halte du Crétinier ».

document Nord Eclair 1956

A chaque fois, cinq à six cent visiteurs descendent des trains. Ils arrivent de toute la France, via Paris, et sont accueillis par les cadres de l’usine. Vingt groupes de 25 personnes sont alors formés et la visite peut commencer. Chaque groupe démarre une longue expédition de plus de 3 heures, à travers le dédale des ateliers.

document collection privée

Le peignage Amédée Prouvost, en cette année 1956, est une usine plus que centenaire. 4500 employés dont 3000 femmes y travaillent. L’usine a une superficie de 15 hectares.

20 millions de moutons sont tondus chaque année pour les laines du Pingouin. Les toisons laineuses proviennent d’Australie et de Nouvelle Zélande. La laine brute subit de multiples opérations de triage, lavage et cardage.

Le triage de la laine ( document collection privée )

Poursuivis de salle en salle par l’odeur spécifique du mouton, les visiteurs arrivent dans l’immense centrale électrique grande comme une église, où on leur communique des chiffres records annuels : 48.000 tonnes de charbon, 300 millions de litres d’eau chaude, 37 millions de Kwh etc

La production est également impressionnante  car l’entreprise possède 90.000 broches de filature. Parmi les 3000 ouvrières beaucoup viennent quotidiennement du Pas de Calais. La production se fait 6 jours sur 7 en 3 équipes donc 24h / 24h.

La filature ( document La Lainière )

Les clients continuent ensuite leur visite par la teinturerie en écheveaux, puis la salle des « pelotonneuses » qui produisent une pelote à la seconde et enfin la salle des « remailleuses » qui fabriquent les chaussettes Stemm.

Les dépositaires Pingouin et Stemm sont enchantés de leur venue. Ils sont surpris par ces couloirs interminables ( parfois de 400m de long ) mais également par la propreté des locaux y compris ceux de la teinturerie. Ils ont pu, lors de cette visite, comprendre parfaitement la transformation très complexe du ruban de laine en fil, et du fil en pelote.

document collection privée
document collection privée

La visite se termine, un apéritif est servi au Pavillon du stade Amédée Prouvost où débuta l’époque héroïque du C.O.R.T. ( Club Olympique de Roubaix-Tourcoing ). Un repas est ensuite servi au restaurant de l’usine dans un cadre plaisant et aéré. Jacques Prouvost, administrateur délégué, Philippe Bourguignon, directeur général et Jacques Thomassin, directeur de la publicité assistent bien évidemment au repas.

document collection privée

Les concessionnaires des laines du Pingouin peuvent à la fin de leur visite, expédier une carte postale datée du 18 Juin 1956.

document collection privée

L’objectif de ces visites très bien organisées est bien-sûr de créer un véritable esprit de famille entre le producteur et son client.

Au cours des années suivantes, ce sont 2 illustres visiteurs qui vont honorer l’entreprise de leur présence : en 1957, Elizabeth II d’Angleterre et en 1960, Nikita Kroutchtchev.

Hutchinson

Suite à un voyage d’études en Allemagne, Emile Degrave décide de travailler le caoutchouc. Il crée son entreprise en 1871 : La Manufacture Générale de Caoutchouc Souple et Durci. Appelée également usine du Coq Français, elle se situe au 173 rue du Tilleul à Roubaix ( aujourd’hui, rue Jules Guesde ).

En tête de lettre 1906 ( documents collection privée )

Il commence à fabriquer des joints, des plaques à base de fibres d’amiante, des courroies transporteuses pour les houillères, avant de créer sa propre marque de pneumatiques : « Amazone ».

Publicité pneumatique Amazone ( document collection privée )

Au début des années 1910, Emile Degrave s’associe avec Mr Prouvost. L’entreprise devient « Degrave et Prouvost ». Elle met au point des techniques nouvelles de production et crée la marque Fibrelite, qui obtient une médaille d’or, diplôme d’honneur, à l’exposition internationale de Roubaix en 1911.

Publicité Fibrelite ( documents collection privée )

En 1920, les premiers accords de coopération commerciale avec Hutchinson, fabricant de pneus, sont signés, et le rapprochement des deux entreprises ne fait que commencer.

Publicité pneus Hutchinson ( document collection privée )
En tête de lettre 1941 ( document collection privée )

A partir de 1952, l’entreprise commence à produire des cylindres pour la sidérurgie.

Publicité 1955 ( document collection privée )

En 1976, l’entreprise est reprise par Hutchinson. L’usine de Roubaix acquiert alors ses lettres de noblesse dans le « caoutchouc d’usure » c’est à dire dans une gamme de produits faisant appel à la souplesse, à l’élasticité mais aussi à la résistance du caoutchouc, qualités que l’on ne retrouve ni dans le plastique, ni dans le métal.

La vieille usine roubaisienne connaît des hauts et des bas. En 1983, quelques difficultés financières amènent l’entreprise à se séparer de 40 de ses salariés. Depuis, cette restructuration, l’entreprise se redresse très correctement. Elle fabrique des boules de loto, des soufflets de bus, des épaisses membranes pour les centrales nucléaires…

document Nord Eclair 1986 et document collection privée

Témoignage d’un cadre Hutchinson : On fait ici à Roubaix, tout ce que les autres ne veulent pas ou ne peuvent pas faire. Les moutons à cinq pattes, c’est pour nous. Nous sommes spécialisés dans des fabrications en petite série. Hutchinson à Roubaix, ce n’est pas Michelin à Clermont Ferrand ! Nous produisons des articles sur mesure dans des domaines très variés : le garnissage de cylindres et de rouleaux en caoutchouc, le moulage de pièces, la sous traitance automobile, etc

En 1988, les « Touche à tout » du caoutchouc entreprennent de moderniser leur image de marque, en investissant dans la réhabilitation de l’outil de travail. Les murs de la rue Jules Guesde sont sablés et rejointoyés et la brique retrouve sa belle couleur d’antan.

document Nord Eclair 1989

L’année suivante, en 1989, sous l’égide du SIAR (Syndicat Intercommunal de l’Agglomération Roubaisienne), l’entreprise qui avait acquis quelques maisons dans la rue de Bavay (perpendiculaire à la rue Jules Guesde) après démolition, construit une extension de 1000 m2 de ses ateliers de production. L’architecte Philippe Moreau a conçu une façade harmonieuse en matériaux modernes, tels que les pierres blanches et roses.

Photo BT

En 1990, en pleine nuit, le feu se déclare dans l’usine, du côté de la rue Jules Guesde. Les secours arrivent rapidement sur place et, vu l’ampleur du sinistre, les pompiers de Tourcoing, Marcq en Baroeul et Lille Bouvines sont appelés en renfort. Au total, 12 lances sont nécessaires pour venir à bout de l’incendie.

document Nord Eclair 1990

Fort heureusement, le nouvel entrepôt de 1000 m2 du côte de la rue de Bavay n’a pas été touché par l’incendie lequel a anéanti 600 m2 du côté de la rue Jules Guesde. La toiture et l’installation électrique sont détruites, par contre les machines bien qu’ayant fortement souffert sont encore utilisables.

L’incendie, spectaculaire, a causé un vif émoi chez les riverains. Le directeur Mr Lelièvre après avoir constaté les dégâts, assure qu’il n’y aura pas de chômage technique et pense qu’il y aura possibilité d’assurer le départ de la fabrications d’ici 2 à 3 jours.

L’entreprise redémarre rapidement son activité et continue à travailler et continue à travailler avec un matériel parfois ancien mais toujours efficace et rentable.

Une machine à l’intérieur de l’usine ( document Nord Eclair )

« Regardez cette machine, montre le directeur, pointant du doigt cette grosse machine très imposante, elle a plus de 50 ans et pourtant elle reste remarquable en terme de modernité ».

Aujourd’hui, l’entreprise rebaptisée « Le Joint Français » depuis quelques temps, fait toujours partie de la société Hutchinson, laquelle fait elle même partie du groupe Total Energie.

Installée depuis 1871, l’entreprise vit avec un héritage, une histoire sans se défaire des techniques de fabrication actuelles et indispensables.

Elle existe depuis plus de 150 ans à Roubaix : c’est certainement l’une des plus anciennes entreprises encore existante à ce jour dans la ville. Et c’est probablement pour cette raison que sur la façade de la rue Jules Guesde, une plaque a été posée à la mémoire de Maxence Van Der Meersch.

photos G. Vanspeybroeck et BT

 

Café Janssoone (Suite)

Photo de Paul et Raymonde avec leurs parents et beaux-parents Janssoone (dont Jules) et Cristal

Jules a un fils, Paul, que l’on retrouve en 1955, au 96 rue Jean Jaurès, dans les rubriques cafetiers et débits de tabac sur le Ravet-Anceau. Il tient son établissement avec son épouse Raymonde comme en atteste cette photo du couple prise devant leur établissement.

Paul et Raymonde puis Jean-Paul et Daniel leurs fils devant la façade du café Janssoone (Documents Joffrey Janssoone)

Une publicité de l’année 1966 montre que le café est le siège de l’Union Sportive de Hem et de la société d’épargne « Les amis du Beau-Chêne ». la publicité vante des consommations de premier choix, des articles fumeurs, des cartes postales et de la confiserie.

Publicité de 1966 (Document collection privée)
Les fils de Paul et Raymonde dans le jardin qui donne sur le patronage et l’un d’eux, Daniel, dans la cour du café-tabac (Documents Joffrey Janssoone)

Instantané de mémoire de Joffrey Janssoone, petit-fils des exploitants: «Je me souviens d’un café bondé, le comptoir plein, les tables devant le comptoir prise par les habitués où, très jeune, je m’asseyais de temps en temps avec eux. Les tables derrières étaient prises par les « beloteux » et les flippers installés dans le fond. Ma grand mère était au service, mon grand père au tabac qui me donnait mon dimanche pour avoir rangé les cigarettes dans les présentoirs.

Le week-end toute la famille était là pour travailler : les belles filles donnait un coup de main en salle, les frères servaient au comptoir sur lequel se trouvaient des œufs durs. Parfois 3 rangées de clients patientaient devant ; j’étais petit et je devais me frayer un chemin entre eux pour passer. Mon père et mon parrain jouaient au bout du comptoir au 421 avec les clients en racontant des blagues.

Certaines femmes appelaient au café pour savoir si leur mari était toujours là à l’apéro… Avec les autres enfants nous jouions dans le jardin qui communiquait avec le patronage de l’église Saint-Joseph. Je me souviens également de ma grand mère et de son balai à l’heure de la fermeture, poussant les derniers clients vers la sortie: PRESSONS PRESSONS !»

Publicité pour le café tabac ( juke-box, tilt, billard, articles fumeurs, confiseries, cartes postales). (Document Historihem)
Paul et Raymonde au comptoir et au billard (Documents Joffrey Janssoone)

Instantané de mémoire de Patrick Debuine, ami de la famille : « Lorsque les juke-box ont été installés cela a créé beaucoup de contentement dans la jeune clientèle mais aussi beaucoup de mécontentement parmi les clients plus âgés notamment les joueurs de belote qui ne s’entendaient plus penser et ne parvenaient plus à se concentrer dans une atmosphère devenue beaucoup trop bruyante à leur goût».

Raymonde devant la façade du café-tabac et Jean-Paul avec des clients (Document Joffrey Janssoone)

Le café tabac reste au nom de Paul jusqu’aux années 1980. En 1982, la publicité parue dans la brochure de l’Office Municipal d’Information hémois, fait état du café-tabac Janssoone-Cristal, du nom de jeune fille de Raymonde. Enfin, en 1983, l’établissement est répertorié au nom de Veuve Janssoone, laquelle continue à exploiter seule l’établissement quelques temps après le décès de son mari. Le café tabacs Janssoone vante alors principalement ses bières : Stella, Pelforth et Palten.

Dernières publicités Janssoone de 1982 et 1983 (Documents collection privée)

Lorsque Raymonde prend sa retraite, elle déménage au n°94, dans la maison voisine, et le café est revendu à la famille Sales. Paul et Raymonde ont eu 2 fils : Jean-Paul et Daniel. Jean-Paul, marié à Maryse, a une fille Emilie en 1979 (puis 2 fils en 1992 et 1996). Ils habitent au n°92 et sont donc les voisins de Raymonde. Daniel quant à lui, marié à Josette, a un fils Joffrey, également en 1979, et se trouve domicilié dans la maison voisine de son frère, au n°90.

Daniel Janssoone crée une entreprise d’électricité générale à son domicile et fait de la publicité pour son activité en ces termes :tout dépannage électrique, installations industrielles, éclairage magasins, force motrice, installations encastrées, tous chauffages électriques, eau chaude, cuisines électriques.

Publicité Janssoone électricité générale (Document collection privée)

En 1984, ce n’est donc plus la famille Janssoone qui tient l’établissement mais François Sales et son épouse, d’après le répertoire des commerçants, artisans et professions libérales d’ Hem. Le café fonctionne sous l’enseigne Au Beau-Chêne, sans doute en référence au Beau-Chêne du début du vingtième siècle, qui a perduré ensuite même quand les Janssoone l’exploitaient mais que les clients avaient pris l’habitude de dénommer « Chez Janssoone ».

Publicité Au Beau-Chêne (Documents collection privée et Historihem)

L’établissement Au Beau Chêne a été répertorié au registre du commerce et des sociétés jusqu’en 2012, date de sa radiation. Puis le 96 rue Jean Jaurès a été la propriété de la SCI (Société Civile Immobilière) Dubois Immobilier de 2011 à 2021, avant d’abriter 2 entreprises individuelles à ce jour.

Le Beau-Chêne en 2008 puis en travaux en 2017 et le 96 rue Jean Jaurès en 2022 (Documents Google Maps)

Une pensée pour Emilie Janssoone disparue trop tôt, en Mars 2022, alors qu’elle se faisait une joie d’apporter son témoignage.

Remerciements à Joffrey Janssoone et Patrick Debuine, à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume  pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem, à Bernard Thiebaut pour son livre : Mémoire en Images de Hem.

Marius Aupoix

Marius Aupoix naît en 1925 à Dompierre les Ormes, dans le département de la Haute Saône. Il arrive à Roubaix au début des années 1950 et souhaite créer sa petite entreprise de plomberie zinguerie couverture. Il reprend le domicile de Jean Delobel industriel, situé au 321 de la rue Jules Guesde à Roubaix, à l’angle de la rue Monge pour s’y installer.

document collection privée

En 1955, il demande un permis de construire pour transformer son habitation dont il perce les murs extérieurs pour poser 3 fenêtres et une grande porte. Il assure les travaux lui même. Ses affaires démarrent fortement grâce à son savoir faire et à son expérience. Il commence alors à faire de la publicité dans la presse locale à partir des années 1960

documents archives municipales

et en 1966, transforme ses fenêtres extérieures en larges baies vitrées et supprime la porte cochère. Son objectif est de développer son affaire d’artisan plombier en créant un magasin pour accueillir sa clientèle.

Il commence à vendre des produits d’électro ménager et en particulier la célèbre marque Brandt.

Publicité 1967 ( document Nord Eclair )

La même année, Marius devient installateur agréé  »Gaz de France » et artisan qualifié ( certification OPQCB ) et devient ainsi entrepreneur spécialisé en chauffage central en gaz, charbon et mazout.

Publicités années 1970 ( documents collection privée )

Ses produits de chauffage sont exposés dans son point de vente. Son magasin lui permet également de développer le commerce de produits de quincaillerie, vaisselle, verrerie, articles cadeaux, petit électro ménager et petits meubles de cuisine. Dans les années 1970, il transforme son magasin en libre service.

Publicité 1975 ( document Nord Eclair )

En 1975 il continue son développement, en ajoutant un complément d’activité : il devient installateur de laveries automatiques, de salons-lavoirs en libre service, avec la marque LAVORAMA. Il installe aussi des buanderies pour collectivités et commercialise alors des lave-linges de 5 à 70 kgs, des essoreuses, des séchoirs, des repasseuses.

document collection privée

Marius arrête son activité à la fin des années 1980. Le magasin reste vide au début des années 1990.

document Nord Eclair 1996

En Juillet 1996, Bachir Moussa originaire de la région Valenciennoise, ouvre son magasin « Mitidja volailles halal » à l’emplacement du 321 rue Jules Guesde. Mais la boutique n’est que la partie visible, car derrière se trouve l’abattoir de volailles ultra moderne aménagé sous le contrôle des services d’hygiène et vétérinaire. Bachir Moussa travaille avec ses associés Mme Chao et Mr Elmohro.

Photo G. Vanspeybroeck 1997

Depuis le milieu des années 2000, « Le Monde de Toudra » magasin d’articles orientaux s’est implanté en lieu et place de la boucherie.

Le Monde de Toudra en 2008 ( document Google Maps )

Remerciements aux archives municipales.

Café Janssoone

La rue des Trois Baudets à Hem a donné son nom au quartier qui l’entoure. Au dix-septième siècle c’était un simple sentier de terre qui menait à Roubaix et ce n’est qu’au dix-neuvième siècle qu’elle apparaît avec le nom de Chemin de Hem aux trois Baudets. Au début du vingtième siècle comme l’atteste la carte postale ci-dessous elle prend le nom de Chemin des Trois Baudets.

Chemin des 3 Baudets (Document Mémoire en Images de Hem)

Elle doit son nom à la forte pente à monter en venant de Roubaix pour aller au centre de Hem. La diligence s’arrête alors au bas de la rue au lieu dit « Le pain d’or » (actuel coin des rues Jean Jaurés et Clémenceau) nom de l’estaminet qui s’y trouve et dont le propriétaire sort alors ses ânes pour aider les chevaux fatigués à monter la côte jusqu’au relais de diligence situé au coin de la rue du Bas Voisinage (actuelle rue Louis Loucheur).

3 ânes pour grimper la côte (Document Au Temps d’Hem)

A l’époque les estaminets sont déjà nombreux dans cette petite rue et aux alentours immédiats : le Pain d’Or, le Beau-Chêne, le Congo, le Chasseur Belge (devenu en 1902 le Grand Saint-Eloi), la Fosse de la Verrerie, la Gaité, l’Harmonie, le Mirliton, le Point du Jour, le Pont de Canteleu, le Plafonnier, le Saint-Louis (relais de diligence des Trois-Baudets) au coin de la rue du Bas Voisinage, le Vrai Bon vivant, la Truelle d’Or…

La rue des Trois Baudets puis rue Jean Jaurés avec le futur café Janssoone au n°96 (Document Mémoire en Images de Hem)

C’est donc vers le milieu de la rue, plus exactement au numéro 96, que, dans les années 1920, s’installe Jules Janssoone, fils de Achille Janssoone, tisserand à Roubaix, en qualité de menuisier/ébéniste et exploitant d’un café-tabac. L’établissement sert également de siège au comité local du syndicat des petits propriétaires et bénéficiaires des HBM (Habitations à bon marché) qui a pour objectif la défense de la petite propriété familiale. C’est aussi chez lui que se déroule la perception de la taxe sur le chiffre d’affaires.

Un Comité Républicain Démocrate est fondé à Hem en 1926, à l’initiative de Georges Bernard (Voir sur notre site un article sur cette personnalité intitulé Georges Bernard- La Villa Pax) au cours d’une réunion à laquelle Jules Janssoone participe et est élu membre du comité. Jules Janssoone s’implique dans la vie politique de la commune où il figure sur la liste de concentration républicaine au titre de candidat aux élections municipales de 1929, au cours desquelles il est élu.

Jules dans son atelier (Document Joffrey Janssoone)

Au début de la seconde guerre mondiale c’est l’affolement et l’évacuation de la population civile est prévue par le commandement militaire. Une commission municipale d’évacuation de la population est donc constituée à Hem comme ailleurs, dans laquelle figure Jules Janssoone. Une réunion en mairie à pour objet d’indiquer la mission de chacun de ses membres, fixer les points de groupement, des moyens de transport et des points de rassemblement de la population.

Une enquête fait ressortir 4550 personnes à évacuer, dont 408 malades et vieillards et 1635 femmes et enfants. Pour cela les industriels, agriculteurs, commerçants et particuliers peuvent mettre à disposition 2 camions de plus de 3 tonnes, 12 camions de moins de 3 tonnes, 97 camionnettes et voitures de tourisme, 18 chariots à 4 roues et 4 tombereaux.

Instantané de mémoire de Rose Gosman habitant rue Jean Jaurès (Document Historihem) : « Lundi 20 mai, tout le monde partait. Ma tante, marchande de lait au bidon, avait une voiture C4. Elle emmena ma mère, ma marraine, les parents de la marraine ; moi, j’étais assise sur le bidon d’essence, la tête baissée par le plafond de la voiture. Mon père partit en vélo…La voiture tombait constamment en panne, nous roulions au pas à cause de l’embouteillage des routes et les bougies s’encrassaient. Mon père avançait plus vite que nous en vélo ! Il demandait aux gens «  Vous n’avez pas vu une voiture avec un sac blanc sur le capot ? » Par manque de place, nous avions mis en équilibre sur le capot de la C4 un grand sac en toile blanche rempli d’effets. Nous avons été mitraillé par des avions à La Bassée. Nous avons dormi dans une ferme à Beuvry : c’est la première fois que je dormais dans du foin. »

Exemple de photos de l’exode en 1940 (Documents Wikipedia)

Pendant la guerre tout est bon à prendre pour venir en aide aux prisonniers. Ainsi des jeux sont organisés et chaque fois une recette assez rondelette est remise au comité local d’entraide. C’est dans ce cadre qu’un groupe d’amis a l’idée d’organiser une soirée chantante chez Jules Janssoone.

Le succès de la soirée dépasse toutes les espérances grâce au concours bénévole d’artistes réputés : « les Prudents » et « les Charlystes », duettistes (Personne qui chante ou qui joue d’un instrument en duo ou personne qui fait un numéro de music-hall, de cirque avec une autre) , « Raymolus » et « Marcel Eelbo », comiques, accompagnés au piano par Mlle Bauwens. Les jeux de 421 sont récompensés d’un lapin, don de Mr Balduyck et d’un filet d’Anvers, don de Mr Demaline, boucher dans la rue. Au total, la soirée permet de récolter la coquette somme de 2515,20 francs pour le comité d’entraide.

Exemple de duettistes des années 1920-1930 (Document les Amis du Louxor)

A suivre…

Une pensée pour Emilie Janssoone disparue trop tôt, en Mars 2022, alors qu’elle se faisait une joie d’apporter son témoignage.

Remerciements à Joffrey Janssoone et Patrick Debuine, à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume  pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem, à Bernard Thiebaut pour son livre : Mémoire en Images de Hem.

Le café Leffe

Sur la Grand Place, à droite de l’église Saint Martin et à gauche de la Grand’rue, se trouvent 6 immeubles qui ont toujours été occupés par divers commerces.

Plan cadastral

Dans les années 1980-1990, à l’extrême droite, juste à côté du « Palais du Vêtement », on trouve 4 cafés-restaurants situés côte à côte : au N° 28 le restaurant « Au Lapin Blanc », ensuite au N° 29 le restaurant « Maurice », au N° 30 le restaurant « Au Grand Cerf » et au N° 31 le café-brasserie « Grand Saint Martin » rebaptisé ensuite « Le Central ». Puis viennent au N° 32 la mercerie Margaret et au N° 33 le magasin de vêtements FOUF.

document archives municipales
Restaurant « Maurice » ( document collection privée )

Restaurant du « Grand Cerf » ( documents collection privée )

Au début de l’année 2000, Monsieur Nolf dépose en Mairie, une demande de permis de démolir pour 3 des 6 immeubles. Sont concernés les numéros 29 30 et 31.

document archives municipales
document archives municipales
document archives municipales

Ce sont des maisons très anciennes, modestes et très abîmées. La mérule s’est installée dans les murs intérieurs, un pignon menace de s’effondrer, de l’amiante se trouve dans les plafonds. Il n’y a aucune autre solution possible que de tout raser.

documents Nord Eclair

Luc Daniel Nolf demande simultanément un permis pour la construction d’un immeuble à usage de logements, de commerces et de bureaux aux 29 30 et 31 par la SCI Philippe de Girard. L’immeuble projeté vise à s’insérer dans l’harmonie de la Grand Place. Il est édifié entre le 28 et le 32 sur la même configuration, à savoir sur deux étages.

Le projet de la façade ( document archives municipales )

L’association de défense et de préservation du patrimoine « Art-Action », présidée par François Descamps s’insurge contre ce projet. Comment peut-on imaginer détruire des maisons flamandes construites à la fin du 17° siècle, les plus vieilles du centre ville ?

document Nord Eclair

Après quelques semaines difficiles de polémique par voie de presse, entre Luc Daniel Nolf et l’association Art-Action, le projet est accepté par la Mairie, au grand désespoir de François Descamps qui déclare : « Mes pauvres arguments de conservation du patrimoine ne valent pas grand chose contre la froide détermination de modernité et de rentabilité. »

Luc Daniel Nolf devant les 3 maisons à démolir ( document Nord Eclair )

Les travaux de démolition commencent alors, au début de l’été 2000. En Juillet 2001, le chantier a pris un peu de retard, suite à des problèmes du sous-sol très humide.

document Nord Eclair
Les travaux en Juillet 2001 ( document Nord Eclair )

Le projet du promoteur, Luc Daniel Nolf, est ambitieux. Un café Leffe occupe l’emplacement des 30 et 31 à savoir le « Grand Cerf » et le café « Le Central », tandis qu’une boutique à l’enseigne L’Onglerie ouvre à la place de chez Maurice au N° 29.

document Nord Eclair

La superficie du café Leffe est très grande : 250 m2 au sol. L’établissement peut contenir 120 personnes, plus une centaine de clients en terrasses. La brasserie occupe tout le rez de chaussée. Les 2 étages sont occupés par des bureaux.

document Nord Eclair

Le café Leffe est inauguré en Février 2002, en présence de Mr le maire, qui a tenu à confirmer le soutien du conseil municipal à ce projet privé qui profitera pleinement au futur hypermarché Géant à quelques pas de là.

Luc Daniel Nolf et René Vandierendonck le jour de l’inauguration ( document Nord Eclair )

René Vandierendonck, un peu embarrassé de devoir faire l’éloge de la Leffe alors que la Terken locale connaît quelques difficultés, souligne néanmoins la magnifique décoration de l’établissement et l’ambiance sympathique. L’emplacement est idéal : entre l’église Saint Martin et la Grand’rue. L’investissement financier est conséquent : 12 emplois sont créés. L’objectif est simple : faire revivre et animer la Grand Place.

Pourtant, quelques années plus tard, en 2006, le café Leffe change d’enseigne et devient « Le Petrus »

Le Petrus en 2008 ( Photo BT et document Nord-Eclair )

En Juillet 2018, le Petrus appartenant à la brasserie flamande De Brabandere qui produit la bière Bavik et Petrus, ferme ses portes. Aucun des 4 gérants successifs n’a réussi à développer le commerce, malgré les nombreuses animations avec DJ, proposées à la clientèle pour éviter que les étudiants partent faire la fête à Lille.

Il Caldo en 2022 ( Photo BT )

Peu de temps après, les gérants de l’Hôtel de France, Bruno et Brigitte Mazzucato reprennent l’établissement en Avril 2019. Ils décident le changement complet du concept. L’enseigne choisie est « Il Caldo » ce qui signifie en italien : Le Chaleureux. C’est une pizzeria-trattoria comme on en trouve très souvent en Italie.

Ce changement nécessite la refonte complète de l’intérieur de l’établissement avec de nouvelles couleurs, le changement du mobilier etc. La restauration est bien sûr italienne : pâtes, pizzas et plats traditionnels. Le restaurant est ouvert le midi. Un système de livraison à domicile est mis en place

Remerciements aux archives municipales

Teinturerie Lenfant

(suite de l’article précédemment édité et intitulé :Henri Delecroix)

Entre temps, Henri Delecroix a cédé son entreprise au fils de Louis LENFANT, le dernier tisserand à l’ « otil » de la rue du Calvaire, Rémy Lenfant. Celui-ci avait initialement créé une teinturerie à Willems au lieu dit « Le Robigeux », 32 rue d’Hem, en 1911. Il s’y occupait des écritures, son beau-frère Jules FONTAINE, était chargé de la clientèle, et Albéric PARENT y était technicien teinturier. Il abandonne donc l’activité brasserie de son prédécesseur pour rouvrir une teinturerie à Hem.

CPA de la 1ère teinturerie Rémy Lenfant à Hem ( Document collection privée)
Courrier de la teinturerie en 1929 (Document Historihem)

Dans les années 1920, Rémy Lenfant achète également 1.100 mètres carrés de terre agricole dans l’avenue de la Gare (actuelle avenue Delecroix, après s’être également appelée rue de la Place) et y construit sa résidence, presque en face de sa nouvelle usine, située dans la rue du Rivage, laquelle bien que prenant sa source dans l’avenue lui est presque parallèle.

Photo aérienne de la propriété en 1933 et en 2022 (Document IGN et Google Maps)
Photos de la maison de maître (Documents Historihem et Google Maps)

On retrouve la teinturerie « Remy Lenfant et Cie » dans l’annuaire dès 1923. L’ usine ayant brûlé en 1940, à l’exception des bâtiments situés en bordure de rue, est reconstruite après 1946 grâce aux indemnités perçues pour les dommages de guerre. A la fin des années 40, Rémy Lenfant possède également une usine au 45 rue Jules Guesde à Roubaix.

Vue aérienne de l’usine de Roubaix en 1951, et en 2022 le magasin Lidl à son ancien emplacement (Documents IGN et Google Maps)

L’usine de Hem pratique le blanchiment, l’apprêt et la teinture sur bobines et sur écheveaux des fils de laine, de lin, de coton et de fibres synthétiques ainsi sur les articles non confectionnés. L’activité de teinturerie des tissus reprend en 1951 et celle des fils vers 1970.

En-tête de facture de 1955 (Document Historihem) et en tête d’enveloppe (Document collection privée)
Publicités de l’entreprise dans les années 60 (Documents Historihem et collection privée)
Vue aérienne de la teinturerie dans les années 60 (Document Historihem)

L’entreprise puise sa force dans son évolution constante au fil des décennies : dans les années 1950 la teinturerie se spécialise ainsi dans les revêtements de sièges et tissus d’ameublement. Puis 10 ans plus tard elle réalise des investissements lourds avec achat d’autoclaves pour teindre le fil.

Dans les années 1970-80, les investissements continuent et la teinture des rubans, ceintures et fermetures éclair débute. Puis dans les années 1990, l’usine s’ouvre à de nouveaux marchés avec la teinture de vêtements finis ou semi-finis, sans pour autant abandonner les tissus d’ameublement, fils et rubans.

Vues de l’usine en 1992 (Document Historihem) et publicité (Document collection privée)

A cette époque, l’entreprise est gérée par Jean-Pierre Lenfant et Géry Fontaine, les arrières petits fils des fondateurs. Ils emploient 14 personnes alors qu’avant 1940, les salariés étaient une cinquantaine. L’eau, pompée à 18 mètres dans le forage de la brasserie en 1910, est pompée, dès lors, à 160 mètres de profondeur.

Vues de l’usine de l’extérieur (Documents Google Maps et Historihem)
Vues des ateliers (Documents Historihem)

Dans les années 2000, la teinturerie Lenfant est titulaire du label Nord Terre Textile et a réalisé un important programme d’investissement dans une rame en grande largeur (3m20) qui lui permet de diversifier ses services aux clients et de renforcer encore la qualité. Le dirigeant de l’entreprise est désormais Jérôme Lenfant et François Fontaine est administrateur.

Logo et publicité de l’entreprise des années 2000 (Document site internet)

Remerciements à l’association Historihem, André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Hem 1000 ans d’histoire ainsi qu’à Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume  pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem

Claude Le Comte ( suite )

En Août 1990, le même immeuble est ravagé par un spectaculaire incendie dont le panache de fumée est visible à plusieurs kilomètres à la ronde. L’épaisse fumée laisse ensuite place à un important brasier et les engins de secours arrivent rapidement sur les lieux des casernes de Roubaix, Marcq-en-Baroeul et Lille Bouvines avec 35 pompiers qui mettent en batterie 10 grosses lances et 8 petites.

document Nord-Eclair

Le sinistre trouve un élément de choix dans le matériel électrique et électroménager mais aussi les fauteuils, salons et tissus d’ameublement, ainsi que les cartons vides de matériel déposés à l’entrée.

Les murs extérieurs ont tenu le coup et sont toujours debout mais l’intérieur est réduit à néant.Les piliers en pierre bleue sont fissurés, les poteaux de fonte ont fondu et l’ensemble de la galerie et des réserves à l’arrière a été anéantie. En témoignent notamment la photo des auto-tamponneuses, anciennement utilisées par le parc d’attraction de Hem, avant d’être entreposées à Roubaix, une fois cette attraction supprimée.

L’incendie ( documents Nord-Eclair )
( documents Nord-Eclair )

Fort heureusement l’incendie ne fait pas de victime, hormis un pompier légèrement intoxiqué par la fumée. La majorité des 150 salariés étant employés sur des chantiers à l’extérieur peuvent continuer le travail. Quant aux salariés du site, les dispositions sont prises pour les dispatcher sur le Centre Equestre de Hem afin de leur éviter le chômage technique.

Le bilan matériel se monte à plusieurs millions de francs de dégâts et 2000 mètres carrés détruits. Pourtant le feu se limite à l’entreprise même si des flammèches projetées ont touché une habitation désaffectée située de l’autre côté de la rue. Quelques dégâts ont aussi été constatés sur un immeuble contigu et sur celui de la CPAM qui a été privé d’électricité. Les services EDF sont intervenus rapidement pour la rétablir notamment pour permettre aux 200 salariés de la sécurité sociale de reprendre le travail.

L’escalier intérieur de marbre noirci par la fumée ( Document Nord-Eclair )

Après le sinistre Claude Le Comte parvient à continuer son activité dans les bureaux situés au rez-de-chaussée à l’avant du bâtiment et dans le sous-sol après avoir installé une toiture provisoire en tôle sur l’immeuble afin de le protéger des intempéries. Il s’agit tout au plus d’une remise en état partielle, l’arrière n’ayant jamais été refait comme en témoignent les arbres ayant pris possession du terrain sur les photos de 2021.

Photos façade et aérienne ( Documents Photo BT et Google Maps )

Pendant ce temps, dans les années 1990, au n°30-32 rue du Grand Chemin, les Ets Mom vendent des meubles pour enfants, des articles de puériculture (Bébé Confort) et des jouets (Playmobil, Smoby, Fisher Price, Lego, Berchet, Clairbois, Disney…) Ce commerce, étendu par la suite aux n°34-36, fonctionne jusqu’au décès de Claude en Novembre 2004, à l’âge de 71 ans, lequel entraîne la cessation de l’entreprise.

Publicités années 1990 ( Documents collection privée )
Façade Ets Mom années 1990 et 2008 ( Documents Archives Municipales )

Quant aux Ets Le Comte au n°25, l’entreprise d’électricité est cédée avec les 35 salariés restants, dont certains avec une ancienneté de plus de 30 ans, à une entreprise située dans un autre département. Les repreneurs déménagent le siège rue des Arts à Roubaix où l’activité continue jusqu’en 2021, année de sa cessation.

Façade Ets Lecomte en 2004 après le décès de Claude ( Document Pascal Le Comte )

En 2005, c’est la veuve de Claude, Yvonne Le Comte, née De Vriendt, qui s’inscrit en qualité d’entrepreneur individuel, pour une activité de location de terrains et autres biens immobiliers, au 57 rue de l’Alma qui abrite ensuite plusieurs entreprises différentes (Expert Fenêtres et Meilleur taux. Com). Au 59 plusieurs salons de coiffure se succèdent dont le dernier D&B coiffure à partir de 2021.

Les 57-59 rue de l’Alma en 2021 ( Documents Google Maps )

En 2008, un permis de construire est demandé par la SEM Ville Renouvelée, pour le 25 rue du Grand Chemin, en vue d’une réhabilitation d’immeuble existant plus construction neuve pour un total de 17 logements. Pourtant à ce jour en 2022, aucune suite n’a été donnée au projet et l’immeuble est toujours dans un état déplorable et ne cesse de se détériorer.

Les photos de l’immeuble en l’état en 2009 ( Documents archives municipales )
Projet de 2009 ( Document archives municipales ) photo de la façade en 2022 ( Document photo BT )

En 2005, la société Mom est radiée du registre du commerce et des sociétés. En 2010, un permis de construire est demandé pour le 30-32 par la SEM Ville Renouvelée pour rénovation des 2 bâtiments avec des locaux à usage commercial au rez-de-chaussée et des appartements sur les 2 étages. En 2012, les immeubles sont en travaux ainsi que ceux du 34-36. A ce jour les 4 immeubles présentent une façade rénovée.

Les immeubles 30, 32 34, 36 en 2022 ( Document photo BT )

Pendant plus de 50 ans Claude Le Comte a donc développé ce qui n’était au départ qu’un petit artisanat dans l’électricité tout en diversifiant ses activités et en se constituant un patrimoine immobilier important. A ce jour, 18 ans après son décès, le centre de loisirs Le Comte à Hem continue à fonctionner sous la direction de son fils Pascal et de sa petite-fille Amandine.

Remerciements à Pascal Le Comte, ainsi qu’aux archives municipales.

Spittael

Georges Spittael est passionné par les métaux : il travaille l’acier, la tôle émaillée. Il décide de fabriquer des cuisinières. Après la première guerre mondiale, il s’installe artisan et fabrique des cuisinières à charbon au 206 boulevard Gambetta à Tourcoing. C’est un quartier assez chic et cossu. Les résidents sont des entrepreneurs et cadres de l’industrie textile. Son affaire fonctionne très bien. Il est artisan et travaille seul. Son épouse l’aide à la livraison des cuisinières sur « s’carette à quiens » ( charrette à chiens ) au début des années 1920.

document Ravet Anceau Tourcoing 1928

Georges a un fils, Gérard, né en 1921. Il le forme à la production artisanale des fourneaux. A l’âge adulte, Gérard décide de s’installer également à son compte. Il trouve un local dans le quartier du Blanc-Seau pour créer son atelier, et une maison pour se loger, au 134 bis de la Grand-rue à Roubaix ( à l’angle de la rue Pierre de Roubaix ). Il a pour voisins, au 136 le coiffeur V. Potteuw et au 138 la maison de pianos Screpel-Pollet bien connue.

Gérard se marie avec Gabrielle née Vienne, qui l’aide à l’atelier et qui livre les cuisinières sur la baladeuse qui a remplacé l’ancienne charette.

document Ravet Anceau Roubaix 1947

Après la seconde guerre mondiale, les affaires reprennent. La famille Lecat-Willot propriétaire de Screpel-Pollet, au 138 de la Grand’rue, souhaite agrandir l’entreprise. La famille Lecat propose alors à Gérard Spittael de lui reprendre son habitation en 1949, afin que le magasin de la Grand’rue puisse s’étaler jusqu’à leur atelier de réparation de pianos, rue Pierre de Roubaix.

L’affaire est conclue. Gérard trouve un nouveau local au 70-72 rue de la Fosse aux Chênes. C’était autrefois l’entreprise Achille Sénécaut, imprimeur, fabricant de chromos et d’images publicitaires.

plan cadastral ( document archives municipales )

Le bâtiment est très grand : 500 m2 de surface au sol ce qui permet de développer de façon importante la production de cuisinières mixtes : gaz et charbon, à feu continu, en tôle émaillée. Gérard et Gabrielle s’installent à l’étage, avec toute la petite famille, puisqu’ils ont 5 enfants ( Gérard fils, Françoise, Michel, Jacky et Christine )

document collection privée

Au début des années 1950, Gérard Spittael ouvre un dépôt à Hénin-Liétard ( aujourd’hui Hénin-Beaumont ) et propose à son demi-frère de gérer ce dépôt et commencer la vente. Il ouvre également un magasin à Tourcoing au 61 rue Saint Jacques.

document 1955 ( archives municipales )

En 1955, Gérard demande un permis de construire pour refaire la façade du 70 de la rue de la Fosse aux Chênes, remplacer la porte en bois par une porte vitrée et changer les fenêtres de l’habitation à l’étage.

Au milieu des années 1960, Georges décide de développer son affaire. En complément de sa fabrication de cuisinières, il propose une gamme de réfrigérateurs de marque Frigidaire, Frigéco et Arthur Martin ainsi que des téléviseurs Clarville, car son fils aîné, Gérard a reçu une formation pour dépanner les téléviseurs.

Publicités fin des années 1960 ( documents Nord Eclair )

Par ailleurs, Gérard investit dans un superbe fourgon Citroën. C’est une ancienne ambulance qu’il aménage en camion publicitaire pour assurer les livraisons.

En 1969, le gaz de Hollande arrive prochainement. Les roubaisiens sont peut-être obligés de remplacer leur cuisinière à gaz, pour des raisons techniques. C’est l’opportunité pour Gérard de communiquer par la presse locale sur le choix immense de marques de gazinières qu’il propose au magasin : Arthur-Martin, Rosières, De Dietrich, Scholtes, Faure, Franco-belge etc

Publicité 1969 gaz de Hollande ( document collection privée )
De Dietrich ( document collection privée )

A la fin des années 1960, Gérard Spittael loue un entrepôt rue de la Fosse aux Chênes, juste en face du magasin, pour y stocker ses produits, et un dépôt pour atelier et dépendance au N° 1 rue du Nouveau Monde. En 1972, Gérard a l’opportunité de reprendre le 112 et 114 rue Saint Antoine, qui appartenaient auparavant aux Ets Alfred Fauvarque ( papiers et cartons ). Cette nouvelle acquisition est particulièrement intéressante car elle communique avec le bâtiment de la rue de la Fosse-aux-Chênes. Le 112 devient un parking pour la clientèle et au 114, Gérard décide de créer un superbe magasin de meubles de 679 m2. Au total Gérard possède ainsi plus de 1200 m2 de terrain.

plan cadastral ( archives municipales )
plan cadastral

De nombreux fauteuils, fauteuils relax et salons sont proposés à la clientèle, et en particulier de marque Himolla. Plus de 100 salons de tout style, sont ainsi exposés : rustique, moderne, contemporain. Le magasin accorde des larges facilités de paiement. Pour contrer la concurrence des points de vente belges, Gérard ouvre son magasin lors de nombreux dimanches. Les enfants de Gérard Spittael aident à la tenue du commerce : Gérard fils à l’atelier pour la partie technique, Françoise à la comptabilité, Michel et Jacky pour la vente de salons et fauteuils, ainsi que le service de livraisons.

publicités ( documents Nord Eclair )

Lorsque l’énergie électrique prend de l’ampleur sur le marché du chauffage en 1974, Gérard s’adapte à l’évolution, et profite de l’ouverture d’un magasin à Roubaix 2000, pour communiquer. Spittael devient vendeur agréé EDF.

1974 ( document Nord Eclair )

En 1980, Gérard Spittael ouvre un magasin ( de salons et fauteuils ) à Lesquin, route de l’aéroport, impasse Leclerc.

1980 ( document Nord Eclair )

Gérard Spittael et son épouse sont régulièrement présents lors de « salons du confort ménager » pour présenter leurs gammes de fauteuils et salons.

publicités 1990 ( documents Nord Eclair )

A la fin des années 1990, suite à quelques difficultés financières, Gérard décide de jeter l’éponge, de vendre l’ensemble de ses bâtiments et de prendre une retraite bien méritée. Il décède en 1998.

Depuis la production artisanale des cuisinières dans les années 1910, trois générations Spittael se sont succédé à la tête de l’entreprise. Le bâtiment qui abritait la société au 70 72 rue de la Fosse aux Chênes a ensuite perdue sa vocation commerciale

La façade du 70 de la rue de la Fosse aux Chênes en 2008 ( photo BT )

Remerciements à Gérard, Christine et Steve Spittael, ainsi qu’aux archives municipales.

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