Peau neuve pour Roubaix 2000

En 1983, 30 millions de centimes de travaux ont été exécutés dans le centre commercial Roubaix 2000 : on a refait la peinture intérieure, les murs et les plafonds. Des globes ont été positionnés autour des lampes d’éclairage et on a mis des spots lumineux dans les jardins intérieurs. Pour la décoration, la mairie a offert une dizaine de jardinières qui égayent l’entrée.

Il est désormais fait interdiction aux vélos de rouler dans les allées du centre. La sécurité s’est améliorée, trois agents de sécurité patrouillent en permanence, accompagnés en cela par deux gardiens rémunérés par les commerçants, et un système vidéo a été installé.

L’entrée du centre commercial en 1983 Photo Nord Éclair

Il reste à débloquer les crédits de la malfaçon, d’ici deux ou trois mois, et on devrait s’occuper du carrelage de l’étage et des problèmes d’étanchéité. Mme Macqueron, nouvelle présidente du GIE, insiste sur le fait de casser la mauvaise image de marque du centre commercial : c’est une affaire de longue haleine, qui doit être le fait de l’ensemble des commerçants.Le nouveau maire André Diligent vient saluer les commerçants et dire toute l’importance de Roubaix 2000 pour la ville. Ceux-ci espèrent que la ville trouvera des acquéreurs pour les cellules vides. Mi 1984, le centre commercial Roubaix 2000 présente sa carte fidélité. Les commerçants enchaînent les animations.

Animations  du mois de mai 1984 Photo Nord Éclair

En novembre 1984, on connaît le contenu du projet d’aménagement : couverture de la terrasse du premier étage avec création de deux surfaces commerciales, amélioration de l’accès à l’étage, agrandissement de la trémie et réaménagement de l’escalier, couverture des mails du premier étage, réorganisation des courants de circulation aux deux niveaux. L’entrée du centre sera relookée…Tout est en place pour que Roubaix 2000 fasse peau neuve…

Le projet de réaménagement présenté dans Nord Eclair

Motte Bossut magasin d’usines

La commission départementale d’urbanisme commercial se réunit le 4 juillet 1983 pour statuer sur un projet de M. Ghislain Dalle. Il s’agit de réunir sous un même toit une trentaine de fabricants qui vendraient des articles de marque, déclassés, dégriffés ou des fins de série. Cette surface de magasins d’usines s’implanterait dans les bâtiments de l’usine Motte-Bossut, avenue Alfred Motte. Le projet est autorisé par décision de la commission : 13 voix pour et 5 contre, dont celles de MM Catrice adjoint et Carton conseiller général.  Toujours en juillet 1983, le commerce roubaisien se déclare opposé à ce projet. En Décembre 1983, intervient un événement important, l’union du commerce de Roubaix est née. Il ne s’agit pas d’une fédération des unions commerciales, qui continuent de subsister. C’est plutôt une structure de dialogue et de concertation, qui aborde les sujets suivants : sécurité, circulation, urbanisme commercial, animation commerciale. Les membres de cette union joueront le rôle de députés du commerce roubaisien. Premier chantier envisagé, une grande animation commerciale pour la ville. Parrain et marraine, le maire de Roubaix et la chambre de commerce. Le Président est Jules Rouvillain, commerçant Grand rue (magasins de jouets Récréation), ex juge au tribunal de commerce. Souhaitée par l’ancien maire Pierre Prouvost, cette naissance est due à André Diligent et Marcel Delcourt, aidés par Jacques Catrice et Jean Papillon, élu roubaisien à la chambre de commerce. Lille et Tourcoing possédaient déjà une telle structure. On trouve dans le bureau, la plupart des présidents des unions commerciales de Roubaix.

 Motte Bossut, l’usine en travaux, Collection direction de l’Usine

En Février 1984, les commerçants du centre réaffirment leur opposition au projet Dalle. Leur présidente, Mme Harmand, écrit au maire et au président de la chambre de commerce. Elle dit que les commerçants ont été mis devant le fait accompli au début de l’été après l’avis favorable de la commission départementale. Jean Papillon dit qu’il a toujours été opposé au projet, et qu’il n’est pas trop tard pour le faire capoter. Le président de la chambre de commerce a intenté un recours auprès du tribunal administratif, et en attendant le projet est suspendu. Mais il souhaite le soutien unanime des commerçants. Les commerçants s’étonnent : pourquoi la mairie est-elle d’accord avec le projet ?

André Diligent répond : je serais un idiot de faire quoi que ce soit contre le commerce roubaisien. Il aurait voulu que ce projet se fasse dans le centre ville, et il en dit toute l’originalité aux États-Unis. Il voit aussi la perspective de faire venir des acheteurs à Roubaix par cars entiers. Et il ajoute : si cela doit être un succès, essayons d’en tirer profit. Et si ça ne marche pas, tant pis. Il signale qu’il n’a pas le pouvoir d’empêcher le permis de construire. Il termine en élevant le débat : ne faisons pas comme si l’avenir du commerce de Roubaix était lié à ce projet des cousins Dalle ; il est d’abord fonction du pouvoir d’achat des roubaisiens. Dans cette affaire je n’ai qu’une idée, je voudrais que pour la région le slogan soit évident, Roubaix, la ville où l’on fait des affaires.

Les unions commerciales de Roubaix votent alors à bulletins secrets par le biais de la fédération, et le résultat est mitigé : la moitié est pour, l’autre contre. Le projet des cousins Dalle semble difficilement pouvoir être remis en cause. La mairie a obtenu des promoteurs que les articles de premier choix soient exclus à la vente et que 70% des produits français y soient vendus, et que dans le comité de gestion, il y ait un représentant de la mairie et un commerçant roubaisien.

Le 24 février, M. Dalle annonce que l’Usine ouvrira en mai. Cet ancien cadre des établissements Décathlon s’est lancé dans ce projet d’entreprise avec l’aide de son cousin Hugues Dalle conseil en entreprise. Il a choisi d’implanter à Roubaix ce concept de magasins d’usine si florissant aux États Unis, parce qu’il y a des friches industrielles, avec des conditions de loyer et de charges raisonnables. Il présente Roubaix comme une terre de réussite pour les entreprises de distribution.

 Les aménagements intérieurs de l’Usine Collection Direction de l’Usine

Il a racheté l’ancienne usine de velours Motte Bossut, le baptise à l’Usine, et 7.500 m² de surfaces commerciales y sont aménagés. Les bâtiments existants seront conservés, et cloisonnés en cellules indépendantes à une trentaine d’industriels dont bon nombre de la région, et qui cherchent à écouler leurs fins de série.

Selon Guislain Dalle, les commerçants roubaisiens ne doivent pas avoir peur, car un industriel ne mettra pas sur le marché des articles qui le couperaient de son réseau de détail. Il mettra ici d’anciennes collections. On ne trouvera pas les mêmes articles qu’en centre ville. Il pense que l’Usine attirera du monde à Roubaix. Il dit ne pas avoir de groupe derrière lui, gérer son affaire avec son cousin et des actionnaires qui croient à la réussite du projet.

 L’Usine et alentours en 2001 Collection Direction de l’Usine

En Mars, M. Loviton président des commerçants de l’Epeule, résume ainsi la position des contre : les commerçants n’ont pas été informés, et ils sont opposés au projet. Il estime qu’il s’agit de concurrence déloyale pour beaucoup de commerces, et demande de la liste des fournisseurs afin de boycotter leurs marques. Il trouve regrettable que des hangars aient la faveur du public, alors que tant d’efforts sont faits pour enjoliver la ville avec des façades et magasins attrayants. Il ajoute que les cours de vendeurs de Cepreco n’ont plus lieu d’être, puisque pour vendre des rebuts, il ne faut pas être diplômé. Il trouve enfin regrettable que l’image de marque de Roubaix soit celle de capitale des invendus et des seconds choix. En conclusion, il regrette que les élus roubaisiens aient été favorables au projet, et annonce que ces expériences se font au détriment du commerce indépendant, et que cela ne fait que commencer !

Le centre commercial de magasins d’usines ouvre le mardi 15 mai 1984, et il réunit 50 fabricants essentiellement textiles. Le rachat de l’usine a coûté 5 millions de francs, et l’investissement total se monte à 14 millions de francs. Une première phase de travaux a concerné le bâtiment à l’angle de l’avenue Motte et de la rue Michelet, pour 6000 m² de vente sur trois niveaux, autant qu’un magasin Printemps. L’aménagement est rudimentaire : peinture sur les murs, moquette au sol, cloisons amovibles…Les 50 fabricants se répartissent en 28 magasins, certains s’associant pour réduire les frais généraux. Les articles sont 40% moins chers, ce sont des fins de série, des articles de collection ou déclassés. La location des cellules équivaut à un loyer correspondant à 3% du chiffre d’affaires, une association réunit tout le monde et un règlement intérieur a été établi.

Les premiers fournisseurs de l’Usine Publié par Nord Éclair

Une deuxième tranche de travaux sera terminée pour le dernier trimestre 1984. On prévoit un nouveau bâtiment de 3.000 m², pour l’équipement de la maison, et l’aménagement d’un parking couvert. En attendant, l’usine est ouverte tous les jours de 10 h à 19 h sauf le dimanche.

 L’ouverture de l’Usine Photo Nord Eclair

L’ouverture est un succès. C’est dix fois plus que ce que j’espérais dit Ghislain Dalle, qui se félicite de la neutralité bienveillante des anciennes et actuelles équipes municipales, et réaffirme son souhait que Roubaix devienne la capitale des bonnes affaires. A bon entendeur…

D’après les articles de Nord Éclair
Remerciements à la Direction de l’Usine pour les documents iconographiques

Une cinquantaine d’enseignes

Roubaix 2000 poursuit ses efforts pour s’intégrer dans la vie et la ville roubaisienne. Ainsi crée-t-il sa braderie annuelle le lundi 27 avril 1981. En 1982, le centre commercial Roubaix 2000, c’est 50 petits commerçants qui sont pour 50% dans la copropriété, Auchan pour 30% et la ville pour 20% pour les cellules non occupées. La répartition entre les types de  commerces s’établit comme suit : il y a une majorité de commerces vestimentaires, quinze enseignes (vêtements adultes, enfants, lingerie, bonneterie), auxquels on peut ajouter quatre marchands de chaussures, trois solderies, et deux négoces de tissus. Avec le service de nettoyage des vêtements et la maroquinerie, c’est plus de la moitié des commerçants de Roubaix 2000 !

Roubaix 2000 en 1983 Publicité Nord Éclair

Les commerces de l’alimentation viennent ensuite, avec la restauration, café brasserie le Belfort, pizzeria Russo, restaurant La Fourchette et le Restoself 2000, une boulangerie et une confiserie, sans oublier l’importante présence d’Auchan. Viennent ensuite les services bancaires (Crédit Lyonnais, Crédit du Nord) les assurances de la Macif et une permanence des Assedic. Enfin, on trouve deux commerces de cadeaux, une bijouterie, un disquaire (discocave), un magasin d’électronique (Tandy), un magasin de jouets, un fleuriste, une parfumerie et une maison de la Presse. Et bien entendu, les deux salles de cinéma, Colisée 2 et 3.

Roubaix 2000 en 1983 Publicité Nord Éclair

Les travaux de remise à neuf  s’élèvent à un montant de 20 millions de francs, dans lesquels la moitié serait supportée par les commerçants et le reste par Auchan et la ville, en attendant que la bataille pour les malfaçons aboutisse…. On récapitule les aménagements à effectuer d’urgence : favoriser l’accès par la place de la Liberté et le boulevard de Belfort, améliorer l’accès et la sécurité du parking souterrain, couvrir le centre et le fermer, modifier la circulation à l’intérieur du centre…

Publicité Nord Éclair

L’animation continue : à la fin de l’année 1982,  Roubaix 2000 organise une animation autour du dernier film sorti par Walt Disney, l’avant-gardiste Tron.

La presse donne quelques statistiques : le chiffre d’affaires annuel moyen de Roubaix 2000 s’élève à 7700 francs le m², et c’est le plus bas de tous les centres commerciaux de France. On pourrait atteindre 12.000 francs le m², selon les spécialistes. Après une étude pour les travaux, il apparaît que les commerçants ne pourraient prendre en charge qu’une part de 4,8 millions, encore s’endetteraient-ils pour 20 ans ! La ville participera à hauteur des surfaces non occupées, et Auchan qui pense à son développement régional, se fait tirer l’oreille… On apprend alors que la copropriété a gagné son procès contre les malfaçons. On attend une rentrée de 1,5 millions de francs. Arnold Seynaeve, nouveau président du GIE, croit au développement, mais il faut une décision avant la fin de l’année. Il déclare :

si les trois parties n’arrivent pas à s’entendre sur un projet de rénovation du centre commercial, il n’y a plus qu’à raser Roubaix 2000, car il est impossible de continuer plus longtemps comme cela !

Sombre présage…

Charbons et automobiles

En 1932, les travaux de construction du pont supérieur entraînent l’expropriation de M. Raux, négociant en matériaux, au 289 boulevard de Beaurepaire, après le passage à niveau. Il va alors s’installer sur le boulevard Industriel près du passage à niveau du Carihem, et dépose une demande pour la construction d’un mur de clôture et pour la construction d’un magasin, au n° 171. Deux ans plus tard, Edouard Raux fait bâtir une maison d’habitation sur la partie du terrain situé en bordure du boulevard industriel. L’architecte choisi par le propriétaire est René Dupire. On peut toujours voir cette maison de nos jours, de même que le mur de clôture.

Document Archives municipales

M. Raux apparaît en 1935 dans le Ravet Anceau, sous la rubrique « matériaux de construction ». Au début des années 50, il devient négociant en charbons. En 1959 apparaît, en plus de la mention des charbons Raux, la raison sociale SAVCA, combustibles liquides et gazeux. Les photos aériennes de 1953 nous montrent l’existence d’un embranchement particulier sur la voie ferrée centrale de l’avenue Salengro, permettant aux wagons de décharger directement dans la cour de l’entreprise. L’aiguillage d’accès était placé au niveau de l’actuelle avenue de Verdun ; c’est le seul embranchement sur cette voie. On distingue nettement les différents tas de charbons, et en haut de la photo, plusieurs tombereaux SNCF qui viennent d’être déchargés,  et un tronçon de la voie qui suivait l’axe de l’avenue Roger Salengro.

Photo archives municipales et photo Jpm
 

En 1970, l’entreprise se diversifie : parallèlement à la SAVCA, apparaît à la même adresse la société nouvelle de carrosserie automobile. En revanche, il n’est plus fait mention de commerce de charbons. L’entreprise a disparu en 1974,  M. Raux a sans doute pris une retraite bien méritée…

Photo Archives municipales

Le Ravet Anceau de 1979 mentionne les Établissements Ponthieux automobiles, concessionnaires Ford au 209, et J. Leys au 227. La photo aérienne nous montre qu’une partie du terrain a été distrait de l’ensemble pour y construire des maisons, et que les voitures ont désormais remplacé les tas de charbon !

Documents archives municipales
 

Le Ravet Anceau de 1987  indique toujours le garage Ponthieux, concessionnaire Ford, mais bientôt l’affaire est vendue à M. Rogier qui installe avenue Roger Salengro le garage Valauto sous la marque Volkswagen-Audi. Ce garage était précédemment installé au coin de l’avenue Motte et de la rue Jean-Jacques Rousseau, près de l’Usine sous l’enseigne MBBM, et son propriétaire était alors M. Mandron. Le départ du garage permettant à l’Usine de s’étendre – juste retour des choses – sur un terrain qui faisait partie, à l’origine, de l’usine de velours Motte-Bossut.

Photo Jpm

La Florentine

A peine le boulevard de Fourmies est-il ouvert, qu’est déposée en 1896 une demande de permis de construire pour un bâtiment à usage de commerce. Il s’agit d’un estaminet, au numéro 77, dont  le tenancier est M. Plankaert, de 1901 à 1926. Lui succèdent en 1927 MM. Delerue, et Sergheraert en 1929. A la suite de la renumérotation du boulevard, l’estaminet devient le 135 en 1934. M. Dourcin le reprend en 1939.

La demande de permis de construire – la porte est au centre de la vitrine -document archives municipales

Après guerre, le commerce devient une boulangerie,  alors qu’au même moment, s’installe juste en face une boulangerie concurrente, au 132, laquelle est tenue par le pâtissier Fassin, à l’emplacement d’un ancien magasin de lingerie. Une photo nous montre la future boulangerie avant sa conversion, sur laquelle on voit que la vitrine est toujours conforme au plan de 1896,  avec sa porte centrale.

Le magasin. Au fond l’usine Dazin-Motte et la place du Travail – Photo collection Bernard Thiebaut

On note que la boulangerie est tenue en 1953 par M. Routier, puis par M.Henou en1961. En 1977, Joseph Guesquière, le nouveau boulanger, demande un permis de construire pour aménager le magasin. On remarque sur le plan que l’état « avant travaux » est différent de celui de 1896 : la porte du magasin est maintenant placée à gauche de la vitrine. Les travaux projetés nous montrent l’état actuel de la boulangerie, avec la porte d’entrée élargie et replacée au centre.

Les états antérieur et projeté. Document archives municipales.

M. Guesquière tiendra la boulangerie quelques années, jusqu’à l’arrivée de Patrick et Pascale Hermand, venus de l’Avesnois où ils exerçaient depuis 1962, et qui gèreront la Florentine de 1990 jusqu’en 2002. Ils lui donneront une grande expansion grâce à leur pâtisserie fine, renommée en particulier chez les amateurs de chocolat. Après leur départ pour Lille, où ils ouvrent des commerces dans le vieux Lille et dans le quartier de Wazemmes, on assiste en 2002 à l’arrivée  de Marlène et Eric Morin, venant de Villeneuve d’Ascq où ils exploitaient  une première affaire depuis 1995. Ils conservent à la Florentine sa tradition de qualité, appréciée de la clientèle. Leur établissement emploie vingt-cinq personnes, dont six apprentis. Ce commerce aura fait preuve depuis l’origine d’une belle stabilité : estaminet pendant plus de 50 ans puis boulangerie-pâtisserie pendant un temps au moins égal ; on peut assurer que rien ne laisse présager de sa fin !

Document Hermand

Malfaçons !

Janvier 1981. Le centre commercial Roubaix 2000 est dans un état déplorable. C’est une véritable passoire : l’eau pénètre partout et cause des dégâts importants. Cinq pompes fonctionnent constamment pour que le parking souterrain ne soit pas inondé. Des crevasses apparaissent, des joints de dilatation, de la rouille. Tout ceci est du à des malfaçons. Et l’on apprend que la ville a engagé une procédure depuis 1972, année d’inauguration, et que le syndic des commerçants a pris la suite en 1975, notamment  pour faire jouer la garantie décennale.

La pluie à l’étage ! Photo Nord Éclair

On brocarde l’architecte, grand prix de Rome, qui a conçu un véritable blockhaus en centre ville. Même si les commerçants ont payé de leurs deniers la pose de glaces au rez-de-chaussée pour couper les courants d’air, l’étage de Roubaix 2000 reste ouvert à tous vents. On dénonce dans la presse l’irresponsabilité des promoteurs et l’inconscience des entreprises. Le tribunal doit établir les responsabilités des entrepreneurs, et la bataille d’experts est engagée. On parle d’ores et déjà de réhabilitation, à l’image de ce qui se passe pour les constructions d’autres grands prix de Rome, situés dans les quartiers sud de la ville. Il s’agit en effet de procéder à des réparations urgentes, et de fermer le centre pour qu’il soit à l’abri de la pluie et du vent.

La fermeture du rez-de-chaussée Photo Nord Éclair

Entre-temps Roubaix 2000 perd l’un de ses défenseurs les plus actifs. Roger Fruit était le Président du Groupement d’Intérêt Économique du centre commercial depuis 1973. Il faisait partie des quelques commerçants qui avaient connu les péripéties des déménagements successifs. Ayant repris en 1957 la maroquinerie de son père, située 56 rue de Lannoy, Monsieur Fruit s’en va occuper en 1964 un magasin du centre de transit du Lido, avant de rejoindre le nouveau centre en 1972. Il décède en ce mois de janvier 1981. La bataille juridique engagée pour cause de malfaçons sera plaidée en mars 1981. On évalue les réparations à plus d’un million et demi de francs. Les entreprises pourront faire appel, ce qui repoussera d’autant l’exécution des réparations. Des travaux conservatoires sous contrôle d’expert sont envisagés…Malgré toutes ces péripéties, les commerçants croient encore à la réussite du centre commercial, comme le montre leur important budget publicitaire. Auchan joue son rôle de locomotive en drainant plus de 100.000 clients chaque année, les aménagements pour le tramway et l’arrivée prochaine du métro ne peuvent que renforcer leur optimisme.

A l’étage, la galerie des courants d’air Photo Nord Éclair

Cependant, il faut bien constater que 13% des cellules commerciales sont encore vides, et ce sont celles qui subissent le plus l’humidité. Il reste l’étage à couvrir, et les soixante dix commerçants sont prêts à assumer la dépense d’un million de francs que couterait une telle opération. Enfin, il y a le problème du parking, sous utilisé, à cause de l’humidité et de la sécurité. Il est bien proposé qu’il soit gratuit, mais est-ce vraiment une solution ?

Auchan, Sasi, Coop

La cité des Hauts Champs voit ses premiers locataires arriver en 1960. Les appartements sont neufs et modernes : les murs sont peints en blanc, le sol est couvert de lino, il y a des placards de rangement, une salle d’eau et des toilettes privées. Mais ce nouveau quartier de neuf cents logements est une petite ville aux rues caillouteuses, mal desservie par les transports en commun, éloignée de tout service public. Le ravitaillement est un véritable problème. Il n’y a pas de commerce de proximité. Les gens vont faire leur courses dans le quartier de la Justice, rue de Lannoy, ou encore boulevard de Fourmies, et ce n’est pas tout près. Il existe bien des fermes du côté d’Hem, mais elles sont à distance.

Trois enseignes commerciales vont s’installer, avant que les Hauts Champs ne se complètent avec d’autres constructions (Chemin vert, Longchamp), ce qui fera plus que doubler la population résidente.

Le 23 décembre 1961, le Préfet du Nord, M. Hirsch, inaugure un super-marché (avec le tiret) dans une ancienne usine de l’avenue Motte, il y a peu de temps encore une filature de laine. C’est le premier Auchan de France. Il se présente comme un « libre service intégral », propose une surface de 1140 m² de surface de vente et 1200m² de réserves. L’entrée se fait du côté de la rue Braille, et un parking de 200 voitures a été aménagé juste devant, ce qui est signalé comme une nouveauté. Autre nouveauté, le gain de temps, on trouve de tout et on dispose de paniers roulants (sic) qu’on peut amener jusqu’à la voiture. Le gain d’argent est également un argument fort, c’est d’ailleurs la devise du supermarché « plus de marchandises pour moins d’argent ».

Que trouve-t-on dans ce premier super-marché ? Les rayons suivants : épicerie, fruits et légumes, crémerie, boucherie, vins, bières, eaux minérales, confiserie, pâtisserie, boulangerie, produits d’entretien, petite quincaillerie, vaisselle, papeterie, librairie, jouets, disques (avec un appareil d’écoute automatique), rayons textiles et habillement, bonneterie, sous vêtements, linge de maison.

Parmi les invités ou personnalités, les maires d’Hem et de Croix, les représentants du patronat textile Maurice Hannart, Louis Mulliez, le président du centre paritaire du logement Ignace Mulliez, successeur d’Albert Prouvost, promoteur de la cité des Hauts Champs, les PDG des Trois Suisses, de la Redoute…

Le supermarché Sasi est inauguré le 29 avril 1963 avenue Laennec à Hem. C’est le deuxième de la chaîne d’établissements dont Jacques Bruyelle, présent pour l’occasion, est le PDG. Le nouveau magasin fait 350 m² : 190 m² sont consacrés à l’alimentation, produits frais et liquides, et 130 m² au non alimentaire. Un stand boucherie de 35 m² est tenu en concession par un homme du métier, et un stand de teinturerie, blanchisserie, nettoyage à sec est proposé par un des actionnaires du supermarché, les établissements Duhamel.

Le maire d’Hem, des représentants de la direction du CIL, la directrice de la Maison de l’enfance des Trois Baudets, assistaient à l’inauguration. Le gérant associé est M. Lepetit entouré de son PDG et de ses collègues, ainsi que M. Duhamel et Val des teintureries Duhamel, et d’un représentant de la société Delespaul.

C’est le 12 avril 1965 que les Coopérateurs de Flandre et d’Artois inaugurent leur 686e point de vente COOP, dans le quartier des Hauts Champs, rue Emile Zola prolongée. A cette époque en effet, la rue Degas n’existe pas encore, car les sols de la rue n’ont pas été viabilisés. C’est un super COOP de 235 m² conçu selon les plans de l’architecte Houdret. Parmi les invités, un représentant de la ville de Roubaix, quelques directeurs de sociétés. Les premiers gérants sont les M et Mme Lefebvre.

 Où se trouvait donc exactement cette supérette ? Les témoins la situent juste à côté du local de la chaufferie, de l’autre côté d’un sentier remontant vers la rue Joseph Dubar. Aujourd’hui tout a disparu, chaufferie et magasins, des témoins se souviennent qu’un marchand de fruits et légumes a succédé à la COOP, et il y aurait eu un salon de coiffure. En 1983, un plan établi pour la rénovation du bâtiment Degas porte la mention anciens commerces, là où à peine vingt ans plus tôt une supérette est venue s’implanter au milieu du quartier. Ce fut aux dires des témoins la seule tentative de commerce de proximité intra Hauts Champs.

Une vie pour le commerce

Fils d’un chapelier d’origine belge, Jean Déarx est né le 24 mars 1885, au domicile de ses parents, rue de Lille. Il va poursuivre la profession familiale et la développer. Avant la première guerre, il crée l’industrie de la chapellerie cousue. On le trouve installé après la guerre comme fabricant de casquettes au n°21 de la rue de Lannoy, et il a installé ses ateliers au n°4 de la rue Bernard. Au-delà, il va consacrer sa vie à la défense et à l’extension du commerce. Dans sa branche, il sera Président de la chambre syndicale des fabricants de casquettes, chapeaux piqués et uniformes du nord de la France et vice-président de la fédération nationale de la Chapellerie.

Le magasin du Chapelier Jean, 21 rue de Lannoy Collection Particulière

A Roubaix, il sera premier vice-président de la chambre de commerce de Roubaix, Président fondateur de la fédération des syndicats commerciaux de Roubaix et de ses cantons, Président fondateur du salon des arts ménagers de Roubaix et Président de la fédération des groupements commerciaux de Roubaix et de ses cantons. Il a aussi été juge au tribunal du commerce.

Tout cet engagement ne l’empêche pas de s’investir encore dans d’autres domaines. Il a fait la première guerre mondiale, est décoré de la croix du Combattant, et pendant la seconde guerre a été interné comme résistant à la prison de Loos en 1944. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver président d’honneur de l’Union des réformés et mutilés de Roubaix, Lannoy et leurs cantons, et vice président des résistants internés et déportés.

Il est également délégué cantonal, administrateur du conservatoire de musique de Roubaix, administrateur du lycée de jeunes filles, administrateur et membre du conseil technique de l’ENSAIT et Président d’honneur de la FAL.

Fait Officier de la légion d’honneur en 1947, lors du passage du Président de la République à Roubaix, Jean Déarx est promu commandeur de la légion d’honneur le 8 mars 1957.

Jean Déarx Photo Nord Éclair

Mais l’un des titres honorifiques qui lui tenait sans doute beaucoup à cœur, c’est la présidence  d’honneur de l’union des commerçants de la rue de Lannoy. Car Jean Déarx s’opposa de toutes ses forces à la destruction du début de la rue de Lannoy, participant même à un contre-projet pour le centre commercial de Roubaix 2000. Mais rien n’y fit. Jean Déarx ne quittera pas la rue de Lannoy, car il se réinstallera aux n°111-113, et ainsi évitera le centre de transit du Lido. Il ne connaîtra pas réellement le centre commercial Roubaix 2000, car il décède le 25 août 1972, soit quelques jours avant l’inauguration officielle. Avec Jean Déarx, c’est une figure importante du Roubaix des grandes rues commerçantes qui disparaît.

La brasserie du Raverdi

Photo IGN de 1962
 

En 1899 apparaît au n°121 de la rue du Tilleul une brasserie appartenant à la société Chastelain et Compagnie. Cette société a construit l’année précédente deux maisons en front à rue encadrant un porche qui conduit à la brasserie dite « du Raverdi ».

Document Archives municipales

Elle devient en 1913 la « brasserie de l’Union Roubaix-Wattrelos » sous la forme d’une coopérative. En 1923, son directeur, E. Luesma est également le directeur de la brasserie des docks du Nord. En 1931, apparaît d’ailleurs au n°123 une épicerie des docks du Nord. M. Luesma assurera la direction de la brasserie jusqu’en 1939, tandis que l’épicerie des docks du Nord occupe le n°123 jusque dans les années 60.

Document collection particulière

En 1968 la dénomination est légèrement modifiée et devient « société coopérative Roubaix-Wattrelos ». En 1974, les locaux sont repris par la Grande Brasserie moderne, qui en fait un dépôt.

Curieusement, en 1981 et 1982 on trouve également à la même adresse mention du vélo club de Roubaix, alors qu’en 1988, la grande brasserie moderne reste située à cet endroit. A-t-elle prêté une partie de ses locaux au club sportif ?

Photo Collection particulière

Depuis, les bâtiments ont été réutilisés pour abriter d’autres activités dont nous parlerons ultérieurement.

Roubaix 2000 et les quinquennales

En 1978, c’est dans le secteur Anseele, Sainte Élisabeth, Fraternité et Roubaix 2000 que vont se dérouler les fêtes quinquennales de Roubaix. Cet événement est organisé par le comité des fêtes du secteur, sous les auspices de l’administration municipale roubaisienne.

Ce secteur regroupe de longue date plusieurs quartiers, dont la rue de Lannoy constitue la colonne vertébrale : le quartier des longues haies devenu Edouard Anseele Roubaix 2000, à présent rénové, le quartier Sainte Élisabeth autour de l’église du même nom, le quartier du Tilleul, du nom de l’arbre qui se tenait autrefois au carrefour de la rue de Lannoy et de la rue Jules Guesde (ancienne rue du Tilleul), le quartier du Cheval Blanc, lequel tient son nom d’une ancienne auberge située nom loin du carrefour formé par la rue de Lannoy et les boulevards de Mulhouse et Reims, et le quartier de la Fraternité, qui tient son nom de l’hôpital tout proche.

Le président du comité des fêtes, M. Van Den Bossche, rappelle l’historique récent des difficultés du secteur, dues à la coupure avec le centre ville, aux travaux qui durèrent plus d’une décennie. Pour lui, ce secteur, à présent rénové, est redevenu l’un des attraits de Roubaix. Il rappelle le rôle du comité des fêtes, qui est d’assurer le maximum de manifestations et de festivités capables d’attirer et de drainer de plus en plus la population roubaisienne, mais aussi celle de nos villes et communes voisines.

Le parvis de Roubaix 2000 en 1978 Collection SER

Le groupement des commerçants de Roubaix 2000 sort son premier journal intitulé Shopping Roubaix 2000, et son président, Roger Fruit, qui vient d’être réélu en mars, en profite pour faire le point. Roubaix 2000, c’est à présent 52 boutiques aux activités variées, plus le super marché Auchan. Ce petit journal, d’une vingtaine de pages, présente les publicités de tous les magasins du centre commercial, accueille le mot du maire Pierre Prouvost, qui rappelle les enjeux du développement du centre de la ville. Il relaye également l’information sur les fêtes quinquennales. Quel sera le programme des quatre journées de juin consacrées à cet événement ?
Le vendredi 2 juin, il y aura la retransmission en couleur du Match de football de la coupe du monde France Italie, au foyer bar du théâtre Pierre de Roubaix, boulevard de Belfort.
Le samedi 3 juin, un cortège folklorique et musical de plus de cinq cents participants défilera dans le quartier, à partir de 16 heures. L’itinéraire part de la rue Montgolfier, emprunte la rue Jouffroy, puis la rue Jules Guesde, rejoint la rue de Lannoy, le boulevard de Belfort, rue Henri Dunant. Il prend ensuite le boulevard Gambetta, rejoint le parvis de Roubaix 2000 sur lequel les sociétés vont parader, puis elles reprennent la rue de Lannoy jusqu’à la Place de la Fraternité.  A 18 heures, on attend l’arrivée de l’Harmonie Communale de Tournai qui défilera avec sa clique dans le quartier. Le soir, l’Harmonie Royale d’Estaimpuis et l’Harmonie Communale des Pompiers de Tournai donneront un concert au théâtre Pierre de Roubaix.
Le dimanche 4 juin en matinée, ce sera la réception des sociétés participantes par le comité organisateur de Monsieur le Maire, des adjoints et conseillers municipaux, du comité directeur des festivités et des présidents et membres des sociétés participantes. L’Original groupe de Wattignies animera une promenade musicale dans le quartier avant de rejoindre le lieu de la réception.

Une société en pleine action pendant le défilé Photo Nord Éclair

Le soleil sera de la partie, ce sera une grande journée d’animation populaire, et l’on peut penser que ce fut aussi une belle journée pour le centre commercial et les commerçants des quartiers traversés.