Ludopital

En 1987, Bernard Grimbert est manipulateur en imagerie médicale, à l’hôpital de la Fraternité. L’hôpital Victor Provo s’est ouvert récemment, mais une grande partie des services de l’établissement de l’avenue Julien Lagache fonctionne encore.

Hôpital La Fraternité

Bernard Grimbert doit effectuer la radiographie d’un enfant malade. Ce garçon est angoissé face à cette machine monstrueuse. Pour le rassurer et rendre l’examen moins stressant, Bernard lui offre un jouet. Bien inspiré, il se rend compte que l’effet est immédiat, car l’enfant retrouve le sourire, ne pleure plus, et l’examen se déroule normalement.

Bernard Grimbert

C’est la révélation. Il faut absolument trouver des jouets, pour permettre aux enfants d’oublier l’examen, en détournant leur attention. Bernard propose à Maurice Titran, le directeur du centre d’action médicale d’offrir un jouet à tous les enfants qui font un séjour à l’hôpital de Roubaix, même court, mais il n’existe pas de budget pour financer l’achat de jouets neufs. Bernard fait donc une razzia de jouets, dans sa famille, chez ses amis, chez ses collègues. Plusieurs d’entre eux, emballés par son idée, lui viennent en aide. Les jouets commencent à s’entasser.

Bernard Grimbert crée alors une association, pour pouvoir être reconnu, et pour bénéficier d’éventuelles subventions. Il en est le Président, Daniel Pattyn le secrétaire, et Jean-Pierre Mosnier le trésorier. Le nom de l’association est trouvé immédiatement, c’est Ludopital.

Des bénévoles se proposent pour aider à réceptionner les jouets de plus en plus nombreux. Devant ce succès, il faut trouver un local, car le service de radiologie s’avère très rapidement trop petit. On trouve une salle, un étage plus bas, toujours à l’hôpital de la Fraternité, avenue Julien Lagache, dans les anciens services de dialyse, puis au pavillon 9 dans les anciens services ORL, ensuite dans le pavillon 2, quelques temps après dans le pavillon 4, malheureusement destiné à la démolition.

Fresque murale

Dans les années 1990, Ludopital se développe de façon importante et rapide : grâce à la distribution de jouets, bien sûr, mais également des fresques murales dans les salles de soins, des animations dans les hôpitaux, des séances de maquillage, des spectacles de marionnettes, des créations d’espaces de jeux, du matériel audiovisuel aux urgences et en chirurgie, des collectes de pièces jaunes, etc. Bref : tout ce qui peut améliorer l’accueil des enfants hospitalisés, dans de nombreux établissements à Roubaix, mais également à Tourcoing, Lille, Wattrelos et Mouscron.

Les Foulées Jaunes 1995

En 1995, Jean-Luc Scotté crée  »les Foulées Jaunes » : une course au parc de Barbieux, ouverte à tous. Les inscriptions permettent de récupérer de l’argent entièrement reversé aux enfants malades, sous forme de jouets ou d’actions dans les hôpitaux. C’est une belle histoire de générosité, de solidarité et d’humanité des Roubaisiens.

Hospice Barbieux

A la fin des années 1990, Ludopital doit déménager de l’hôpital de la Fraternité pour des raisons de sécurité. Un local de 1000 m2 est offert, au 3° étage de l’hospice Barbieux, au 35 rue de Barbieux. Certes, le bâtiment peut paraître un peu vieillot, mais les 40 bénévoles s’investissent pleinement pour aménager l’accueil de façon fort chaleureuse et sympathique. L’emplacement est idéal, car tout proche du service pédiatrie de l’hôpital Victor Provo. Le déménagement se déroule en 1999 ; 40 camions sont nécessaires pour transporter les jouets de la Fraternité à l’hospice Barbieux.

Le Vert Pré

Les déménagements ne sont malheureusement pas terminés, car, en début d’année 2006, une commission de sécurité constate que les locaux de l’Hospice Barbieux ne sont plus aux normes. Il faut alors songer à trouver un nouveau local ! La direction de l’hôpital propose un local de 400 m2 au centre médical du  »Vert Pré » rue Pierre de Coubertin, plus petit mais plus fonctionnel. Le déménagement, financé par la Mairie, se déroule en fin d’année 2006.

Après une année 2007 financièrement très difficile, la nouvelle présidente, Jeanine arrive à mobiliser, une fois de plus, tous les bénévoles et à sauver Ludopital qui était voué à disparaître.

Dans les années 2010, c’est le développement dynamique, grâce à l’arrivée de bénévoles compétents et énergiques. De nombreuses animations se mettent en place, pour financer les actions Ludopital (Fait Rarissime avec le club Ferrari, des motos pour Ludo, le golf de Brigode, les Foulées de Bondues, les spectacles par des artistes bénévoles)

Ludopital sollicite les entreprises pour trouver des fonds, les commerces pour placer des boîtes bleues et récupérer des pièces de monnaie, les écoles pour présenter son action et y organiser des collectes de jouets.

Les 5 présidents de Ludopital. De gauche à droite : Jean-Luc Scotté, Jean-Marc Brisy, Jeanine Vanderplancke, Bernard Grimbert, Hubert Ythier

En 2017, Ludopital fête ses 30 ans et le bilan est très positif car plus de 2 millions de jouets en parfait état ont été offerts aux enfants hospitalisés. C’est l’occasion également de fêter l’événement avec tous les bénévoles à la salle Richard Lejeune rue d’Anzin. C’est aussi le moment de pouvoir regrouper les 5 présidents qui ont dirigé l’association au fil des années.

Aujourd’hui, Ludopital c’est :

– Plus de 100 bénévoles, 3 salariées dont 1 à temps plein

– 53 000 jouets  »courage » ( en parfait état, désinfectés et reconditionnés ), offerts annuellement aux enfants hospitalisés

– Des actions dans 44 hôpitaux de l’Eurométropole lilloise : des aménagements de salles d’attente et de chambres d’enfants, des décorations de blocs opératoires par des colonnes à bulles, des plafonds lumineux etc

– Une écoute attentive des besoins du personnel soignant des hôpitaux

– Une sensibilisation des généreux donateurs, en organisant des visites des locaux

– Un développement important depuis plusieurs années, grâce à l’hôpital Victor Provo et à la Mairie de Roubaix

– Le 25° anniversaire des Foulées Ludopital qui attire 2400 personnes en 2019

– Des spectacles, des concerts

– Une communication sur les réseaux sociaux.

Aménagement d’une salle d’attente
Plafond lumineux à l’hôpital Victor Provo
Les foulées Ludopital au parc de Barbieux
Le sourire d’un enfant

Remerciements à Jeanine Vanderplancke, Bernard Grimbert, Laetitia Perez et à toute l’équipe des bénévoles de Ludopital.

Tous les documents de cet article proviennent de l’association.

Les autres estaminets de la Fraternité

Nous avons vu, dans un article précédent, que six cafetiers pétitionnaires situés près de la place de la Fraternité demandaient en 1908 des envols de ballons depuis cette place. Poussés par la curiosité, nous avons recherché les détails sur les trois premiers de ces signataires. Voyons maintenant ce que nous avons pu découvrir à propos des autres.

Louis Lemaire, le pétitionnaire venant en quatrième position dans la liste, est déjà propriétaire du n°395 en 1907, alors que les champs bordent son immeuble, bien que ne figurant pas encore dans le Ravet-Anceau. Des carte postales nous montrent la façade arborant fièrement entre les fenêtres du premier une magnifique moitié de muid. Le commerce est à l’enseigne de la distillerie roubaisienne.

Le commerce prendra le n°371 à partir de 1913 après remise à jour de la numérotation. Cette même année, l’estaminet passe dans les mains de Laurent-Barenne. L’année suivante, il est dirigé par A. Leroy, puis, en 1922 par G. Fiévet-Dupire, en 1924-25 par Raymond Baisier. On trouve ensuite derrière le comptoir en 1930 L.Namur, de 1935 à 1939 E. Vandemaele.

Le 371 à l’époque de Raymond Baisier

La photo suivante nous présente trois estaminets voisins avant la première guerre : ce sont ceux de Laurent-Barenne avec le demi-tonneau au 371, de M. Vanderplanken au 373-375 et de D. Carlier au 377.

Après la guerre, le commerce change de destination : F. Vanderdonckt y vend des cycles en 1953 et 1955, puis on y trouve un lavoir, dont la première vivandière est en 1958 Mme Orzechowski dont l’activité se poursuivra après 1973. En 1984 l’immeuble abrite finalement le Crédit Mutuel qu’on retrouve encore aujourd’hui. La forme des fenêtres a changé et le tonneau a disparu.

Photo Jpm

Désiré Carlier tient son commerce au 458, au coin même de la rue Cordonnier. L’immeuble a déjà plus de vingt ans car on y trouve en 1886 L. Desmettre, un maréchal ferrant. Ça devient un estaminet à partir de 1891, sans que nom de l’exploitant figure au Ravet-Anceau, alors que L.Desmettre, le maréchal, est allé s’installer un peu plus loin, au 506. Le débit de boissons est repris en 1897 par R. Vanhaezebrouck, puis, en 1899 par la veuve Fourcy. Vient ensuite en 1903 V. Desmettre, puis en 1908 Désiré Carlier, qui va s’installer ensuite au 377. Le commerce devient une épicerie peut-être également un débit de boissons) avec, en 1913, J. Herreng, un autre des signataires, précédemment situé à côté, au 460.

Après la première guerre, c’est une habitation. Elle le restera jusqu’à la fin des années 50. En 1963 vient s’installer dans le quartier la caisse d’épargne. Celle-ci fait démolir la maison pour y construire ses nouveaux locaux.

Photo du haut : Nord Matin

La photo suivante montre que la façade a été modifiée ultérieurement : le nombre de fenêtres est différent et le revêtement a été refait avec des briques de parement. Ces modifications datent sans doute du moment des travaux d’extension qui signent la fin du 460. Cette nouvelle façade est celle qu’on peut encore voir aujourd’hui.

En 1913, Désiré Carlier, venant comme nous l’avons vu du numéro 458, vient s’installer au 377 pour y reprendre l’estaminet tenu alors par F. Delfosse. L’emplacement est bien situé au coin de la place et de l’avenue Julien Lagache, en plein sur le trajet de ceux qui, descendant du tramway, se rendent à l’hôpital. Ce monsieur Delfosse était déjà cabaretier en 1908, mais ne figure pas dans la liste des signataires de la pétition. Le bâtiment date du début des années 1900 ; il a été construit sur un terrain qui appartenait en 1897 à Alphonse Dubar.

En 1914 l’établissement devient débit de tabacs. Monsieur Carlier décède et on retrouve sa veuve à la tête du café en 1924. Elle l’exploite jusque dans la première moitié des années 30. En 1935, et jusqu’en 1939 le tabac est au nom de G. Buyssens. Puis, après la guerre , c’est sa veuve qui en prend la direction.

L’établissement après la deuxième guerre

Elle cède le commerce en 1962 à H. Vankeunebroucke. Les propriétaires se succèdent : ce dernier est remplacé en 1968 par P. Bonvin et, en 1973, par Mme Billon-Brutin. Aujourd’hui, le café-tabacs arbore désormais l’enseigne du Renouveau, est sous la férule de Bhiri Adel.

Photo Jpm

Le dernier des signataires, Demoucron habite déjà au numéro 397 en 1907. Le Ravet-Anceau de 1908 indique Demoucron-Baudart, estaminet. Les bizarreries de la numérotation font que, au fil des années, on retrouvera ce commerce sous les numéros 373, puis 373-375 après la première guerre, puis de nouveau 373, alors que le 375 a disparu dans la rue, puisque que le numéro suivant est le 377, placé au coin. L’établissement présente une façade relativement large avec trois fenêtres, dont une aveugle, au premier étage. Les photos d’époque nous montrent que les vitrines indiquent « Epicerie-Buvette » aux chalands.

En 1913 donc, c’est un estaminet. M.Vanderplanken son débitant, devient boucher en 1922 et le reste jusqu’au début des années 30. En 1935 le commerce redevient un café, tenu par Ernest Chuin jusqu’à la guerre. Ensuite, le café ferme remplacé en 1953 par la pâtisserie Gérard, gérée par G. Boussemart, puis M. Halland en 1955, qui la rebaptise Pâtisserie de la Fraternité en 1968. Il poursuivra son commerce jusqu’en 1988. C’est, aujourd’hui encore, une boulangerie.

Photo Jpm

On peut remarquer que, à l’instar des mousquetaires, les six estaminets deviennent en fait sept, à la suite des déplacements de certains de nos signataires et que seuls les deux du coin de l’avenue Lagache sont restés des cafés jusqu’à nos jours. On remarque également que les carrières de cafetier autour de la place sont brèves : aucun des pétitionnaires ne poursuivra sa carrière au delà de la guerre. Ont-ils eu le temps de faire fructifier leurs affaires grâce aux lâchers de ballon qui ont ensuite pris place sur la place de la Fraternité ?

Photo collection B.Thiebaut

Les documents proviennent de la médiathèque de Roubaix et des archives municipales.

Les estaminets de la Fraternité

Une pétition datée du 19 juin 1908 réunit six signataires, déclarant tous être cabaretiers patentés place de la Justice, qui vient d’être rebaptisée le 22 avril pour prendre le nom de place de la Fraternité. Ils ont pour nom Louis Foelix, Veuve Equinet, Isidore Herreng, Lemaire, Désiré Carlier, et Demoucron, et demandent « s’il ne serait pas possible de faire monter le ballon, le 14 juillet, sur la place désignée plus haut ». Ils se plaignent que « les fêtes locales nous font perdre tous leurs clients, qui se rendent dans le centre ».

La pétition

Six cabarets, cela semble beaucoup pour une place qui ne comprend que très peu de commerces. L’envie nous vient de les localiser et de voir ce qu’ils sont devenus.

Au moment de la pétition, la place est récente : elle est tracée dans les champs depuis le milieu des années 1890 ; l’avenue Julien Lagache l’est au début des années 1900 de même que l’avenue Linne. Les constructions n’ont pas encore émergé autour de la place. Seuls quelques rares bâtiments s’élèvent le long de la rue de Lannoy près de l’intersection avec l’avenue Lagache. D’autres, plus nombreux et construits de manière pratiquement continue, sont édifiés entre l’avenue Cordonnier et la rue du Chemin Neuf. C’est là qu’il faudra rechercher nos signataires et non autour de la place proprement dite.

Les constructions vers 1908

Reprenons la liste des signataires dans l’ordre.

Louis Foelix occupe en 1908 l’immeuble faisant le coin de l’avenue Julien Lagache, celui qu’on voit à droite sur la photo. Il porte à l’époque le numéro 401, mais, à la suite d’une renumérotation, il portera en 1913 le numéro 379, qui ne changera plus ensuite jusqu’à aujourd’hui. On remarque l’estaminet en liesse sur la photo d’inauguration de l’hôpital. Assurément, le cabaret a été construit dès l’ouverture de l’avenue.

Louis Foelix reprend l’estaminet à un monsieur Loridan, propriétaire avant 1907. Sur une photo d’avant la construction de l’abri du tramway affiche, on peut lire en grand son nom sur la façade. En 1913, la veuve Carlier y officie pour quelques années. Celle-ci a-t-elle un rapport de famille avec le Désiré Carlier du 377 ? En 1924, c’est L. Carlier (C.Carlier, sans doute son frère, y habite, alors qu’il exerce la profession d’infirmier).

De 1935 à 1955, la débitante est Mme Vandenbulcke, puis Mme Dupriez préside en 1958 aux destinées de l’établissement qui a pris le nom de café de la Fraternité. On trouve ensuite en 1962 Mme Pleyou, en 1964 L.Demey. Mme Raux en 1973, alors qu’en en 1978, M. Raux dirige une entreprise de taxis parallèlement au café tenu par Mme.

Aujourd’hui, le café est toujours en activité ; il est animé par Jean Claude Galand.

Photo Jpm

La veuve Equinet, deuxième signataire de la pétition, qui tenait commerce d’allume-feux dès 1903 au numéro 423, face à l’avenue Cordonnier, s’est donc recyclée dans le débit de boissons sans changer d’adresse. En 1913 son estaminet est repris par A. Spriet, jusqu’à la fin des années 1920. En 1930 celui-ci devient épicier, toujours à la même adresse, alors qu’un L. Spriet, peut-être son fils, électricien, habite également la maison. En 1935, le commerce redevient un estaminet, conduit par G.Planque jusqu’à la guerre. En 1953, c’est un magasin d’électricité générale, Leng-Picard, qu’on retrouve jusqu’en 1958 alors que, à partir de 1955, un garage automobile au nom de F.Vanderdonckt figure quelques années à la même adresse que le café. En 1962 les électriciens se spécialisent dans la radio-télévision, alors que le garage devient garage de la Fraternité jusqu’en 1978.

En 1983 M. Senkiwski a repris le commerce de radio-télé et le garage, lui, disparaît en 1984.

Quatre ans plus tard, les locaux du 423 abritent un commerce de matériels de collectivités au nom de Carosello diffusion, qui vient de déménager en traversant la rue depuis le numéro 460.

C’est aujourd’hui une maison d’habitation dont l’étroitesse laisse imaginer les dimensions de l’estaminet d’origine. La vitrine du commerce a disparu, mais la grille du garage est inchangée.

Photo Jpm

Le troisième signataire, Isidore Herreng tient son activité de cafetier en face du précédent, au 460, la deuxième maison après la rue Cordonnier. On le retrouve à cette adresse grâce au recensement de 1906 où il est indiqué qu’il est tisserand, mais que son épouse, Angèle-Marie, est épicière.

Le Ravet-Anceau de 1908, lui, nous indique J.Herreng, épicier. Il passe ensuite au 458, mieux situé, où on le retrouve en 1913 et 1914, toujours comme épicier selon le Ravet-Anceau. Il est permis de penser que l’épicerie débitait également des boissons comme souvent à l’époque. Par ailleurs, on peut raisonnablement imaginer que le J du prénom est indiqué par erreur, et qu’il s’agit bien d’Isidore Herreng, notre signataire.

Au 460 s’installe alors V. Seigneur, mercier jusqu’en 1939, année où il cesse ses activités commerciales. On verra en 1953 dans l’immeuble s’installer la poissonnerie de Mme Decroix., qui cède son commerce en 1964 à Mme R. Delbarre, remplacée elle-même par Mme Sauvage en 1968, puis par A. Bourlet en 1973. Ce commerce disparaît enfin en 1978, et c’est, en 1983, Carosello diffusion, matériels pour collectivités, qui reprend les locaux pour quelques années avant de traverser la rue pour s’installer en face, où on le retrouve au 423 en 1988.

Finalement, la caisse d’épargne sise au 458 s’agrandit au détriment du 460, qui disparaît alors.

Le 460 entre 1983 et 1988

Nous découvrirons dans un prochain article ce que sont devenus les autres estaminets de la Fraternité.

Les documents présentés proviennent de la médiathèque de Roubaix et des archives départementales.

Le château des prés

Le domaine des Prés s’étendait au chemin neuf, près de la ferme de Maufait, et entre les futurs boulevard de Reims et avenue Motte, les futures rues Jouffroy et Louis Braille. Il était traversé par le chemin numéro 9 qui le coupait en deux. Depuis la rue de Lannoy une large avenue plantée d’arbres menait au domaine, sur lequel était implanté un château. A l’extrémité de cette avenue et dans son alignement, se dressaient d’importants bâtiments réservés aux communs, le long du vieux sentier dit de la Potennerie. Le cadastre de 1884 donne le détail de ces communs qui consistaient, pour la parcelle 546, en remise, écuries et chambres de domestiques, des serres pour la parcelle 547, et une maison de concierge pour la parcelle 549. Ces bâtiments commandaient l’entrée d’un vaste parc d’agrément au centre duquel s’élevait l’habitation du propriétaire. Ce domaine était si important que le tracé du boulevard de Reims l’a évité en formant un coude pour passer entre les cette propriété et celle de la Potennerie, quasiment voisines par leurs extrémités.

Ce domaine appartenait à un industriel, qui avait fondé avec son frère Eugène la filature Cordonnier, située au 9 rue de Mouvaux. Louis Cordonnier vivait au château avec sa femme Jeanne, son frère Eugène, et ses filles Julie et Louise.

Avant que l’ouverture de la rue Jouffroy ne lui offre une adresse définitive, Louis Cordonnier a été recensé dans les voies les plus proches : domicilié pavé d’Hem (où débouche le sentier de la Potennerie) pour le cadastre en 1884, au 398 rue de Lannoy dans le Ravet-Anceau de 1886, (endroit où s’ouvre l’avenue Cordonnier), puis au 456 dans la même rue après renumérotation dans le recensement de 1891, on le retrouve au chemin n°9, qui traverse le domaine pour le recensement de 1896. Enfin l’adresse du château est fixée au 256 rue Jouffroy dès le percement de cette voie.

Plan Cadastral 1884

1899 voit Louis Cordonnier vendre les divers terrains constituant le domaine pour qu’on puisse ériger des constructions « sur un des points les plus salubres de Roubaix ». Pour attirer les acheteurs, il faut des rues le long desquelles construire : il fait don à la ville du sol de l’avenue Cordonnier, ainsi que les arbres qui s’y trouvent. Il fait également don des terrains nécessaires pour tracer l’avenue Linné et la rue Jouffroy.

A cette occasion, Jules D’Halluin-Lepers achète une partie de la propriété Cordonnier, comprenant la résidence principale et les bâtiments des communs. Sur le reste du domaine s’installera le jardin Ma Tante (voir l’article qui y est consacré), remplacé ensuite par le stade Dubrulle-Verriest après la première guerre. Le recensement de 1901 nous énumère les membres de la famille : Jules D’Halluin, né en 1850, Camille Lepers née en 1857, et leurs nombreux enfants Pauline, Jules, Maurice, André, Marthe, Marie, Madeleine. De quoi remplir les pièces du château !

Le château, vu côté Linné – document site Thierry Prouvost

Le nouveau propriétaire fait réaliser des travaux pour édifier un mur de clôture d’enceinte à la limite de la nouvelle avenue Linné et la famille s’installe. Le château semble fait pour les réceptions : au rez de chaussée, auquel on accède par le grand perron, se trouvent deux salles à manger, plusieurs salons, des boudoirs et des vestiaires. Les chambres sont en haut du grand escalier.

En 1924 Jules D’Halluin demande un permis de construire pour une maison d’habitation 256 rue Jouffroy. Cette maison va prendre la place des anciens communs. Elle est vaste et peut-être destinée à abriter la famille. Le corps principal est perpendiculaire à la rue Jouffroy ; le pignon se prolonge latéralement par un bâtiment bas coiffé d’une terrasse et abritant un atrium vers lequel mène la porte d’entrée et un vestiaire. Derrière l’atrium, un vestibule desservant les salons et la cuisine. Au fond, la salle à manger et un studio. Cette fois encore, c’est une maison faite pour recevoir ! A l’étage, une chapelle voisine avec les chambres. A l’extérieur, une grand porte surmontée d’une tour, elle-même couronnée d’un bulbe sphérique ouvre sur la cour d’honneur.

La nouvelle construction, vue depuis le coin de l’avenue Cordonnier – photo site Thierry Prouvost

L’année suivante, les travaux se poursuivent avec des aménagements dans le château et la construction de deux maisons de concierges accolées abritant de vastes garages le long de l’avenue Linné. De chaque côté de cet ensemble, des grilles d’accès à la propriété percent le mur de clôture.

Les maisons de concierges avenue Linné

En 1945 Clarisse D’Halluin-Lepers, veuve depuis avant la guerre, fait une demande de démolition pour le château. L’immeuble est vétuste, la toiture abîmée, et la charpente est attaquée par des champignons. De plus, il a été occupé par les allemands pendant la guerre ce qui a causé nombre de dégradations et l’a rendu inhabitable. Cette dame a abandonné le domaine : elle habite désormais à Tourcoing. Une photo aérienne nous montre en 1947 que le château a été démoli.

Depuis un collège privé et des immeubles collectifs ont été construits à l’emplacement du parc. Il ne reste aujourd’hui que la maison de 1925 qui a pourtant, au fil des ans, perdu sa tour et semble inhabitée aux chalands qui empruntent la rue Jouffroy.

Ces mêmes chalands, s’ils sont attentifs, peuvent encore apercevoir sur le mur de la maison une date et des blasons, et, s’ils prennent à gauche le long de l’avenue Linné, longer un tronçon du vieux mur de clôture de 1901 dont l’extrémité reste couronnée de sa grille d’origine.

Photos Jpm

Les documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.

Les Ets Carrez-Bernard

Eugène Carrez est né à Merville en 1876. Il est commerçant et possède un magasin de chaussures-chemiserie-confection dans sa ville natale. Il se marie avec Albertine Bernard. Ils créent ensemble en 1898 l’entreprise Carrez Bernard au 322 324 rue de Lannoy à Roubaix. Eugène et Albertine ont un fils : André qui naît en 1902

( Document BNR et coll. priv. )

L’entreprise Carrez Bernard fabrique du savon mou ( savon noir d’entretien ). Il est fabriqué avec de l’huile végétale et de la potasse. De couleur noirâtre ou vert très foncé, on le trouve sous forme liquide ou semi-liquide. D’autres activités viennent en complément : le commerce en gros d’épicerie, la torréfaction de cafés, le négoce de pétrole, essence et huiles. Dans l’entreprise, c’est le palais des arômes ; d’un côté le sentiment de propreté ( le savon à l’huile d’olive ), et au fond du bâtiment, l’odeur de café (grâce au brûloir de torréfaction ).

Les attelages de livraison devant la façade du 324 rue de Lannoy ( Document ANMT )

Les affaires fonctionnent de façon très satisfaisante ; si bien qu’en 1929 Eugène fait construire un 2° étage à la savonnerie. Les travaux sont réalisés par L Dugardin 67 Bld de Belfort et la charpente par Joseph Soudan 155 rue Jouffroy. Au début des années 1930, le fils d’Eugène : André aide son père à la gestion de l’entreprise. Adulte, il en devient le directeur commercial. Il habite au 48 avenue Jean Jaurès à Roubaix, dans une maison construite par l’architecte Jacques Barbotin.

Eugène Carrez en 1937 ( Document ANMT )

En 1937 Eugène achète un véhicule automobile : une Panhard, pour pouvoir effectuer les déplacements jusque Trungy, dans le Calvados, et séjourner dans la maison familiale. Hubert Carrez, le fils d’André naît en 1935 à Roubaix. il habitera sur place 324 rue de Lannoy.

( Document ANMT )

En 1940 la Mairie de Roubaix ordonne une réquisition de carburants ( essence et gas oil ) et également de produits d’épicerie sèche : biscuits, boites de lait sucré, et surtout conserves de poisson et de viande, pour subvenir aux besoins de la population.

Eugène Carrez décède en 1954. Après guerre, dans les années 50, l’importation de savon industriel, par de très grosses firmes américaines, vient concurrencer la production de Carrez Bernard. La fabrication du savon mou cesse en 1958. André Carrez continue de se spécialiser dans l’épicerie en gros et la production de cafés (torréfaction et ensachage ).

Sachets de cafés ( Document ANMT et coll. priv.)

1963 : L’entrepôt de 440 m2 étant trop petit, André Carrez fait une demande de permis de construire pour agrandir. Il fait appel à l’entreprise Jacquemart-Behal de Lens pour construire un hangar métallique de 442 m2 de stockage supplémentaire. En 1970 Hubert Carrez ( le fils d’André ) dépose une demande d’agrandissement pour son entrepôt ( hangar couvert ). André Carrez décède à son domicile du 48 avenue Jean Jaurès en 1972. Hubert Carrez qui habite au 324 rue de Lannoy continue seul à gérer l’entreprise

A la fin des années 1970, les premières difficultés se font sentir. L’arrivée des grandes surfaces fait énormément souffrir les commerces de détail, et par conséquent l’activité des grossistes alimentaires. Les salariés de l’entreprise reçoivent leur lettre de licenciement en rentrant de vacances en Août 1987. L’entreprise familiale s’arrête. Après le décès de Hubert Carrez à Roubaix en 2000, le bâtiment va rester inoccupé quelques années.

( Document Archives Municipales )

En 2006 Miguel Fernandes reprend une partie de l’entrepôt qui se trouve dans l’allée privée, pour le transformer en logement confortable

( Document Archives Municipales )

L’année suivante, la SCI Renaissance Immobilière propose de transformer la friche industrielle par l’architecte Gregory Boyaval de Roubaix, en 7 logements-loft et 2 cellules commerciales. Quant au bâtiment principal qui était le domicile de la famille Carrez, on trouve aujourd’hui un cabinet médical composé d’orthophonistes. Il ne reste plus que les deux initiales C B sur le fronton de la façade.

( Photo BT )

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Remerciements aux Archives Nationales du Monde du Travail ( ANMT ), aux Archives Municipales et à la BNR pour les documentations, ainsi qu’à Patrick Miette pour son témoignage.

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Des cuisinières à la salle de sports

Une entreprise de chauffage, tôlerie et fumisterie est créée en 1865 par les frères Liagre au 14 Boulevard de Paris. Les ateliers se situent dans la rue parallèle juste derrière, la rue des Loups.

L’entreprise de Georges Liagre fonctionne de façon très satisfaisante et, pour faire face à son développement, elle déménage dans de nouveaux locaux plus grands, au 8 rue Neuve , en 1908.

Georges Liagre est présent à l’Exposition Internationale de Roubaix en 1911. Il présente sur son stand ses fourneaux de cuisine au charbon et au gaz. Il obtient la médaille d’argent du concours de l’exposition. Cela va encore lui amener davantage de clients, si bien qu’il doit penser à nouveau à trouver des locaux plus vastes.

Au début des années 1920 Paul Liagre reprend l’affaire ; il s’installe au 211 rue de Lannoy dans l’ancienne brasserie Delcourt Herbeau. Il créé un magasin de vente au 211 bis.

Il dépose la marque « Enfin » pour ses cuisinières.

La production de fourneaux de cuisine, en tôle émaillée et à revêtements de faïence, continue. Après quelques années d’expansion, l’entreprise est reprise par 3 associés et amis : J. Portié, J. Courouble et M. Fleurbaix en 1950.

Les affaires se développent. En 1957, au vu des problèmes de circulation de la rue de Lannoy et de l’importance du tonnage des camions de livraison, le gérant de la société des cuisinières Enfin, J Portié, décide d’agrandir la porte d’entrée. Les travaux sont confiés aux Ets Buirette, rue Thecles.

Document Archives Municpales

En 1962, la société Deville, de Charleville Méziéres, reprend l’entreprise. Elle est spécialisée dans les appareils de chauffage au mazout ; la « flamme bleue Deville » est une enseigne familière aux yeux des Français. Deville reprend la fabrication des cuisiniéres Enfin au charbon et au gaz, qui viennent donc en complément de leur système de chauffage au fuel.

Deux ans plus tard, en 1964, Deville décide d’investir dans d’importants travaux : la construction d’un atelier, d’un grand hall à charpente métallique qui permet l’évolution à couvert du personnel, des marchandises et des véhicules. Un parking de 20 places et une cour de 68 m2 sont également créés. Ce bâtiment n’est pas visible de la rue ; les voisins de la rue Nabuchodonosor donnent leur accord pour la construction. Les Ets Browaeys, 14 rue Boucicaut sont chargés des travaux.

Document Archives Municipales

Les photos suivantes nous présentent le site avant et après les travaux.

Documents IGN 1953 et Google Maps

En 1982, des travaux d’embellissement sont réalisés : ravalement de façade avec peinture extérieure et pose d’une enseigne Deville.

Document Archives Municpales

A la fin des années 1980, la production des cuisinières est stoppée. Il ne reste plus à Roubaix qu’un dépôt, et en 1990 Deville ferme ses portes.

En 1996, la ville rachète le bâtiment. Les locaux en façade, rue de Lannoy, deviennent des bureaux.

Photo BT

L’immense hall de 1200 m2 devient une salle de sports avec entrée rue Nabuchodonosor. Cette salle de sports s’appelle « Salle Deville ». Plusieurs disciplines y sont pratiquées : sports de combat et sports collectifs dont basket, futsal et badminton.

Photo BT

Dix ans plus tard, en 2016, la salle de sports Deville, dont le revêtement est très dégradé, dit adieu aux sports collectifs ( murs trop proches du terrain de jeu, revêtement très dégradé, hauteur de toit non conforme aux normes, etc . . . ).

Aux yeux de la municipalité roubaisienne, la pratique des sports collectifs et du badminton n’est plus du tout adaptée à ce qu’est devenue au fil du temps la salle Deville ; elle va être transformée pour accueillir uniquement des sports de combat.

Le terrain qui était réservé aux sports collectifs est recouvert de tatamis, pour accueillir les clubs de boxe thaï, de kick-boxing, de self défense, de lutte, de judo, et de musculation. La salle reçoit également les écoliers pour les activités péri scolaires.

Photo BT

La salle Deville est dirigée par Jacques Aspeel qui est aussi responsable des activités de boxe.

Ces disciplines ont un franc succès dans le quartier, comme de manière générale à Roubaix. Tous les soirs, la salle est bondée et les sports de combat servent d’exutoire à la jeunesse.

Remerciements aux Archives Municipales pour la documentation, à Jean François Portié et à Jacques Aspeel pour leur témoignage.

Les documents non légendés proviennent de collections privées.

La ferme et l’hôpital

Bury-Prinpont est une ferme relativement ancienne, puisqu’elle figure déjà sur la carte de Cassini, datant du 18ème siècle. Située au Pont rouge, à la rencontre du chemin neuf et de l’ancien chemin de Lannoy qui deviendra la rue de Maufait, elle est tenue pratiquement tout au long du 19ème siècle par la famille Despret, dont le nom est également orthographié Desprez.

Carte de Cassini, 1740 – document IGN
Carte de Cassini, 1740 – document IGN

C’est ainsi qu’on y recense en 1920 Despret Pierre François, né en 1789, qui a épousé de Marie Julie Duthoit, dont il aura plusieurs fils, Pierre Louis, Henri et Florimond. Son épouse décède en 1827, et il se remarie avec Catherine Deschamps le 7 mai 1832. La famille va occuper la ferme, qui appartient en 1747 à Antoine Théry, un avocat lillois, jusqu’en 1875, alors que le chef de famille approche de 90 ans.

Entre temps, son fils Florimond, marié à Adélaïde Dellebecq, va exploiter, à quelques centaines de mètres de là, la ferme de Courcelles située le long de l’ancien chemin du même nom, qui sera remplacé par la rue Victor Hugo. Il va reprendre après son père l’exploitation de Bury-Prinpont, en laissant à son fils Pierre, époux de Sophie Desquien, le soin de reprendre la ferme de la rue Victor Hugo. Catherine Deschamps va décéder en 1871, et son mari en 1878 ; on retrouve Florimond à la ferme de 1880 à 1896

Plan cadastral 1884
Plan cadastral 1884

Mais cette zone agricole va perdre brusquement son caractère campagnard. En effet, en 1891, le conseil municipal, sous la férule de Julien Agache décide de faire l’acquisition auprès de la famille Théry de 4 hectares de terrain, incluant la ferme, pour y construire un nouvel hôpital. C’est chose faite en 1893. La ville, désormais propriétaire de la cense et des terres qui l’entourent, va laisser courir le bail de Florimond Despret en attendant d’avoir un financement pour commencer les travaux.

Le nouvel hôpital
Le nouvel hôpital

Mais les choses se précipitent : la ferme brûle le 7 juillet 1896 ; cet incendie sonner le glas de l’exploitation pour la famille. L’année suivante, les frères Despret réclament une indemnité de fumure pour compenser la perte d’exploitation qu’ils ont subie.

La ferme est démolie pour 1900 et la construction de l’hôpital suit : les pavillons s’élèvent les uns après les autres et le journal de Roubaix annonce en 1907 l’inauguration prochaine

Photo IGN
Photo IGN

Cette famille de fermiers va abandonner la culture et se reconvertir (Victor, le petit fils de Florimond, va tenir une épicerie au 261 rue de Lannoy). C’est cette famille qui édifiera le fort Desprez, qui deviendra plus tard le square des Prés.

Encore des lotissements

Au pont rouge, la première tranche de construction est vite suivie d’une autre, dite « Pont rouge II » intéressant 158 logements. Une photo aérienne de 1953 nous montre les nouvelles constructions, autour de celles, surlignées, de la première tranche. Les journaux se font l’écho de cette vague de constructions.

Document archives municipales 1953 et Nord Eclair 1956
Document archives municipales 1953 et Nord Eclair 1956

Ces nouvelles maisons sont de plusieurs types. Les premières, maisons individuelles situées le long et au delà de la rue de Maufait, ainsi que rue Schuman autour de son carrefour avec la rue de Maufait, sont toujours à le toit pointu, mais les fenêtres sont plus nombreuses et plus importantes que celles de la première tranche. La plupart sont à briques apparentes, mais certaines sont crépies. L’entrée est en renfoncement, abritée dans l’angle de la construction, et la façade comporte trois fenêtres groupées.

Maisons du premier type - Photo Delbecq – archives municipales
Maisons du premier type – Photo Delbecq – archives municipales

Mais on voit également sur les photos aériennes de 1953 d’autres groupes d’autres maisons en cours de construction le long de la rue Schuman, en face des collectifs de la première tranche : si celles-ci ont encore le toit pointu, il l’est notablement moins. Une vaste baie constituée de trois parties en façade, mais les fenêtres de l’étage ne forment plus des chiens-assis, et sont abritées par le débordement du toit.

Maisons du deuxième type Photos Jpm
Maisons du deuxième type Photos Jpm

On rencontre également un troisième type de maisons, qui ressemblent un peu aux précédentes avec leur toit débordant, mais en diffèrent par certains côtés : les petits carreaux percés dans une zone cimentée pour éclairer les Wc, et la disposition intérieure. Par contre, on reste avec des parements en brique et des fenêtres au rez de chaussée en trois parties.

Troisième type de maisons – photo Jpm
Troisième type de maisons – photo Jpm

On construit également un autre type de maisons groupés en deux blocs au coin des rues Léon Blum et Schuman. Elles ont aussi le toit plat et débordant, mais elles sont réalisées en béton. On retrouve les fenêtres du rez de chaussée en trois parties. Un des deux blocs, celui situé sur la rue Schuman a été démoli il y a quelques années et remplacées par des constructions neuves ; l’autre a été réhabilité.

Le type en ciment – photo Jpm
Le type en ciment – photo Jpm

 On construit également des collectifs implantées le long et face à la rue Léon Blum, alors à peine tracée. Ils disposent de balcons et restent de taille humaine pour ceux situés rue Léon Blum. La barre sur la rue Schuman est plus importante ; elle possède un balcon sur toute la longueur du dernier étage.

Les collectifs lors de leur construction – Photos Shettle – archives municipales, et Jpm
Les collectifs lors de leur construction – Photos Shettle – archives municipales, et Jpm

 Une photo de 1957 nous montre les constructions achevées dans le quartier : des blocs collectifs (surlignés), et plusieurs ensembles de maisons individuelles le long des rues Léon Blum et Robert Schuman. On y voit réalisé l’ensemble des trois programmes pour le Pont rouge.

Photo IGN - 1957
Photo IGN – 1957

Mais d’autres réalisations sont encore à venir. On projette encore en 1957 la construction de collectifs à la limite de Lys les Lannoy, derrière le parc des sports, sur une zone encore agricole. De même Nord Eclair fait état en 1956 d’un projet de l’évêché pour la construction d’une église à l’extrémité de la rue Yolande… On construit également le groupe scolaire du Pont rouge, rue Julien Lagache, près de la ferme Lebrun. Son architecte en est Pierre Neveux. Il comportera 16 classes, dont 10 primaires.

Le premier bloc collectif, celui situé le long Salengro disparaît en 1992 : Il est démoli pour cause d’instabilité dû à un terrain trop meuble. On trouve aujourd’hui une pelouse sur son emplacement.

Photo Google Maps
Photo Google Maps

 

Il est à noter que le quartier ne comporte pas de commerces : on n’y a construit que des logements. Autre remarque : toutes ces constructions – en brique- semblent avoir traversé le temps sans dommage apparent, à la différence de certains lotissements ou collectifs plus récents, mais construits différemment. On peut également constater que les options d’origine prises par le CIL, construire une « cité jardin », étaient justes : le quartier reste calme, aéré et agréable.

 

On lotit au Pont rouge

Dans l’immédiat après-guerre, le CIL, Comité Interprofessionnel du Logement, créé en 1943, commence à acheter des terrains libres (friches, jardins, terres agricoles) à Roubaix pour construire des logements.  Son attention se porte en particulier sur la plaine du pont rouge, située entre les rues de Lannoy, St Hubert et l’avenue Salengro. Cet espace, où naguère Buffalo Bill a planté son chapiteau, est occupé par des jardins ouvriers et un jeu d’arc, où les archers tirent sur des oiseaux de bois placés en haut d’une perche, unique animation du quartier. Une photo aérienne nous montre cet espace, coupé seulement par la rue de Maufait, qui, déjà tracée, n’est encore qu’un « mauvais chemin de terre ». On voit une maison à l’emplacement du collectif, rue de Lannoy. Un chemin dans le prolongement de la rue Yolande, rebaptisée ensuite rue Verriest, se perd dans les jardins.

Photo IGN 1947
Photo IGN 1947

Mais les choses se précipitent et, on décide de construire sur ces terrains une « cité jardin ». A cette fin, le CIL est à l’origine d’une société d’HBM dite « Le Toit Familial de Roubaix-Tourcoing » qui sera appelée à réaliser les travaux. On commence par viabiliser et revêtir la rue de Maufait, on prolonge la rue Yolande d’abord jusqu’à la rue de Maufait, et, plus tard, jusqu’aux trois ponts ; on appellera cette nouvelle voie la rue Robert Schuman, qu’on relie à l’avenue Salengro par une autre voie nouvelle, la rue Léon Blum. Les travaux de lotissement peuvent commencer. Ceux-ci démarrent dès 1950 par une première tranche d’habitations collectives et individuelles au coin de la rue de Lannoy et de la rue Robert Schuman. On voit distinctement sur la photo aérienne les deux premiers collectifs le long de la rue de Lannoy, et les fondations des autres, ainsi que les premières maisons de l’allée des peupliers.

Photos Nord Eclair et IGN - 1950
Photos Nord Eclair et IGN – 1950

Ces habitations sont construites en briques, ce qui, avec le recul, semble gage de pérennité. Les plans sont de M. Lapchin, architecte en chef du CIL. Les collectifs ont trois étages, et des ouvertures relativement étroites, possèdent des toits pointus. Et sont implantés autour d’un vaste espace vert. « on a prévu notamment un vaste dégagement où l’on dessinera un square coquet », nous précise Nord Éclair en 1950.

Photos Jpm
Photos Jpm

Les maisons individuelles sont toutes construites sur le même plan. Là aussi les ouvertures sont étroites et les toits pointus. L’étage est en sous-pente. Elles laissent également place à des espaces verts, constitués de jardins. Elles sont groupées et réparties en six ensembles le long de l’année des peupliers.

 Photo JpmPhoto Jpm

Nous verrons  que le CIL ne s’arrêtera pas là.

A suivre…

 

 

 

 

Un chalet au chemin neuf

Nous laisserons aujourd’hui la parole à une habitante, qui a passé 50 ans rue du chemin neuf.

Yvette, juste après son mariage s’installe rue du Chemin neuf. Son mari vivait précédemment avec ses parents dans un HBM avenue Motte, alors qu’elle habitait la rue des Champs, près de la piscine. Ils achètent un chalet en viager à la veuve du premier propriétaire, ancien combattant, avec laquelle ils partagent la maison. Il fait partie d’une série de 10, dont 6 sont implantés rue Ingres et rue Carpeaux et possèdent des noms de militaires tués lors de la première guerre. Les quatre derniers sont construits rue du Chemin neuf, au milieu des jardins. Ces habitations sont construites vers 1925 à l’instigation d’industriels Motte-Bossut et Motte-Porisse en mémoire des soldats décédés lors des combats. Ils avaient décidé de donner à des anciens combattants qui s’étaient illustré durant le conflit des facilités pour accéder à la propriété.

Le chalet en 1956
Le chalet en 1956

Son mari, ébéniste, travaillait alors dans l’atelier de son père rue Basse Masure. En 1962, dès qu’ils ont pu jouir de toute la maison, ils font construire un atelier dans le jardin.

La construction en 1962 et l'atelier terminé
La construction en 1962 et l’atelier terminé

Au départ, le quartier est voué aux jardins ouvriers qui s’étendent autour du groupe de chalets dans toutes les directions. Ceux-ci sont bien isolés : à part trois ou quatre maisons datant d’avant guerre situées sur le trottoir d’en face, on ne trouve pas de construction avant l’ancienne usine Léon Frasez, avenue Motte, qui deviendra quelques années plus tard le premier Auchan, les terrains de football, les établissements Salembier, et le groupe scolaire Jules Guesde. La rue est étroite et pavée ; elle a perdu il y a peu de temps ses deux fossés, remplacés par des trottoirs.

Les chalets environnés de jardins - Document IGN 1962
Les chalets environnés de jardins – Document IGN 1962

Le deuxième chalet était à l’origine habité par un couple. Lui était mutilé de guerre (de là le nom du chalet, « le mutilé »). L’allée Watteau desservait les deux autres chalets, et servait d’accès aux jardins ouvriers situés au-delà.

Faire les provisions au quotidien n’était pas un problème : il y avait un épicier dans la rue Léon Marlot, sur la gauche après le groupe scolaire, dans une maison particulière. On voyait également passer des marchands ambulants, telle la crémière qui transportait sa marchandise dans une charrette à bras. Elle avait aussi, à l’occasion, des légumes. Cette commerçante avait un dépôt rue Henri Regnault, précise Yvette. Pour trouver une boucherie, il fallait se déplacer rue Horace Vernet, ou rue de Lannoy…

Le couple a opéré bien des modifications à la maison : dans son état d’origine, celle-ci offrait une cuisine au fond du couloir d’entrée, le reste de la surface étant divisé entre un salon et une salle à manger. A l’étage, deux grandes chambres, dont l’une a été rapidement coupée en deux pour abriter les trois garçons. Ils construisent également un garage accolé au chalet.

Le garage et l'aronde de la famille.
Le garage et l’aronde de la famille.

Ils ont assisté à la transformation du quartier. D’abord les immeubles derrière dès 1962 et, peu après, celui du côté des terrains de sport. Les deux blocs de maison vers la rue Léon Marlot ont suivi, ainsi que la cité en face du chalet. En l’espace de 10 ans, la physionomie du quartier est complètement modifiée ; il s’est beaucoup animé… Auchan a amené également de la clientèle extérieure au quartier.

Yvette n’a quitté son chalet qu’en 2005, après le décès de son mari. Entre-temps, le garage avait été transformé en espace d’habitation.

Le chalet en 2005
Le chalet en 2005

Aujourd’hui l’atelier a été transformé en loft, la maison en deux appartements, un au rez de chaussée, l’autre à l’étage.

Remercions Yvette, qui nous a confié ses souvenirs et les photos qui les illustrent.