Histoire du Flint

Le Flint, vous connaissez ? C’est ce café brasserie qui fait l’angle du boulevard de Fourmies et de la rue Carpeaux. On peut y boire un verre, déjeuner, acheter un jeu de grattage…

L’histoire du Flint commence avec le début du siècle. En 1904, c’était une épicerie au n°44 du boulevard de Fourmies, sans doute une épicerie buvette comme il en existait beaucoup à Roubaix, où l’on pouvait boire un petit verre pendant que se remplissait le cabas des commissions…

Dix ans plus tard, c’est un estaminet tenu par M. Béghin. Après la première guerre mondiale, il reprend ses activités, et les complète avec la vente des tabacs. Vers 1925, le café devient en plus la recette auxiliaire des postes, signe de l’évolution en importance du quartier qui commence à apparaître : le Nouveau Roubaix. Quelle pouvait-être la clientèle de ce café ? Les ouvriers du textile, car il y a plusieurs entreprises importantes dans les alentours : l’usine Dazin Motte aujourd’hui disparue et remplacée par des appartements, l’usine Ternynck à l’angle de la rue David D’Angers, aujourd’hui Damart…

Mais la vie de quartier étant fort animée, on peut imaginer que le Flint a pu accueillir le siège d’une ou de plusieurs associations ou peut-être un siège de club sportif ? Il y aurait eu des combats de coqs à l’étage ! Tous les témoignages seront les bienvenus.

En 1933, le café était tenu par M. Horent, toujours au n°44. En 1935, la numérotation des habitations du boulevard de Fourmies a changé, le café est alors au n°118. Le tenancier a  également changé. Un ancien mécanicien formé à l’institut syndical de Tourcoing, M. Jules Vanneste, venant de Mouvaux, reprend le café avec sa femme.

M. et Mme Vanneste derrière le bar du Flint dans les années trente Photo collection particulière

Fin 1939, Jules Vanneste sera mobilisé et retenu prisonnier pendant 5 ans, en Allemagne. Il semble que le café soit resté ouvert pendant la guerre, la kommandantur ayant fait apposer sur sa vitrine l’affichette « interdit aux juifs ». Jules Vanneste reviendra à Roubaix après avoir été libéré par les américains. Démobilisé le 15 juin 1945, il fera le pèlerinage de Lourdes en 1946 avec les personnes revenues des camps de concentration. Puis en 1955, il renouvelle le bail du fonds de commerce, débit de boissons, pour une durée de neuf ans. Le café a gardé la vente des tabacs, et pour quelques temps encore la recette auxiliaire des postes. Il dispose même d’une cabine téléphonique !

La rénovation du Flint en 1972 Photo Nord Eclair

En juin 1972, le Flint fait l’objet d’une rénovation. M. et Mme René Vanneste, aucun lien avec la famille précédente, invitent leur clientèle à découvrir le nouvel environnement du café, blanc et lumineux, ainsi qu’à déguster un large choix de bières.

Depuis, il y a eu plusieurs repreneurs du fonds de commerce, en 1989, 1995 et en 1999. Les derniers tenanciers sont arrivés en 2006. L’acte notarié fait apparaître les activités actuelle du commerce : débit de boisson Licence IV,  brasserie, articles de fumeurs, bimbeloterie, loto, gérance d’un débit de tabac, jeux de la Française des jeux.

Le café brasserie le Flint est toujours un endroit agréable, où l’on peut boire un verre et discuter accoudé au bar, ou assis en salle si l’on préfère. On peut y déjeuner sous une véranda qui apporte beaucoup de clarté à l’établissement.

Merci à Michel Denayer pour la documentation et aux tenanciers actuels pour les informations

Victor Hugo aux trois Ponts

Dans la deuxième partie du 19ème siècle, les communications entre le centre de Roubaix et la partie Sud-Est de la commune n’étaient pas très faciles : après avoir emprunté la rue de Lannoy, il fallait suivre des sentiers plus ou moins carrossables, boueux la plupart du temps. On ouvre en 1886 le boulevard de Mulhouse reliant la rue de Lannoy et la nouvelle gare de Roubaix-Wattrelos, mais le hameau des trois ponts reste mal desservi et le besoin d’ouvrir une autre voie de communication se fait sentir.

Plan cadastral de 1884 – archives municipales

En1889 des propriétaires (Mme veuve Bossut Delaoutre et M. Lievin Her) offrent à la ville le terrain nécessaire pour établir une route de 15 mètres de large allant de la rue de Lannoy à la place des trois Ponts, et une autre, de 12 mètres reliant la précédente au boulevard de Mulhouse.

Ils offrent également la possibilité de prolonger la rue Pierre de Roubaix jusqu’à la future rue sur l’emplacement de l’ancien chemin de Lannoy devenu rue de Maufait.

Après délibération, une demande de déclaration d’utilité publique en vue de la rectification du sentier de Courcelles (ou sentier de la ferme de Courcelles) est déposée au ministère. On donnera à la nouvelle voie le nom de Victor Hugo qui vient de mourir. Le projet prend forme : Cette nouvelle rue, tracée en ligne droite, sera revêtue de scories. L’aqueduc central creusé sous la rue se raccordera à celui de la rue des trois-Ponts, dans lequel se jette déjà le ruisseau des trois-Ponts.

Documents archives municipales

Une adjudication est lancée ; l’entreprise Desplanques est déclaré adjudicataire. Elle réalise les travaux de construction et la réception définitive est faite en 1895. Quelques années plus tard, en 1909, on décide de paver la chaussée sur une largeur de 8 mètres. Une première adjudication échoue, et c’est finalement Jules Waquier et Mme veuve Baudouin sont retenus pour réaliser conjointement le pavage. La réception des travaux a lieu en 1912.

Document archives municipales

L’essor de la ville est tel à cette époque que les constructions ne tardent pas à apparaître. Usines, commerces, et maisons particulières vont très vite s’élever le long de la nouvelle rue…

 

 

 

Les dominos de Brossolette

Depuis 1965, le CIL de Roubaix Tourcoing construit des dominos, qui sont des résidences pour personnes âgées, réservées aux « plus vaillants ». Les premiers dominos construits se trouvent dans le quartier de Beaumont à Hem derrière l’église Saint Paul, et rue du Caire à Roubaix. Depuis il y en a eu d’autres, à Leers, Wattrelos, rue de Toul, à Toufflers, à Lys lez Lannoy et à Roubaix, le béguinage Marlot sur l’emplacement de l’ex usine Salembier et le béguinage Brossolette, dans la rue et près de la tour du même nom…

Les dominos du béguinage Marlot Photo Nord Eclair

Un domino est une petite maison individuelle comprenant une chambre, une salle de séjour, une cuisine et un cellier. Un témoin nous emmène visiter un domino de la rue Brossolette.

Les dominos du béguinage Brossolette en construction en 1972 Photo Nord Éclair

Nous sommes dans les dominos qui sont situés rue Brossolette, au pied de la tour du même nom. Ils sont gérés par Villogia. Ce secteur n’est pas du tout résidentialisé, mis à part une grille qui a été posée, parce qu’il y avait des gens qui se servaient de cet espace vert comme d’un raccourci pour repartir sur les Hauts-Champs. C’est ouvert à tous vents, tout le monde peut entrer librement. Malgré tout, il ne s’y passe pas grand-chose. C’est très arboré. Il y a trois barres de maisons, avec des espaces verts qui sont entretenus par Villogia. Mais chacun des habitants essaye de s’approprier un peu les lieux et de personnaliser son espace vert, et le bailleur laisse faire. Accessoirement, les pots de fleurs empêchent les circulations intempestives en vélo au ras des portes. A l’arrière des dominos, la pelouse est entretenue par Villogia, mais les gens qui habitent là s’en servent comme de leur jardin : l’été on y met une chaise-longue, éventuellement un barbecue… Donc, les avantages, sans les inconvénients de l’entretien.

Les dominos Brossolette recto verso Photos Gérard Vanspeybroeck

Il y a une batterie de garages situés au pied de la tour, dont certains appartiennent à des personnes des dominos. Juste derrière, on aperçoit les murs de l’usine Jules. Il n’y a pas de régisseur, et pas de gardien. Ceux qui le souhaitent peuvent se faire livrer les repas du CCAS. Il est évident qui si on n’est pas autonome, on ne peut pas vivre dans un de ces dominos. C’est comme dans un appartement. Les prix sont en fonction des revenus, mais c’est à peu près de 300 euros par mois. Ça reste très raisonnable.

Mes parents arrivent dans ce domino à la fin des années 80, venant de leur appartement de la rue Fragonard. Pour ma mère qui venait du fin fond de la campagne de Wattrelos, aux confins d’Estaimpuis, la rue Fragonard, c’était un grand progrès du point de vue du confort. La rue Fragonard, pour ma mère, c’était vraiment le bonheur, c’était le centre du monde. Un jour mon père décide qu’on va partir habiter dans un domino. Autant dire que, pour ma mère, ça a été un crève-cœur. Elle est partie vraiment en marche arrière jusqu’au domino. Et, comble de malchance, c’est à ce moment là qu’on a commencé à démolir l’église Ste Bernadette, qui était juste derrière, et ma mère, comme consolation, a pu assister à toute la démolition de l’église. Autant dire qu’elle nous a fait une déprime à ce moment là…

Plan réalisé par Gérard Vanspeybroeck

On entre par la porte fenêtre, directement dans le séjour. Il n’y a pas de vestibule, pas de couloir une surface de 53 m2 environ. Un salon salle à manger, une chambre, une cuisine, une salle de bains et un cellier. Il n’y a pas d’autre fenêtre que la porte-fenêtre, ce qui oblige parfois à allumer, même en pleine journée.  Dans la chambre, il y a aussi une fenêtre. Au fond, on arrive dans la cuisine : un évier sur la gauche, la chaudière individuelle de chauffage central au gaz, et une porte fenêtre à l’arrière. Selon la disposition des maisons, les gens entrent par un côté ou par l’autre. Ensuite, un petit couloir avec un placard dans le fond, une trappe qui permet d’accéder aux combles pour y ranger quelques objets. La salle de bains comporte également le WC, et il y a un vasistas pour la lumière du jour, une douche adaptée pour les personnes âgées, sans rebord, qui a été installée récemment. Tout au fond, un cellier avec des possibilités de rangements des légumes. Les orientations diffèrent selon les rangées de bâtiments.

Vue générale des dominos de la rue Brossolette Photo Gérard Vanspeybroeck

En ce qui concerne la vie collective,  beaucoup d’évolution en fonction du turn-over. La piste de pétanque qui est aujourd’hui abandonnée, était autrefois très utilisée. Maintenant la plupart des gens qui habitent dans les dominos possèdent des voitures. Ça les rend très mobiles, ils vont se balader, ce qui n’était pas vrai avant, les gens vivaient plus là,  il y avait plus de vie collective.

Le jardinier, l’horticulteur et le fleuriste

Voici l’histoire professionnelle d’une famille du quartier Raverdi Potennerie. M. et Mme Hector Hoste étaient au service du château du Raverdi, propriété occupée par l’industriel Georges Heyndrickx et sa famille jusqu’à la première guerre. M. Hector Hoste était le jardinier et Mme Hoste la cuisinière. Après la guerre de 14-18, ils se sont installés avec leurs enfants boulevard de Reims. A cette époque, la rue Montgolfier vient d’être prolongée de la rue de la Potennerie jusqu’à la rue Jean Baptiste Notte, coupant ainsi le grand parc de la Potennerie formé par les propriétés Heyndrickx et Motte.

Dans les années 1920, Hector avec ses deux fils, André et René s’installent jardiniers sur un grand terrain de la rue Philippe Auguste loué à la famille du “château”. Ils y cultivent surtout des fleurs, font l’entretien de jardins à l’extérieur, et un peu à la fois, ils construisent des serres. . A l’époque, on faisait des chrysanthèmes qui ne venaient pas de Hollande. Les deux fils font construire leur maison et s’installent l’un au 198 rue Dupuy de Lôme et l’autre au 42 rue Philippe Auguste. Le terrain exploité donne sur les deux rues, et il y avait là les couches qu’on allait ouvrir ou fermer. Il y avait une petite cheminée avec une chaudière, car en hiver, ou au moment de la Toussaint, quand il faisait très froid, on chauffait les serres au charbon.

L’exploitation de la rue Philippe Auguste en 1935 Collection particulière

Après la guerre, Hector Hoste est décédé, la famille augmente et les deux frères se séparent. René Hoste part s’installer, toujours pour les fleurs, près du cimetière de Roubaix, Place Chaptal. André Hoste et son épouse continuent l’exploitation et rachètent la moitié du terrain de la rue Philippe Auguste. Pendant la guerre, ils ont surtout cultivé les légumes, qui étaient vendus sur place au voisinage. Puis la vie a repris, les occasions d’offrir des fleurs sont devenues plus fréquentes, et Mme Hoste a décidé qu’ils allaient construire un magasin de fleurs, au 198 rue Dupuy de Lôme.

Madame Hoste et le magasin de fleurs de la rue Du Puy de Lôme Collection Particulière

C’est leur fils, également prénommé André, qui après avoir fait un stage chez un grand fleuriste parisien, donnera  à ce magasin une renommée que beaucoup lui envieront. Doué et courageux, il a fait des choses magnifiques, comme par exemple  l’inauguration  d’IBM rue Verte, la décoration de la Préfecture au moment des vœux, la Lainière. C’étaient des occasions exceptionnelles, et de la véritable décoration florale. La belle histoire de la famille et du magasin de fleurs s’est arrêtée à la fin des années 1990 quand André fils a pris sa retraite.

Le jardinier, l’horticulteur, le fleuriste Collection particulière

Emprunts, chantier et tramways

En 1932, les travaux entrent enfin dans une phase active. On s’occupe des immeubles à démolir,c’est à dire les numéros 289 à 299 et l’immeuble à l’angle de la rue de Valenciennes. Le 289 est alors occupé par M. Gertgen, négociant en charbons, le 291 par M. Raux, négociant en matériaux. Huit entrepreneurs soumissionnent à l’appel d’offre pour ces démolitions, et c’est l’entreprise Julien Taillez qui est retenue.

Document Journal de Roubaix

La ville a contracté un emprunt de dix millions et demi de francs pour l’exécution des travaux (voie mère, gare de débord, et suppression des passages à niveau), emprunt gagé sur le produite des surtaxes locales temporaires perçues pendant 30 ans. Mais les travaux de démolition des immeubles expropriés, commencés en 1933, s’arrêtent très vite : par suite de l’augmentation des devis, il manque en 1934 deux millions de francs pour poursuivre. La municipalité fait alors une demande de subvention au ministère. D’autres subventions sont demandées aux conseils Régional et Général. Mais il faut aussi procéder soit à un nouvel emprunt, soit à l’augmentation des surtaxes. Les travaux sont au point mort.

En 1936, on en est toujours à essayer de boucler le budget. Les suppressions des PN du boulevard d’Halluin et du Crétinier sont abandonnées. Seul celle du boulevard Beaurepaire reste à l’ordre du jour. Le ministère refuse la subvention demandée, arguant qu’il ne dispose pas de fonds pour supprimer des passages à niveau autres que sur les routes nationales.

Les travaux ne reprennent qu’en décembre 1937. La crise aidant, un arrêté du ministère du travail réglemente fixe les conditions pour les travaux à réaliser : il faut utiliser de la main-d’œuvre locale comprenant au moins 50% de chômeurs secourus et moins de 10% de travailleurs étrangers. De même, les matériaux employés doivent être français. En 1938 les terrassements sont réalisés par les soins de la SNCF. Pour cela, on construit sur le boulevard deux murs de soutènement et on remblaye entre les deux murs. Enfin le pont lui même, supporté par des piliers, est coulé en béton.

Photo archives municipales

A la demande de l’E.L.R.T, et pour renforcer leur résistance aux chocs éventuels, on décide d’intégrer les pylônes supportant la caténaire (fil trolley aérien alimentant les motrices en électricité) dans la structure du pont. Ils seront eux aussi construits en béton armé et implantés au droit des poutres maîtresses ; ils feront ainsi partie intégrante de l’ossature de l’ouvrage.

Photo Nord Eclair

On en est à la couverture de la chaussée. Une adjudication est lancée pour le pavage de la rampe, du pont lui-même, du rond-point près du pont du Sartel, et de la rampe d’accès vers Leers. On pose les rails du tramway. La double voie du boulevard Beaurepaire se réduit à une voie unique sur la rampe et le pont à cause de la largeur du tablier. Les tramways ne pourront donc pas s’y croiser. Il reste enfin à procéder aux essais de résistance du pont avant la mise en service, et le pont devrait être mis en service à la fin du mois de décembre. Mais, nouveau contretemps, le gel intense interrompt les travaux de pavage, et ce n’est que mi-janvier que la circulation peut enfin emprunter le pont.

Documents Journal de Roubaix

 

 

Les travaux laborieux

Document Archives municipales

L’adjudication pour la construction de l’avenue des Villas est faite à Jules Desplanques, entrepreneur à Roubaix, choisi parmi six soumissionnaires. Le cahier des charges, établi en septembre 1876, précise que l’entrepreneur doit terminer les travaux dans un délai de huit mois sous peine d’une amende de 10 francs par jour de retard. La partie entre Barbieux et la rue Carpeaux doit être terminée dans les trois mois.

Les travaux commencent dans le courant du mois de novembre 1896 au droit de la rue Carpeaux. Ceux-ci sont réalisés à la pelle, les déblais étant transportés à l’aide de wagonnets traînés par des chevaux sur des rails provisoires. Pour parvenir au profil prévu par le service de la voirie, il faut araser des buttes, au niveau de la rue de Barbieux, de la rue Carpeaux, au débouché de la rue Henri Régnault, après le boulevard de Fourmies. L’entrepreneur est tenu de commencer les travaux au droit de la rue Carpeaux, point le plus bas prévu pour la première partie du tracé.

Le profil en long de la future avenue.
On voit bien que la voie future descend continuellement depuis la rue de Barbieux jusqu’au point bas au carrefour de la rue Carpeaux, puis remonte jusqu’au boulevard de Fourmies avant de redescendre jusqu’à la rue de Lannoy.

Mais rien ne semble se passer comme prévu. En février 97, une note de service adressée à M. Desplanques, déplore que …les travaux de terrassement vers la rue de Barbieux marchent avec une lenteur désespérante, et menace d’appliquer les sanctions prévues au cahier des charges,  les travaux étant arrêtés soit par le mauvais vouloir soit par l’impuissance de l’entrepreneur...

Au mois de juin, les riverains se plaignent également et constatent qu’…il est notoire que M. Desplanques est incapable de donner aux chantiers l’activité nécessaire pour assurer l’achèvement des travaux, même avant la mauvaise saison.

L’entrepreneur est mis en demeure d’augmenter le nombre des ouvriers et de terminer les travaux.

Fin juillet, il est constaté qu’il n’est qu’à la moitié de sa besogne, et qu’il organise mal le travail de ses terrassiers  faisant conduire à plus de 150 mètres des terres qui trouveraient leur emploi à moins de 20 mètres du lieu d’extraction… et que par ailleurs, les travaux réalisés ne sont pas satisfaisants : l’aqueduc est construit avec des briques absolument informes, la chaussée est insuffisamment remblayée, contrairement aux ordres reçus. Les autorités menacent de refuser la réception des travaux, de ne pas payer le transport des remblais sur les trottoirs, et d’organiser une régie au compte de l’entreprise. L’entrepreneur proteste en arguant de la pluie, du mauvais état du sol.

Carte de 1886 surchargée du tracé des voies nouvelles- document archives municipales

Les seuls points possibles pour l’évacuation des eaux étaient le riez des trois ponts, près de la rue Carpeaux, l’aqueduc de la rue de Lannoy et la drève de l’Espierre dans le quartier de la Justice.

En mars 1898, la rue n’est toujours pas utilisable, et les riverains se plaignent. Le directeur du service de la voirie constate lors d’une visite qu’il n’y a qu’un seul ouvrier sur le chantier ! La circulation des tramways, arrêtée par les travaux rue de Lannoy, doit impérativement être reprise, sous peine de dommages et intérêts à la compagnie des tramways. Les plantations d’arbres prévues ne pourront être faites à la saison prévue. En juin, il a accumulé une amende correspondant à 226 jours de retard !

Au moment de solder des travaux, en mai 1899, on constate que l’entrepreneur a dépensé plus que les crédits prévus. Il faut imputer cela au budget supplémentaire de l’exercice courant.

En Décembre 99, l’entrepreneur proteste par voie d’avocat contre la somme qu’on lui alloue pour la réception des travaux, la déclarant insuffisante. Le service de la voirie lui répond que si des conseils lui ont été donnés, c’est sur sa demande formelle et parce que le soussigné le sait presque illettré et incapable de lire et d’appliquer un plan…  et qu’enfin, il n’est rien dû à M. Desplanques».

Celui-ci revient à la charge en octobre 1901 pour dire que c’est la mairie qui l’a obligé à commencer les terrassements au niveau de la rue Carpeaux, dont l’aqueduc n’était pas encore construit et qu’à cause de cela,  … la ville a rendu le travail… d’une difficulté inouïe. L’eau jaillissait au premier fer de louchet.  Il décrit les difficultés des travaux : les chevaux… s’enfonçaient jusqu’au ventre… et  toutes les terres se vidaient au fond de la tranchée au fur et à mesure qu’on la vidait… On était parfois des journées sans avancer d’un millimètre. Il demande donc, en raison des difficultés exceptionnelles de terrassement et des transports, une plus-value

Enfin les travaux s’achèvent et la rue est tracée. Elle consiste en une chaussée recouverte de scories, sous laquelle est placé un aqueduc central, et deux trottoirs plantés d’arbres. Elle traverse les champs. En 1906, le Ravet Anceau signale, près de la rue de Barbieux, la présence d’un estaminet côté impair, de trois maisons côté pair, et rien d’autre avant l’usine de velours Motte-Bossut qui vient d’être construite (1903) à l’autre extrémité de l’avenue.

L’avenue dans les années 30, vue prise en direction de Barbieux – Photo Collection Bernard Thiebaut

 

 

 

 

 

Tranches de travaux

En octobre 1976, c’est par une conférence presse donnée par Pierre Prouvost, adjoint au maire et Jean Papillon président de la chambre de commerce de Lille Roubaix Tourcoing qu’est présentée la première tranche de travaux du secteur piétonnier. Elle concerne la réalisation d’un trottoir piétonnier d’une largeur de 8 à 10 mètres, sur un côté de la Place de la Liberté jusqu’à Roubaix 2000, agrémenté de vitrines et de plantes. La circulation automobile se fera du côté de la Banque de France, à sens unique, la rue Louis Catrice permettant aux automobilistes venant de Wattrelos par la Grand Rue de rejoindre la boulevard Gambetta. Le Mongy disposera d’un site particulier sur le terre plein central du boulevard Leclerc prolongé sur la Place de la Liberté.

Le trottoir piétonnier traverse le boulevard jusqu’au centre commercial Roubaix 2000. Il ne sera plus possible aux automobilistes de tourner à gauche vers la place de la Liberté, ils devront aller jusqu’à hauteur de la rue Henri Dunant pour tourner à gauche afin de rejoindre cette place. Le terre plein du boulevard Gambetta est rendu aux piétons, on supprime les parcmètres, on va y planter des arbres ! Un nouveau parking d’une contenance de 65 voitures se situera derrière le café des Olympiades, on pourra y accéder de la Place de la Liberté.

Le secteur piétonnier se prolonge boulevard Leclerc, jusqu’à la rue Pierre Motte, avec des aires de stationnement et des plantations d’arbustes. Le coût des travaux se monte à deux millions et demi de francs ! Pour le financement, la moitié par l’Etat, l’autre moitié par la communauté urbaine. L’aménagement du site des transports en commun relève du ministère des transports et de la communauté urbaine, la ville finance l’éclairage et les plantations. Les travaux démarrent en janvier après les fêtes sur la demande des commerçants.

Le début des travaux Nord Éclair janvier 1977

La seconde tranche, concerne l’aménagement des abords de Roubaix 2000, du côté du boulevard de Belfort. La rue de Lannoy devient une desserte pour les habitants de la résidence des tuileries. On devra désormais passer par la rue de la tuilerie, tourner dans la rue Winston Churchill et par la rue St Jean pour rattraper la rue de Lannoy qui démarre à présent après le boulevard de Belfort. L’espace récupéré le long du centre commercial est rendu aux piétons après avoir été approprié. De l’autre côté, la rue Henri Dunant permet aux voitures de relier les boulevards de Belfort et Gambetta, et on prévoit de percer le terre plein pour l’accès à la place de la Liberté.

Enfin, pour augmenter l’attractivité de Roubaix 2000, la maison des docteurs située boulevard Leclerc, a été rachetée par la communauté urbaine pour être démolie, afin de favoriser l’accès au parking. Lequel parking sera réaménagé, par des travaux de peinture, d’éclairage, de sonorisation, de numérotage et de fléchage. Et les commerçants s’engagent à rembourser le parking à leurs clients. Il faut diriger le visiteur vers Roubaix 2000 !

 

La piscine des trois villes

C’est en juillet 1974 que débutent les travaux de construction de la piscine des Hauts Champs, l’appellation piscine des trois villes viendra plus tard. Elle doit ouvrir fin août, début septembre 1975. En mai, on annonce que le gros œuvre ne sera terminé qu’en juin, et qu’il faudra s’occuper des abords, de la construction de la maison du concierge, du gazon, et poser une clôture. Bref, le chantier a pris du retard. Les habitants espèrent toutefois que la structure sera ouverte pour l’été, car l’équipement répond à la demande des familles qui ne partent pas en vacances. Mais ce sera plutôt pour septembre, car le problème du personnel n’est pas encore réglé. Si l’on a trouvé un gérant, le syndicat intercommunal doit encore recruter trois maîtres nageurs diplômés.

Le chantier de la piscine en mai 1975 Photo Nord Eclair

En juin, le syndicat intercommunal reçoit une délégation de l’union des associations des trois villes, et la piscine est à l’ordre du jour. Les participants s’entendent sur quatre points : l’ouverture de la piscine aux handicapés adultes avec deux séances spécifiques par semaine, l’accès réservé pour deux séances hebdomadaires à un club de natation représentatif des trois villes, l’ouverture aux scolaires et la mise en place d’un accueil favorisant les relations humaines. Deux questions restent posées : l’ouverture pour l’été et les tarifs. Le principe d’une concertation régulière est adopté, et l’on se penche déjà sur le projet d’aménagement d’un terrain d’aventures derrière la Grande Barre.

La piscine pendant l’été 1976 Photo Nord Matin

Un an plus tard, à l’occasion de la grande canicule de l’été 1976, les habitants apprécient qu’on ait construit une piscine avec un toit ouvrant et une porte coulissante. Le temps a fait mentir les météorologues, il fait beau et chaud, même dans le Nord ! Les jeunes du quartier des trois villes ont pu bénéficier de cette piscine à ciel ouvert dont beaucoup avaient prédit qu’on la laisserait couverte. Il reste encore des aménagements à réaliser sur le pourtour. Cette piscine connaîtra une première rénovation en 1992. Elle bénéficie à nouveau d’un vaste chantier de rénovation, prévu jusqu’en novembre 2011.

De l’usine au super marché

Aux numéros 43 et suivants de la rue Jules Guesde, entre l’impasse Saint Louis et la rue de Denain, s’installe à partir de 1893 la teinturerie Derreumaux. Elle disparaît à la deuxième guerre, après cinquante ans d’activité. Après la guerre, et jusqu’à la fin des années 60, c’est la teinturerie R. Lenfant et Cie qui s’installe sur les lieux. Au début des années 70 la teinturerie, désaffectée et en mauvais état, est reprise par une société de distribution alimentaire de haute Somme, « la ruche Picarde » dont le siège social est à Amiens.

Les emprises de la teinturerie en 1953

A sa demande, et au vu de l’état des bâtiments, une autorisation de démolir est donnée à la société, qui désire implanter un super marché. Dans un premier temps, elle envisage de conserver et de réaménager certains des anciens locaux situés au fond de la propriété, et de démolir ceux situés dans la partie avant, face à la rue Jules Guesde, pour laisser place à un parking. Elle dépose donc une demande de permis de construire en ce sens.

Mais des difficultés apparaissent : une enquête des services de sécurité menée en 1974 insiste sur le mauvais état de l’ensemble et conclut que les charpentes des bâtiments à conserver sont vétustes et dangereuses. L’inspecteur constate qu’ils « menacent ruine ». Il faut refaire à neuf toutes les structures si l’on veut y recevoir du public. A la suite de quoi, la société « la ruche Picarde » requiert maître Verkindere de constater l’état des lieux. Celui-ci ne peut que constater le l’état inquiétant des locaux et le danger qu’ils représentent pour le public.

Photos prises sur les lieux par Maître Verkindere

Par ailleurs, le préfet du Nord rejette la demande de permis de construire pour non conformité aux règlements concernant la hauteur des constructions. Enfin, le bâtiment donnant sur la rue de Denain est frappé d’alignement. Tout est donc à revoir ! Finalement, les travaux de reconstruction sont tout de même menés à bien dans le respect des règles d’implantation et de sécurité.

Le magasin porte l’enseigne « Nova » et la conserve jusqu’en 1980. Ensuite le super marché devient un « Miniper »., puis devient « Unico » en 1987. Il est finalement repris par l’enseigne Lidl, qui a entrepris récemment une reconstruction des bâtiments en suivant les normes environnementales actuelles.

 Les documents utilisés proviennent des archives municipales.

 

Un pont pour Beaurepaire

Le chemin vicinal d’intérêt commun n°142 (pour nous le boulevard Beaurepaire) traverse la voie ferrée par un passage à niveau. Il se dirige ensuite à droite vers Leers, avec un accès à gauche vers Wattrelos par la passerelle de l’écluse du Sartel.

Plan du quartier en 1899

 Cette traversée à niveau pénalise énormément les usagers du tramway venant ou se rendant à Leers, qui rédigent en 1919 une pétition exposant « la gêne considérable que leur cause le transbordement qui s’effectue sur cette ligne à la traversée du passage à niveau du Chemin de Fer de Somain à Tourcoing. » En effet, depuis la construction de la ligne, les voyageurs doivent descendre du tramway avant le passage à niveau, traverser les voies à pied, puis reprendre un autre tramway pour poursuivre leur voyage, car la compagnie des chemins de fer s’oppose à une traversée à niveau de ses voies. De son côté, l’E.L.R.T a présenté deux projets d’estacade permettant au tramway d’enjamber la voie ferrée. Ces projets sont rejetés en 1908 et en 1920 par le conseil municipal, celui-ci considérant que les rampes d’accès représentant une emprise de 100 mètres de longueur de part et d’autre des voies rendraient le boulevard incommode et feraient subir une dépréciation aux propriétés riveraines.

Les choses en restent là jusqu’en 1924, une conférence réunit alors à Paris au siège social de la compagnie du Nord les parties intéressées. On y évoque la possibilité d’un passage supérieur. Le conseil municipal s’empare du projet, et l’approuve au mois de Juin. L’année suivante, on approuve également la substitution d’un pont fixe au pont levis du Sartel. On décide de réaliser ces transformations. Ce pont fixe sera placé non loin de l’écluse. On construira le pont sur le chemin de fer dans l’alignement du nouveau pont sur le canal et le boulevard Beaurepaire formera un coude vers la gauche au niveau de la rue de Valenciennes pour desservir ces nouveaux ponts sur un remblai rectiligne. La ligne du tramway empruntera ce nouveau pont avant de se diriger vers Leers.

Les intérêts particuliers s’éveillent, chacun essayant de s’adapter à la situation nouvelle. En 1926 la société anonyme des foyers automatiques demande la construction d’un mur de clôture le long du boulevard Beaurepaire, et en commence la construction, arguant d’un « accord verbal » avec l’ingénieur en chef du département, accord nié par l’intéressé, celui-ci précisant « que les autorisations verbales n’existent pas dans mes bureaux ». Le projet inclut une modification du tracé de la rue de Valenciennes pour permettre le passage du tramway. En effet, la rampe d’accès au pont fait que la rue de Valenciennes se trouvera en contrebas du boulevard : on y accèdera par un escalier. La société anonyme des foyers automatiques proteste immédiatement contre ce projet de déviation qui morcellerait son propre terrain et interdirait la possibilité d’un embranchement particulier. Elle propose de faire emprunter au tramway les rues Molière et de Sévigné. La compagnie des tramways propose même de supprimer carrément la desserte de la gare du Pile, la ligne ne quittant plus le boulevard et continuant directement vers Leers.

Le projet primitif prévoit un pont de 34 mètres, mais la compagnie du Nord envisage maintenant un pont de 100 mètres pour favoriser la création d’embranchements particuliers desservant les usines voisines : filature Lepoutre Bonneterie, société des levures et alcools, établissements Petit (accusés d’avoir acheté des terrains dans l’unique but de faire une bonne opération lors des expropriations). La municipalité proteste contre l’augmentation du prix du projet, et ajoute que l’augmentation de la longueur du pont devrait conduire à l’élargissement de sa chaussée pour éviter des encombrements de circulation. La société Lepoutre, propriétaire d’une filature le long du boulevard voudrait récupérer la bande de terrain séparant sa clôture du mur de soutènement en échange d’un morceau de son terrain nécessaire à l’implantation de la rampe d’accès au pont.

 
Le terrain de la société Lepoutre qui doit être exproprié. Photo Nord Eclair

En 1931, on en est à discuter du montant que devra verser l’ELRT pour la réalisation du projet. De nombreux échanges de correspondance, permettent à chacun de défendre ses arguments. Il faut dire que les fonds manquent pour financer les travaux pourtant nécessaires : le directeur des travaux municipaux souligne « qu’il est désirable que la construction du P.S. Du boulevard Beaurepaire ne soit plus remise, en raison… de l’importance des travaux à exécuter qui nécessiterait l’emploi de nombreux ouvriers et serait, par conséquent, de nature à réduire les secours aux chômeurs actuellement payés par votre administration. ». Ce dernier argument fera avancer la décision.

Documents Archives municipales de Roubaix