Nations Unies : origine du projet

Les rues de Roubaix ont été tracées un peu au hasard, au fur et à mesure des besoins et au gré de l’implantation des usines. Malgré des efforts de redressement et d’élargissement constants depuis le dix neuvième siècle, elles sont relativement étroites et peu propices à la traversée de la ville.
Dans les années 50, l’artère principale de la ville, constituée par les boulevards Gambetta, Leclerc et de Paris, est un peu le fruit du hasard : elle a pu être constituée sur l’ancien canal, remblayé. Très large, elle permet de relier pratiquement en ligne droite la route de Lille et celle de Belgique par rue principale de Wattrelos.
Pour ce qui est des relations Roubaix-Tourcoing, la seule voie large est celle constituée par les boulevards de Strasbourg et de Metz, prolongée jusqu’à celui de Beaurepaire par celui de Colmar, grâce à l’élargissement récent de la rue Nadaud. Elle a l’inconvénient de ne desservir directement ni le centre de Roubaix, ni celui de Tourcoing. L’accès direct au centre de Tourcoing pourrait être le boulevard de la République et le Pont St Vincent, mais cet itinéraire se perd dans le dédale des petites rues du quartier Notre Dame. La rue de Tourcoing manque de largeur et, après la Fosse aux chênes, oblige à emprunter soit la rue du Collège soit les rue Pellart ou des Lignes. La voie large et moderne qu’est l’avenue Jean Lebas bute d’un côté sur le bâtiment de la gare, et de l’autre sur la Mairie.
Les accès au sud-est se limitent aux rues Pierre de Roubaix et de Lannoy -la seconde menant directement au centre- mais leur étroitesse est un fort handicap…

Roubaix en 1936 - Document coll. particulière
Roubaix en 1936 – Document coll. particulière

Les projets d’urbanisme d’après guerre ne visent pas l’amélioration des communications, mais sont centrés sur l’amélioration de l’habitat par la création d’ensembles collectifs. Ces constructions, terminées à la fin des années 50, vont faire place à d’autres types de réalisations.
Dès 1957 divers projets d’urbanisme apparaissent, dont la priorité reste la disparition des îlots insalubres. En 1960 sont publiés une série d’articles dans la presse. On y évoque les liaisons de Roubaix avec le futur réseau d’autoroutes, mais surtout la suppression des taudis de l’îlot Anseele et leur remplacement par des logements modernes aux trois ponts, bien qu’on on envisage également le remplacement du pont Nyckes pour prolonger le boulevard Gambetta vers Wattrelos.

Alors que ces projets sont en bonne voie, une grande opération en 1962 concerne le périmètre Gare-Alma-Notre Dame. Cette zone va faire l’objet d’une enquête prévisionnelle pour connaître « le plan d’occupation des sols, le tracé des voies, et l’emplacement des services publics nécessaires à la vie propre du quartier, les mesures de sauvegarde à l’égard des constructions à maintenir ou à construire aux abords de la zone à rénover ».

Document la Voix du Nord 1962
Document la Voix du Nord 1962

C’est la première fois à Roubaix qu’on lie dans des projets rénovation de l’habitat et création d’une voie moderne de communication. 1965 voit un projet issu de l’atelier d’urbanisme, prévoyant la création de deux voies, dont l’une se dirigerait depuis le centre vers le pont St Vincent, point de passage idéal vers le centre de Tourcoing. L’idée est cette fois, au lieu d’élargir les voies existantes, d’en percer de nouvelles à travers les îlots vétustes et insalubres qu’on va reconstruire en adoptant des normes actuelles. Les projets vont alors se succéder tout en se précisant…

Le carrefour Bd Gambetta-rue Pierre de Roubaix, vers l'Hommelet- la Voix du Nord 1971
Le carrefour Bd Gambetta-rue Pierre de Roubaix, vers l’Hommelet- la Voix du Nord 1971

 

 

On Inaugure une station

La construction de la banque de France en 1904, réalisée place de la liberté sur l’emplacement d’une ancienne usine, laisse un espace entre les locaux de la banque et le boulevard Gambetta. Cet espace est occupé par un jardin clôt de murs. Un portail ouvrant sur la place y donne accès.

Document archives municipales
Document archives municipales

C’est sur cet espace que la société BP construit sa première station service à Roubaix. Inaugurée en décembre 1957, quelques mois après sa mise en service, elle est qualifiée d’ « ultra-moderne » par la Voix du Nord. Elle est idéalement située à un endroit particulièrement favorable, d’accès commode pour les véhicules. Cette inauguration se fait en présence de nombreuses personnalités. On y sable le champagne, le buffet étant disposé, pour la circonstance, sur le pont élévateur de la station.

Photo La Voix du Nord
Photo La Voix du Nord

Baptisée du nom de « station de Roubaix », elle est d’abord dotée de deux pompes, au centre de la piste, manœuvrées par un pompiste en uniforme. On ne tarde pas à les remplacer, venu le temps du self-service, par une pompe moderne offrant le choix Essence/Super, et une autre pour le Gas-oil, placée le long du trottoir de la place. Les automobilistes peuvent maintenant profiter de ces installations à l’abri d’un auvent central.

Photo Nord Éclair - 1965
Photo Nord Éclair – 1965

Le gérant est d’abord M. Teiten, puis, en 1959, M. Pannequin.

L’instauration du secteur piétonnier fait qu’on installe en 1965 des parcmètres sur le trottoir devant la station, ce qui, selon Nord Éclair interdit dorénavant aux poids lourds de se ravitailler en carburant. En 1972 de nouveaux gérants, M. et Mme Parsy, reprennent la station.

Document Nord Matin
Document Nord Matin

Cette même année, la station fait la une des journaux : un Mongy s’arrête en haut du boulevard de Paris. Le wattman, M. Gabiot, fait descendre les voyageurs à cause d’un début d’incendie dû à un court-circuit. Il descend le pantographe, mais le tram, désormais sans freins ni klaxon, se met à descendre le boulevard de Paris. Il grille le feu rouge de la rue Jean Moulin et s’engage dans le boulevard Leclercq en ignorant tous les feux de circulation – heureusement sans causer d’accident – jusqu’au virage à angle droit qui doit le mener place de la liberté. Il quitte alors des rails et poursuit sa course folle à travers le terre-plein jusqu’à s’arrêter face à la vitrine de la station heurtant au passage une deux chevaux

Photos Nord Éclair
Photos Nord Éclair

Mais la station éprouve, comme toutes, la concurrence des supermarchés qui grignotent peu à peu les bénéfices, et les années 80 lui seront fatales ; elle aura disparu dans le Ravet-Anceau de 1986, remplacée peu après par un garage voué aux réparations rapides à l’enseigne de Midas.

Photo médiathèque de Roubaix
Photo médiathèque de Roubaix

Les autres documents proviennent des archives municipales.

De la place à l’esplanade

Extrait d'un plan de 1855 Coll Particulière
Extrait d’un plan de 1855 Coll Particulière

Avant l’apparition du chemin de fer à Roubaix, la rue Nain, la rue du cimetière et la rue du Fresnoy formaient un axe de circulation important vers l’ouest. Le développement de la ville fera qu’on désaffectera bientôt le cimetière, pour le remplacer par un square, auquel aboutissait une rue du square, perpendiculaire à la rue Nain. En 1842, on inaugure la première ligne de chemin de fer, ce qui a pour effet d’isoler les quartiers du Favreuil et du Fresnoy du centre de Roubaix.

Vue de la rue vers la gare, Place Chevreul sur la droite CP Méd Rx
Vue de la rue vers la gare, Place Chevreul sur la droite CP Méd Rx

En 1867, le tronçon de la rue du Fresnoy menant de la rue Nain à la gare prend le nom de rue du chemin de fer. Une nouvelle gare plus spacieuse est très vite réclamée par les roubaisiens, qui l’obtiendront après avoir tracé une nouvelle voie, la rue de la gare, future avenue Jean Lebas. En 1877, le Conseil Municipal décide de créer cette nouvelle avenue. Les travaux de démolition commencent en 1882 et dès le mois de juillet la trouée est achevée. L’année suivante, la rue de la gare est terminée. La nouvelle gare est officiellement ouverte le 1er septembre 1888.

Ensait et Place Chevreul CP Méd Rx
Ensait et Place Chevreul CP Méd Rx

A la jonction de la rue du chemin de fer et de la rue Nain, à l’emplacement de l’ancien cimetière de Roubaix, devenu un square, on bâtit l’école nationale des Arts Industriels inaugurée le 30 juin 1889, actuel E.N.S.A.I.T. En 1895, quelques habitations situées entre la rue Nain et l’avenue de la Gare sont démolies et remplacées par un petit square auquel on donne le nom de Michel-Eugène Chevreul, chimiste français connu pour son travail sur les acides gras, la saponification, la découverte de la créatine et sa contribution à la théorie des couleurs. Divers projets d’aménagement du square Chevreul donnent des indications sur son mobilier urbain : un chalet de commodités, une vespasienne, un kiosque à journaux, une boîte postale, un bassin avec jet d’eau lui sont attribués. La rue du chemin de fer passe entre l’Ensait et le square, et la rue du square est devenue entre-temps la rue Pasteur. Elle traverse la rue de la gare et s’en va rejoindre la rue de l’espérance.

Marché aux oiseaux Coll Particulière
Marché aux oiseaux Coll Particulière

Dès 1891, une animation importante et traditionnelle, le Marché aux oiseaux, se tient tous les dimanches, à partir de six heures du matin sur la place Chevreul. Ce qui peut expliquer le glissement du chimiste au cervidé, du chevreul au chevreuil, à l’ombre des arbres, sur quelques cartes postales…

Place des Martyrs de la résistance CP Méd Rx
Place des Martyrs de la résistance CP Méd Rx

La Place Chevreul devient la Place des martyrs de la Résistance après la seconde guerre. Sur la petite place s’élève le monument aux Martyrs de la Résistance du sculpteur Lemaire, inauguré par M. Victor Provo, maire de Roubaix, le 11 novembre 1948.

L'esplanade aujourd'hui Extrait Google Maps
L’esplanade aujourd’hui Extrait Google Maps

De nos jours, on a reculé le monument dans l’alignement de l’ancienne rue Pasteur, laquelle disparaît à cet endroit. La jonction de la rue Nain à l’avenue Lebas s’appelle désormais l’allée Louise et Victor Champier. La petite place s’est transformée en esplanade, pour faire le pendant à l’esplanade du musée la piscine, ce qui permet aux deux musées d’être désormais en vis-à-vis.

Du fort au square

Le fort développement des industries textiles à Roubaix au dix-neuvième siècle a entraîné un important accroissement de la population roubaisienne. Pour loger tout ce monde, on a bâti très vite, en utilisant au mieux les terrains non accaparés par les usines. Pas de moyens de déplacement, il fallait donc loger l’ouvrier à proximité des usines. Ce furent les forts, les cours et les courées, qui offrent encore un siècle plus tard, en 1953, « le lamentable spectacle d’un anachronisme qui est tout à la fois un défi à l’hygiène et au progrès ».

Une vue du fort Mulliez photo NE

Le fort Mulliez était de ces ensembles d’habitations, qui ressemblent « plus à un ghetto qu’à une cité ». Un labyrinthe de cent vingt maisons ! Le CIL en a donc racheté un certain nombre dans le but de les démolir et de construire une cité moderne. Mais il faut gérer le relogement. Certains habitants partent s’installer ailleurs , mais d’autres ont un peu de mal à quitter leur quartier, qu’ils ont connu « quand les maisons étaient relativement neuves et que tout autour s’alignaient des jardins et des champs ». Ainsi M. Georges Monnet interviewé par le journaliste Marcel Leclercq, évoque une ferme qui se trouvait à l’emplacement de l’actuelle institution Notre Dame des Victoires toute proche, ce qui situe ses souvenirs avant 1900. Il exerçait la profession de rentreur au Peignage Amédée Prouvost rue de Cartigny. Il était né en 1873 dans la maison du fort Mulliez qu’il occupe encore.

Fort Mulliez en démolition Photo NE
Fort Mulliez en démolition Photo NE

Mais à présent, le fort Mulliez présente le triste spectacle de toitures basses, d’étroites lucarnes, de pièces exiguës sans soleil. Il devient urgent de s’occuper de ce vieil habitat qui se dégrade peu à peu. Ainsi en août 1953, la toiture d’une maison s’effondre en partie, les locataires ont des enfants, il faut les reloger. Le CIL a en projet une construction moderne à trois étages avec des appartements bien éclairés qui donneront sur un grand espace vert.

Maquette du projet square Photo NE
Maquette du projet square Photo NE

La première tranche de travaux est prévue pour le printemps 1954. Le CIL posera à cette occasion la première pierre de son 5000e logement sur l’emplacement du fort Mulliez. En février les travaux de démolition sont activement menés. En mars a lieu la cérémonie de la première pierre posée par le Président du Conseil Laignel. En mai le chantier avance bien.

Etat du chantier en 1954 Photo NE
Etat du chantier en 1954 Photo NE

En octobre 1955, le square des Mulliez devient une vitrine et un lieu de visite : sous la conduite d’Albert Prouvost, président du CIL, des personnalités soviétiques viennent admirer la nouvelle réalisation. Cette opération en préfigure d’autres, de tailles diverses : celle du fort Desprets, rue de Lannoy et celle du quartier Edouard Anseele d’une toute autre envergure.

Le square aujourd'hui Google maps
Le square des Mulliez aujourd’hui Google maps

 

Un collège innovant

En 1980, le CES Pellart, devenu entre-temps le collège Anne Franck, change de principal. Mme Perron est remplacée par Serge Psaume, qui, s’appuyant sur une équipe d’enseignants jeunes et dynamiques va impulser un certain nombre d’innovations.

Le collège au début des années 80 – document archives municipales
Le collège au début des années 80 – document archives municipales

L’établissement est classé en Zone d’Education Prioritaire. Son projet, élaboré au cours de nombreuses concertations, prévoit d’abord la mise en place de groupes de niveau dans les matières d’enseignement général (en particulier, Anglais, Français et Maths). Les élèves sont évalués régulièrement et passent périodiquement d’un groupe de niveau à l’autre selon le résultat des évaluations.

On met également en place l’aide au travail pour les élèves. Deux salles sont ouvertes chaque jour après la fin des cours au collège, mais aussi dans les quartiers. Les enseignants concernés apprennent aux élèves à s’organiser dans leur travail, leurs apportent un soutien en reprenant ce qu’ils n’ont pas compris, et les aident à faire leurs devoirs. Ce soutien individuel a très vite un grand succès et les jeunes prennent l’habitude de ce dispositif.

Tout ceci fonctionne grâce à l’esprit de coopération qui s’installe entre les enseignants qui prennent l’habitude de se « serrer les coudes » face aux difficultés, et de travailler ensemble, pour unifier le contenu de leur enseignement à l’intérieur les différents groupes de même niveau, certains faisant même leurs préparations de cours en commun.

A droite le réfectoire, suivi de la salle de dessin et de celle de musique – Cliché Jpm
A droite le réfectoire, suivi de la salle de dessin et de celle de musique – Cliché Jpm

Dans le même temps, le collège développe, sous l’impulsion de deux enseignants, un projet informatique ambitieux. Il réussit à faire partie des 83 collèges expérimentaux choisis au niveau national, et reçoit à ce titre une dotation de 10 ordinateurs de type Micral 8022, magnifiques machines graphiques.

Document Excelvision
Document Excelvision

L’équipe s’étoffe et s’étend à plusieurs matières, les professeurs développant des exercices complémentaires utilisés soit en cours, soit lors de séances de soutien placées le soir. On s’aperçoit en effet que les élèves, n’éprouvent pas de blocage vis-à-vis de l’ordinateur n’hésitent pas à effectuer les exercices, heureux quand ils les réussissent, et sans éprouver de culpabilité en cas d’échec. On réussit à leur faire intégrer des notions qu’on arrive pas à faire passer en cours traditionnel.

La Voix du Nord de Janvier 1984
La Voix du Nord de Janvier 1984

Dans un deuxième temps, et dans le cadre des plans Fabius « Informatique pour Tous » et « Télématique pour tous », l’équipe reçoit une deuxième dotation composée de TO7 de chez Thomson, bientôt remplacés par un nano-réseau de MO5 du même constructeur. Le nombre d’enseignants concernés continue à croître. 30% des enseignants suivent des formations spécialisées en informatique. Avec le concours du Cueep, on développe au collège des programmes en Basic et en Logo et de nombreux exercices d’ Enseignement Assisté par Ordinateur. Une bonne partie des élèves « passent sur ordinateur » à un moment ou à un autre et profitent des bienfaits de cette technologie.

Photo La Voix du Nord 1984
Photo La Voix du Nord 1984

Le collège est également doté d’un serveur télématique Leanord, et des exercices sur minitel sont également développés. Par ailleurs, il reçoit un équipement vidéo sous forme d’une régie noir et blanc qui sera utilisée avec les élèves. Cet équipement est bientôt remplacé par des équipements VHS.

Toutes ces actions débouchent sur des résultats, et le pourcentage des non-lecteurs qui était précédemment au collège de 10 % à l’entrée en sixième, diminuent considérablement : au bout de deux ans d’expérimentation, on ne compte plus que 6 non-lecteurs sur l’ensemble des élèves qui l’ont suivie.

Par ailleurs, on organise pendant les vacances des ateliers informatiques les initiant à la programmation. Ceux-ci sont suivis avec enthousiasme par les jeunes.

Photo La Voix du Nord Ete 1984
Photo La Voix du Nord Ete 1984
La Voix du Nord 1984 – A droite M. Psaume
La Voix du Nord 1984 – A droite M. Psaume

Les documents joints proviennent des archives municipales.

On construit le collège

Après les démolitions, les travaux marquent le pas. Le terrain n’étant pas constructible, sa libération nécessite plus de temps que prévu, et les élèves sont toujours pour partie au petit Lycée, pour partie à Turgot, le reste étant hébergé rue Notre Dame dans les locaux de l’école publique.

Cependant, en Juillet 1974, les travaux du CES sont en cours. Ils sont réalisés par une entreprise de Gironde, avec la participation de l’entreprise Planquart. Une photo de la Voix du Nord, prise de la rue Pellart montre les bâtiments de la SES. A droite les ateliers, puis les salles de technologie et, sur deux étages les salles de cours. Au dessus de ce dernier bâtiment se profilent ceux encore en place avant la construction de la salle de sports.

Photo la Voix du Nord - 1974
Photo la Voix du Nord – 1974

On envisage une ouverture prévue à la rentrée de Toussaint pour les 900 élèves prévus auxquels va s’ajouter une section d’éducation spécialisée (SES). La construction est de type « industrialisé léger avec une ossature en béton ». Si l’ossature béton est solide, on ne peut pas en dire autant panneaux légers qu’elle structure, et les utilisateurs du collège ont le souvenir des nombreuses plantes poussant entre les cloisons extérieures et la dalle au rez de chaussée des bâtiments : la nature s’installait dans les classes !

Une photo aérienne de l’époque nous montre à droite le bâtiment de la SES avec sa partie centrale plus basse, au centre le bâtiment des cours du collège, et, en haut à gauche, l’amorce de la cour de récréation. Notons que le parking, situé en bas à droite le long de la rue Pellart, est très étendu. Il se situe là où passera l’avenue des Nations Unies et héberge les voitures des enseignants du collège, mais aussi celles des policiers travaillant au commissariat situé de l’autre côté de la rue Pellart. En bas à droite, l’ancien pâté de maisons qui ne tardera pas à disparaître pour faire place à la salle de sports.

Document IGN - 1975
Document IGN – 1975

L’équipe administrative est déjà en place, derrière la directrice Mme Perron. Son adjoint est M. Lapierre, et le directeur de la SES Jean Marie Caudron, le poste du Conseiller Principal d’Education étant tenu par M. Faille. L’intendant est M. Andès (qui a également en charge le Lycée Turgot et le CET du boulevard de Lyon, et qui prendra très vite en charge le lycée Jean Rostand à sa construction. Son adjointe au collège est Mme Bernard, qui chapeaute l’équipe des personnels de service, une demi-pension étant prévue pour nourrir l’importante population scolaire.

Le bâtiment de la SES – photo Delbecq
Le bâtiment de la SES – photo Delbecq

Le collège comporte, à côté des classes allant de la 6ème à la troisième, des sections CPPN (Classes Préprofessionnelles de Niveau) et CPA (classes de Préparation à l’Apprentissage) dont une part importante de l’horaire est consacré à la technologie et à l’enseignement professionnel, ainsi que la section d’enseignement spécialisée qui offre la particularité, à côté de l’enseignement technique, de confier l’enseignement général à des instituteurs spécialisés : les élèves n’ont donc affaire qu’à deux enseignants : un pour l’enseignement général, et un autre pour le technique. L’implantation des bâtiments reflète sa structure pédagogique avec un bâtiment consacré à l’enseignement général, un autre aux enseignements spécialisés, et un troisième à la SES.

Photo IGN
Photo IGN

Le bâtiment d’enseignement général comporte deux étages. A chaque niveau un hall central donne accès aux classes. Au rez de chaussée, le bureau du Conseiller Principal d’Éducation et le Centre de Documentation et d’Information.

Le bâtiment le plus vaste, sans étage, regroupe les enseignements spécialisés. Le programme prévoit, pour les filles, l’enseignement ménager et la couture, pour les garçons les travaux du bois et du métal. Il intègre également les bureaux de l’intendance et de l’administration, ainsi que la salle des professeurs. Deux patios éclairent le centre du bâtiment et un ensemble de couloirs desservant l’ensemble permettent un parcours circulaire, le jeu pour les élèves étant d’en faire le tour en courant durant les récréations, et, pour l’équipe des surveillants, de les en empêcher !

Document IGN
Document IGN

Le collège, dénommé à ses débuts « CES Pellart » va prendre rapidement son nom définitif de Collège Anne Franck et entamer le cours de son histoire, sur laquelle nous reviendrons.

Un CES dans le centre

Dans les années 70, il est impératif de diminuer le nombre d’élèves à l’institut Turgot, très surchargé, et implanté sur un terrain trop petit pour lui. Les élèves de la sixième jusqu’à la troisième sont hébergés en majorité au petit Lycée, ouvrant sur la grand rue et le boulevard Gambetta, mais ce n’est qu’une solution provisoire et on songe à construire un CES neuf dans le centre. Un emplacement est sélectionné à peu de distance de la grand place, à l’angle des rues Pellart et du Pays, dans une zone qui doit être bouleversée par le passage prochain de la pénétrante. Cette partie de Roubaix, cœur de la ville, est très densément et très anciennement construite. On y trouve nombre d’entreprises, cohabitant avec des maisons particulières. On délimite la zone sur lequel sera implanté le CES, à coups d’expropriations.

La zone à exproprier – document IGN 1962
La zone à exproprier – document IGN 1962

L’îlot formant le coin des deux rues est laissé de côté dans le projet, mais il succombera dès 1977 lors de la construction de la salle des sports. Les bâtiments à démolir sont, pour la rue du Pays les numéros 14 à 24, et, pour la rue Pellart, les numéros 17 à 31.

On trouve notamment, en 1960, rue du Pays au 14 un négociant en laines, au 16 la Banque Régionale du Nord, au 18 une maison particulière, au 20 l’entreprise Ryo-Catteau, qui se prolonge jusqu’à la rue Pellart, aux 22 et 22bis, les Tissages du centre, Léon Monnier, et au 24 les établissements Derville Frères, négociants en tissus. Les locaux de la banque régionale du Nord seront finalement rachetés par la ville pour être aménagés en maison de jeunes.

Les bâtiments à démolir rue du Pays - Photo Nord Matin
Les bâtiments à démolir rue du Pays – Photo Nord Matin

On voit au premier plan le numéro 14, qui abrita la manufacture Dumortier-Guiot, puis le tissage Béaghe et compagnie. On aperçoit ensuite la façade monumentale de la banque du Nord, installée aux numéros 16 et 18 avant la première guerre. L’impressionnante grand porte qui suit est celle de l’entreprise Ryo-Catteau, qui fabrique des machines textiles depuis 1836. La façade qui suit, aux nombreuses fenêtres, est celle du tissage Léon Monnier située aux numéros 22 et 22bis, qui portait le nom de tissage Paul Prouvost à la fin du 19ème siècle. Le bâtiment suivant, au numéro 24, était en 1910 celui de Mme Boët, repris ensuite par MM. P. et Ch. Toulemonde, qui avait également son siège social au 9 de la même rue et des bureaux au 30.

Documents collection particulière
Documents collection particulière

La rue Pellart était également densément bâtie. On y trouvait en 1960 au17 Les laines à tricoter Bohnlaines, au 19 Caliqua, chauffage industriel, rien au 21, l’entreprise Ryo-Catteau aux 23 et25. Le numéro 27 abritait le Tiers-Ordre Franciscain, et le 31 la bonneterie M. et R. Masurel et Cie.

Les bâtiments de la rue Pellart qui vont disparaître – photo Nord Matin 1972.
Les bâtiments de la rue Pellart qui vont disparaître – photo Nord Matin 1972.

Dans ces bâtiments ont également prospéré au 17 le tissage Mulliez-Frères, au 19 le fabricant Petrosino Spriet et Cie, au 31 la société J et M Bossut.

Documents collection particulière
Documents collection particulière

1972 voit se concrétiser le projet de démolition pour faire place au le CES Pellart., Les gravats, nous précise Nord Matin, seront évacués par la grande porte des établissements Ryo-Catteau, les camions étant autorisés, pour l’occasion, à emprunter la rue Pellart à contre-sens. On prévoit que les travaux de démolition dureront jusqu’à la fin de l’année. Les choses se précisent : en novembre 1973, on assiste à la naissance de l’association des parents d’élèves, qui se réunit au 150 grande rue, dans les locaux du petit Lycée. La construction du collège ne va pas tarder ; nous la relaterons dans un prochain article…

 

 

 

 

 

On construit au Galon d’eau

Après les premiers efforts de l’Office municipal d’habitations à bon marché, les autorités continuent à se préoccuper du logement social, visant la résorption de l’habitat insalubre surtout représenté à Roubaix et Tourcoing par des courées et des forts. Le consortium textile projette de son côté dès 1925 la création de cités jardins. La guerre survient, qui n’arrête pas néanmoins la mise au point de projets. Dès 1943 on fonde le Comité Interprofessionnel du Logement, partant de l’idée que l’état et les collectivités locales ne peuvent à eux seuls tout faire, mais qu’il faut leur allier l’initiative et le financement privés.

Le CIL se propose d’associer les entreprises au financement de logements neufs. Celles-ci verseront une cotisation et une allocation logement proportionnelle au loyer. A partir de 1946, cet organisme devient paritaire et inclut les organisations ouvrières. Le but du CIL est la création de « cités jardins », constituées soit de maisons individuelles possédant un jardin, soit de collectifs insérés dans des parcs verdoyants. On considère en 1945 qu’il y a 12000 logements insalubres à faire disparaître.

Documents Journal de Roubaix 1944 - La Voix du Nord 1945
Documents Journal de Roubaix 1944 – La Voix du Nord 1945

Le bureau d’études du CIL, dirigé par M. Magnan, prépare des plans, mais la réalisation se fera par l’intermédiaire de sociétés d’habitations à bon marché. On constitue à cet effet une société « le toit familial de Roubaix-Tourcoing ». Au programme 1947-1948 figure notamment la construction de 118 logements au Galon d’eau, sur le site de l’usine Allart, fermée en 1935, et dont la démolition a lieu juste avant et pendant la guerre. Le terrain désormais libre entre la place Nadaud et le boulevard Gambetta, on commence par élargir la rue Nadaud pour lui donner la même largeur que les boulevards de Strasbourg et de Colmar qu’elle va relier.

La place Nadaud – avant et après – photos coll. Particulière et archives municipales
La place Nadaud – avant et après – photos coll. Particulière et archives municipales

La réalisation ne traîne pas et les nouvelles constructions commencent à s’élever. On construit des immeubles en formant trois U, un bâtiment s’étendant tout le long de la grand-rue, sur laquelle s’ouvrent 4 commerces. Ces immeubles, bâtis en briques rouges, possèdent un toit à quatre pentes, et constituent un modèle qu’on retrouvera dans les réalisations qui vont suivre, Potennerie, Pont Rouge, …

Photo IGN 1962
Photo IGN 1962

En 1950, 64 logements sont déjà occupés : en novembre 1949, les locataires ont demandé à emménager tout de suite, malgré l’absence des raccordements eau-gaz-électricité. En contrepartie, le CIL diffère la facturation des loyers. Celui-ci sera calculé pour ne pas dépasser le dixième des ressources des ménages.

 

Photo La Voix du Nord
Photo La Voix du Nord

 Les appartements, « où l’épouse attend dans un cadre reposant le mari rentrant de sa journée de travail » (dixit Nord Matin), sont modernes, bien aérés, et bien ensoleillés. Un concierge prendra prochainement son poste. En 1953, ce sera E. Della Vedova, qui habitera le numéro 1, porte D, sur la grand rue. Les magasins ouvrent leur porte. Parmi les commerces installés grande rue, une blanchisserie modèle, à l’instar de celles existant en Amérique. La SARL « Les lavoirs automatiques français » dénommée la « buanderie collective » par Nord Matin en 1950. C’est ainsi que s’installent la crèmerie Spriet, Poucinet layettes, Catteloin, modes. On y trouvera longtemps le magasin d’électroménager Electrolux.

La cité juste après la construction – document archives municipales
La cité juste après la construction – document archives municipales

Le printemps arrivant, on plante la végétation en avril 50, alors que cent logements sont déjà loués. Les jardins, sans avoir les dimensions des parcs de la Potennerie et du Pont Rouge, agrémentent néanmoins l’aspect du lotissement. Ils sont constitués de pelouses ombragées de peupliers. Ce jardin est le domaine des enfants, nous dit Nord Matin.

 

Photo Nord Matin 1951
Photo Nord Matin 1951

 On crée une zone verte en forme de croissant prise sur le boulevard Gambetta dont on remanie le tracé. Cette zone, elle aussi, plantée d’arbres, fait suite au jardin public situé près du pont Nickès.

Document coll. Particulière.
Document coll. Particulière.

 

 

 

 

 

Contributions d’artistes

La nouvelle bibliothèque municipale de Roubaix a donc été construite de juin 1956 à décembre 1958. Le projet de construction prévoyait au-dessus de chaque porte d’entrée une table saillante permettant d’exécuter deux motifs sculptés. Le 4 septembre 1958, l’administration roubaisienne charge Pierre Lemaire de réaliser ces deux motifs sculptés. Il est statuaire, professeur à l’École Nationale des Arts et Industries Textiles (ENSAIT).

Sculptures de façade Photos PhW
Sculptures de façade Photos PhW

Il présente « deux esquisses symbolisant les activités de l’esprit encouragées par la lecture ». Ce sont des sculptures de deux mètres de longueur sur quatre-vingt-treize centimètres de largeurs et 6 millimètres d’épaisseur. Le travail comprend esquisses, maquettes à grandeur, moulage, sculpture. Chaque motif sera réalisé au prix de 287.000 francs de l’époque. Soit 594.000 francs. Le 7 novembre le conseil municipal adopte le projet.

Le 6 mars 1959, le peintre roubaisien André Missant écrit au Maire de Roubaix pour l’informer qu’il a procédé à l’étude de la décoration picturale de la bibliothèque. Il fait une proposition de deux tableaux et d’une fresque dont il joint les croquis : un portait de Maxence Van der Meersch 95/59 cm pour la salle de lecture du 1er étage, un tableau allégorique « les arts » à placer au palier de l’escalier principal 1,00/65, et une fresque « la lumière émanant du Livre » 3,50/1,55 à placer dans la salle de lecture en face du portrait de Van Der Meersch. Le prix des trois œuvres se monte à 500.000 francs, cadres et bordures compris. L’artiste livrerait dans un délai d’un mois à six semaines à compter de la date de notification de l’avis favorable de l’administration municipale.

Les propositions Missant AmRx
Les propositions Missant AmRx

L’administration municipale retiendra finalement le portrait de Maxence Van Der Meersch et le tableau allégorique « les Arts » par sa délibération du 26 mai, pour une somme de 250.000 francs.

Sources Archives Municipales de Roubaix

La création d’une bibliothèque

Dans l’immédiat après-guerre, l’idée d’une bibliothèque populaire est à l’ordre du jour. Le 16 janvier 1945, après la visite d’un Inspecteur Général des Bibliothèques, la création d’une bibliothèque municipale est retenue par l’Administration. Le projet aboutira après de nombreuses péripéties.

Les magasins Rammaert-Jeu CP Méd Rx
Les magasins Rammaert-Jeu CP Méd Rx

Une délibération municipale en date du 30 juin 1950 décide de l’acquisition des magasins Rammaert-Jeu située 22-23 Grand Place, dans le but d’y installer des services administratifs et une bibliothèque municipale.

Puis définir un projet d’aménagement.

Si l’avant-projet d’aménagement des services est approuvé le 6 février 1953, celui de l’installation de la bibliothèque est revu afin d’en réduire le coût sans mettre en péril la valeur du projet. Lors d’une réunion tenue le 19 juillet 1954, il est donc remanié et approuvé : au rez-de-chaussée, on trouvera une salle de prêt, une salle de périodiques, une bibliothèque enfantine, une salle de conférences, une salle d’exposition, un bureau, un atelier de reliure. Au sous-sol, des magasins de livres et la chaufferie. Au 1er étage : une salle de lecture, une salle de distribution et de catalogue, un bureau de bibliothécaire et des magasins. Aux 2e et 3e étages, des réserves et l’appartement destiné au bibliothécaire, dont les dispositions réglementaires ont prévu qu’il soit logé dans ses services. Le 9 mai 1955 intervient l’approbation du projet de construction de la bibliothèque.

Ensuite, la question du financement.

Le 8 septembre 1955, le Préfet informe le conseil municipal du montant de la subvention du ministère de l’Éducation Nationale. Elle est inférieure à la somme escomptée, ce qui oblige les conseillers à modifier le dispositif financier, en augmentant la part de la ville, le 20 février 1956. L’adjudication des travaux est lancée en avril 1956. Le chantier est ouvert en juin 1956. La dépense prévue se monte à un peu plus de 40 millions de francs.

Adjudication doc AmRx
Adjudication doc AmRx

Mais il est apparu nécessaire d’aménager deux salles supplémentaires et un logement pour le concierge, sans parler des hausses intervenues sur les devis, et la présence du champignon sur la charpente ! Le coût total de l’opération sera finalement de 59,5 millions de francs, soit une augmentation de près de 45% !

Après quelques péripéties de chantier, dont l’effondrement des palissades de façade par grand vent, on enlève en juillet 1958 les dites palissades. Le même mois, le conseil municipal approuve la« revalorisation » du budget. Une subvention supplémentaire sera demandée à l’Etat.

Façade juillet 1958 Photo NE
Façade juillet 1958 Photo NE

Le 11 juillet 1958, suite à un appel lancé par Charles Bodart-Timal[1], qui suggère d’installer un musée local dans l’une des salles de cette bibliothèque, un vœu est émis et adopté en séance publique du conseil municipal. Il sera fait appel au ministre sur la regrettable situation faite au musée abrité dans l’ENSAIT de Roubaix, fermé depuis 1939 ! Il est demandé la cession gratuite par l’Etat des œuvres à la ville de Roubaix, qui aménage une importante bibliothèque municipale où pourraient se trouver ces œuvres d’art. L’attention du ministre est attirée sur la collection Tissus de l’ancien musée, en voie de détérioration. La ville s’engagerait financièrement. En quelque sorte, c’était demander un juste retour des choses. En effet, la Ville de Roubaix avait cédé gratuitement sa bibliothèque par convention en 1882 avec l’Etat afin de créer l’Ecole Nationale des Arts Textiles (l’actuelle ENSAIT). Même s’il était précisé que cette bibliothèque était ouverte à tous, peu de Roubaisiens la fréquentaient. Un article de février 1959 annonce la réouverture de cette bibliothèque[2], fermée depuis deux ans, où l’étudiant, le chercheur et le bibliophile trouveront de quoi satisfaire leurs goûts respectifs[3]. Mais Roubaix souhaite désormais disposer d’un véritable centre culturel digne de l’importance de sa population. L’ouverture prévue pour la fin de l’année 1958, aura lieu le 23 mai 1959.

A suivre

 


[1] Charles Bodart-Timal (1897-1971) chansonnier roubaisien d’expression picarde du Nord

[2] Grâce à l’intervention de Marcel Wattebled directeur de l’ENSAIT, et avec l’artiste peintre érudit Jean Lanthier comme bibliothécaire.

[3] In Nord Eclair février 1959.

On lira avec intérêt sur le sujet le travail suivant : La Mise en place d’un service patrimonial dans une bibliothèque de lecture publique : le cas de la Médiathèque de Roubaix. Maîtrise en sciences de l’information et de la documentation. Esther De Climmer.- Lille : Université Charles De Gaulle, 2000 (en Médiathèque)