Début 1960, paraît l’un des plus grand succès des Shadows, Apache. C’est le départ d’une vocation pour nombre de jeunes qui ne rêvent désormais que de créer leur orchestre. En 1962 un groupe de copains du Nouveau Roubaix, admirateurs des Shadows et qui voient se monter des tas de petits orchestres de quartier, décident de lancer le leur.
Ils ont pour prénoms Daniel, Marc, René, Renzo, Salvatore, Philippe, et Michel. Ils n’ont ni formation ni expérience musicale.
Bruno, des vertes allées près de l’avenue Delory, est soliste et responsable du groupe. Il est menuisier, a appris la guitare à Wattrelos, et a joué avec Tony dans un premier ensemble les Wild Cats avant de fonder l’orchestre.
Marc, dit Tony, le deuxième soliste, mécanographe, va ensuite quitter le groupe. Il habite la rue Weerts.
René, surnommé Eddy, le chanteur, est plombier. Lui a fait partie, dans sa jeunesse, des Rossignolets de St Martin.
Daniel, dont le surnom est Dany, jouera de la guitare rythmique. Il est manutentionnaire et quittera le groupe en 65 pour partir à l’armée, où il jouera également dans un orchestre. Il habite rue Charles Fourier. Il a appris la guitare « sur le tas », avec un autre de l’orchestre qui se débrouillait bien et qui lui a enseigné les trois premiers accords (Mi, La, Si), les plus simples à la guitare, mais aussi les plus utiles, car ils suffisent amplement pour accompagner les premiers rocks interprétés par le groupe.
Renzo est étudiant et tient la place de bassiste. Au début, ne disposant pas encore d’une guitare basse, il joue sa partie sur les deux dernières cordes d’une guitare normale. Il habite la « Banane » rue Charles Fourier.
Michel, dit Mike, tient la batterie. Il est manutentionnaire, et c’est le seul du groupe a avoir suivi des cours d’instrument avec un professeur, boulevard de Reims. Il réside dans le quartier de Beaumont.
René, qu’ils surnomment Eddy, est le chanteur du groupe. Il habite également la « Banane ».
Aux musiciens s’ajoute Patrick, l’« ingénieur du son » qui s’occupe des réglages, habite l’avenue Delory, et Paul Darvis, appartenant à l’orchestre Ludès, qui manage l’orchestre et s’occupe de leurs trouver des engagements.
Pour constituer un orchestre, il faut aussi du matériel. A force d’économies et avec l’aide de leurs parents, ils font l’acquisition d’Amplis Garen, un petit fabricant français et de guitares Framus, une marque allemande, achetées chez Deruyck, grand rue. Plus tard viendra s’adjoindre une chambre d’Echo Meazzi acquise chez Waeterloos, rue de Lannoy. Elle fonctionnait avec une bande magnétique, qui nécessitait à chaque fois, pour obtenir un son correct, de nettoyer les têtes de lecture à l’alcool !
Nord Éclair consacre en été 1963 une série d’articles aux groupes de rock roubaisiens, dont les Kapitans. On y apprend que leur répertoire comporte une quinzaine de morceaux, qu’ils font, pour les titres connus, des arrangements personnels, et qu’ils écrivent des chansons (Vibrane, Twist 3, Kapitan blues)… Le journal met l’accent sur leur matériel neuf, et leurs costumes, neufs eux aussi, comportant chemise et cravate noire.
L’un des musiciens nous raconte la vie de l’orchestre à l’époque. Les répétitions (trois par semaine le soir à partir de 18h) avaient lieu au début dans la salle du patronage de l’église St Paul à Hem, près de l’avenue Gustave Delory. En remerciement pour le prêt de la salle, ils jouent à la kermesse de la paroisse.
Les solistes achètent quelques partitions, et, pour le reste, ils écoutent beaucoup les disques et imitent ce qu’ils ont entendu. Ce sont d’ailleurs, au début, des chansons simples et basiques : Ils se débrouillent avec ça (les rocks de l’époque sont généralement bâtis uniquement sur trois accords de base, ce qui simplifie aussi le travail du bassiste). Par la suite le soliste, qui s’y connaît mieux, et joue les airs des Shadows, un peu plus compliqués, indique les accords aux autres. C’est ainsi que l’orchestre progresse peu à peu par ses propres moyens.
Leur premier bal est à la salle Watremez, lors de la fête des mères en 1962. Ils passent en première partie d’un autre orchestre, Ludès. Ils jouent trois ou quatre morceaux, qui leur vaut un beau succès de l’assistance. Par la suite, ils n’ont d’ailleurs jamais eu de « bides », nous confie fièrement notre interlocuteur.
Ils ont également joué au Fresnoy, au bal de la Ste Catherine au Colisée en 63. Mais aussi des bals de quartier chaque semaine, assurant généralement la première partie de l’orchestre Ludès avec quelques morceaux. Ils assurent aussi le bal du 14 Juillet à Croix, dans la salle des fêtes. Mais l’orchestre en est toujours resté à un niveau très local, tout en étant connu et apprécié par les roubaisiens.
Le matériel est stocké sur le lieu des répétition d’abord situé à Hem, puis on les hébergera à l’étage du café Ludès, dans la rue du Collège. Naturellement, ils emmènent les guitares chez eux pour apprendre les morceaux nouveaux.
Pour se rendre aux bals, ils se déplacent au début soit à bus, soit à pied en emportant chacun son matériel propre, plus une partie de la batterie. Notre témoin se rappelle notamment avoir traversé le parc Barbieux en transportant cette batterie. Assez vite, les amplis sont transportés dans une voiture, celle de Ludès qui les stocke chez lui.
Mais tout a une fin et notre témoin quitte le groupe pour partir à l’armée en mai 65. Lui joue encore à l’armée, mais cesse ses activités musicales à sa libération, n’ayant plus suffisamment de temps à y consacrer. Il faut dire que les horaires des bals s’avèrent peu compatibles avec ceux de son travail (alors de 5h à 13h). Les bals se terminant vers minuit, il reste encore à débarrasser le matériel et se mettre finalement en route pour rentrer chez soi, toujours avec les instruments. Les activités de l’orchestre ont continué quelques temps encore, jusqu’à ce que chacun soit pris par d’autres priorités.
Les photos non légendées viennent des collections personnelles des musiciens.