Considérée comme un fleuron de l’architecture industrielle du Nord, l’usine Motte-Bossut est inscrite au titre des Monuments Historiques dès 1978, ce qui la préserve d’une éventuelle démolition. L’entreprise dépose le bilan en 1981 et cesse ses activités en 1982. La ville de Roubaix rachète alors le bâtiment pour ses projets de restructuration du centre. En 1983, une mission interministérielle est créée reprenant le nom de l’association des deux architectes et urbanistes Roland Castro et Michel Cantal-Dupart « Banlieues 89 ». En 1984, deux consultations sont lancées en direction des architectes, urbanistes, paysagistes et plasticiens afin de proposer des projets de rénovation de la banlieue en France. Plus de deux cents projets sont retenus sur l’année 1984. Dès le mois de mars, Roubaix répond à l’appel de Richard Castro, lequel est séduit par le château usine roubaisien. Une équipe de Roubaisiens aidés par des architectes se met au travail et il en ressort un projet de centre international des communications et des technologies nouvelles. Les orientations sont les suivantes : un centre régional de ressources et d’échanges avec production d’outils de communication, un projet régional de création d’un fonds d’archives du monde du travail, des clubs pro-électroniques, un relais privilégié du centre international de communication de la Défense à Paris, et l’appropriation des nouveaux médias par le grand public. Il s’agit aussi de faire la promotion des nouvelles technologies autour des activités qui ont fait la réputation de Roubaix. On parle du Centre national de promotion textile, de nouveaux services urbains, d’un institut de gestion urbaine, d’une société de développement local, d’une banque du développement, et d’un centre d’initiation aux langues étrangères. Sous l’ancienne municipalité, il y avait déjà eu de nombreux projets : station de métro, gare des autobus, construction d’un hôtel, un musée du textile et le fameux centre national de promotion textile.
Février 1986, deux projets nordistes de télévision locale voient le jour : la société lilloise vidéo-system et l’atelier populaire d’urbanisme de roubaix. Le projet NTV de Lille travaille sur le dessin animé et l’image de synthèse, pour les chaînes de service public. L’APU est une télévision associative, présentée comme télé Monsieur le Maire, porte voix des élus locaux et gadget pour les associations de quartier. Les financeurs sont le Conseil Régional, la ville de Roubaix, EDF, Velec et la Redoute. Modèle de la télévision de proximité, le projet APU ne peut espérer voir le jour que dans l’optique d’une diffusion sur réseau câble. En mars 1986, c’est la signature par le ministre des P et T M. Mexandeau, de la convention qui va permettre le câblage de l’agglomération de Roubaix Tourcoing. Le château de l’industrie devient un centre international de la communication d’où partiront images et données qui alimenteront le réseau. Le 22 Mars 1986, c’est la première séance de la télé de quartier de l’APU en trois séances successives. Maquette de télé locale en 52 minutes. TV Roubaix est du travail de pro. Production d’une série de huit films de 5 à 10 minutes, avec des thèmes sur le quartier de l’Alma, la ferme des enfants, le soutien à la lecture, des actualités locales, le club de badminton et ses champions de France, un vidéo clip de danse maghrébine par le groupe Cirta. Coût 350.000 francs pour deux minutes de programme.
Dès juin 1986, le château de l’industrie se transforme en bastion avancé des technologies du futur. Le projet a été retenu dans le cadre de la mission Banlieues 89 aux côtés de villes comme Bordeaux, Nancy sur une liste qui compte 70 opérations. La locomotive du projet est sans conteste le centre De la ferme au supermarchéinter-régional des archives du monde du travail, mais l’ambition est plus vaste. Il s’agit de créer un important centre de la communication, avec la création d’un centre de production et de ressources audiovisuelles, un réseau de télévision par câble, un port électronique transmettant images et informations par fibres optiques, des ateliers d’initiation aux nouvelles technologies, un exploratorium, qui soit un relais du musée de la Villette. Ajouté à cela un centre d’initiation aux langues étrangères, un centre d’essai des nouvelles technologies du commerce, et le fameux centre de promotion textile.
En Septembre 1986, interviennent les premiers coups de pioche, et les premiers bâtiments démolis du côté de la rue de Lannoy. Ce n’est plus un projet, proclame André Diligent, le point de non retour est atteint ! Les bâtiments donnant sur le boulevard Leclerc sont donc réhabilités et accueillent le Téléport et le Centre International de la Communication. Le projet est novateur et s’inscrit dans une politique d’ouverture et de mutations des activités roubaisiennes vers le secteur tertiaire de haut niveau. France Télécom installe un centre numérique et une salle de visioconférence. Centre numérique, salle de vidéo-conférence, chaînes câblées et studio de télévision locale C9 prennent possession d’une partie de l’usine après la réhabilitation des façades sur le boulevard et la transformation des anciens ateliers pour construire des bureaux adaptés aux nouveaux usages.
En novembre 1987, Gérard Longuet, secrétaire d’état aux P et T, vient annoncer la création sur place d’une zone de télécommunications avancées. Vous aurez onze ans d’avance ! s’exclame-t-il. Trois zones en France, Roubaix, Metz et Poitiers. On les nomme téléports mais le ministre n’emploie pas le mot. Le centre roubaisien sera néanmoins l’Eurotéléport. L’inauguration prévue par le premier ministre Jacques Chirac, le 7 décembre. Un projet en entraîne un autre : un important groupe immobilier la SARI, va construire à Roubaix sur le site Motte Porisse 18.000 m² de bureaux intelligents, on prévoit la construction d’un Novotel, d’un centre d’affaires actif qui dès l’été 1988 accueillera la tête de réseau recevant les programmes du câble. En Décembre 1987, pas de Chirac, ce sera Michel Noir, ministre du commerce extérieur. On pose néanmoins la première pierre.
Mai 1988, l’Eurotéléport sera une réalité dans six mois, grâce à la signature de la convention entre France Telecom et la ville. Quatre conventions de ce genre ont été signées, à Metz, Poitiers, Sophia-Antipolis et Roubaix. André Diligent compare l’ensemble du projet au « tunnel sous la manche ou au TGV, même s’il coûtera moins cher à la collectivité ». En attendant, il s’agit d’offrir des services aux entreprises, et notamment le raccordement téléphonique haut de gamme le RNIS (réseau numérique à intégration de services), le star direct com intra-entreprises à l’échelon international. L’investissement de France Télecom se monte à 20 millions de francs et l’opérationnalité est prévue pour le premier semestre 1989.
Juillet 1988 : les travaux ont commencé de façon spectaculaire. Le CIC se divise alors en trois grands pôles : grand public, formation, économie. En sous sol, on trouve la tête de réseau câblée du VNE, et dans l’enceinte du vieux bâtiment, 1300 m² ont été attribués pour une partie culturelle équipée avec le matériel ultra performant de l’INA, murs d’images, videothèque pour les étudiants, visiteurs, écoliers puis un centre de télécommunication France télécom pour les entreprises. La formation est représentée par l’école supérieure de création en communication et l’UFR de langues étrangères appliquées.Un centre Atria, centre d’affaires comme à Grenoble, Saint Etienne ou Montpellier, est programmé sur le site Motte-Porisse.
à suivre