A l’instar de villes comme Dunkerque ou Calais, Roubaix eut son Minck sur la place du Trichon. C’était un marché aux poissons qui fonctionnait sur le principe de la vente à la criée. Il remplaça un marché aux poissons qui se tenait sur la Grand Place, laquelle n’était pas la grande esplanade que nous connaissons aujourd’hui. Elle se situait aux abords immédiats de l’église Saint Martin, et les exhalaisons de la marée devaient sûrement parfumer les sorties de messe. Quoique n’étant pas une ville portuaire, Roubaix consommait les fruits de la mer au moins depuis la construction du canal, en 1843. Le quai de Lorient fut longtemps le débarcadère des moules de Zélande.
Construit à partir de 1862, le Minck fut ouvert en février 1863. Ce bâtiment était constitué d’une structure en acier abritant la criée, désormais à l’écart du centre. Son éclairage était assuré par des ouvertures garnies de feuilles de verre disposées comme des lames de persiennes, qu’il fallut rapidement protéger de « l’instinct de destruction des enfants», par un treillis en fil de fer.
Il fut agrandi une première fois en 1881, sa surface carrée de départ devint un rectangle. On ajouta à la salle de criée, un ensemble de vingt quatre tables. Sa surface fut quasiment doublée. En 1885 il y eut des réparations et l’année suivante on pensa enfin à protéger le crieur du Minck, dont les activités et les registres étaient à la merci des conditions atmosphériques. On agrandira à nouveau le Minck en 1887, portant le nombre de tables à 38. On y épanchera régulièrement des tonnes de poissons pour leur livraison aux commerçants. Le marché aux poissons roubaisien fêta dignement son cinquantenaire, le 19 mai 1912, sous l’administration Motte, avec cortège et chars.
Après la seconde guerre, le développement des livraisons par la route eut raison du Minck. Les marchands de poisson se fournissaient directement aux mareyeurs. Le vieux bâtiment devient un obstacle à la circulation, et sa vieille carcasse est, selon la presse de l’époque, « une provocation à l’esthétique ». En septembre 1950, le principe de sa démolition est acté. En novembre 1950, sa double verrière est démontée, et son squelette d’acier va bientôt disparaître. C’est chose faite en janvier 1951. La place du Trichon y a gagné un petit jardinet, aujourd’hui cerné par les voitures, et ses exhalaisons n’ont plus pour origine le poisson, mais bien les déjections canines.