Les pompiers Notte, Wante et Vercoutère

Charles Tiberghien est un industriel dans le textile. Son entreprise se trouve sur le Boulevard Industriel à Tourcoing. Son magasin et ses bureaux se situent au 36 rue du Pays à Roubaix, comme de nombreuses sociétés textiles dans cette rue.

( Document collection privée )

Le bâtiment de la rue du Pays est un immeuble imposant, avec une large façade, bâti sur trois étages. Il se trouve au bout de la rue, à deux pas de la rue des Lignes.

Tôt dans la matinée du Vendredi 8 Novembre 1901, le feu se déclare dans l’entreprise. Un violent incendie détruit le magasin de stockage situé à l’arrière du bâtiment, et se propage aux maisons voisines : les entreprises Delannoy et Piat-Agache. Les secours arrivent sur place et les pompiers réussissent à maîtriser l’incendie.

C’est alors qu’un simple sinistre va se transformer en tragédie. En effet, le pignon d’une hauteur de plus de dix mètres, qui sépare la maison de Charles Tiberghien et celle de M Piat Agache, s’effondre sur le personnel de secours, dans un fracas épouvantable.

( Document Journal de Roubaix Novembre 1901 )

Un sapeur pompier, Jean Baptiste Vercoutère, est découvert vivant sous les briques et poutres brûlantes, mais dans un état très grave et désespéré. Il est emmené par les médecins dépêchés sur place, à l’Hôtel Dieu de la rue de Blanchemaille. D’autres personnes, blessées plus légèrement, y sont également emmenées pour recevoir des soins.

Le commandant des pompiers M. Hubert, fait l’appel de ses hommes. Deux pompiers ne répondent pas. Il s’agit de Jean Baptiste Notte et de Paul Wante. Des recherches sont entreprises, mais malheureusement les deux corps sont retrouvés sous les décombres, quelques heures plus tard. Paul Wante, 25 ans, célibataire, ouvrier gazier et fils de pompier, habitait rue de l’Epeule. Jean-Baptiste Notte, 32 ans, marié, père de trois enfants, peintre, habitait rue de la Fosse-aux-Chênes.

Portraits des 2 sapeurs ( Document Journal de Roubaix )

Une grande émotion envahit alors les lieux. Les deux hommes étaient d’excellents pompiers, jouissant de l’estime de leurs chefs et de leurs collègues.

Dans l’après midi, les blessés ont reçu la visite d’Eugène Motte, député, Henri Carrette, maire, ainsi qu’ Achille Lepers, Edouard Roussel, Paul Despatures, et Henri Ternynck.

Une souscription est alors ouverte, pour aider financièrement les familles des pompiers disparus. L’administration municipale décide que les funérailles des deux victimes auront lieu aux frais de la ville le lundi 11 Novembre, à l’église Notre Dame.

Le cortège passe sur la Grande Place ( Document collection privée )

Le cortège part de l’hôtel de ville, va chercher les corps à l’hôtel Dieu, puis se rend jusqu’à l’église Notre Dame. Après la cérémonie funèbre, le convoi prend la rue des Lignes, la rue Nain, la Grande Place, la Grande rue, jusqu’au cimetière. La manifestation est grandiose, imposante et émouvante. De nombreuses personnalités de la ville et de la région et même de Belgique participent au cortège funéraire. Une foule immense de roubaisiens se pressent sur le parcours, pour rendre hommage à ces deux hommes.

( Document Journal de Roubaix Novembre 1901 )

Jean-Baptiste Vercoutère avait été emmené à l’hôpital dans un état désespéré, le jour de l’incendie. Malheureusement il succombe à ses blessures, le Mardi 12 Novembre, le lendemain des funérailles de ses deux camarades.

Portrait de JB Vercoutère ( Document Journal de Roubaix )

Jean-Baptiste Vercoutère, 47 ans, marié, père de 7 enfants, était peintre. L’administration Municipale décide que ses funérailles auront lieu le Jeudi 14 à l’église Notre Dame, avec le même cérémonial et les mêmes honneurs rendus à ses deux camarades. Le bilan est très lourd : trois valeureux sapeurs-pompiers décédés, victimes de leur devoir. La devise du pompier reste la même : Sauver ou Périr.

Les 3 sapeurs pompiers ( Document collection privée )

Le conseil municipal du 13 Août 1902 envisage de donner les noms des 3 pompiers décédés à des rues de la ville. Finalement en 1908, la décision est prise de donner leurs noms à des voies nouvelles afin de ne pas perturber la population. Ces trois rues se trouvent dans le quartier de la Potennerie, dans des portions successives de la rue d’Hem. Les trois pompiers restent ainsi unis, comme ils l’ont été dans l’accomplissement de leur devoir.

Plaques d’origine des deux rues P Wante et JB Notte. La plaque de la rue JB Vercoutère a été remplacée dernièrement par une plaque neuve ( Photos BT )

.

Remerciements aux Archives Municipales.

.

 

Les cycles Vercoutère

Charles Jules Vercoutère est né en 1880. Il est mécanicien, passionné par le vélo. En 1908, il s’installe marchand de cycles au n° 113 rue de l’Epeule, à l’angle de la rue de l’ Industrie, sous l’enseigne « Au vélo d’or », et se met à la fabrication de tubes pour cadres de vélo.

( Document coll. priv. )

Il crée une bicyclette avec un cadre plus court, ce qui facilite le roulage, et le déplacement devient moins fatigant. Ce vélo connaît un succès immédiat. Rapidement Charles s’installe au 105 de la même rue, et bénéficie d’une double grande vitrine.

( Document BNR et coll. priv. )

Charles Jules se marie avec Ernestine Vandermaelen. Ils ont deux enfants : Charles-Georges né le 22 février 1913 et Maurice né le 24 juillet 1918. En 1925, Charles s’associe avec ses deux cousins : Philibert et Adolphe. Ils fabriquent un vélo auquel ils donnent la marque PAC ( les trois initiales des prénoms de chacun : Philibert Adolphe Charles ).

( Document coll. priv. )

Par la suite, les trois compères vont prendre des destinations professionnelles différentes ; mais Charles va garder la marque PAC, très connue, qui va devenir Pneus-Accessoires-Cycles. Les deux fils, Charles-Georges et Maurice, sont maintenant adultes et sont également passionnés par le vélo, comme leur père qui leur a transmis le virus.

( Document BNR )

Sur cette photo, de gauche à droite : Charles Vercoutère père, Maurice son fils cadet, Ernestine son épouse et Charles son fils aîné.

( Document coll. priv. )

Ils fabriquent les tubes de cadres sur lesquels ils posent les accessoires ( freins, selles de vélo, pédalier etc…). Ils peuvent donc créer des bicyclettes spéciales : des tandems, des triplettes et même des quadruplettes !

( Document coll. priv. )

Ils créent également des vélos excentriques, pour les acrobates du cirque, avec des roues carrées, des roues décentrées, des mono-cycles, des vélos avec une grande roue devant et une petite à l’arrière, etc…Ils les fabriquent bien souvent sur mesure. Leur magasin est un véritable musée de la petite reine ; ils présentent non seulement les bicyclettes qu’ils fabriquent, mais également de très belles pièces de collection acquises, comme le grand B.I, le vélocipède Michaux et bien d’autres, tous datant des années 1860 1870.

Rue de l’Épeule à l’angle de la rue de Turenne ( Document coll. priv. )

Les frères Vercoutère sont très connus dans la profession, et très demandés. Ils ont d’ailleurs eu l’occasion de prêter un de leurs vélos à Raymond Devos pour un de ses sketchs. Ils vendent également beaucoup d’accessoires, leur spécialité étant une petite coccinelle métallique qui maintient les câbles de frein les uns contre les autres.

( Document coll. priv. )

Mais leur plus grande fierté c’est de sortir leurs cycles lors des fêtes locales, comme la braderie de la rue de l’Epeule, ou les fêtes de quartier Epeule-Alouette ; à chaque fois, ce sont des attroupements de promeneurs surpris et ébahis de voir les frères Vercoutère se promener sur leurs vélos si originaux. Le père et les deux fils ne vivent que pour le vélo. Au milieu des années 50, Charles-Jules, à 74 ans, prend plaisir à faire plusieurs fois par semaine des aller-retour Roubaix-Tournai ( 40 km ) et ce, sans fatigue.

( Document Nord Eclair 1961 )

Charles et Maurice décident de créer l’événement en faisant une exposition unique de tous leurs vélos de collection dans le hall du Colisée à partir du 7 Septembre 1961. Cette exposition est organisée par le comité du quartier Epeule, et par l’association Nord Touriste présidée par M. Dupriez. Les deux frères Vercoutère prennent leur retraite et le magasin est cédé en 1985. Charles et Maurice n’ont pas de descendants si bien qu’avant leur décès ils ont décidé ensemble d’offrir leur prestigieuse collection de cycles à un grand musée Parisien.

Remerciements à la BNR et aux Archives Municipales

.