Dans les années 1880, au moment où il est question de créer un boulevard de ceinture incluant ce qu’on va plus tard appeler le nouveau Roubaix, le quartier du Huchon ou de Barbieux n’était desservi que par le Chemin de Barbieux, menant de la rue du Moulin à Croix. Sur cette voie venait s’embrancher les boulevards de Douai et Lacordaire, constituant, à l’époque, la ceinture ainsi que, plus vers Croix, un chemin menant à Hem en passant par la ferme Gorghemez, et une voie à peine ébauchée, qui deviendra la rue Bossuet, vers le parc nouvellement créé. Par ailleurs, un sentier remontant à plusieurs siècles, dit du Vert Baudet à Croix ou sentier du Huchon, s’embranchait également sur la rue de Barbieux, mais il a été fermé « lors de la construction de la promenade » (le parc). Il est rouvert partiellement par décision municipale du 1er juin 1880 à la suite d’une pétition des riverains du quartier : Il est représenté sur la carte par une ligne pointillée partant du parc et rejoignant en formant un angle la rue de Barbieux.
Ce sentier desservait plusieurs propriétés, mais, à la réouverture, les alignements n’ont pas été précisés, ce qui pose immédiatement des problèmes aux riverains. En 1886 M. Edmond Ternynck demande de construire une mur de clôture le long du sentier du Huchon (qu’on appelle aussi rue Monthyon), ainsi que le long de la rue de Barbieux et un troisième face au parc. Le directeur de la Voirie municipale regrette que les limites du sentier n’aient pas été fixées suffisamment, et précise qu’il faut soit élargir le sentier pour tracer une rue de 12 m de large (ce qui nécessite une série d’expropriations), soit supprimer complètement ce sentier, qu’il appelle « du vert Baudet ». Il préfèrerait qu’on déclasse cette rue pour privilégier un accès au parc Barbieux par un nouveau boulevard de ceinture, empruntant le boulevard Lacordaire et se dirigeant vers la rue de Lannoy., ceci pour « …réunir au parc Barbieux, pour y retenir la population qui tend à s’établir sur Croix, toute la partie du territoire comprise entre le parc et les limites des communes de Croix, d’Hem et de Lys » (pour nous le Nouveau Roubaix).
En octobre, les frères Georges et Max Brame, MM. Leveugle et Edmond Ternynck acceptent l’abandon gratuit des terrains nécessaires à l’élargissement à 12 mètres du sentier et le tracé de la rue Monthyon. Les frères Brame assortissent cette promesse à l’expropriation des immeubles gênant le débouché de la rue vers la rue de Barbieux. En effet, des immeubles appartenant à M. Pierre Delesalle-Defives existe à cet endroit. Le sentier l’évitait grâce à une courbe, mais il se trouve juste sur le nouveau tracé. Cet immeuble est occupé par plusieurs locataires, dont M. Jules Roger , qui tient un cabaret à l’enseigne du vert Baudet, et il faudra également indemniser ces gens.
En Janvier 1887 le conseil municipal approuve le tracé, récupère les terrains et le préfet du Nord entérine les dispositions prises. Pourtant, les autorités municipales décident de laisser provisoirement en l’état le débouché actuel dans la rue de Barbieux. La nouvelle rue est classée et répertoriée, mais n’est donc que partiellement tracée, car son accès à l’Est reste à réaliser. Apparemment, les choses en restent là plusieurs années, jusqu’en 1896, au moment où on projette le percement de l’avenue des Villas, qui doit aboutir à cet endroit même. A cette époque aboutit l’accord entre M. Delesalle et la municipalité pour la session du terrain et des bâtiments situés dans l’alignement. On imagine alors de d’élargir la rue Monthyon jusqu’à une largeur de 30 mètres, au lieu de 12 initialement prévus. Celle-ci pourrait ainsi servir de prolongement à l’avenue des Villas qui doit faire cette largeur. Mais d’autres bâtiments appartenant à M. Delesalle empiètent sur le nouveau tracé élargi.
Les deux projets vont finalement se rejoindre et se confondre : Les riverains de l’avenue des Villas proposent plutôt de déclasser la rue Monthyon, puisque « l’engagement des propriétaires se trouvant caduc par suite de la non exécution de l’engagement de janvier 1887 », et de créer le prolongement dans l’alignement de la future avenue. C’est cette solution qui sera choisie. Il faudra alors, par toute une série d’échanges et de tractations rendre les terrains constituant la rue Monthyon et en acquérir d’autres pour prolonger l’avenue des Villas, ce qui scellera le bref destin de cette rue : tracée pour remplacer un chemin séculaire, elle sera, aussitôt née, supplantée par une avenue de prestige, chargée de retenir et attirer la population de ce qu’on appelle déjà « le beau jardin », pour constituer un des plus beaux quartiers de Roubaix.
Les documents utilisés proviennent des archives municipales