J’ai eu la chance de vivre une enfance heureuse dans un quartier tranquille de Wattrelos : le sapin-vert. J’habitais une rue paisible : la rue Marcel Van Eslander. Des maisons alignées avec au bout une épicerie tenue par M. Verkees vêtu de son immuable blouse grise et son crayon derrière l’oreille. Mon paternel m’envoyait régulièrement y chercher sa bouteille de Gévéor, celle avec une petit bouchon en plastique coloré en forme de chapeau. Je pouvais garder la monnaie de la consigne pour acheter un malabar à 10 centimes. Notre maison avait un grand jardin qui donnait sur une barre d’immeubles de trois étages qu’on appelait « le talus » parce qu’elle était construite sur une butte.
Beaucoup de familles étaient logées là et quand on demandait aux copains ce que faisaient leurs pères, la grande majorité d’entre eux répondait : « il travaille à la Lainière ». Il y avait du boulot pour tout le monde à l’époque, ça évitait aux gens de faire trop de conneries. Derrière cette longue barre d’appartements se trouvait un square et autour de ce square d’autres immeubles ainsi que la haute tour du tilleul qui surplombait l’ensemble. Le square c’était notre territoire à nous, les mômes. Deux bacs à sables remplis de sable bizarre faisant plus penser à une litière pour chat, les crottes en cadeau ! Deux balançoires tape-cul qu’on aimait bien utiliser avec une copine car lorsqu’elle était en l’air, on lui voyait la culotte. Comme on était plus lourd, on la laissait en l’air hurler et agiter ses gambettes puis on pouvait se marrer en sautant vite fait de la balançoire, elle retombait à toute vitesse sur le sol et se faisait mal aux fesses ! Un cage à poule trônait au milieu de cette « aire de jeux » décorée d’un tas de petits cochons pendus. Là aussi, on aimait bien quand la petite copine faisait ça, jambes accrochées, tête en bas, c’était spectacle de mate assuré avec vue sur le coton Petit-Bateau ! Par-ci, par-là des bancs pour les buts du foot, un terrain avec des panneaux de baskets, des tas d’endroits avec des buissons pour se planquer… Bref ce square c’était le pied !
A côté il y avait un petit centre commercial. Fallait bien nourrir les habitants du quartier ! Moi il ne me semblait pas si petit que ça en fait. C’est qu’il y en avait des commerces ! J’en ai sans doute oublié mais, de mémoire, il y avait : une boucherie, une pharmacie, une Caisse d’épargne, un dentiste, un café, une auto-école, deux épiceries genre supérette dont une qui avait pour symbole un lapin qui ressemblait à Bugs Bunny. Mes deux magasins préférés c’était la boulangerie tenue par une gentille dame toujours impeccablement permanentée. L’été elle vendait des glaces : vanille, chocolat, fraise, café et mon parfum préférée : pistache. « Une, deux ou trois boules ? » Qu’elle te demandait en souriant comme une mère qui sourit à son enfant. Mais moi mon truc c’était les Pez, ces distributeurs de bonbons rectangulaires qui avaient des têtes de personnages humoristiques souvent du Walt Disney. J’avais toute la collec’ : Donald, Mickey, Dingo, les nains de Blanche-Neige, et même Astérix et Obélix. J’ai, encore aujourd’hui, le goût de ses bonbons dans la bouche tellement j’en aurai avalé ! Autre magasin super : la libraire qui faisait aussi débit de tabac. J’y étais souvent fourré. Dès qu’il y avait un nouveau Lucky Luke, il se trouvait en vitrine alors ça donnait envie ! On y trouvait aussi des petites figurines JIM siglées ORTF par exemple celles du Manège enchantée ou de Kiri le clown. Mais je ne pouvais, hélas, pas tout acheter. Au bout du centre commercial se trouvait une station-service Fina. Avant les vacances, à chaque plein, on y distribuait des points pour obtenir le ballon de plage, la bouée ou le bateau gonflable. Pour ce dernier, il en fallait des litres d’essence ! A mon avis seuls les enfants de conducteurs de poids-lourds pouvaient l’obtenir.
C’était une belle époque, les gosses pouvaient déambuler sans que cela cause des soucis aux parents, la violence et les incivilités n ‘étaient pas de mise. De temps en temps un exhibitionniste venait créer un peu d’animation ou la bande de la Mousserie se pointait (je ne faisais pas long-feu, c’était pas des tendres !) mais rien de bien méchant… Ce quartier vivant respirait les 30 glorieuses, le square et le centre commercial en étaient les deux poumons.