Une brasserie, un cinéma, une teinturerie.

La rue Copernic commence rue Jules Guesde pour se terminer rue de Leuze. Sa longueur est de 130 mètres sur une largeur de 12 mètres. Elle fut classée dans le réseau urbain le 29 décembre 1905. En 1909 on avait construit à l’angle de la rue du Tilleul (devenue rue Jules Guesde), une maison à usage d’estaminet avec salle de concerts. Plus tard ce fut un cinéma, le Studio 47. A l’occasion d’une visite sur place, Daniel Najberg nous fit remarquer ce que seul son coup d’œil de passionné du cinéma aurait pu voir : la cabine du projectionniste était encore en place et visible de la rue.

La cabine de projection de l'ancien cinéma
La cabine de projection de l’ancien cinéma

En 1903, on avait bâti 17 maisons dont 5 en front à rue et 12 en courée constituant la cité Raux-Penet du nom de son propriétaire. Si la courée a disparu, son entrée subsiste fortement transformée au n°5. Avant même que la rue Copernic soit véritablement créée, on y trouvait déjà la Brasserie Coopérative « Union de Saint Amand » fondée le 29 octobre 1898 qui comptait 1.300 adhérents en 1915. Cette coopérative cessa son activité avant 1940.

Carton et action de la brasserie St Amand Coll Particulière
Carton et action de la brasserie St Amand Coll Particulière

Les bâtiments de la brasserie furent rachetés par la Teinturerie du Pile, laquelle se trouvait déjà rue de Condé depuis 1935. Les deux associés Achille Beghin, et Henri Descamps rachètent donc la brasserie pour étendre leurs activités. Différents travaux y furent exécutés, en particulier en 1946 quand on y éleva une cheminée haute de 30 mètres, pour remplacer la précédente plus modeste qui avait été détruite durant l’occupation.

La cheminée de la teinturerie doc AmRx
La cheminée de la teinturerie doc AmRx

La teinturerie du Pile devient vite une référence de la teinture en écheveaux. L’entreprise a pour clients le tissage Craye (l’actuelle Manufacture), Bergère du Nord, Phildar. René Béghin reprend l’affaire et la production progresse de 3 tonnes de fil par jour à 14 tonnes. En 1988, l’usine dépose le bilan, pour fermer définitivement en 1991. L’usine est cédée au franc symbolique à la Ville. En l’an 2000, on décide de raser le bâtiment et les deux cheminées les plus récentes. La plus ancienne subsistera comme la trace de l’industrie dans le quartier.

La rue Copernic aujourd'hui Vue google maps
La rue Copernic aujourd’hui Vue google maps

Que fera-on de l’espace ainsi dégagé ? La réponse se trouve probablement dans le Programme Métropolitain de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés dans lequel on retrouve le quartier du Pile à Roubaix et celui du Crétinier à Wattrelos.

Sources

Histoire des rues de Roubaix par les flâneurs

Article Voix du Nord

Série permis de construire Archives Municipales

http://www.lafabriquedesquartiers.fr

 

La teinturerie Burel

Facture

Document Médiathèque de Roubaix

Le terrain délimité par le Boulevard de Fourmies, le fond des maisons construites le long de l’avenue Motte, la rue Mignard et la rue Horace Vernet abritait, depuis l’entre deux guerres, une usine de teinture à façon. Cette activité avait été créée par M. Camille Burel, ingénieur de l’Ecole Centrale, d’abord rue du Moulin en 1912, puis transférée en 1928 au boulevard de Fourmies. Après la seconde guerre, la teinturerie a été rachetée par M. Rémi Silvio Volpi, industriel parisien. En 1973, l’un de ses fils, Sylvain, en prend la direction.

Usine Burel-Pl4

Document Archives Municipales

Dans les années soixante, la société Burel a employé jusqu’à deux cent quarante personnes. Puis, à partir des années 1970, face aux difficultés d’une partie de sa clientèle, elle s’est trouvée elle-même en position difficile. Il a fallu alors arrêter en 1977 une partie des activités (teinture sur écheveaux et sur bobines). M. Volpi fils a décidé de vendre tout le terrain du boulevard de Fourmies et de se réimplanter dans les bâtiments de la teinturerie Leclercq-Dupire à Wattrelos, boulevard Mendès France, pour n’y plus teindre que du coton « en pièces », activité moins menacée alors.

Le terrain et les bâtiments de la teinture devenus libres sont alors rachetés par la société Ferrret-Savinel pour y construire un lotissement.

Nous tenons à remercier Laurent Volpi pour le témoignage qu’il a bien voulu nous fournir sur ce sujet.

Les cinq de chez Delescluse

Une cordiale réception est organisée le samedi 18 octobre 1958 à l’occasion de la remise de la médaille du travail à cinquante ouvriers des établissements Delescluse frères et Cie. Cette maison de teinture et d’apprêts s’est installée dans la rue de Cohem au n°44 juste après la première guerre mondiale, et on se souvient encore dans le quartier de la teinte rouge ou verte que prenaient de temps à autre les eaux du petit riez (de Cohem) qui passait derrière l’usine.

Autrefois adossée à une zone de champs, elle fait désormais l’angle du carrefour formé par les rues de Cohem, Léo Lagrange et avenue Brame. Avant que le quartier ne devienne l’actuelle cité, il y avait des jardins ouvriers derrière l’usine. L’entreprise disposant d’une parcelle de terrain contigüe à ses locaux a fondé en 1942 un groupe de jardins ouvriers, contribuant ainsi à sa manière au décor champêtre des Trois Ponts. Le groupe Delescluse fait l’objet des soins attentifs du gérant de la société Robert Maincent, du responsable « brigadier » Marcel Coquerelle et des jardiniers des Trois Ponts. Ce grand potager agrémenté d’allées fleuries sera régulièrement visité et primé par les sociétés des jardins populaires.

Mais la récompense du jour, c’est celle de la longévité au travail, celle de la fidélité à l’entreprise et aux services rendus par ses ouvriers. La salle d’apprêts de la rue de Cohem a été transformée en un salon de réception aux murs d’étoffe, agrémentés de guirlandes, ce qui contribue à l’ambiance familiale et solennelle de la remise des médailles. La direction de l’établissement est présente : la famille Maincent, avec ses trois générations de gérants, André le père, ses fils André et Robert, son petit fils Gérard, les directeurs, les contremaîtres et les chefs de place.

Cinquante employés sont mis à l’honneur en ce jour d’automne. André Maincent fils s’adresse aux impétrants, en rappelant les origines de l’entreprise à la prospérité de laquelle ils se sont associés par leur travail et leurs vertus. Il évoque la réputation internationale de l’établissement et célèbre la mémoire du premier ouvrier de l’usine, Théophile Bracq, ainsi que celle des disparus de la première heure. Après un hommage rendu au directeur de la teinture, M. Gaston Gilleman, il s’adresse particulièrement aux cinq frères Maguerre. En effet, cette famille de quatorze enfants, originaire du Pas de Calais, installée à Roubaix après la première guerre, a confié cinq de ses fils à la teinturerie. Fernand, Joseph, Pierre, Auguste et Hubert Maguerre se trouvent ainsi honorés parmi les cinquante médaillés du jour. Cette fratrie familiale et professionnelle leur vaut les félicitations de la direction, des cadres et du personnel de toute l’entreprise. Un cadeau leur est fait par leurs camarades de travail.

les cinq

André Maincent fils remet alors les médailles avec un petit mot aimable pour chacun, avec cadeaux et enveloppes, et André Maincent père vient apporter son témoignage d’amitié et ses félicitations. La manifestation se poursuit par un vin d’honneur, puis les participants se retrouvent au café Bellevue pour un lunch.

Cette petite évocation des Trois Ponts d’autrefois met en valeur que le quartier n’était pas une campagne abandonnée. On y habitait, on y travaillait la terre, et on y travaillait aussi en usine, comme l’indique le caractère industriel des rues Brame et de Cohem. En bref, on y vivait.