Sur une plan daté de 1899 on remarque une construction isolée au coin de l’avenue des Villas, la future avenue Delory et de la rue Henri Regnault, récemment ouvertes. Comme elle est placée sur le chemin d’intérêt commun numéro 154, dit chemin d’Hem, à la limite de Roubaix, on y place tout naturellement le bureau de l’octroi de ce qui prendra plus tard le nom de Nouveau Roubaix. Ce bureau, situé juste face à la ferme de la Haie, partage sans doute dès l’origine, comme celui de la rue de Lannoy, les locaux avec un estaminet.
C’est d’ailleurs un estaminet, au nom de F. Delattre qu’on retrouve dans le Ravet-Anceau de 1939 au 259 de l’avenue et à l’extrémité de la rue Regnault. Ce même établissement était en 1935 indiqué au nom de O. Moulard. Durant la guerre, le 2 Juillet 1943, l’octroi est supprimé. Les gabelous sont reconvertis dans les services municipaux, alors que le débit de boissons perdure. Ce dernier disparaît néanmoins après guerre, puisque de 1955 à 1961 le Ravet-Anceau cite au 261 une Droguerie M. Minnens. Apparemment, il est ensuite reconverti en épicerie, et arbore dès lors fièrement des panneaux publicitaires pour les bières Pélican, comme l’attestent des photos publiés dans Nord-Eclair en 1961 et 1963.
Les photos aériennes du début des années 60 montrent l’isolement du bâtiment face au nouveau rond-point, alors qu’un jardin occupe l’espace situé entre celui-ci est les maisons suivantes.
Mais les années 60 sont celles de l’automobile triomphante, et le bâtiment est démoli en 1964. Le terrain, racheté par la société des pétroles Shell, va être utilisé pour la construction d’une station d’essence, pour laquelle un permis de construire est octroyé dès juin1963. Deux bâtiments sont construits dans la partie la plus large du terrain, l’un, à un étage, abrite le bureau et le logement, l’autre l’atelier. La piste, située à la pointe du terrain, n’est pas couverte : les clients seront mouillés les jours de pluie !
Une publicité non datée nous montre la station avec ses deux bâtiments et la piste comprenant deux blocs de pompes permettant le ravitaillement simultané de plusieurs véhicules. On y apprend que le gérant est alors monsieur Trinelle., alors qu’une autre publicité de 1978 évoque monsieur Damerment.
En 1974, dans le cadre de passage au self-service, la société Shell fait une demande pour l’installation d’une cuve de 30 000 litres (18 000 pour le super et 12 000 pour l’ordinaire). Deux ans plus tard, une nouvelle demande de permis de construire vise l’édification d’un auvent et d’un petit atelier supplémentaire. L’auvent est court ; il ne couvre parcimonieusement que la stricte zone des pompes : il faut toujours se mouiller pour aller payer le carburant !
Mais la station fait l’objet d’autres travaux. En 1988, l’auvent a été remplacé par un autre nettement plus long, le terrain s’est agrandi par l’achat de la propriété voisine, sur laquelle on a construit une installation de lavage automatique dont on ne peut sortir que moyennant un virage très serré. Le bureau a été démoli et a trouvé place dans l’ancien atelier, devenu inutile depuis la mise en self-service., La piste est maintenant beaucoup plus vaste et, enfin, bien abritée…
La station est ensuite rachetée en 2004 par un italien, Mario Azzalini. Elle prend la dénomination d’Oil France. La distribution se poursuit quelques années, mais la station ferme finalement en 2008 et se transforme en une friche à l’abandon.
Alors commence un long bras de fer entre la ville, qui lance une procédure d’abandon manifeste en 2010 pour essayer d’obtenir l’expropriation, et Oil France qui fait le mort et ne répond pas aux demandes, pour obtenir le meilleur prix pour son terrain.
Pour éviter toute tentative de reprise d’activité, la mairie interdit toute opération de vente ou de location et, finalement, réussit à exproprier. On assiste alors enfin à la démolition, après plus de 15 ans de luttes. Selon la Voix du Nord, la construction d’un immeuble à vocation de services aurait vu le jour…
Remerciements à la médiathèque de Roubaix et aux archives municipales pour leur accueil.