Le bazar du Pile

A la fin des années 1930, Théophile et Julie Pittillioen, désireux de créer leur affaire et de s’installer à leur compte, décident de reprendre le commerce de jouets de Mr A. Delepaut au 16 rue de Condé à Roubaix. C’est une petite boutique dans un quartier populaire de la ville qui convient parfaitement à ce commerce.

Le 16 rue de Condé ( document Y. Pittillioen )

Julie s’occupe du magasin et Théophile vend ses jouets lors des ducasses, fêtes foraines et braderies. Quotidiennement, il charge les jouets sur sa baladeuse de marchand forain, pour se déplacer sur des lieux à chaque fois différents. Il a astucieusement aménagé sa petite voiture de marchand ambulant, par un système d’extension de son plateau, ce qui lui permet de présenter ses produits sur un étal beaucoup plus large, comme le montre la photo ci-dessous.

La charrette à bras de Théophile Pittillioen ( document Y. Pittillioen )

A la fin des années 1940, les affaire reprennent et ils acquièrent la petite maison voisine de M. Juvenet au N° 18. Ils disposent désormais d’une surface de 148 m2 au sol.

En 1952, Théophile Pittillioen demande un permis de construire pour transformer la façade du N° 18. Il souhaite en effet, créer une porte de garage pour pouvoir garer sa baladeuse. L’arrière très étroit de la maison sert dès lors de réserve au magasin, désormais baptisé : le « bazar du Pile ».

Le N° 16 et 18 avant et après la transformation (documents archives municipales )

Le bazar est un commerce où on trouve de tout ! Des jouets bien sûr mais également de la parfumerie, bijouterie, maroquinerie, papeterie, bimbeloterie, confiserie, petite horlogerie, cartes postales, et même des poissons rouges !

Julie et Théophile Pittillioen profitent également des activités saisonnières pour proposer :

en Décembre des décorations de Noël, des guirlandes et des santons,

en Septembre des pétards et des feux d’artifice, lors de la fête des allumoirs

en Mai du muguet artificiel

en Juin des cocardes tricolores pour la réussite au certificat d’études.

Théophile et Julie dans leur magasin ( document Y. Pittillioen )

Théophile profite également, des fêtes du quartier du Pile, pour proposer le « concours des ballonnets » : l’enfant remplit le carton, l’accroche au ballon de baudruche gonflé et le lâche dans les airs. Le ballon de baudruche qui parcourt la plus longue distance fait gagner à l’enfant un jouet offert par le Comité d’organisation et le Bazar du Pile.

Le carton attaché au ballonnet ( document collection privée )
Michel, le fils de Théophile et Julie, aide ses parents en gonflant les ballons de baudruche (document Y. Pittillioen )

Julie décède à la fin des années 50. Théophile prend sa retraite en 1960. Son fils, Michel Pittillioen, se marie avec Yvette née Pietersoone. Ils reprennent le magasin. Michel est fraiseur-ajusteur à la CIMA à Croix le matin, de 5h à 13h et l’après midi il part vendre les jouets sur les ducasses et les braderies, comme son père le lui a enseigné. Yvette quant à elle, s’occupe seule du magasin. Les affaires fonctionnent très correctement.

Yvette et Michel dans leur magasin ( document Y. Pittillioen )

Michel Pittillioen délaisse la baladeuse de son père. Il possède en effet sa voiture pour effectuer les déplacements. Il présente désormais ses jouets sur un étal abrité par un énorme parapluie.

Michel devant son étal, lors d’une ducasse. ( document Y. Pittillioen )

Yvette continue à gérer seule, le point de vente. Elle ne compte pas ses heures. Le magasin est ouvert de 8h à 19h tous les jours de la semaine et le dimanche matin de 8h à 13h.

Le magasin avec les décorations de fin d’année ( document Y. Pittillioen )

La particularité du Bazar du Pile par rapport aux autres commerces du même genre, c’est qu’il s’agit d’un bazar bien rangé ! En effet, les jouets sont déposés sur les étagères, les trottinettes et les voitures à pédales accrochées au plafond, les cartes de St Nicolas et Ste Catherine dans des cartons, les peluches dans le nouveau comptoir vitré, etc. Chaque chose est à sa place, de façon à ce que Yvette puisse trouver facilement le produit souhaité par le client.

Yvette et Michel ( document Y. Pittillioen )

Au milieu des années 1960, Michel a l’opportunité de racheter un camion-boutique. C’est un camion aménagé pour un commerce de loterie, idéal pour les fêtes foraines, ducasses et braderies. Il abandonne son étal pour se consacrer à cette nouvelle activité. La « loterie Michel » propose pour un prix modique, cinq billets roulés et entourés d’une bague en papier. Sur chaque billet figure un numéro, et s’il correspond à l’un des numéros affiché sur le tableau, le client emporte l’objet gagné.

Michel devant son camion-boutique. ( document Y. Pittillioen )

Malheureusement le camion-boutique de Michel Pittillioen est détruit par un incendie lors d’une fête foraine à Deulemont, dans les années 1980. Michel ne se décourage pas et reprend une remorque qu’il transforme lui-même en loterie. Il achète un fourgon Renault pour pouvoir tracter sa remorque et continuer son activité. Yvette continue à tenir le magasin de la rue de Condé et vient aider son époux, lors des ducasses le dimanche après-midi.

Yvette devant la loterie Michel ( document Y. Pittillioen )

A la fin des années 1990, Michel et Yvette décident de prendre une retraite bien méritée. Leur fils, Yves, ne souhaitant pas reprendre l’affaire ils décident donc de vendre l’immeuble.

Le « Bazar du Pile » tenu par les deux générations Pittillioen, pendant une soixantaine d’années, ferme donc définitivement ses portes en 1998.

Publicités ( documents Y. Pittillioen et collection privée )

Remerciements à Yvette Pittillioen, à Christiane, ainsi qu’aux archives municipales.

Roubaix : La place du Pile

 

En 1886, le conseil municipal décide le redressement du chemin vicinal numéro 10, dit du Pile et en profite pour créer une place. C’est l’époque où les édiles se préoccupent de créer à Roubaix des places publiques pour aérer les quartiers et permettre aux fêtes et manifestations diverses de s’y dérouler. On crée donc au tout début des années 1890 une série de six places, dont celles du Travail au Sud-Ouest, de la Fraternité au Sud, Édouard Roussel au Nord-Ouest, de la Nation et du Progrès au Nord-Est, et, celle qui nous occupe aujourd’hui, la place Carnot au Sud-Est. Toutes sont implantées le long d’une voie de communication existante. Continuer la lecture de « Roubaix : La place du Pile »

Un bureau de poste au Pile

Il existait déjà un bureau de poste avant que l’on décide d’en construire un nouveau, au coin de la rue Lalande. Il était situé au n°120 de la rue Pierre de Roubaix, dans une petite maison étroite à deux pas du débouché de la rue des fossés (aujourd’hui rue Jacques Prévert). On l’appelait le bureau de poste Sainte Elisabeth. C’est en Janvier 1936 qu’on décide de remplacer le vieux bureau exigu, sur une partie du terrain du square Destombes, formant le coin entre la rue Lalande et la rue Pierre de Roubaix, par un local neuf, plus vaste et mieux conditionné. La dépense est évaluée à 279.800 francs, et ce bureau ne fonctionnera pas avant l’année suivante.

Le bureau du Pile en octobre 1936, puis en mars 1937 Photos Journal de Roubaix
Le bureau du Pile en octobre 1936, puis en mars 1937 Photos Journal de Roubaix

Trois cent dix m² sont ainsi attribués à la surface du nouveau bureau de poste. En novembre, on a démoli le mur de l’ancienne propriété Delaoutre, et on voit déjà apparaître derrière une barrière de chantier, l’entrée de la future poste avec son fronton caractéristique et les premiers piliers de soutènement des murs. La presse annonce de manière optimiste que l’administration des PTT n’ouvrira pas ce nouveau bureau avant juin 1937. Le chantier se déroule avec en toile de fond les arbres du square et la maison de maître qui s’y trouvait encore.

Le bureau du Pile en novembre 1937, et en février 1938 Photos Le Journal de Roubaix
Le bureau du Pile en novembre 1937, et en février 1938 Photos Le Journal de Roubaix

En mars 1937, les murs et la toiture ont été construits, les fenêtres n’y sont pas encore, mais la silhouette du nouveau bâtiment masque désormais à la vue, les plantations du square et son habitation. En octobre 1937, le nouveau bureau de postes est terminé. Sur les fenêtres, on voit encore les croix de peinture destinés à indiquer que les vitres ont été posées. La barrière de chantier a été enlevée, et l’on attend la prochaine inauguration du bureau de poste de la rue Pierre de Roubaix, qui changera de nom pour l’occasion. Désormais plus proche du quartier du Pile que de celui de Ste Elisabeth, il portera donc le nom de bureau du Pile.

Le bureau du Pile aujourd'hui Vue Google Maps
Le bureau du Pile aujourd’hui Vue Google Maps

Il sera inauguré en février 1938, et il fait partie d’un ensemble de constructions de plusieurs bureaux auxiliaires (Alma, Fosse aux Chênes,…) destinés à désengorger le bureau principal de l’hôtel des postes du boulevard Gambetta (aujourd’hui IUT boulevard Leclerc). Ces bureaux de poste des années trente étaient l’objet d’un cahier des charges identique, que l’on peut retrouver à l’Alma, mais aussi à Wattrelos dans l’ancien bureau de poste devenu aujourd’hui la bibliothèque, ou celui de l’avenue Dron à Tourcoing . De nos jours, le bureau du Pile fonctionne toujours, en alternance avec celui qui se situe dans la maison des services des Trois Ponts.

Une rue pour le Pile

Le chemin du Pile, portant le n°10 dans la liste des chemins vicinaux roubaisiens commence au pont du Galon d’eau, prolongeant le chemin de l’Hommelet qui dessert les hameaux de l’Hommelet et de la Fosse aux Chênes, et se termine au croisement du chemin n°9 des trois ponts qui se dirige lui-même vers le pont du Sartel par le hameau des trois ponts. Il traverse le hameau du Pile, près duquel il rencontre l’extrémité du sentier du Tilleul (chemin n°5 dit de la Potennerie). Sa largeur est de 9 mètres, y compris deux fossés d’un mètre chacun et son parcours fait maints détours pour éviter propriétés et fermes. Il bute en particulier, au carrefour avec le chemin de la Potennerie, sur la ferme Wanin qui l’oblige à effectuer un virage à angle droit.

Plan cadastral 1845
Plan cadastral 1845

Ce chemin est régulièrement l’objet de l’attention des autorités soucieuses d’assurer la circulation entre les divers hameaux qui représentent une bonne part de la population de Roubaix. Dans cet esprit, en 1864, le directeur de la voirie fait un rapport dans lequel il insiste sur le fait que les riverains du chemin du Pile – et, en particulier, les fermiers – entassent des ordures diverses qui obstruent les fossés situés de part et d’autre du chemin et créent des mares en cas de pluie. Cet état étant dangereux pour la sécurité et l’hygiène publique, il propose de mettre les propriétaires en demeure de curer les fossés au droit de leurs habitations et n’hésite pas à citer les propriétaires en faute. A cette époque, le chemin est déjà pavé sur trois mètres de largeur.

En 1867 on nomme ou renomme de nombreuses rues de Roubaix. C’est le cas pour notre sentier qui, entre la rue de Lannoy et le Pile, prend le nom de rue du Pile. Entre le pont du Galon d’eau et la nouvelle rue du Pile, il devient la rue Pierre de Roubaix. A partir de ce moment, on va tenter de redresser ses méandres pour faciliter le déplacement des habitants (c’est la seule voie permettant de relier les trois ponts au centre de Roubaix). En 1869 le directeur du service des travaux municipaux présente un rapport soulignant de nombreux inconvénients de son tracé tortueux, soulignant qu’il traverse un quartier en voie de construction. Il propose un plan d’alignement redressant la rue sur plus de 300m, qui frappe d’alignement la ferme Wanin.

SP2-96DPI

Les propriétaires, sont d’accord pour l’alignement demandé, et offrent gratuitement le terrain nécessaire. Ils traitent entre eux par voie d’échange, s’occupent du pavage et de l’entretien des fossés.

Ils prévoient également de prolonger la rue Pierre de Roubaix au delà de la rue du Pile. Peu après, en 1872, le service de voirie se plaint de ne plus pouvoir assurer avec ses moyens actuels l’entretien du chemin qui se lotit de plus en plus. Il propose de séparer les pavés existants pour former deux bandes latérales d’un mètre 50 de large et de combler l’espace central avec des scories, en attendant de compléter le revêtement avec des pavés de réemploi. On en profite pour construire un égout central. La ferme Wanin doit être démolie avant le 15 mars de cette même année. Henri Wanin fait alors construire une maison sur son verger le long de l’alignement. L’espace étant libre, on peut maintenant prolonger la rue Pierre de Roubaix vers le sud. Dans les années suivantes, le début de la rue du Pile perd son nom au profit des rues du Tilleul (future rue Jules Guesde), et de Condé. La partie restante, prolongée vers la rue Pierre de Roubaix par la nouvelle rue de Leuze, commence à prendre sa configuration actuelle.

Plan du quartier en 1886
Plan du quartier en 1886

Tous les documents proviennent des archives municipales