Stationnement

gambettaLe boulevard Gambetta à la belle époque Collection Privée

Quand les roubaisiens décidèrent de remblayer le bras mort du canal, qui s’étendait du pied du boulevard de Paris jusqu’au bout du boulevard Gambetta, ils souhaitaient transformer cet égout à ciel ouvert en un grand boulevard. Ce fut chose faite en 1886 : un vaste terre plein avec deux contre allées se déroule alors entre le café des Arcades et le peignage Allart. Les années passent et les repères se transforment : le concessionnaire Renault a remplacé le café et la cité du Galon d’eau occupe l’emplacement du peignage. Le boulevard Gambetta abandonne une partie de son parcours pour célébrer le général Leclerc. Pas de problèmes de stationnement alors. Le terre plein des deux boulevards accueille même régulièrement les forains en avril et en septembre.

Au début des années soixante, apparaît le souci de gérer le stationnement. Excepté les parcs de stationnement de la Grand-Place et de la place des halles, ceux de la place de la Liberté, et les terre pleins des boulevards Leclerc et Gambetta sont relativement peu utilisés car estimés trop éloignés du centre. Les automobilistes préfèrent se garer dans les rues proches du centre, et le stationnement se fait au détriment des commerces, ceux qui stationnent étant des personnes qui viennent travailler et occupent toute la journée des emplacements utiles aux riverains, clients et commerçants. C’est alors que commence le grand chantier de démolition du bloc Anseele. On parle d’implanter des parkings sur les espaces libérés, notamment sur le terrain dégagé de la rue des filatures. En novembre 1962 c’est la mise en place de la zone bleue. De quoi s’agissait-il ? La zone bleue est une zone de stationnement réglementé, limité dans la durée. Il ne s’agit pas d’un parking à proprement parler, mais d’une zone où le stationnement en voirie est autorisé. Peuvent s’y garer les automobilistes qui possèdent un disque de stationnement. Sur le disque figurent d’une part des heures d’arrivée possibles, d’autre part la durée autorisée et les heures de départ correspondantes, en sachant que la durée de stationnement en zone bleue est généralement limitée à 1h30. L’automobiliste tourne le disque pour faire apparaître les horaires choisis en face des fenêtres découpées à cet effet dans la pochette, et l’appose contre le pare-brise à l’intérieur de son véhicule. Le principe reposait sur la bonne volonté des automobilistes, mais nombreux sont ceux qui redescendaient changer l’heure de leur disque une fois la durée autorisée écoulée. Le stationnement au disque était non payant.

stationnement2La macadamisation du terre plein en 1973 Photo Nord Éclair

En 1967, l’idée de la création d’un grand parking souterrain germe alors, sous le centre commercial, plus d’un millier de places à moins de cent mètres du centre de Roubaix ! En 1973, le vaste terre plein du boulevard Gambetta a disparu. On y garait sa voiture, loin de tout souci de paiement, et on trouvait toujours une place. Le terre plein a été macadamisé et il a rétréci diminuant ainsi le nombre de places possibles. On a tracé les emplacements réduisant d’autant les places, les tracés donnant deux lignes de stationnement.

stationnementL’arrivée des parcmètres, un succès ! Photo Nord Éclair

Et puis en septembre, c’est l’arrivée d’une invention américaine, les parcmètres. C’en est fini du stationnement gratuit. Leur mise en service a pour effet de rendre déserts les emplacements. Les conducteurs ont-ils pour autant mis leur voiture dans le parking souterrain ? Il semble bien que non. Ils se garent dans les rues du bloc Anseele, déjà cité dortoir, qui devient alors pour la journée un quartier parking. Il semble que le problème dure encore…

D’après Nord Éclair

L’ouverture du parking

Le Café Les Tuileries Photo Nord Éclair

En janvier 1970, l’ouverture du café « aux tuileries », au rez-de-chaussée de l’os à moelle semble être le signe annonciateur du retour des commerces dans la zone du bloc Anseele. Ce café vaste et moderne, situé rue Winston Churchill, présente des luminaires publicitaires, de larges baies vitrées, un bar élégant avec des petites lampes rouges, une grande salle de réunion. Il faudra cependant attendre deux ans encore pour l’ouverture du centre commercial.

Août 1970, Roubaix est donc une ville test, un champ privilégié pour les opérations de rénovation urbaine et de résorption de l’habitat insalubre. La perspective historique est rappelée par le journaliste, loi sur les HBM, le CIL, la loi Vivien sur l’éradication de l’habitat insalubre. La grande opération Edouard Anseele démarrée en 1957 s’achève, on en est au moment de l’installation de l’équipement central du quartier, un grand centre commercial régional construit sur un parking souterrain de 1200 places.

Le bloc Anseele en 1971 Photo Nord Éclair

L’opération serait une réussite sur le plan social et humain, mais présente un déficit de 400 à 450 millions d’anciens francs. Les spécialistes en analysent les raisons : les logements sociaux entraînent une faible rentabilité des loyers, et au moment des expropriations commerciales, on a racheté les fonds de commerce, mais on ne vend à présent que des pas de porte dans le nouveau centre, dont on annonce l’ouverture pour le milieu de l’année 1972.

Construit sur le modèle suédois avec galerie marchande en plein air, ce bâtiment de 240 mètres de long  comportera 80 commerces répartis sur deux niveaux : commerces d’alimentation au niveau inférieur, des magasins de confection, et d’ameublement, au niveau supérieur, et même une petite salle de cinéma de 300 places, un restaurant grill, le tout agrémenté de parterres de fleurs. Ses atouts sont la proximité du centre ville et son fameux parking de 1250 places. Cependant il éprouve quelques difficultés au niveau de la vente de ses cellules commerciales, retardée par la rareté et le coût élevé du crédit.

En mars 1971, la construction du nouveau centre est pratiquement achevée : les escalators sont en place, on procède aux ultimes travaux : pose du dallage, installation des faux plafonds, et de l’électricité, le centre sera terminé vers le mois de juin.

Le parking de Roubaix 2000 Photo NE

M. Maisonneuve, le Président de la SEGECE, société chargée de la promotion du centre commercial, commente la maquette et les atouts du centre. Il évoque l’ouverture du parking avec places payantes en mai ou juin, dont la gestion est confiée à la Communauté Urbaine. L’achèvement des travaux va accélérer les demandes de cellules commerciales. A ce moment, seulement 20% sont vendues et 40% sont en négociation ! Il est vrai que les surfaces se vendent à un prix moyen de 12.000 à 13.000 francs le m².

Le parking souterrain ouvre en septembre 1971 et ses tarifs sont annoncés dans la presse : 4,50 F pour la journée, la nuit pour 2 francs, le dimanche pour 1 franc, et l’abonnement stationnement est de 40 francs par mois. Comparés aux prix actuels du parc de stationnement, ça laisse rêveur ! Ce parking est annoncé comme le plus grand du Nord. Il ne reste plus qu’à lui donner des raisons d’être utilisé, au-delà des habitants du quartier, avec l’ouverture du centre commercial.

D’après Nord Éclair

Du trou sortira l’abondance

le chantier parking copie
Le chantier du futur parking Photo NE mars 1967

Le chantier du parking a donc débuté en  mars 1967 par le creusement du sol de la rue de Lannoy, exactement là où l’on avait parlé autrefois de faire une réserve d’eau pour l’industrie sous la forme d’un lac. L’enjeu est important, il s’agit de désengorger le centre de Roubaix de la présence automobile en proposant plus de mille places de parking sur plusieurs niveaux. Ces places de stationnement visent plusieurs types d’utilisateurs : les locataires de l’os à moelle, dont le parking situé de l’autre côté de l’immeuble est déjà saturé, mais aussi les futurs locataires des quatre tours de dix neuf étages en construction. Et il est bien entendu un argument majeur pour la fréquentation du futur centre commercial.

Les nuisances pour le voisinage sont importantes : poussières, boues sont le lot des piétons, car il faut enlever les terres pour couler ensuite la dalle inférieure du parking le plus profond. Les terres enlevées prennent la direction de la Planche Epinoy.

Le bruit est également présent avec les coups sourds de la sonnette, qui est un engin de génie civil qui enfonce par battage les pieux, pilots ou palplanches, servant de fondations aux bâtiments ou ouvrages de génie civil. La sonnette porte un outil cylindrique massif appelé mouton dont les coups répétés enfoncent les palplanches. On est descendu très profond, un radier de béton a été coulé. On annonce que les trois parkings profonds seront terminés pour le mois d’octobre 1967. La dalle supérieure, qui sera aussi le plancher du centre commercial serait terminée en janvier 1968, et le centre commercial lui-même au printemps 1968. Mais ces prévisions sont trop optimistes. Un certain nombre d’événements vont perturber la bonne exécution de cet important chantier.

Un trou et des tours

Le plan publié par NE

En Septembre 1966, la presse annonce pour l’année suivante la construction de quatre tours de 19 étages aux installations exceptionnelles, près du futur centre commercial de la rue de Lannoy. Elles seront l’œuvre de l’architecte roubaisien Guy Lapchin, déjà auteur en 1958 avec ses collègues Gillet, De Maigret et Ros de la Résidence d’Armenonville (115 boulevard du Général de Gaulle à Roubaix) et de la Résidence Marly (au n°129 du même boulevard). Ces deux réalisations culminent à 36 mètres de hauteur[1], entre le parc de Barbieux et l’entrée du boulevard Leclerc.

Les tours projetées feront 55 mètres de haut, et contiendront 112 logements, répartis en appartements de type 2, 3, 4 et 5. Il est prévu une pelouse et une salle de réunions au 19eme étage, et des emplacements seront réservés dans le parking souterrain. Autour de ces bâtiments, il y aura des espaces de jeux, des pelouses. Le premier étage sera réservé à la vie collective des habitants (salle polyvalente, halle d’enfants).

Cependant pour mener à bien ce projet, tel qu’il est représenté sur le croquis ci-dessus[2], quelques problèmes restent à résoudre. En premier lieu, la disparition de la centrale EDF de la rue du même nom, située à l’emplacement prévu pour la quatrième tour, la plus proche du boulevard Gambetta. La centrale restera en place bien après la fin du chantier des tours, ce qui explique que la quatrième tour n’ait pas été bâtie dans l’alignement des trois autres…

Il faut aussi commencer à creuser le parking souterrain, avant d’implanter le futur centre commercial. Déjà le sol de la rue de Lannoy, plus de 100.000 m3 de terre, est transféré vers les Trois Ponts afin d’aller réduire la dénivellation de ce quartier. Ce sont alors des va et vient incessants de camions de quinze tonnes qui ébranlent la chaussée des boulevards de Belfort et de Beaurepaire à raison d’un passage toutes les trois minutes. Ce n’est qu’en mars 1967, qu’on va couler la dalle du fond du parking.

Inauguré en juin 1966, l’os à moelle va donc connaître deux mois plus tard les poussières et les boues dues au voisinage d’un double chantier. Il en sera de même pour les immeubles HLM situés de l’autre côté, au milieu desquels où le groupe scolaire Camus sera bientôt terminé. Les riverains du bloc Anseele en ont encore pour quelques années de chantier


[1] Source www.paris-skyscrapers.fr
[2] Publie dans Nord Eclair en septembre 1966