Le journal de Roubaix fait état en 1909 d’un marché aux vieux objets installé sur la place de la Liberté, remplaçant l’ancien marché aux charbons. « C’est là que la population ouvrière aime à tourner infatigablement autour des marchandises les plus invraisemblables et les plus dépareillées. C’est le capharnaüm roubaisien… » En un mot, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui un « marché aux puces ». Les marchands doivent y acquitter les droits de place et de colportage.
Ce marché est ensuite déplacé à une date indéterminée. On le retrouve avant la deuxième guerre autour du marché couvert, place des halles, de la proximité desquelles il profite : les acheteurs jetant un coup d’œil au passage sur les objets présentés par les brocanteurs se laissent parfois convaincre.
Les halles disparaissent en 1956, mais le marché persiste : en 1957, la Voix du Nord explique que, sur le trottoir situé le long des palissades qui délimitent l’ancien emplacement des halles, les affaires continuent le samedi et le dimanche matin : la clientèle est fidèle et motivée. Le journal conclut : « Mais la brocante vivra encore longtemps, car il y aura toujours des hommes avides d’insolite… Et peut-être, si tout se mécanise et se contingente, ces hommes seront-ils les derniers poètes. »
En 1972, le marché occupe toujours la place des halles et le parking qu’on y a créé en attendant la construction de la nouvelle bibliothèque. A partir de 1965, elle partage cet espace avec le centre commercial du Lido et se contente de la zone située près de l’ancienne poste.
Mais c’est à cet endroit que, en 1974, les travaux de construction de la nouvelle poste démarrent, chassant le marché aux puces, qui doit quitter les lieux, au grand dam des cafetiers de la rue des Halles. En mars 1975, il s’installe non loin de là, sur le terre-plein du boulevard Gambetta, où il cohabite avec le marché des la voiture d’occasion, et s’étale en 1975 entre la rue Catrice et le bâtiment des pompiers, alors que les voitures d’occasion sont cantonnées derrière le monument à Jean Lebas, près de la place de la Liberté.
Malheureusement, l’emplacement est déjà utilisé à certaines périodes. C’est, en effet, à cet endroit que la foire de la Quasimodo accueille, à Pâques, les amateurs. Pendant la foire, le marché aux puces émigre sur le parking qui se trouve entre la rue des fabricants et la rue du général Sarrail. C’est sur ce parking qu’à partir de Juillet 1978 elle s’installe définitivement. Nous allons pourtant voir que ce définitif ne l’est pas vraiment, et que les tribulations du marché ne sont pas terminées…
Bientôt, les difficultés s’accumulent. Elles sont dues pour partie au fait que le marché favorise certaines tractations douteuses qui se multiplient et préoccupent la mairie. Celle-ci envisage une fermeture et décide mi juillet de supprimer le marché du samedi, prétextant une demande des commerçants du quartier. Le marché du dimanche demeure, animé par des marchands qui viennent parfois d’une cinquantaine de kilomètres
Les commerçants ambulants protestent et envoient une lettre ouverte à Pierre Prouvost où ils qualifient d’ arbitraire la décision de fermeture du marché. Les forces de l’ordre font appliquer la décision municipale, plaçant une voiture de police pour barrer l’accès au parking.
Si le marché du dimanche a toujours lieu sur le parking des fabricants en 1984, il va ensuite se délocaliser. Il s’installe dans le quartier de l’épeule, où on le retrouve en 2013, le samedi et le dimanche, non loin de l’angle de la rue des arts et de la rue Rémy Cooghe. Celui du samedi s’arrête l’année suivante pour l’été ; il doit reprendre en septembre, organisé par une association. La municipalité est toujours préoccupée par des ventes illicites qui se mêlent aux transactions autorisées.
En 2015, Les édiles continuent à souligner les ventes d’objets neufs ou d’origine incertaine sur le marché. La Voix du Nord cite un témoin : « lorsqu’il y a un cambriolage dans le coin, les gens viennent sur le marché aux puces de l’épeule pour voir s’ils ne trouvent pas des articles qui leur appartiennent. » Les remarques officielles faites à l’association semblent un temps suivies d’effet, car les échanges de téléphones, ordinateurs et tablettes, cessent quasiment pendant un moment.
Cependant, comme l’année précédente, on assiste à une nouvelle suppression du marché du samedi pour les vacances. Les vendeurs craignent une fermeture définitive. Au mois d’Août, la Voix du Nord constate « que la municipalité ne semble pas pressée de le voir revenir. » La tension monte et le dialogue est difficile. La réouverture n’a pas lieu en septembre comme prévu, et on pense que la mairie pourrait bien vouloir le supprimer définitivement. Elle demande à l’association de remettre de l’ordre et chasser les marchandises douteuses ou illégales, alors que le marché est passé du parking de la rue des Arts à celui du Colisée. Durant le dernier trimestre de l’année, Nouvelle pause de la municipalité qui dure, puisqu’en avril 2016, le marché est fermé depuis 10 mois. Une nouvelle association veut en reprendre la gestion, mais la municipalité atermoie.
Finalement, il semble que la réouverture n’est jamais intervenue, et Roubaix est aujourd’hui privé de son marché aux puces.
Tous les documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix, que l’on remercie ici.