La ferme et l’hôpital

Bury-Prinpont est une ferme relativement ancienne, puisqu’elle figure déjà sur la carte de Cassini, datant du 18ème siècle. Située au Pont rouge, à la rencontre du chemin neuf et de l’ancien chemin de Lannoy qui deviendra la rue de Maufait, elle est tenue pratiquement tout au long du 19ème siècle par la famille Despret, dont le nom est également orthographié Desprez.

Carte de Cassini, 1740 – document IGN
Carte de Cassini, 1740 – document IGN

C’est ainsi qu’on y recense en 1920 Despret Pierre François, né en 1789, qui a épousé de Marie Julie Duthoit, dont il aura plusieurs fils, Pierre Louis, Henri et Florimond. Son épouse décède en 1827, et il se remarie avec Catherine Deschamps le 7 mai 1832. La famille va occuper la ferme, qui appartient en 1747 à Antoine Théry, un avocat lillois, jusqu’en 1875, alors que le chef de famille approche de 90 ans.

Entre temps, son fils Florimond, marié à Adélaïde Dellebecq, va exploiter, à quelques centaines de mètres de là, la ferme de Courcelles située le long de l’ancien chemin du même nom, qui sera remplacé par la rue Victor Hugo. Il va reprendre après son père l’exploitation de Bury-Prinpont, en laissant à son fils Pierre, époux de Sophie Desquien, le soin de reprendre la ferme de la rue Victor Hugo. Catherine Deschamps va décéder en 1871, et son mari en 1878 ; on retrouve Florimond à la ferme de 1880 à 1896

Plan cadastral 1884
Plan cadastral 1884

Mais cette zone agricole va perdre brusquement son caractère campagnard. En effet, en 1891, le conseil municipal, sous la férule de Julien Agache décide de faire l’acquisition auprès de la famille Théry de 4 hectares de terrain, incluant la ferme, pour y construire un nouvel hôpital. C’est chose faite en 1893. La ville, désormais propriétaire de la cense et des terres qui l’entourent, va laisser courir le bail de Florimond Despret en attendant d’avoir un financement pour commencer les travaux.

Le nouvel hôpital
Le nouvel hôpital

Mais les choses se précipitent : la ferme brûle le 7 juillet 1896 ; cet incendie sonner le glas de l’exploitation pour la famille. L’année suivante, les frères Despret réclament une indemnité de fumure pour compenser la perte d’exploitation qu’ils ont subie.

La ferme est démolie pour 1900 et la construction de l’hôpital suit : les pavillons s’élèvent les uns après les autres et le journal de Roubaix annonce en 1907 l’inauguration prochaine

Photo IGN
Photo IGN

Cette famille de fermiers va abandonner la culture et se reconvertir (Victor, le petit fils de Florimond, va tenir une épicerie au 261 rue de Lannoy). C’est cette famille qui édifiera le fort Desprez, qui deviendra plus tard le square des Prés.

La rue de Maufait

Au dix neuvième siècle, le chemin de Lannoy traverse la partie sud de Roubaix sans suivre la ligne directe. Il serpente, en effet, entre les propriétés agricoles en faisant de nombreux coudes.

Le chemin de Lannoy après la révolution

 Cette situation dure jusqu’à la fin du siècle, au moment où on décide de redresser ce qui devient la rue de Lannoy entre la ferme de Courcelles et la Justice. Ce tracé laisse de côté la partie de l’ancien chemin situé entre la ferme de Courcelles et celle de Bury-Prinpont, placée sur le chemin d’Hempenpont aux Trois-Ponts, ou chemin n°9, qui porte à cet endroit le nom de rue du Pont Rouge. Cette partie délaissée, devenue la rue de Maufait, prend brusquement de l’importance au tournant du siècle, lorsque l’on songe à implanter un nouvel hôpital qui prendra le nom de la Fraternité. La rue de Maufait longe en effet le terrain choisi pour cette implantation.

Un rapport de M. Deneve au conseil municipal insiste sur le fait que rien n’a été fait pour ce chemin délaissé par la rectification de la rue de Lannoy, et qu’il n’est alors qu’un chemin de terre. Il faut, « pour des raisons de sécurité et d’hygiène » le mettre en état : il faut assécher le sol avant la construction de l’hôpital en installant un aqueduc, élargir, aligner et paver la rue et ses trottoirs. Cet alignement sera fatal aux derniers bâtiments de la ferme de Bury-Prinpont, condamnée de toute manière, car placée sur le terrain réservé à l’hôpital.

Le tracé de la rue, la ferme et ce qu’il en reste au moment du redressement.

 Il faut donc acquérir un certain nombre de terrains auprès des propriétaires pour procéder aux redressements des rues de Maufait, du Pont Rouge, de Charleroi, et du tracé de l’avenue de l’hôpital. On prévoit également, à la demande des riverains, de prolonger la rue jusqu’à la rue St Hubert, et vers la ferme de Maufait. Entre temps, la rue du Pont rouge est déclassée au delà de la rue de Maufait pour laisser la place à l’hôpital qu’il faut agrandir. Ses pavés, récupérés, seront réemployés au pavage du tronçon supplémentaire de la rue de Maufait. Rien ne se perd ! Les travaux se déroulent, et la réception définitive est faite en 1906.

Entre les deux guerres, on décide de prolonger la rue jusqu’à l’avenue Roger Salengro en passant en droite ligne derrière l’ancienne ferme de Maufait, désormais démolie.

La rue de Maufait en 1919

 Pourtant la rue ne sera viabilisée que dans les années 50, par la pose d’un aqueduc et la construction d’une chaussée définitive à travers des terrains achetés par le CIL qui va bientôt y construire les lotissements qu’on connaît aujourd’hui.

Les lotissements d’après-guerre – Photo Delbecq
 Tous les documents proviennent des archives municipales.