La poste au Carihem

Par une décision du 4 juillet 1963, la municipalité fait l’acquisition d’un terrain de 52 000 mètres carrés au sud est de Roubaix dans une zone située entre les voies de chemin de fer, la rue Boucicaut et la rue du Carihem. Ce terrain doit servir à constituer une réserve foncière pour l’implantation de services publics et, en particulier, d’un centre de tri postal. Cette décision est déclarée d’utilité publique en 1964. Cinq ans plus tard, une délibération municipale conduit à la cession de 47 000 mètres carrés de cet ensemble aux PTT pour édifier ce centre destiné à l’expédition des nombreux colis et catalogues en provenance des entreprises de vente par correspondance. Ce terrain est particulièrement adapté à sa destination, car, situé à proximité immédiate des voies de la gare du Pile, il est constitué essentiellement de jardins et de terres agricoles.

La zone en 1971 – photo IGN
La zone en 1971 – photo IGN

La première tranche des travaux démarre en 1973. On coule la plate-forme destinée à supporter les voies et les quais d’embarquement. Le trafic progressant d’année en année, il faut voir grand : on prévoit huit voies ferrées et quatre quais, ainsi que quatre voies de garage. Cette première tranche, comprenant les quatre premières voies, verra également la construction d’un bâtiment administratif provisoire en attendant des installations définitives. Le site abrite déjà le central téléphonique du Pile, construit récemment.

Les travaux de la première tranche – Photo la Voix du Nord
Les travaux de la première tranche – Photo la Voix du Nord

Il n’est que temps ! les entreprises par correspondance roubaisiennes ont expédié l’année précédente plus de 16 millions de catalogues et 22 millions de paquets, ce qui représente la moitié des envois du département. Les entreprises trient elles-mêmes leurs paquets qui parviennent au centre dans des sacs postaux prêts à l’expédition. Ceci représente jusqu’à 40 000 sacs et 80 wagons par jour, traités jusque là par le centre considéré comme vétuste de la rue de Menin, dans la gare annexe de l’Union. Le nouveau centre pourra, lui, expédier jusqu’à 160 wagons quotidiennement. Dans un premier temps, le centre traitera les paquets de Roubaix-Tourcoing, ainsi que les plis non urgents du département, triés jusque là à Lille. Une photo de 1976 ne montre toujours que quatre voies, alors que les 8 sont en service en 1978.

Le site en 1978 - photo IGN
Le site en 1978 – photo IGN

Cette année là voit une demande de permis de construire pour une extension au central téléphonique du côté de la rue Boucicaut. Le bâtiment existant (bâtiment blanc sur la photo) va quasiment doubler de surface. Par ailleurs, le centre de tri s’enrichit d’un nouveau bâtiment, qui s’élève le long du pont du Carihem.

Le nouvel ensemble - Document archives municipales et IGN 1982
Le nouvel ensemble – Document archives municipales et IGN 1982

En 1992 on termine de nouveaux aménagements : une plate-forme routière, construite le long de la rue Boucicaut, à l’intérieur de la boucle formée par l’ancienne voie allant vers la frontière par Wattrelos. Elle comporte 10 quais de déchargement et 37 quais de départ, et est destinée à diminuer la charge de l’ancien bâtiment arrivant à saturation. L’ensemble passe de 5 à 12 hectares. La Poste anticipe là un virage vers le tout-routier par abandon de l’acheminement ferroviaire. Les anciens sacs postaux sont désormais remplacés par des conteneurs, sortes de chariots filoguidés automatiquement entre le camion qui le livre et celui qui l’emporte. Aussitôt terminé, cet équipement est testé au mois de mars en grandeur nature à son débit maximum.

La nouvelle plate-forme – Document Nord Eclair.
La nouvelle plate-forme – Document Nord Eclair.

L’inauguration est prévue pour l’été, mais une grêve des poids lourds la repousse. C’est en septembre qu’Emile Zuccarelli, ministre des Postes et Télécommunications, se fait déposer en hélicoptère sur la plate-forme même, où il est accueilli par M. Dilligent. Parmi les invités, les responsables des principales maisons de vente par correspondance, qui viennent visiter ce fleuron de l’automatisation unique en France.

Photo Nord Eclair.
Photo Nord Eclair.

Les photos aériennes postérieures successives montrent d’abord la végétation croître sur les voies ferrées de la plate-forme, puis la disparition de celles-ci en même temps que de celles constituant le faisceau marchandises de la gare du Pile, dont une grande partie des emprises est finalement occupée par les bâtiments de Camaïeux. La plate-forme reçoit aujourd’hui des remorques routières en attente de chargement.

Le site aujourd'hui – Photo IGN
Le site aujourd’hui – Photo IGN

 

Embranchés rue de l’Ouest

Après l’établissement de l’embranchement desservant l’entreprise Dujardin, un autre négociant en charbons, M. Delcroix-Planquart, après accord avec la compagnie du Nord, demande l’autorisation en 1890-1892 d’établir un raccordement de voie traversant la chaussée moyennant un droit annuel de 1000 Francs. L’embranchement devra être fermé par une barrière cadenassée, sauf lors du mouvement des wagons. La ville s’oppose d’abord à l’installation de cette traversée à niveau, répugnant à concéder une partie de l’espace public à un particulier, puis finit par accepter la pose de la voie en 1893. On prévoit ici également la construction de deux cuvettes d’égout aux frais de M. Delcroix.

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L’embranchement des établissements Delcroix. En bas, la plaque tournante d’accès

 Le négoce de charbons du 47 est repris avant la guerre les établissements Mulliez-Delcourt. On retrouvera ce commerce jusque dans les années 70. Durant cette période, la plaque tournante est remplacée par un pont à secteur visible sur la photo aérienne de 1962. On y distingue la voie qui traverse le bâtiment perpendiculaire à la rue, et qui sort dans la cour, desservie par une plaque tournante.

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Document IGN – 1962

 L’entreprise est ensuite remplacée par un casseur de voitures. En 1973, la ville reçoit une demande de démolition pour des locaux industriels situés à cette adresse. Ces locaux sont constitués de hangars et de maisons, dont une vieille bâtisse située sur la rue. On trouve aujourd’hui à cet endroit un groupe de maisons récentes, le hameau du Fresnoy.

Une autre entreprise, la scierie Moïse Rogier fait construire en 1906 un quai de déchargement pavé de 30 mètres de long sur les emprises de la gare, et des barrières permettant d’y accéder directement depuis la rue de l’Ouest. Ces barrières seront remplacées par des portes roulantes en 1923. La scierie elle-même est située plus haut dans la rue d’Epinal. Elle n’a pas changé de nom jusque dans les années 1990. Sur son quai, on a déchargé les animaux destinés à l’abattoir jusque dans les années 50-60. Après 90, ce quai a finalement été démoli pour faire place à l’école Afobat.

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La barrière d’accès

En 1923 La SNCF pose une voie supplémentaire le long de la rue de l’Ouest « pour faciliter la desserte des embranchements particuliers… ». Pour cela elle construit un mur de soutènement.

Cette même année, la société Dubois, Dhont, et Finart demande l’installation d’un portillon permettant d’accéder directement depuis la rue de l’Ouest à ses bureaux, installés sur un emplacement loué dans la cour des marchandises, moyennant la construction d’un escalier qui escaladera le talus. La société Dubois restera implantée très longtemps sur l’emprise de la gare, jusqu’au déclin de celle-ci et à la disparition de son service marchandises.

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 Autre embranché, on trouve en 1892 au 14-16 de la rue les établissements Petit père et fils, eux aussi négociants en charbon. Leurs entrepôts sont situés quai du blanc-Seau à Tourcoing.

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Néanmoins, cette société se raccorde aux voies SNCF derrière la halle petite vitesse grâce à un embranchement particulier qu’on trouve représenté sur un plan de la gare de 1906 :

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Dès avant la première guerre, c’est la société Lepoutre-Six qui a prend la suite. Sur l’en-tête, seuls les bureaux sont au n°16, le chantier reste situé quai du Blanc-Seau à Tourcoing. mais l’embranchement reste utilisé sur place. Une photo aérienne de 1962 semble montrer un autre chantier charbon en face, de l’autre côté rue de l’Ouest.

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Document IGN

 Pour donner accès aux zones de stockage, en contrebas des voies, on dut faire établir un « ascenseur pour wagons » qui permettait de descendre ceux-ci depuis le niveau des voies de la gare jusqu’à celui de la rue de l’Ouest.

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Publicité 1966

  En 1977 on trouve au numéro au 16 les sociétés Maplex-Nord, matériel pour horticulteurs et Delespierre-Leman, correspondants SNCF, installés également au 37-39. Aujourd’hui, toute cette partie à droite de la rue a fait place à une pelouse.

 Les documents proviennent des archives municipales.

 

Un premier embranché à la petite vitesse

Lors de la construction de la gare en 1888, la compagnie des chemins de fer du Nord établit une rue débouchant sur la rue de Mouvaux pour desservir la cour des marchandises dite de la « petite vitesse », dévolue aux transports non urgents et bénéficiant, puisque acheminés plus lentement, d’un tarif préférentiel. Cette rue, future rue de l’Ouest, est pavée et la municipalité offre, au début des années 1860, de l’incorporer au réseau public et d’assurer son entretien. Elle la prolonge jusqu’au chemin du Fresnoy et demande à la compagnie de chemin de fer de reporter l’entrée de la cour des marchandises au débouché de cette voie.

La rue de l’Ouest sera traversée par des embranchements particuliers, voies ferrées établies sur le domaine public pour permettre aux wagons d’être déchargés directement dans l’enceinte de l’entreprise raccordée sans perte de charge. Une photo aérienne de 1962 nous permet de situer le premier de ces embranchements.

 embranchements-96dpiDocument IGN

 La photo montre le long de la passerelle le raccordement des établissements Dujardin. Un wagon tombereau stationne sur la plaque tournante permettant l’orientation à 90 degrés nécessaire à la desserte de l’embranchement et, dans l’enceinte de l’entreprise, deux autres plaques permettant de faire pénétrer les wagons sous les hangars de stockage. On distingue également un autre embranchement traversant la rue de l’Ouest au droit des établissements Mulliez-Delcourt, primitivement établi pour la société Delcroix-Planquart. Nous en reparlerons dans un prochain sujet.

Ces deux embranchements apparaissent sur le plan des voies de 1906:

1906-96dpiPlan compagnie du Nord 1906

Observons ce raccordement, établi très tôt, dont on voit l’origine dans la cour de la petite vitesse devant la halle :

plaques-RBX_MED_CP-96dpiDocument médiathèque de Roubaix

Dès 1862, la société Dujardin et Douterluigne, installée face à la gare, à l’angle de la future rue du Fresnoy, demande un raccordement aux voies marchandises de la compagnie du Nord, qui traverserait le chemin d’accès à la gare. Cette voie est établie, mais elle produit une cassure dans la pente de la chaussée et l’eau s’accumule à cet endroit. La société est contrainte en 1867 d’installer à ses frais une bouche d’égout pour évacuer les eaux stagnantes. En 1903 s’installe au 37 une brasserie, sous le nom de Dujardin et Delemazure, brasseurs. En 1912 est construit un bâtiment à usage d’écurie.

La raison sociale change et devient en 1921 la société anonyme « Les charbonneries du Nord ». Celle-ci s’oppose alors au versement d’une redevance concernant la voie ferrée, au prétexte que la voie ferrée a été établie plus d’un an avant que la rue de l’Ouest fasse partie du domaine public. La municipalité rétorque que l’autorisation d’utiliser le raccordement était révocable à out moment ; finalement l’affaire s’arrange.

En 1927 c’est sous la dénomination de « société anonyme des charbonnages » qu’est envoyée une demande pour construire sur le chantier un hangar de 300m2, les bureaux sont toujours 1 rue du Fresnoy. Dix ns plus tard, la société, redevenue « Dujardin » propose d’installer transversalement à la rue de l’Ouest une conduite pour récupérer dans leur propre aqueduc les eaux pluviales qui s’accumulent à la plaque tournante située dans les emprises de la gare, et qui dessert leur embranchement.

RA1955Dujardin-96dpiDocument archives municipales – 1955

 En 1946 a lieu l’installation de la société Crépy pneus au 37-39. Monsieur Crépy épousant une demoiselle Dujardin, le terrain est séparé en deux, l’activité pneus est enclavée dans l’entreprise de charbons. On est contraint de démolir deux belles maisons le long de la rue de l’Ouest pour agrandir la cour aux combustibles.

Crepy 1948-96dpiDocument archives municipales – 1948

Dans les années 1970-1980, c’est la fin du commerce des charbons. A sa place s’installent les transports Delespierre et Leman, remplacés ensuite par Nordisk France (toujours un transporteur). A cette époque disparaît la voie de raccordement, devenue inutile après plus de cent ans de service.