Une rue en mitoyenneté

Partant de la route de Lannoy à son extrémité roubaisienne, un chemin suit depuis toujours la limite entre Roubaix et Lys, puis entre Roubaix et Hem. On l’appelle le chemin vert. Après avoir contourné la ferme des Hauts Champs, il vient rejoindre le chemin n°9 à hauteur de l’actuelle rue Brossolette.

Plan cadastral 1926

Plan cadastral 1926

Plan cadastral 1926

En 1903, son extrémité proche de la rue de Lannoy est encore un chemin de terre dénommé rue verte. Il part du carrefour de la Justice et aboutit dans les champs après avoir dépassé la rue Leconte-Baillon, qui a pris ensuite le nom de Jean-Jacques Rousseau à son extrémité. A cette époque, le chemin est bordé en partie de constructions et sa largeur est de 10 mètres. La limite entre les deux communes passe par l’axe du chemin, qui porte deux noms, rue Catinat côté Lys et rue verte pour sa moitié roubaisienne.

La commune de Lys propose cette même année de paver la rue sur 270 mètres avec une largeur de 6 mètres à parts égales avec Roubaix. Lys ne demanderait pas de participation financière des riverains, à la différence de Roubaix, qui a cette habitude. Par contre, Roubaix qui souhaiterait que le pavage soit posé sur 8 mètres de largeur.

Plan de 1903

Finalement, les deux municipalités n’arrivant pas à se mettre d’accord, la rue n’est pavée que sur sa moitié lyssoise. Du côté roubaisien, elle doit se contenter d’un revêtement de scories. Ce n’est finalement qu’en 1957 que les deux villes s’accordent, et La Voix du Nord nous montre les travaux en cours pour revêtir cette chaussée. Notez en arrière-plan la fabrique de tapis.

Photo La Voix du Nord 1957

Photo La Voix du Nord 1957

Photo La Voix du Nord 1957

Une importante entreprise, la briqueterie Delcourt, vient s’installer très tôt à l’extrémité et dans l’alignement de la rue du chemin vert, ainsi qu’une usine textile côté Lys, la manufacture française de tapis et couvertures. D’autre part, la teinturerie de la Justice se trouve côté Roubaix entre les rues de Lannoy et Jean-Jacques Rousseau. Elle finit, à force d’extensions à englober les constructions jusqu’au coin et à s’étendre dans la rue Jean Jacques Rousseau.

Une photo de 1950 nous montre que l’entreprise de tapis s’est agrandie en traversant la rue avec des bâtiments du côté roubaisien.

Photo IGN 1950

Photo IGN 1950

Photo IGN 1950

Ces bâtiments existent encore de nos jours, à la différence de la partie lyssoise qui a disparu pour faire place récemment à un lotissement. La briqueterie disparaîtra elle aussi au début des années 60 pour céder la place à de grands ensembles constituant aujourd’hui le quartier des Hauts-Champs. Seule a survécu la teinturerie, qui exerce encore son activité aujourd’hui.

La teinturerie et l'extension de l'usine de tapis – photos Jpm

La teinturerie et l’extension de l’usine de tapis – photos Jpm

La teinturerie et l’extension de l’usine de tapis – photos Jpm

Parallèlement aux entreprises la rue comptait plusieurs débits de boisson dont deux sur Roubaix. Le premier, situé au coin de la rue de Lannoy est devenu le PMU de la Justice ; l’autre, au coin de la rue Jean-Jacques Rousseau avait pour enseigne le café des Archers. Il a disparu, englobé par la teinturerie de la Justice.

Le café des archers, en 1945 et aujourd'hui – Photos coll. Particulière et Jpm

Le café des archers, en 1945 et aujourd’hui – Photos coll. Particulière et Jpm

Le café des archers, en 1945 et aujourd’hui – Photos coll. Particulière et Jpm
Les autres documents proviennent des archives municipales

Des cubes pour le dernier carré

Un dernier espace pour bâtir Photo Nord Éclair

En Janvier 1964, le CIL, la société roubaisienne d’habitations ouvrières et la caisse fraternelle de capitalisation confient à l’architecte Robert Puchaux la conception d’un nouveau groupe d’habitations, qui se situeront dans le dernier espace libre de la plaine des hauts champs, entre la rue Joseph Dubar et la rue Degas. Oubliées les grandes barres collectives, les quatorze bâtiments abriteront chacun quatorze logements, soit en tout 224 appartements de types différents : 112 type 2, 56 type 3, 56 type 4. Le nouveau groupe sera doté d’un centre commercial qu’on bâtira en son milieu. La cité du chemin vert se dressera entièrement sur le territoire roubaisien.

Le chantier en janvier 1965 Photo Nord Eclair

Un an et demi plus tard, le samedi 22 mai 1965, on procède à l’inauguration du groupe du chemin vert, réalisé par la société anonyme roubaisienne d’habitations ouvrières pour le compte du CIL,  entre les rues Degas, Dubar, Michelet, et Pranard. Les immeubles sont présentés comme des points de ponctuation, d’où leur appellation de ponctuels, sur une surface de 40.500 m². Ils sont équipés du chauffage central. Il est possible de visiter le logement témoin tous les jours du 22 au 30 mai.

Au moment de l’inauguration Photo Nord Éclair

Le nouveau groupe reçoit les éloges de la presse : architecture sobre et moderne, tourelles qui ne manquent ni d’élégance, ni d’originalité. Le logement témoin a été aménagé par Mme Robert Delannoy, épouse du Président du CIL. Le maire de Roubaix, Victor Provo inaugure le nouveau groupe en présence de M. Bourgin secrétaire général de la préfecture, et Robert Delannoy le Président du CIL de Roubaix Tourcoing. Celui-ci présente le groupe du chemin vert comme une transition entre la cité des Hauts Champs et  les logements futurs du groupe Longchamp. Il annonce un vaste programme d’équipements : le petit centre urbain de l’avenir comprendra des sections commerciales, administrative, une gare d’autobus, une place du marché. Il y avait donc confusion : le centre commercial sera pour Longchamp, non pour le chemin vert. Sont également prévus deux groupes scolaires, des cabinets médicaux, un centre socio culturel, un foyer de jeunes travailleurs, une maison des jeunes, un grand terrain de sports volley, basket, athlétisme, une piscine, une patinoire…

Le logement témoin Photo Nord Éclair

En contre point, Victor Provo souligne les besoins énormes de la ville de Roubaix, et il éprouve quelque amertume devant les chiffres : seulement 16.000 logements pour 400.000 personnes !  Il signale les lenteurs pour les opérations en cours : on a démoli 2500 logements sur le quartier Anseele et on a construit seulement 900 appartements, quatre ans après ! Il faut continuer la rénovation des quartiers, c’est pour lui une priorité. Il rend toutefois hommage à la belle réalisation de ce groupe du chemin vert, dont la mise en location interviendra au cours du second semestre de l’année 1965.

D’après Nord Éclair et Nord Matin