Et le bus remplaça le tram

En 1951, cela faisait plus de 70 ans que les tramways desservaient les différents quartiers de Roubaix. En effet, du 3 décembre 1880, datait la première concession accordée par l’État à la Compagnie Anonyme des Tramways, qui fut en faillite deux ans plus tard. Lui succédèrent la Compagnie Nouvelle des Tramways, puis l’Électrique Lille Roubaix Tourcoing, laquelle exploitait également les lignes du Mongy.

La Compagnie des Tramways Coll Particulière
La Compagnie des Tramways Coll Particulière

En 1950, l’ELRT demande le relèvement des ses tarifs . Cette question est débattue en conseil municipal, et l’on arrive à envisager d’autres types de transports plus adaptés à l’ouverture de nouvelles lignes que les tramways. Le 14 avril, une commission est désignée pour étudier une réforme des moyens de transport. Cette commission sera inter municipale, Roubaix et Tourcoing, mais inopérante. Le problème du déficit de la compagnie allant en croissant, une augmentation est accordée en 1950, à hauteur de 35 % des tarifs.

Compagnie ELRT Coll Particulière
Compagnie ELRT Coll Particulière

La baisse du nombre de voyageurs explique en partie ce déficit. Le matériel coûteux en entretien et en énergie électrique est une autre raison. La Compagnie tente une première expérience et des autobus sont donc utilisés pour remplacer les lignes S et M, ce qui permet d’économiser une trentaine de millions. Déjà la ligne S (Place de la liberté jusqu’à Hem) n’est plus qu’un souvenir : supprimée le 2 avril 1951, elle passait par la rue du coq français, bifurquait rue Jules Guesde, rue Jean Goujon, passait devant le parvis St Jean Baptiste, empruntait les rues Lesueur, Ingres, Larochefoucault, traversait la place du travail, repartait rue Henri Régnault et avenue Gustave Delory jusqu’au boulevard Clémenceau avant d’atteindre la place de la République à Hem.

Tramways sur la Grand Place Photo NE
Tramways sur la Grand Place Photo NE

En juin 1951, le conseil municipal roubaisien souhaite l’arrivée des autobus. Le 27 avril 1952, un protocole d’accord concernant la prorogation de la concession et la modernisation des réseaux est signé entre les maires de Roubaix et Tourcoing et la société ELRT, qui valide entre autres décisions la transformation des lignes de tramways en autobus, selon un calendrier pré établi. Première étape : les lignes D, G, H, LN et R seront desservies par des autobus, il est prévu d’en acheter 34 et de construire un dépôt de remisage de 60 véhicules attenant au dépôt de l’Union. La deuxième étape prévoit la transformation des lignes A, B, C, C barré, l’achat de 33 autobus, et l’agrandissement du dépôt de l’Union pour une capacité de 100 véhicules. Les concédants, donc les villes, achètent les autobus, et la société les entretient et les exploite.

Dernières images des trams Photo NE
Dernières images des trams Photo NE

En avril 1953, la presse annonce qu’en mai prochain, les lignes de tramways D G et H seront remplacées par des autobus qui seront présentés aux administrations municipales de Roubaix et de Tourcoing, concessionnaires de ces lignes. A l’issue de la présentation, il est procédé à la visite du dépôt rue de l’union. A Roubaix, le bus de démonstration est en stationnement sur la grand place, extrait du groupe des seize livrés à l’ELRT. Ce sont des chaussons APH2522 avec un moteur panhard 4 Cylindres 110 CV comportant 90 places. Ces véhicules sont plus spacieux et plus confortables que ceux qui circulent sur les lignes S et M. Ils bénéficient notamment des derniers perfectionnements, parmi lesquels un frein électrique ajouté permettant d’éviter les secousses de coups de freins trop violents.

La présentation des bus en présence de Victor Provo Photo NE
La présentation des bus en présence de Victor Provo Photo NE

On se promène un peu, pour tester les nouveaux moyens de transport, notamment rue de Lannoy, en présence du directeur de l’ELRT M. Lanceplaine, du maire Victor Provo et de ses adjoints, du secrétaire général de mairie Clérembeaux, de M. Lauwick officier de police, et le chauffeur s’appelle Robert Patras.

Bus de la ligne 15 Photo NE
Bus de la ligne 15 Photo NE

Nouveaux bus, nouvelles lignes. La ligne 15 (place du Crétinier place du Travail) remplace le tram G, sans grandes modifications : son trajet passe par la rue Casterman, puis par la rue de Cartigny, le boulevard de Metz, la rue Daubenton, la place Fosse aux chênes, la rue de Alma à l’aller, la ue Blanchemaille au retour, la gare de Roubaix, les rues de l’alouette et de l’épeule, les boulevards Montesquieu, de Cambrai, Douai, Lacordaire et de Lyon. De gros changements interviennent pour le remplacement du tram D, par la ligne 17 (Mouvaux à Leers en passant par la grand place de Roubaix), et par la ligne 18 (Grand place, Avenue motte par le boulevard de Fourmies). Les deux lignes 17 et 18 ont un arrêt fixe sur la grand place devant l’église St Martin où s’arrêtait autrefois le tram H.

Les nouvelles lignes annoncées Photo NE
Les nouvelles lignes annoncées Photo NE

La ligne 17 (Leers Mouvaux,) emprunte désormais les rues du Général de Gaulle, Victor Hugo aller, rue de Roubaix retour, rue de Roubaix, rue de Leers, boulevard Beaurepaire, rue Pierre de Roubaix, boulevard Gambetta, Grand-rue aller, rue Pierre Motte retour, Grand place, rues du Général Sarrail, du grand chemin, de Mouvaux, rue de Roubaix à Mouvaux. La ligne 18 relie la Place de Roubaix à l’avenue Motte, par les rues du Maréchal Foch, du moulin, claude lorrain, par la place du travail, et le boulevard de Fourmies. De nouvelles cartes d’abonnement sont à la disposition du public, et peuvent être retirées exceptionnellement gratuitement.

Bus de la ligne 17 Coll Particulière
Bus de la ligne 17 Coll Particulière

Ces changements entraînent déjà des doléances : la ligne D a été scindée en deux tronçons, ce qui implique un changement pour les fillettes de l’institut Sévigné, autrefois déposées par le D quasiment à la porte de leur établissement. Elles doivent à présent rejoindre leur établissement à pied de la Grand Place en empruntant les rues du Général Sarrail et du grand chemin rendues dangereuses par la circulation. Ce qui soulève des plaintes de la part des parents. Par ailleurs, une pétition est lancée sur les conséquences onéreuses pour les usagers de l’ex tram D, et plus spécialement les habitants du Nouveau Roubaix, qui se voient appliquer une augmentation du coût de 33 à 50 % du trajet du fait du nouveau sectionnement, sans pour autant faire un mètre de plus !

Bus ligne 18 Collection Amsterdam Rail
Bus ligne 18 Collection Amsterdam Rail

La modernisation du trafic n’entraîne aucune critique : dans les rues encombrées, le tramway est devenu une gène et un danger. Prisonnier de ses rails, il ne possède aucune liberté de manœuvre, sans parler du danger des caténaires chargées de courant. Les changements de parcours sont improbables sinon impossibles, car très coûteux en chantiers et matériels. Déjà, des demandes sont faites pour l’amélioration du service : on a fait bâtir une nouvelle cité qui n’est plus desservie par la ligne 18 ! Il suffirait de la prolonger par la rue Édouard Vaillant, et l’avenue Gustave Delory jusqu’aux Trois Baudets ! Le Nouveau Roubaix est en pleine construction, la cité de la Gare de débord et bientôt les immeubles HLM derrière les vieux HBM nécessiteront une desserte plus importante. On suggère également de remplacer le parcours Sarrail Grand chemin par celui de l’avenue Lebas. On propose que la ligne 18 soit allongée jusqu’au Pile et aux Trois Ponts, et la construction du lycée Van Der Meersch ne fait que renforcer cette proposition. De même, l’ex G, devenu la ligne 15, pourrait aller au-delà du Crétinier vers la vieille place de Wattrelos ? Et au delà de l’épeule, vers le quartier St Pierre à Croix avant de revenir vers Barbieux ? On évoque même une ligne par les boulevards de ceinture, quand ils se rejoindront !

Les bus à la gare de Roubaix Coll PhW
Les bus à la gare de Roubaix Coll PhW

Pas de changement immédiat pour les lignes A, B et C, ni pour le Mongy, pour lequel on annonce quand même un déplacement des lignes sur le futur terre plein central du bd leclerc, avec terminus devant le café du Broutteux ? On restaure déjà la voie du Mongy à hauteur de Motte Bossut. La deuxième étape fatale pour les tramways entrera en vigueur en 1956.

à suivre

Sources

Nord Éclair, Nord Matin, Amitram, Archives Municipales Roubaix

Le mairie-bus

A la fin des années quatre-vingt, il y avait chez les élus une volonté de décentraliser les services, car il fallait désengorger l’hôtel de ville. Pour une fiche d’état civil, il arrivait qu’on fasse la queue pendant une heure trente. Par ailleurs, le personnel n’était pas polyvalent, on fonctionnait quasiment à un guichet par opération (fiches d’état civil, cartes d’identité,…).

Avant qu’on parle de mairie de quartier, il y eut d’abord l’expérience des mairie-bus en 1989.  Le service mobile existait déjà, avec les camions de radioscopie, ou le bibliobus de la médiathèque. Il y avait l’idée de cibler certains quartiers, estimation des besoins, pour une future implantation de mairie annexe.

Le mairie-bus d'Amiens Photo NE
Le mairie-bus d’Amiens Photo NE

Dans un premier temps, on teste les points de chute, pour savoir quels sont les lieux les plus favorables pour le service à la population. C’est ainsi qu’il y aura neuf points de chute au départ : devant la salle de sports Oran Cartigny, rue du Stand de tir au Carihem, face au centre social des Trois Ponts, devant le magasin l’Usine pour les Hauts Champs, face au centre médico-social du boulevard de Fourmies pour le Nouveau Roubaix, face au supermarché Unico rue Jules Guesde pour Moulin Potennerie, face au magasin Gro de la rue de l’Epeule, face au centre social du Fresnoy Mackellerie, et face à la Madesc rue de Flandre au Cul de Four. Notre témoin se souvient que la permanence de la rue Jules Guesde face au parking Unico n’a pas fonctionné, et on ne l’a pas gardée.

Un nouveau poste avait été créé, celui d’agent pilote. Ce service nécessita que le personnel suive une formation,  pour devenir polyvalent, autant pour conduire le véhicule, que pour les démarches administratives, Dans le mairie-bus, il n’y avait qu’un seul agent, il fallait prévoir, les congés, les maladies, les remplacements. On tournait une semaine sur trois, Les autres semaines, on travaillait  au cimetière, ou à la comptabilité. Les trois agents pilote de l’époque étaient Bernard Souxdorf, Guy Carlier et Alain Gellé.

Intérieur du mairie-bus Photo NE
Intérieur du mairie-bus Photo NE

Un seul agent donc pour le bus, qui était équipé d’un radio téléphone. A l’intérieur, une salle d’attente, deux banquettes, le bureau de l’employé, une porte pour sortir. Une petite gâchette en cas de souci, et  les portes se ferment automatiquement. Pas d’argent dans le bus,  on ne traitait que de l’administratif : délivrance de sortie du territoire, certificats d’hérédité, copies certifiées conforme, fiches d’état civil. Pas d’acte de naissance, il n’y avait pas d’informatique à l’époque. On venait passer commande, c’était transmis à l’état civil et les gens recevaient dans les 48 heures.

Le mairie-bus roubaisien Photo Ville de Roubaix
Le mairie-bus roubaisien Photo Ville de Roubaix

Un an après, le point c’était positif, plus au sud qu’au nord. Restait le problème l’accessibilité pour les handicapés, raconte notre témoin, alors on descendait du bus. Ça a duré de 1989 à 1991 pour le secteur Fourmies. L’arrêt devant le centre médico-social fonctionnait bien. Là on allait pouvoir installer une mairie de quartier.

Le mairie-bus fut encore utilisé lors d’une nocturne pour l’inscription sur les listes électorales. Il stationna à côté de la salle Watremez, où se déroulait un concert de raï. Si on s’inscrivait, on avait une ristourne sur l’entrée du concert. L’opération n’eut pas vraiment de succès : 11 inscriptions seulement ! On ne pouvait pas parler de « merry bus ».

Remerciements à Alain Gellé et Gérard Vanspeybroeck pour leurs témoignages