Boulevard de ceinture

En 1887 naît un projet d’ouverture d’un boulevard reliant la gare du Nord-Est (Gare du Pile) au parc Barbieux. Ce boulevard doit constituer la ceinture sud de Roubaix. Il se raccordera à l’extrémité de la rue Lacordaire, qui sera élargie à 20 mètres et, prendra, pour l’occasion l’appellation de boulevard.

Pourquoi ce boulevard ? Le directeur de la voirie municipale l’explique dans une note de 1889. Il s’agit selon lui d’enrayer la tendance des industriels à aller implanter leurs usines dans les communes voisines, alors que Roubaix dispose de nombreux terrains potentiels, malheureusement dépourvus jusque là de voies d’accès. Il faut créer une grande artère pour desservir le sud de la ville. Par ailleurs, il serait intéressant que son tracé suive le cours du riez des trois ponts, dans lequel commencent à se déverser les égouts , et qui, pour des raisons de santé publique, sera prochainement à recouvrir. L’existence d’une voie tracée à proximité faciliterait les travaux à prévoir. Restent à fixer les détails du tracé.

A cette époque, les familles Deltour et Delepoulle, propriétaires, s’engagent à céder gratuitement à la municipalité une bande de terrain de 20 mètres de large, « située au hameau du Raverdi »

En 1889, les familles Bossut-Plichon et Cordonnier acceptent également la cession gratuite du terrain nécessaire au percement, mais entendent en fixer le tracé : le futur boulevard devra passer au moins à 15 mètres de l’angle sud de la maison de M. Bossut-Plichon (au croisement du chemin d’Hem), et entre les « magnifiques parcs de MM. Cordonnier et Bossut ».

Plan de 1884 surchargé du tracé du boulevard et du nom des voies existantes

 En effet, le tracé du boulevard va devoir tenir compte de l’existant et s’insérer entre les grandes propriétés qui constituant cette partie de Roubaix, et, en particulier celles de Louis Cordonnier (domaine des prés), et de Jean Baptiste Bossut-Delaoutre (domaine de la Potennerie). On commence par réaliser la percée du boulevard de Mulhouse entre la gare et la rue de Lannoy. La future voie, partant de la rue de Lannoy à l’extrémité du boulevard de Mulhouse va se diriger droit vers les limites de ces propriétés importantes, se glisser entr’elles par un premier angle et contourner le château Bossut-Plichon pour remonter ensuite en droite ligne vers l’extrémité de la rue Lacordaire. Pour cela, il lui faut traverser certaines autres propriétés plus petites, et, en particulier, celle de la famille Destombes, à l’emplacement de la future place du Travail. Les propriétés placées sur le tracé consistent essentiellement en parcs, jardins, prairies, vergers, ainsi qu’en terres agricoles.

Le tracé du boulevard nécessite également la démolition de bâtiments existants : aux abords de la rue de Lannoy, plusieurs maisons appartenant à la famille Dufermont. , et, à l’autre extrémité le bout de la rue Chateaubriand, et quelques bâtiments appartenant à Emile Six-roussel (propriété de Mme Veuve Screpel), au coin des rues Chateaubriand et Lacordaire.

Les bâtiments à démolir

 La déclaration d’utilité publique est signée en 1889. L’arrêté d’expropriation suit immédiatement. Les indemnités sont calculées au début de 1891. A partir de ce moment, on commence à utiliser les dénominations de boulevard de Reims et de Lyon. On lance les adjudications pour la démolition des bâtiments.

Enfin, le boulevard est tracé et nivelé. On y construit un aqueduc et il est finalement empierré. 1909 voit la plantation de tilleuls sur la totalité du boulevard de ceinture. Le revêtement des chaussées est refait en tarmacadam en 1931, bien que la partie du boulevard de Reims située entre la rue de Lannoy et la rue Jouffroy semble avoir été pavée.

Document collection B. Thiebaut
Les autres documents proviennent des archives municipales

 

 

Du moulin à l’école

L’angle du boulevard Lacordaire et de la rue de Barbieux est l’un des plus hauts points de Roubaix : il est naturel qu’on y construise un moulin. D’après Nord Matin, ce moulin de bois est remplacé en 1870 par un autre, construction un peu curieuse de briques couronnée de créneaux, de mâchicoulis, et coiffée d’une échauguette. On peut se demander si ce n’était pas un moulin « de plaisance », plutôt qu’un vrai moulin fonctionnel, dont l’utilité économique en pleine époque du machinisme triomphant, n’aurait pas été vraiment démontrée…

Deux vues du moulin – carte postale médiathèque de Roubaix et Photo Nord Matin

Le parc sur lequel s’élève le moulin, est à la fin du 19ème siècle, la propriété de Paul Masurel. Il est limité par la rue de Barbieux, les réservoirs du Huchon, le boulevard Lacordaire et la rue Anatole France. Une villa importante y côtoie le moulin, au troisième étage duquel le propriétaire aurait installé un bureau. Vers 1890, Paul Masurel demande l’autorisation de construire une grille monumentale et une maison de concierge.

Document archives municipales

Dans les années trente, la propriété est acquise par la Ville, qui installe dans le pavillon M. Bertincourt, surveillant général du service des plantations. Le moulin sert alors de remise pour les outils de jardinage. Malheureusement, un incendie se déclare dans  la tour en 1948. Elle est très endommagée, mais reste néanmoins debout. Une photo aérienne de 1962 montre que le moulin est toujours fidèle au poste, ainsi que la maison du concierge et la grille ouvragée, mais que le « château » a disparu, sans doute victime de l’incendie de 1948 ? Par ailleurs, le terrain de l’ancien parc abrite visiblement des jardins ouvriers.

Le moulin en 62 – Photo IGN

En 1961, on prévoit de construire une école de filles et une école maternelle dans le quartier. C’est l’ancien parc, avec ses jardins ouvriers et son moulin, qui est choisi et qui fera les frais de l’opération. Le projet est mené à son terme, et donne bientôt naissance à l’école Anatole France, dont la cour s’étend désormais sur l’emplacement du vieux moulin…