Les cuisinières Verdière

Au tout début des années 1910, Augustin Verdière reprend l’entreprise J.B.Kesteloot créée en 1871 fabricant de cuisines mais également de coffre-forts. L’entreprise est composée d’un magasin de vente au 59 et 61 Boulevard Gambetta et d’un atelier, et d’un deuxième point de vente au 134 rue Pierre de Roubaix.

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Augustin se spécialise dans la fabrication de cuisinières à carreaux, en faïence et en tôle, au charbon. Les affaires sont florissantes, et il embauche une dizaine d’ouvriers, dans son atelier de production de la rue Pierre de Roubaix. Ses deux fils Alphonse et André viennent ensuite l’aider dans l’entreprise.

cv2-96dpiLe fils d’Augustin, Alphonse Verdière, sa femme Jeanne et leur fille Gabrielle, devant la façade du magasin au 59 61 Boulevard Gambetta en 1922.

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Augustin Verdière décède à la fin des années 1920. En avril 1930 la mairie de Roubaix autorise sa veuve à démolir le magasin en bois du boulevard Gambetta, et à construire une maison en dur, à usage de commerce avec deux étages.

L'ancien magasin, et les plans du nouveau
L’ancien magasin, et les plans du nouveau

Puis survient le décès d’Alphonse au début des années 50. André Verdière reste donc seul à gérer l’entreprise. Les affaires deviennent de plus en plus difficiles, André doit faire face à la concurrence des nouveaux modes de chauffage au gaz et surtout au mazout. L’arrêt de la production de cuisinières est inévitable, et se produit en 1955. L’atelier et le magasin de la rue Pierre de Roubaix ferment définitivement, en 1964 ; le magasin sera transformé en habitation, et l’atelier démonté et remplacé par un jardin d’agrément.

Le magasin avant et après transformation
Le magasin avant et après transformation

Le magasin du Boulevard Gambetta changera complètement d’activité ; il se spécialisera dans le commerce d’articles ménagers, et profitera pleinement du succès des années 60. Cinq personnes étaient présentes dans le magasin pour vendre les casseroles et autres cocottes-minute, surtout le samedi, et lors de la fête des mères.

Après la mort d’André, tous les autres membres de la famille (épouse, sœur, beau frère, nièce…) viendront gérer le commerce et continueront l’activité. En 1977 ils décident de prendre une retraite bien méritée, et donc d’arrêter l’activité. En 1978 le magasin sera cédé, et deviendra un magasin de confections pour homme, avec l’enseigne L’HOM.

Dans les années 80 le magasin sera divisé en 2 parties ( 59 et 61 ). On y trouve aujourd’hui une boulangerie et un assureur.

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Les documents proviennent des archives municipales de Roubaix, de Google view, et d’un collectionneur privé.

L’hôtel des pompiers

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En 1907, le conseil municipal approuve les plans de Louis Barbotin pour la construction d’un nouvel hôtel des pompiers sur un terrain de 1500 mètres carrés sis au coin du boulevard Gambetta et de la rue Pierre de Roubaix. On avait d’abord envisagé un emplacement place Notre Dame, à la place de l’ancien conservatoire de musique, mais les rues avoisinantes, étroites et encombrées n’étaient pas adaptées au passage du matériel d’incendie.

A cette occasion, le Journal de Roubaix réalise plusieurs articles dans lesquels sont présentés dans les détails la compagnie des sapeurs pompiers, ses effectifs et son matériel, laquelle était installée jusque là dans les bâtiments de la mairie. Ces bâtiments sont destinés à une démolition prochaine, un nouvel hôtel de ville devant être construit sous peu.

Les anciens locaux - Photo journal de Roubaix
Les anciens locaux – Photo journal de Roubaix

En attendant la construction du nouveau immeuble, la caserne va être logée provisoirement au 99 du boulevard Gambetta, au coin de la rue Catrice, dans les anciens magasins de M. Vermylen, négociant en cotons. Le journal relate le déménagement et décrit les nouveaux locaux provisoires qui permettent de loger l’adjudant-télégraphiste et deux cochers. Il précise que les autres sapeurs pompiers, titulaires et volontaires logés dans le quartier peuvent être prévenus par une sonnerie électrique qui retentit simultanément dans chacun de leurs domiciles.

Les locaux provisoires
Les locaux provisoires

Le bâtiment définitif permettra de loger 30 pompiers. Il comprendra une salle de gymnastique et une grande cour pour les manœuvres. L’adjudication des travaux a lieu en avril 1908. Le Journal de Roubaix annonce l’année suivante que le gros œuvre est terminé, et loue la silhouette du nouveau bâtiment à qui il trouve grande allure.

L'immeuble en construction – photo JdR
L’immeuble en construction – photo JdR

Notre hôtel des pompiers entame alors une carrière longue et donne satisfaction à tous pendant de nombreuses années. La Voix du Nord publie en 1963, à l’occasion des journées nationales du feu, un reportage ventant l’excellence et l’ultra modernité du matériel employé, que la population pourra apprécier lors de la visite traditionnelle de ce que l’on baptise le « centre de secours ». Le centre comprend à cette époque 80 hommes divisés en deux équipes qui se relaient toutes les 24 heures.

L'évolution du matériel - Photo du bas la Voix du Nord
L’évolution du matériel – Photo du bas la Voix du Nord

Mais le temps passe et les installations, aussi bien prévues soient elles, finissent par devenir insuffisantes et on songe, dans la deuxième moitié des années 70, à les remplacer. Les pompiers vont alors s’installer, boulevard de Mulhouse, dans un nouveau centre terminé en 1983.

La décision est ensuite prise de démolir l’ancien bâtiment. Celui-ci va disparaître en 1985 dans un nuage de poussière. La démolition est entreprise par la société Capon.

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Cette démolition a un but : l’installation de la caisse d’allocations familiales de Roubaix, dont M. Diligent pose la première pierre la même année. Le bâtiment, contribuant selon le journal « à la rénovation du centre de Roubaix », doit accueillir 250 employés en octobre 1986.

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Les documents proviennent des archives et de la médiathèque municipales.

Le Relais Gambetta

Sur une vue du boulevard Gambetta antérieure à 1907 nous remarquons une maison à la basse toiture formant le coin de la rue centrale. Elle possède une porte cochère, et une charrette à bras y stationne. A côté une maison à un étage à trois ouvertures. Le Ravet-Anceau de 1904 indique C. et C. Honoré, mécaniciens, au numéro 100.

Document collection particulière
Document collection particulière

Mais cette activité ne durera guère, car, dès 1906, M. Vermant y tient un commerce de meubles. Il sera suivi en 1910 par M. Vandenbrouck, négociant en charbons, qui cesse son commerce avant 1926.

C’est à cette même adresse qu’apparaît en 1953 une station service dénommée le Relais Gambetta, dont le gérant est R. Corman. C’est l’une des trois premières stations citées à Roubaix dans le Ravet Anceau. Elle comprend la maison basse et sa voisine à étage. Les deux façades seront conservées dans un premier temps en l’état, agrémentées tout de même d’une peinture neuve.

Document archives municipales
Document archives municipales

Mais son aspect change bientôt : on élargit la zone d’accès aux véhicules en perçant une ouverture dans la maison à étage, et on installe un bardage pour unifier et moderniser l’ensemble.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

La station défend les couleurs de la société Shell et aligne fièrement trois pompes manuelles le long du trottoir, de celles qui ne débitaient que par multiples de cinq litres. C’est l’époque où seul le pompiste était autorisé à manoeuvrer bras-levier et tuyau de remplissage. L’intérieur de la station, entièrement carrelé, est ultra-moderne et fonctionnel. Une fosse permet d’effectuer simplement les opérations de graissage, de vidange et d’entretien.

Document collection particulière
Document collection particulière

En 1955 et jusqu’en 1968, le gérant de la SARL du Relais situé aux numéros 96 et 98 est monsieur Vercleven.

Mais c’est l’époque où se réalise le projet de rénovation des îlots insalubres, et l’opération Anseele ne tarde pas à faire disparaître les uns après les autres les constructions situées autour de la station. Une photo aérienne de 1969 nous la montre bien seule sur son coin de rue.

Photo IGN 1969
Photo IGN 1969

Les travaux ne s’arrêtent pas là et c’est au tour de la station de disparaître, alors que les premiers collectifs s’élèvent. Pourtant, le site doit être stratégique pour la compagnie, car on construit une station neuve et plus au goût du jour à quelques mètres de là et sur le même trottoir. Une photo aérienne de 1971 nous montre à droite l’emplacement de l’ancienne station, et la nouvelle en fonction.

Photo IGN 1971
Photo IGN 1971

A la suite de la renumérotation du boulevard due aux multiples démolitions, cette nouvelle station est maintenant située au numéro 44. Présente jusqu’en 1986, elle ferme l’année suivante pour servir de parking sauvage pendant plusieurs années. Elle est finalement démolie entre 1995 et 2000, et l’on plante une pelouse sur son emplacement. Actuellement, c’est un restaurant qu’on trouve à cet endroit.

Photo Google 2016 et document Nord Matin 1965
Photo Google 2016 et document Nord Matin 1965

Le troisième pont

Le remplacement du pont Nickees devient urgent : celui-ci est incapable de faire face à l’accroissement du trafic des années 60, et l’idée des élus est d’ajouter une communication directe entre le boulevard Gambetta et Wattrelos pour désengorger la grand-rue et son pont, trop souvent levé au goût des automobilistes. La reconstruction des ponts de la Vigne et des Couteaux ayant eu la priorité, il est temps de d’envisager une construction nouvelle. Le dernier projet de 1959 porte donc sur un tablier de 30 mètres de large (autant que l’avenue Motte) situé relativement haut, qui se trouvera prolongé à chaque extrémité par des rampes d’accès. La rampe côté boulevard Gambetta sonnera le glas du jardin public installé lors du comblement de l’ancien canal, et déjà très amputé dans les années 50.

L'ancien jardin public. Au fond, le canal – document coll. particulière
L’ancien jardin public. Au fond, le canal – document coll. particulière

La rampe formant une courbe prononcée vers la gauche, va obliger à la démolition d’un groupe de maisons situées à l’angle du boulevard et du quai de Lorient.

Les maisons à démolir - Photo archives municipales - 1953
Les maisons à démolir – Photo archives municipales – 1953

De même, les travaux vont amener à la rectification du tracé de la rive droite du canal, qui présentait au débouché du boulevard un creux permettant aux péniches de faire demi-tour. Ce creux, perdant son utilité, va être comblé et servira d’appui aux piles du futur pont. Le pont doit comporter deux chaussées de 10m50 et un terre-plein central de 3 mètres. On prévoit deux ans de travaux qui incluront la création d’espaces verts. 1962 voit le début des travaux, qui doivent coûter, d’après Nord Matin, près d’un milliard d’anciens francs, financés en grande partie par le fonds d’investissement routier. On commence par démolir les anciennes maisons car, ne l’oublions pas, l’opération doit aussi permettre de résorber l’habitat insalubre.

Les travaux quai de Cherbourg et rue d'Avelghem – Photos La voix du Nord
Les travaux quai de Cherbourg et rue d’Avelghem – Photos La voix du Nord

En janvier 1963, les travaux sont stoppés par le froid, mais ils reprennent dès la fin des gelées à un rythme accéléré. On amorce les rampes d’accès, et on construit les culées et les piliers qui supporteront le tablier.

Photo la Voix du Nord
Photo la Voix du Nord

Puis on coule le tablier dans lequel sont tendus, dans des gaînes, des fils de renforcement. On prévoit quai du Sartel des déversoirs d’orage pour remplacer ceux qui amenaient le trop-plein des eaux de pluie dans l’ancien bassin de retournement des péniches. En 1964 les travaux sont en bonne voie ; le pont et les rampes d’accès prennent forme.

Photos Nord Eclair 1964 et IGN 1965
Photos Nord Eclair 1964 et IGN 1965

Enfin, le pont est inauguré en 1966. La musique de 43ème RI est de la fête, ainsi que le Préfet. Les personnalités parcourent le pont à pied, avant d’être reçues officiellement à la mairie.

Le cortège officiel – photo La Voix du Nord
Le cortège officiel – photo La Voix du Nord

Le terre-plein central reçoit de la végétation, des vasques fleuries y sont implantées. De petits squares avec de la végétation seront ensuite aménagés près des culées du pont. On a prévu des routes passant sur chaque rive pour relier les différents quais en passant par dessous le pont.

Photos archives municipales et Lucien Delvarre
Photos archives municipales et Lucien Delvarre

La construction de ce pont reliant directement les deux villes, consacre l’importance de l’axe formé par le boulevard Gambetta qui, avec l’implantation de Roubaix 2000, a l’ambition de déplacer le centre de Roubaix en l’attirant vers lui.

On construit au Galon d’eau

Après les premiers efforts de l’Office municipal d’habitations à bon marché, les autorités continuent à se préoccuper du logement social, visant la résorption de l’habitat insalubre surtout représenté à Roubaix et Tourcoing par des courées et des forts. Le consortium textile projette de son côté dès 1925 la création de cités jardins. La guerre survient, qui n’arrête pas néanmoins la mise au point de projets. Dès 1943 on fonde le Comité Interprofessionnel du Logement, partant de l’idée que l’état et les collectivités locales ne peuvent à eux seuls tout faire, mais qu’il faut leur allier l’initiative et le financement privés.

Le CIL se propose d’associer les entreprises au financement de logements neufs. Celles-ci verseront une cotisation et une allocation logement proportionnelle au loyer. A partir de 1946, cet organisme devient paritaire et inclut les organisations ouvrières. Le but du CIL est la création de « cités jardins », constituées soit de maisons individuelles possédant un jardin, soit de collectifs insérés dans des parcs verdoyants. On considère en 1945 qu’il y a 12000 logements insalubres à faire disparaître.

Documents Journal de Roubaix 1944 - La Voix du Nord 1945
Documents Journal de Roubaix 1944 – La Voix du Nord 1945

Le bureau d’études du CIL, dirigé par M. Magnan, prépare des plans, mais la réalisation se fera par l’intermédiaire de sociétés d’habitations à bon marché. On constitue à cet effet une société « le toit familial de Roubaix-Tourcoing ». Au programme 1947-1948 figure notamment la construction de 118 logements au Galon d’eau, sur le site de l’usine Allart, fermée en 1935, et dont la démolition a lieu juste avant et pendant la guerre. Le terrain désormais libre entre la place Nadaud et le boulevard Gambetta, on commence par élargir la rue Nadaud pour lui donner la même largeur que les boulevards de Strasbourg et de Colmar qu’elle va relier.

La place Nadaud – avant et après – photos coll. Particulière et archives municipales
La place Nadaud – avant et après – photos coll. Particulière et archives municipales

La réalisation ne traîne pas et les nouvelles constructions commencent à s’élever. On construit des immeubles en formant trois U, un bâtiment s’étendant tout le long de la grand-rue, sur laquelle s’ouvrent 4 commerces. Ces immeubles, bâtis en briques rouges, possèdent un toit à quatre pentes, et constituent un modèle qu’on retrouvera dans les réalisations qui vont suivre, Potennerie, Pont Rouge, …

Photo IGN 1962
Photo IGN 1962

En 1950, 64 logements sont déjà occupés : en novembre 1949, les locataires ont demandé à emménager tout de suite, malgré l’absence des raccordements eau-gaz-électricité. En contrepartie, le CIL diffère la facturation des loyers. Celui-ci sera calculé pour ne pas dépasser le dixième des ressources des ménages.

 

Photo La Voix du Nord
Photo La Voix du Nord

 Les appartements, « où l’épouse attend dans un cadre reposant le mari rentrant de sa journée de travail » (dixit Nord Matin), sont modernes, bien aérés, et bien ensoleillés. Un concierge prendra prochainement son poste. En 1953, ce sera E. Della Vedova, qui habitera le numéro 1, porte D, sur la grand rue. Les magasins ouvrent leur porte. Parmi les commerces installés grande rue, une blanchisserie modèle, à l’instar de celles existant en Amérique. La SARL « Les lavoirs automatiques français » dénommée la « buanderie collective » par Nord Matin en 1950. C’est ainsi que s’installent la crèmerie Spriet, Poucinet layettes, Catteloin, modes. On y trouvera longtemps le magasin d’électroménager Electrolux.

La cité juste après la construction – document archives municipales
La cité juste après la construction – document archives municipales

Le printemps arrivant, on plante la végétation en avril 50, alors que cent logements sont déjà loués. Les jardins, sans avoir les dimensions des parcs de la Potennerie et du Pont Rouge, agrémentent néanmoins l’aspect du lotissement. Ils sont constitués de pelouses ombragées de peupliers. Ce jardin est le domaine des enfants, nous dit Nord Matin.

 

Photo Nord Matin 1951
Photo Nord Matin 1951

 On crée une zone verte en forme de croissant prise sur le boulevard Gambetta dont on remanie le tracé. Cette zone, elle aussi, plantée d’arbres, fait suite au jardin public situé près du pont Nickès.

Document coll. Particulière.
Document coll. Particulière.

 

 

 

 

 

Le peignage des bords du canal

Dès la fin des années 1840, Léon Allart introduit l’un des premiers peignages mécanisés de laine à Roubaix, profitant de l’invention récente de la peigneuse mécanique. Il installe son usine le long de l’ancien canal, comblé ensuite et devenu le boulevard Gambetta, et fabrique également du feutre pour l’habillement (en particulier pour les chapeaux) et l’ameublement.

Document archives départementales
Document archives départementales

Le peignage prend très vite de l’extension et participe à des expositions.

Le journal de Vienne 1905
Le journal de Vienne 1905

Il traverse grèves et incendies, mais aussi la grande guerre.

L'Egalité 1903 et l'Express du Midi 1904
L’Egalité 1903 et l’Express du Midi 1904

L’entreprise Allart devient ensuite Allart-Rousseau, puis la Compagnie Générale des Industries Textiles.

Document collection particulière
Document collection particulière

Mais l’usine, qui a employé jusqu’à 1200 ouvriers, est victime de la crise et doit fermer ses portes en décembre 1935. Le journal de Roubaix annonce en 1937 sa démolition prochaine, mis à part le bâtiment de gauche, relativement récent, qui va être épargné. Le journal évoque plusieurs projets possibles pour occuper le terrain, dont celui d’un lotissement. Il évoque également la possibilité d’élargir la rue Nadaud au même gabarit que le boulevard de Strasbourg. Une grande partie de l’usine est rasée en 1937-38, mais les bâtiments situés de l’autre côté de la rue Nadaud subsistent. Le même journal annonce en 1941 la démolition du cette partie de l’usine.

Documents Journal de Roubaix 1937 et 1941
Documents Journal de Roubaix 1937 et 1941

C’est l’entreprise Vandecasteele, rue du Fresnoy qui procède aux travaux. La démolition se termine par l’abattage de l’ancienne cheminée qui dominait le peignage. Le journal se félicite de l’élargissement de la rue Nadaud « admirablement dégagée, … [elle] ne fait plus qu’un avec le boulevard de Strasbourg, dont elle continue la sobre perspective ».

La cheminée et la rue Nadaud. Documents Journal de Roubaix 1942
La cheminée et la rue Nadaud. Documents Journal de Roubaix 1942

Le bâtiment épargné, près du petit Lycée est aujourd’hui reconverti en Lofts. L’ancienne ruelle des 15 ballots, reliant autrefois la grand rue et le boulevard, existe toujours, même si elle a perdu son nom et son statut dans la voirie urbaine pour devenir le parking privé de la résidence.

L'ancienne rue des 15 ballots, qui desservait l'usine – photo Jpm.
L’ancienne rue des 15 ballots, qui desservait l’usine – photo Jpm.

Sur l’espace libéré par l’ancienne usine vont se construire, au début des années 50, les collectifs du Galon d’eau.

 

Le déplacement du monument

C’est en juin 1990, qu’on apprend le déplacement imminent du monument de Jean Lebas, pour cause d’aménagement de l’interconnexion bus Mongy métro, qui sera installée à proximité de Motte-Bossut. La future station de métro Roubaix 2000 sera la première à être achevée sur le territoire roubaisien. La CUDL demande donc à la mairie de déplacer le monument. Il n’est pas question de détruire, juste déplacer, mais où ?

L’emplacement initial CP Méd Rx

En juin 1945, la notification officielle du décès de Jean Lebas parvient à Roubaix. Le député maire de la ville, ancien ministre, est mort d’épuisement au camp de Sonnenburg en Prusse Orientale, où il était retenu prisonnier. En 1948, un comité a recueilli des fonds pour l’érection d’un monument à sa mémoire. Ce monument se dressera à l’entrée du boulevard Gambetta, à proximité de la Place de la Liberté. Comme la semelle qui supportera le mémorial fait vingt mètres de long sur douze de large, il faudra modifier la configuration du boulevard. A cette époque, le boulevard Gambetta est encore constitué d’une chaussée centrale avec deux terre-pleins latéraux, plus deux bas côtés pavés de 9 mètres de large. Il faudra donc modifier le profil du boulevard, qui aura désormais deux chaussées latérales avec un terre-plein central. Les chaussées pavées seront supprimées. On envisage d’ores et déjà la construction d’un nouveau pont pour relier le boulevard Gambetta avec la place Chaptal. Le réaménagement de la partie du boulevard entre la place de la Liberté et la rue Pierre de Roubaix entraînera une déviation par la rue Bernard (aujourd’hui rue Jules Watteuw) pour les véhicules allant vers le canal.

Configuration initiale du boulevard CP Méd Rx

En janvier 1949, après que le boulevard Gambetta ait été modifié, la construction du monument démarre et on prévoit l’inauguration le 1er mai. L’auteur de l’œuvre est le sculpteur roubaisien Albert Dejaeger, grand prix de Rome, et la Maison Ferret marbrier, 210 Grand-rue, spécialiste de la belle pierre, est chargée du chantier. L’ensemble représente une colonne de douze mètres sur laquelle se trouve le buste de Jean Lebas, vers lequel deux statues allégoriques la France et Roubaix élèvent leurs bras désespérés. Derrière la colonne, une autre figure symbolique représente un ouvrier en tenue de travail. On peut lire sur la colonne qui était Jean Lebas, quel rôle il a joué pendant les deux guerres mondiales. Ce monument est finalement inauguré le 23 octobre 1949, et l’on craint déjà que les inscriptions qui sont en bronze métal, s’oxydent et que le vert de gris se délaie sous l’action de la pluie, en coulées salissantes. Deux ans plus tard, les corps de Jean Lebas et de son fils seront ramenés à Roubaix.

Démontage, numérotation, remontage Photos Nord Éclair

La CUDL avait prévu de démonter le monument, de le stocker pendant trois ou quatre ans, soit la durée des travaux du métro, et de le remonter une fois les travaux terminés. Les roubaisiens ne sont pas d’accord, pour des raisons sentimentales, mais aussi financières. Le coût de l’opération se monte à 50 millions de centimes, et il sera pris en charge par la CUDL, si on le remonte tout de suite. Il faut donc trouver un emplacement de manière urgente.

Après concertation avec le Parti Socialiste, plusieurs propositions sont émises : le mettre à hauteur de la rue Henri Dunant, mais c’est encore trop près de l’installation métro. Le situer à l’angle de la rue Pierre de Roubaix et du boulevard Gambetta près de la Caisse d’Allocations Familiales, sur un terrain lui appartenant. On mettra là un chapiteau de l’ancien hospice Blanchemaille. Autre emplacement proposé : avenue des nations unies sur un terrain situé face au centre d’action sociale  On propose place de la gare, au dessus de la station qui s’appellera aussi Lebas, mais cela masquerait la gare, et la place est trop petite. On parle du Rond Point de l’Europe…Mais on va rester sur le terre plein du boulevard Gambetta, à hauteur de la CAF. Le monument sera retourné vers le pont qui permet d’accéder à Wattrelos.

Le monument Lebas aujourd’hui

En juillet,  l’entreprise Cazeaux de la Chapelle d’Armentières est chargée de démonter, et de numéroter les morceaux du monument. Le monument Lebas est désassemblé comme ces châteaux écossais achetés par des milliardaires américains, dit la presse. Dès octobre, on reconstruit…

La rectification du carrefour

Pour faire face à l’afflux de trafic au carrefour, on se préoccupe dès 1886 de favoriser la circulation des tramways. Devant le conseil municipal, M. Roche défend le projet de dégager l’alignement de la rue Neuve (de nos jours, rue du Maréchal Foch), en démolissant les immeubles entre la rue de Lille et le boulevard de Paris,  pour faciliter le passage des tramways de Lille. En effet, la rue de Lille obliquait alors vers la gauche pour rejoindre la rue Neuve en suivant l’alignement de la rue des Loups. Pour aller à droite en direction du boulevard de Paris, il fallait contourner un groupe de maisons placées dans le prolongement de la rue du Moulin, dont l’axe ne correspondait pas à celui de la rue Neuve.

Cet îlot appartient alors aux hospices de Roubaix, et les immeubles sont loués à un certain nombre de commerçants. On trouve au coin de la rue de Lille (n°1) et de la rue du Moulin (n° 2 et 4) un vieil estaminet à l’enseigne de l’ancienne barque d’or, au nom de M.Desbarbieux. Au n°6 de la rue du moulin, un sellier, M. Dupureur-Barot, au n°8 un négociant en vins, M.Coulon-Cuvelier, et au n°10, un autre estaminet au nom de M.Depauw. Rue de Lille, avant la rue des Loups, il y a une pâtisserie au n°3, au nom de R.Vanhaelst. On voit sur le plan qui suit les cinq commerces concernés et en rouge, le tracé du nouvel alignement.

Le projet en 1911 – document archives municipales

Le projet est pourtant reporté pour des raisons financières, le bail de ces commerçants ne se terminant qu’en 1924, ce qui représente des indemnités conséquentes à verser. En 1910, on reprend l’idée, et les immeubles situés entre la rue de Lille et le boulevard de Paris et appartenant aux hospices de Roubaix sont frappés d’alignement pour dégager les entrées de la rue du Moulin et de la rue de Lille, qui serait ainsi redressée. Les immeubles concernés sont un cabaret au coin du boulevard de Paris loué à M Desurmont, brasseur, et tenu par M. Dubus, un tapissier au n°6, Mme Veuve Rohart, un bourrelier au n°4, M. Dupureur, et l’estaminet de la barque d’or au n°2, au nom cette fois d’Henri Duvillers.. Au n°3 de la rue de Lille se trouve toujours la pâtisserie Vanhelst, et un terrain est loué à la compagnie des tramways de Lille à l’angle du boulevard de Paris.

Par ailleurs, il est également prévu d’exproprier trois immeubles situés au bord du boulevard de Paris, où exercent le boulanger Moreau, le photographe Shettle, et le marchand de vins Grimonprez. Il s’agit en fait de démolir tous les immeubles situés entre la rue de Lille et le boulevard de Paris jusqu’au débouché de la rue des Loups, pour créer une vaste place publique… La commission concernée juge que pour des raisons financières, il vaut mieux s’en tenir à la première partie du projet.

L’estaminet Dubus au numéro 10 – document coll. particulière

La ville reprend les baux et fait évacuer les occupants pour pouvoir démolir, mais Dupureur regimbe : il n’envisage pas d’abandonner aussi précipitamment une maison de commerce aussi bien placée dans l’intersection des plus belles et des plus vitales artères de la ville… La guerre survient, qui repousse les travaux de démolition. Ceux-ci sont finalement réalisés, et l’Écho du Nord nous montre en 1930 une palissade couverte d’affiches et de panneaux publicitaires cachant un terrain vague, et qualifié de véritable lèpre dans le quartier. On voit que les immeubles à l’entrée du boulevard de Paris sont toujours debout.

Le site en 1930 – photo Echo du Nord

En 1932 voit le jour un projet de construction d’un immeuble moderne, et le journal l’Égalité précise que le syndicat d’initiative les amis de Roubaix intervient pour que l’immeuble soit conçu dans le style flamand, bien dans la note locale. On décide aussi de démolir les n° 2 à 10 du boulevard Paris, appartenant à la « foncière des Flandres », avant de construire l’immeuble de rapport. Ces bâtiments, dont on voit le premier sur la photo précédente et qu’on retrouve sur la suivante, abritent au n°2, à l’angle, le pâtissier Vanhelst,  exproprié en 1912 du n°3 rue de Lille, et qui a repris la boulangerie de M. Moreau, le photographe Shettle au n°4, un expert comptable au n°6, suivi des entrepôts du Nord, négociant en vins.

Les immeubles à démolir – document collection particulière

Les travaux vont bon train et l’immeuble prend forme l’année suivante. L’Égalité déclare : par son architecture il se rapproche de l’Hôtel des Postes, tout voisin, et, comme cette construction, il ne manque pas d’élégance.

L’immeuble en construction – photo l’Egalité 1933
Le même, terminé – document médiathèque de Roubaix

Mais l’histoire de ce carrefour ne s’arrête pas là, et nous ne manquerons pas de la détailler davantage…