Une caserne au Pile

La caserne des pompiers du boulevard Gambetta avait bien besoin d’être remplacée : construite en 1910 pour un effectif de 80 sapeurs dotés de pompes à bras et de véhicules d’intervention hippomobiles, elle est notoirement dépassée dans les années 70 lorsqu’il faut accueillir 100 pompiers et un matériel toujours plus nombreux et plus lourd.

L'ancienne caserne - Document médiathèque de Roubaix
L’ancienne caserne – Document médiathèque de Roubaix

On projette donc de la transférer dans des locaux plus vastes et plus commodes. La Communauté Urbaine, pour y installer le nouveau centre de secours, jette son dévolu sur un terrain de 12000 mètres carrés situé au coin du boulevard de Mulhouse et de la rue de Nancy, où est implantée une usine désaffectée. Sur cette parcelle, qui faisait initialement partie des terres de la ferme de Courcelles, démembrées par les ouvertures du boulevard de Mulhouse et des rues de Nancy et Victor Hugo, s’installe dans les années 1910 une teinturerie, la société anonyme Grulois-Gaydet qu’on retrouve au 34 boulevard de Mulhouse jusque dans les années 60. Une large bande de terrain longeant la rue de Nancy est jusqu’entre les deux guerres dévolue à des jardins ouvriers, avant d’être absorbée par l’usine.

Documents IGN
Documents IGN

L’usine, devenue en 1970 la teinturerie sur textiles Jean Lagrange et Cie, ferme dans les quelques années qui suivent. La friche est le théâtre de deux incendies à quinze jours d’intervalle en 1978 : le premier, un feu de plancher, est suivi d’un autre qui embrase 150 mètres carrés de toiture. Les journaux ne manquent pas de remarquer que les pompiers interviennent à l’emplacement même de leur future caserne. L’usine désaffectée est finalement démolie peu après.

L'usine après le premier incendie - Photo La Voix du Nord
L’usine après le premier incendie – Photo La Voix du Nord

C’est sur ce terrain que s’installe la nouvelle caserne. Monsieur Notebart pose la première pierre de l’édifice en septembre 1982, alors qu’on prévoit 27 mois de travaux. Le gros œuvre est terminé en septembre 83 et l’année suivante voit la fin des travaux.

Photo Nord Eclair
Photo Nord Eclair

Le nouveau bâtiment forme un quart de cercle permettant au rez de chaussée le garage et la réparation des véhicules, ainsi que le réfectoire. A l’étage, une salle de sport, les chambres et l’infirmerie. L’implantation doit permettre des interventions dans une durée allant de 3 minutes pour Roubaix à 8 minutes pour Toufflers, la nouvelle caserne permettant une meilleure organisation des secours, générateur de gain de temps.

La caserne doit être entièrement informatisée, pour traiter les appels en provenance de 26 communes. Le logiciel permettra de suivre en temps réel l’ensemble des véhicules disponibles et de localiser ceux en mission. Il aidera également à décider du nombre d’hommes et de véhicules à envoyer après un appel. A cet effet, on organise des stages d’informatique à destination des officiers et des hommes. Des capteurs solaires et un système de pompe à chaleur permettront d’économiser l’énergie.

 Photo La Voix du Nord – 1984
Photo La Voix du Nord – 1984

Le nouvel établissement remplit alors vaillamment la mission pour laquelle elle a été construite. Elle continue d’ailleurs encore aujourd’hui à l’assurer à la satisfaction générale.

Documents archives municipales.

Boulevard de ceinture

En 1887 naît un projet d’ouverture d’un boulevard reliant la gare du Nord-Est (Gare du Pile) au parc Barbieux. Ce boulevard doit constituer la ceinture sud de Roubaix. Il se raccordera à l’extrémité de la rue Lacordaire, qui sera élargie à 20 mètres et, prendra, pour l’occasion l’appellation de boulevard.

Pourquoi ce boulevard ? Le directeur de la voirie municipale l’explique dans une note de 1889. Il s’agit selon lui d’enrayer la tendance des industriels à aller implanter leurs usines dans les communes voisines, alors que Roubaix dispose de nombreux terrains potentiels, malheureusement dépourvus jusque là de voies d’accès. Il faut créer une grande artère pour desservir le sud de la ville. Par ailleurs, il serait intéressant que son tracé suive le cours du riez des trois ponts, dans lequel commencent à se déverser les égouts , et qui, pour des raisons de santé publique, sera prochainement à recouvrir. L’existence d’une voie tracée à proximité faciliterait les travaux à prévoir. Restent à fixer les détails du tracé.

A cette époque, les familles Deltour et Delepoulle, propriétaires, s’engagent à céder gratuitement à la municipalité une bande de terrain de 20 mètres de large, « située au hameau du Raverdi »

En 1889, les familles Bossut-Plichon et Cordonnier acceptent également la cession gratuite du terrain nécessaire au percement, mais entendent en fixer le tracé : le futur boulevard devra passer au moins à 15 mètres de l’angle sud de la maison de M. Bossut-Plichon (au croisement du chemin d’Hem), et entre les « magnifiques parcs de MM. Cordonnier et Bossut ».

Plan de 1884 surchargé du tracé du boulevard et du nom des voies existantes

 En effet, le tracé du boulevard va devoir tenir compte de l’existant et s’insérer entre les grandes propriétés qui constituant cette partie de Roubaix, et, en particulier celles de Louis Cordonnier (domaine des prés), et de Jean Baptiste Bossut-Delaoutre (domaine de la Potennerie). On commence par réaliser la percée du boulevard de Mulhouse entre la gare et la rue de Lannoy. La future voie, partant de la rue de Lannoy à l’extrémité du boulevard de Mulhouse va se diriger droit vers les limites de ces propriétés importantes, se glisser entr’elles par un premier angle et contourner le château Bossut-Plichon pour remonter ensuite en droite ligne vers l’extrémité de la rue Lacordaire. Pour cela, il lui faut traverser certaines autres propriétés plus petites, et, en particulier, celle de la famille Destombes, à l’emplacement de la future place du Travail. Les propriétés placées sur le tracé consistent essentiellement en parcs, jardins, prairies, vergers, ainsi qu’en terres agricoles.

Le tracé du boulevard nécessite également la démolition de bâtiments existants : aux abords de la rue de Lannoy, plusieurs maisons appartenant à la famille Dufermont. , et, à l’autre extrémité le bout de la rue Chateaubriand, et quelques bâtiments appartenant à Emile Six-roussel (propriété de Mme Veuve Screpel), au coin des rues Chateaubriand et Lacordaire.

Les bâtiments à démolir

 La déclaration d’utilité publique est signée en 1889. L’arrêté d’expropriation suit immédiatement. Les indemnités sont calculées au début de 1891. A partir de ce moment, on commence à utiliser les dénominations de boulevard de Reims et de Lyon. On lance les adjudications pour la démolition des bâtiments.

Enfin, le boulevard est tracé et nivelé. On y construit un aqueduc et il est finalement empierré. 1909 voit la plantation de tilleuls sur la totalité du boulevard de ceinture. Le revêtement des chaussées est refait en tarmacadam en 1931, bien que la partie du boulevard de Reims située entre la rue de Lannoy et la rue Jouffroy semble avoir été pavée.

Document collection B. Thiebaut
Les autres documents proviennent des archives municipales

 

 

Les 90 logements du Boulevard de Reims

Le parc de la Potennerie est racheté avant la dernière guerre par la caisse d’assurances sociales « la Famille », et revient lors de la création de la sécurité sociale à la caisse primaire de Roubaix. En 1950, la ville s’en porte acquéreur pour y construire un centre médico-social, projet finalement abandonné. C’est alors l’office départemental des HLM qui le reprend. On y construira les immeubles constituant les groupes de la Potennerie rouge et de la Potennerie blanche. Après ces travaux, il demeure une bande de terrain libre, située derrière l’ancien mur du parc, en bordure du boulevard de Reims. Elle est rétrocédée à l’office public d’ HLM de Roubaix qui va y construire 90 logements de tailles diverses pour y reloger les derniers habitants du secteur Edouard Anseele.

Le terrain qui servira à la construction – photo Nord Matin

Les travaux démarrent en octobre 1960. Les appartements disposeront du chauffage central individuel ; ils seront peints et tapissés avant d’être livrés. Les techniques de construction sont nouvelles : certains éléments (murs intérieurs, plafonds et escaliers) sont coulés au pied des immeubles, puis on les installe ensuite en place. Cette technique permet d’accélérer la construction : par exemple, les évidement pour le passage des canalisations sont prévus lors de la coulée.

La construction – photos Nord Eclair et la Voix du Nord

On remarque que l’ancien mur du parc et sa porte monumentale ne sont abattus qu’à la fin des travaux .

Contrairement aux autres immeubles du quartier, l’architecte a prévu quatre magasins au rez-de chaussée de l’immeuble situé le long du boulevard de Reims. Ces magasins sont occupés dès livraison : En 1968, on trouve un poissonnier, M. Pauwels au 272, un « Bazar de la Potennerie » au 280, qui deviendra en 1973 une agence immobilière. Au 288 une épicerie (magasin EGE), au nom de M. Decaestecker, qui tient également une autre épicerie « Aux fruits de Provence » au 296. En 1978, un pédicure s’installe au 272, tandis que le 280 devient un salon de coiffure.

Photos Nord Eclair et Jp Maerten

On constate que l’immeuble a peu changé depuis sa construction, et qu’il est resté en bon état. On pourrait faire cette remarque pour la plupart des immeubles de brique rouge construits à Roubaix vers cette époque.