La nouvelle bibliothèque municipale de Roubaix a donc été construite de juin 1956 à décembre 1958. Le projet de construction prévoyait au-dessus de chaque porte d’entrée une table saillante permettant d’exécuter deux motifs sculptés. Le 4 septembre 1958, l’administration roubaisienne charge Pierre Lemaire de réaliser ces deux motifs sculptés. Il est statuaire, professeur à l’École Nationale des Arts et Industries Textiles (ENSAIT).
Il présente « deux esquisses symbolisant les activités de l’esprit encouragées par la lecture ». Ce sont des sculptures de deux mètres de longueur sur quatre-vingt-treize centimètres de largeurs et 6 millimètres d’épaisseur. Le travail comprend esquisses, maquettes à grandeur, moulage, sculpture. Chaque motif sera réalisé au prix de 287.000 francs de l’époque. Soit 594.000 francs. Le 7 novembre le conseil municipal adopte le projet.
Le 6 mars 1959, le peintre roubaisien André Missant écrit au Maire de Roubaix pour l’informer qu’il a procédé à l’étude de la décoration picturale de la bibliothèque. Il fait une proposition de deux tableaux et d’une fresque dont il joint les croquis : un portait de Maxence Van der Meersch 95/59 cm pour la salle de lecture du 1er étage, un tableau allégorique « les arts » à placer au palier de l’escalier principal 1,00/65, et une fresque « la lumière émanant du Livre » 3,50/1,55 à placer dans la salle de lecture en face du portrait de Van Der Meersch. Le prix des trois œuvres se monte à 500.000 francs, cadres et bordures compris. L’artiste livrerait dans un délai d’un mois à six semaines à compter de la date de notification de l’avis favorable de l’administration municipale.
L’administration municipale retiendra finalement le portrait de Maxence Van Der Meersch et le tableau allégorique « les Arts » par sa délibération du 26 mai, pour une somme de 250.000 francs.
Dans l’immédiat après-guerre, l’idée d’une bibliothèque populaire est à l’ordre du jour. Le 16 janvier 1945, après la visite d’un Inspecteur Général des Bibliothèques, la création d’une bibliothèque municipale est retenue par l’Administration. Le projet aboutira après de nombreuses péripéties.
Une délibération municipale en date du 30 juin 1950 décide de l’acquisition des magasins Rammaert-Jeu située 22-23 Grand Place, dans le but d’y installer des services administratifs et une bibliothèque municipale.
Puis définir un projet d’aménagement.
Si l’avant-projet d’aménagement des services est approuvé le 6 février 1953, celui de l’installation de la bibliothèque est revu afin d’en réduire le coût sans mettre en péril la valeur du projet. Lors d’une réunion tenue le 19 juillet 1954, il est donc remanié et approuvé : au rez-de-chaussée, on trouvera une salle de prêt, une salle de périodiques, une bibliothèque enfantine, une salle de conférences, une salle d’exposition, un bureau, un atelier de reliure. Au sous-sol, des magasins de livres et la chaufferie. Au 1er étage : une salle de lecture, une salle de distribution et de catalogue, un bureau de bibliothécaire et des magasins. Aux 2e et 3e étages, des réserves et l’appartement destiné au bibliothécaire, dont les dispositions réglementaires ont prévu qu’il soit logé dans ses services. Le 9 mai 1955 intervient l’approbation du projet de construction de la bibliothèque.
Ensuite, la question du financement.
Le 8 septembre 1955, le Préfet informe le conseil municipal du montant de la subvention du ministère de l’Éducation Nationale. Elle est inférieure à la somme escomptée, ce qui oblige les conseillers à modifier le dispositif financier, en augmentant la part de la ville, le 20 février 1956. L’adjudication des travaux est lancée en avril 1956. Le chantier est ouvert en juin 1956. La dépense prévue se monte à un peu plus de 40 millions de francs.
Mais il est apparu nécessaire d’aménager deux salles supplémentaires et un logement pour le concierge, sans parler des hausses intervenues sur les devis, et la présence du champignon sur la charpente ! Le coût total de l’opération sera finalement de 59,5 millions de francs, soit une augmentation de près de 45% !
Après quelques péripéties de chantier, dont l’effondrement des palissades de façade par grand vent, on enlève en juillet 1958 les dites palissades. Le même mois, le conseil municipal approuve la« revalorisation » du budget. Une subvention supplémentaire sera demandée à l’Etat.
Le 11 juillet 1958, suite à un appel lancé par Charles Bodart-Timal[1], qui suggère d’installer un musée local dans l’une des salles de cette bibliothèque, un vœu est émis et adopté en séance publique du conseil municipal. Il sera fait appel au ministre sur la regrettable situation faite au musée abrité dans l’ENSAIT de Roubaix, fermé depuis 1939 ! Il est demandé la cession gratuite par l’Etat des œuvres à la ville de Roubaix, qui aménage une importante bibliothèque municipale où pourraient se trouver ces œuvres d’art. L’attention du ministre est attirée sur la collection Tissus de l’ancien musée, en voie de détérioration. La ville s’engagerait financièrement. En quelque sorte, c’était demander un juste retour des choses. En effet, la Ville de Roubaix avait cédé gratuitement sa bibliothèque par convention en 1882 avec l’Etat afin de créer l’Ecole Nationale des Arts Textiles (l’actuelle ENSAIT). Même s’il était précisé que cette bibliothèque était ouverte à tous, peu de Roubaisiens la fréquentaient. Un article de février 1959 annonce la réouverture de cette bibliothèque[2], fermée depuis deux ans, où l’étudiant, le chercheur et le bibliophile trouveront de quoi satisfaire leurs goûts respectifs[3]. Mais Roubaix souhaite désormais disposer d’un véritable centre culturel digne de l’importance de sa population. L’ouverture prévue pour la fin de l’année 1958, aura lieu le 23 mai 1959.
A suivre
[1] Charles Bodart-Timal (1897-1971) chansonnier roubaisien d’expression picarde du Nord
[2] Grâce à l’intervention de Marcel Wattebled directeur de l’ENSAIT, et avec l’artiste peintre érudit Jean Lanthier comme bibliothécaire.
On lira avec intérêt sur le sujet le travail suivant : La Mise en place d’un service patrimonial dans une bibliothèque de lecture publique : le cas de la Médiathèque de Roubaix. Maîtrise en sciences de l’information et de la documentation. Esther De Climmer.- Lille : Université Charles De Gaulle, 2000 (en Médiathèque)
En février 1977, la nouvelle poste centrale n’est pas encore terminée qu’on parle déjà de la nouvelle bibliothèque sur le carreau des halles, un plateau Beaubourg pour Roubaix (sic NE) ! Le samedi 12 février 1977, le Sénateur Maire Victor Provo pose la première pierre du nouvel édifice, dont l’architecte est M. Louis Georges Noviant, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux. L’immeuble aura quatre niveaux et surplombera la nouvelle poste. Un vaste patio éclairera les salles de lecture. L’ancienne bibliothèque créée en 1959 cédera la place à la recette municipale.
Il y a toujours de l’eau sous la place, c’est pourquoi il n’y aura pas d’installation en sous sol, ce qui était déjà le cas pour la poste. L’ensemble sera soutenu par des pieux forés de 15 mètres de profondeur. Son coût total est de près de 16 millions de francs (part ville 74%, part état 21% département 5%). Victor Provo se dit heureux de voir aboutir un projet qui lui tenait à cœur, et rappelle qu’un lectorat important fréquente l’actuelle bibliothèque. Il conclut avec ces mots : le bonheur est bien souvent dans le livre (.) Je n’ai qu’un seul regret, celui de ne pas avoir assez lu, de n’avoir pas eu suffisamment le temps de m’abstraire des réalités quotidiennes.
Septembre 1977, les travaux avancent bien. La presse donne la description suivante du futur établissement : au rez-de-chaussée, l’accueil, le hall, la salle des journaux et périodiques, le déambulatoire, la salle polyvalente, une courette de service, l’appartement du concierge et l’atelier de reliure. Au premier étage, les salles de lecture, prévues pour 40.000 volumes en prêt direct, le service de prêt, le bureau du conservateur et de son secrétariat. Au deuxième étage, la section enfants, les bureaux de la centrale urbaine et de la conservation, les salles de manutention et de préparation, ainsi que celle du fonds régional. Enfin au troisième, des bureaux, une discothèque, une médiathèque, l’appartement du conservateur, les magasins et dépôts et le foyer du personnel. Ascenseurs et monte livres complètent l’équipement.
Mars 1978, en attendant l’ouverture, un nouveau bibliobus est présenté à la presse. Les travaux seront terminés fin 1978, et l’ouverture au public est annoncée à Pâques 79. Quelques chiffres à l’ouverture du nouvel établissement : 9366 inscrits, 6478 adultes et 1377 adolescents, 1511 enfants. 7689 roubaisiens, et 1677 provenant de communes extérieures. Le fonds contient 105.288 livres, 5421 disques et 424 cassettes. Dans les nouveaux locaux, il y a un auditorium avec cellules individuelles et casques. Personnel à l’ouverture : Melle Bertrand, conservateur dispose d’une équipe de 40 personnes.
L’inauguration se déroulera finalement le 18 mai 1979. La nouvelle bibliothèque est une maison de béton et de verre dont l’entrée principale donne sur la rue Pierre Motte, avec deux entrées secondaires sur la rue du Château. Deux façades vitrées donnent sur la rue, un patio central donnera davantage de lumière. On parle d’un nouveau forum culturel, car la nouvelle bibliothèque sera intégrée à un futur ensemble piétonnier. Elle offre de la place, des salles d’animation, notamment pour l’heure du conte, et une salle d’études pour élèves accompagnés par leurs enseignants.
Le directeur du livre au ministère de la culture et de la communication, M. Jean-Claude Groshens préside, avec M. Paraf Préfet, Victor et Jean Claude Provo, le nouveau maire Pierre Prouvost. Pour l’occasion, première exposition dans la salle polyvalente : 156 gravures de nus de Picasso !