Kiosques et aubettes du boulevard Leclerc

L’extrémité du boulevard Leclerc à hauteur de la place de la liberté et de la rue de Lannoy va être dotée au fil des ans de divers édicules, kiosques et aubettes destinés à un public toujours nombreux en cet endroit.

On y construit dès 1906 un kiosque permettant aux roubaisiens d’attendre le tramway à l’abri des intempéries. Cet édicule fait partie d’une série de 7 de style identique, placés en divers points le long des voies roubaisiennes. Cet abri est situé sur le terre-plein central du boulevard Leclerc, quasiment en face du café du Broutteux. Venus de la grand place par la rue Pierre Motte, les tramways qui s’y arrêtent empruntent le boulevard à contre-sens de la circulation, selon une pratique courante à l’époque.

Le kiosque dans les années 50

L’édicule perd sa raison d’être en tant que tel avec la disparition des tramways, mais il ne disparaît pas pour autant. Il verra son existence prolongée en 1956 par reconversion en magasin de fleurs à l’enseigne des « Floralies Roubaisiennes » sous la houlette de Mme Giot qui le loue dès l’arrêt de la circulation des trams. Elle déplace la porte qui ouvrait sur la chaussée pour la mettre côté terre-plein. Ce commerce disparaît pourtant en 1968, et son emplacement est aussitôt envahi par les voitures en stationnement.

Le magasin de fleurs – photo Nord Matin

Tout proche, car situé à la limite de la place de la liberté est édifié en 1909 un autre kiosque, qui marque le terminus de la ligne du Mongy. Nous ne nous appesantirons pas sur son destin, abordé dans d’autres sujets de ce blog. Nous signalerons simplement qu’il est démonté en 1954. Le journal qui relate cet événement se réjouit de la disparition de « la bien vilaine aubette et son malodorant prolongement » (l’édifice avait été flanqué de toilettes publiques).

Photo Nord Eclair

Sur le terre-plein du boulevard on pouvait également voir un kiosque à journaux. Suivant les modes successives, il sera d’abord haut et hexagonal, puis plus bas et rectangulaire. Il disparaîtra également dans les années 50.

Une photo aérienne de l’Institut Géographique National, datée de 1951, nous montre ces trois constructions réunies sur le site pour peu de temps encore.

Un document émanant du service de la voirie et daté de 1950 prévoit, la construction de WC et d’urinoirs placés en souterrain sur le terre-plein du boulevard. Pour accéder à cet équipement, deux escaliers, l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes. Lors d’une délibération municipale du 1er juin 1951 les élus décident d’implanter, au niveau du sol, un nouveau kiosque abri de l’ELRT qui doit remplacer l’ancien. Ce projet doit faire l’objet d’une adjudication-concours. Le journal Nord Matin fait état des travaux de construction en 1952.

Ces travaux ont été confiés à la société Delfosse-Guiot sise rue de Crouy. Une photo aérienne de l’IGN, datant de 1953, nous montre effectivement les deux escaliers en place près du kiosque de tramways toujours en place. Entre-temps, la décision de supprimer les tramways est prise et l’abri prévu serait inutilisable pour les bus, situé qu’il serait à contre sens de la circulation automobile.

Le conseil municipal choisit donc une autre option et, en février 1954, il est décidé d’ériger une aubette destinée à un tout autre usage : il s’agit maintenant d’abriter le syndicat d’initiative. La voix du Nord qualifie l’ouvrage d’« aubette des amis de Roubaix ». Elle comporte deux pièces dont l’une comporte un guichet. Le long du bâtiment, un parterre de géraniums. Elle est construite par la mairie qui la prêtera aux amis de Roubaix. L’inauguration a lieu en septembre de la même année.

Photo Nord Matin

Plusieurs articles lui sont consacrés dans la presse. Pour Nord Eclair, c’est une mine de renseignements : On y trouve des dépliants touristiques, mais bien plus encore. Mme Leduc en est l’hôtesse en 1967 et, en 1970, c’est Mme Valentin qui l’anime. On y distribue une brochure qui présente l’essentiel de la cité et contient un plan. On y détaille les monuments publics, usines à visiter, une liste de logements disponibles en location, des adresses d’hôtels, de restaurants, de dancings. Pour les roubaisiens, on trouve encore des dépliants sur des destinations de vacances, et pour tous, divers documents à consulter sur place (Ravet-Anceau, horaires des bus, activités culturelles…)

Photo Nord Éclair 1970

Finalement l’aubette ne pourra pas résister à la vague d’aménagements paysagers ; elle sera démolie à la fin des années 70 pour laisser place à un espace vert agrémenté d’une fontaine. Ainsi disparaîtra le dernier des kiosques du boulevard Leclercq.

Photo coll. Particulière

On retrouvera, par la suite, le syndicat d’initiative non loin de là, implanté place de la liberté à l’emplacement de l’ancien Capitole.

Photo Syndicat d’initiative.

Les autres documents proviennent de la médiathèque de Roubaix, ainsi que des archives municipales.

L’indésirable kiosque

Sur la place de la gare, l’introduction d’un kiosque-abri va soulever des problèmes et être à l’origine d’échanges et de nombreux affrontements.

gare00-96dpiL’abri, d’abord prévu par le cahier des charges « sur le refuge existant au centre de la place », est placé sur ce trottoir circulaire, dans l’alignement de l’avenue qui y mène, à l’intérieur de la raquette formée par les voies. Son accès se fait côté gare.

gare02-96dpiMais, très vite, on se rend compte qu’il gêne la circulation. Une lettre du service de la voirie de juin 1920 fait état « d’études et pourparlers établis avant la guerre, pour le déplacement du kiosque-abri de la place de la gare » : on propose d’abord en 1908 à la compagnie de diminuer l’emprise du refuge. Celle-ci fait une contre-proposition en 1911. Elle préférerait carrément supprimer l’abri pour en installer un plus petit sur le trottoir de gauche de la place, face à l’impasse Deldique, ruelle allant de la rue du chemin de fer à la rue de la Gare. Il se trouve que la municipalité verrait d’un bon œil la suppression d’un obstacle dans la perspective de l’avenue de la gare, mais on demande d’abord l’avis de la chambre de commerce. Celle-ci se prononce contre cette solution. On réunit alors une commission municipale qui examine la question.

Gare03-96dpiLa municipalité opte pour le déplacement et choisit pour y implanter le kiosque le trottoir situé devant les bureaux de la grande vitesse et l’octroi, c’est à dire à droite en regardant la gare. La compagnie du Nord répond que l’emplacement est très mal choisi et demande de trouver un autre point de chute pour cette construction. Elle propose le côté gauche, près de la passerelle du Fresnoy. La municipalité juge très incommode cet emplacement gênant l’accès à la passerelle. La compagnie de tramways remarque de son côté que l’emplacement est situé trop loin des voies.

Toutes ces études, sont faites avant la guerre, et les hostilités arrêtent le projet. Il ne revient à la surface qu’à partir de 1920. Cette année là, une commission municipale se rend sur place et préconise enfin l’entrée du passage Deldique, avec une partie en saillie sur le trottoir, de même importance que celles des terrasses des cafés situés à côté. Elle ne prévoit plus une démolition, mais un simple déplacement.

Document archives municipales
Document archives municipales

Les travaux sont réalisés par la compagnie des tramways et le kiosque rejoint son nouvel emplacement. Il est maintenant placé sur la gauche de la place, à la limite de la rue de la gare, à côté du café du Coq Hardi. L’impasse a été couverte entre-temps et seule une partie de l’abri en émerge. Un photo nous laisse apercevoir son toit au dessus de l’autobus :

gare04-96dpiUn article du Journal de Roubaix de 1935 nous informe que la l’ELRT propose de déplacer l’abri depuis « la petite ruelle » vers le trottoir des numéros impairs, de manière à ce que le chef de station puisse « commodément surveiller l’embarquement des voyageurs et donner au wattman le signal de départ ». Cette proposition n’a pas de suite, et l’abri reste au même endroit jusque bien après la guerre.

Photo Nord-Eclair
Photo Nord-Eclair

Néanmoins on se préoccupe d’aménager la place cette même année 1935 pour faciliter la circulation, gênée par le nombre des tramways mis en réserve et stationnés au milieu de la place en attendant les heures de pointe pour être mis en service. En effet, l’abondance des véhicules particuliers devient telle que les bouchons se multiplient à cet endroit. L’idée est de reporter les stationnements des trams le long des trottoirs, de supprimer les poteaux supportant les lignes aériennes, et de créer une double voie dans la rue de l’Alma pour y reporter les tramways en réserve d’utilisation. L’abri est de plus en plus mal placé…

Les autres documents proviennent de collections particulières

 

 

Les kiosques-abris des tramways

La municipalité, dans ses relations avec la compagnie des tramways, se réserve par le cahier des charges de 1875 le droit d’imposer l’emplacement des « bureaux d’attente et de contrôle ». Quel est le nombre et l’emplacement de ces bureaux ? Les cartes postales les plus anciennes nous montrent un tel édifice sur la grand place, construit avec un toit à deux pans, et placé devant l’église St Martin. Cet emplacement se situe à un endroit privilégié, point de rencontre des lignes A Croix-Tourcoing par grand place de Roubaix et la place de la Fosse aux chênes, B Roubaix-Lannoy, et C Mouvaux-Wattrelos. Dans un entrefilet du 6 octobre 1897, le Journal de Roubaix nous annonce la démolition d’un kiosque sur la grand place qui doit être immédiatement suivie de celle du kiosque situé sur la place de la Liberté.

Le premier kiosque grand place – documents archives municipales et coll. particulière
Le premier kiosque grand place – documents archives municipales et coll. particulière

Un nouveau cahier des charges, annexé à la convention signée par le Président de la République en 1905 prévoit 7 bureaux d’attente pour le service des voyageurs pour la ville de Roubaix. La compagnie des tramways de Roubaix-Tourcoing doit donc s’exécuter et construire ces édicules. L’implantation de ces kiosques est prévue grand place, place de la gare, place de la fosse aux chênes, la place Chaptal, le boulevard Gambetta, la place de la Fraternité , et le parc Barbieux. Ils sont pratiquement tous identiques, à deux exceptions près, constitués qu’ils sont d’un soubassement en pierre bleue, surmontée d’une armature métallique en fer forgé vitrée de glaces. Au dessus, une corniche en chêne couverte d’un toit de zinc. Le sol est en carreaux de céramique, et le plafond en pitchpin verni, ainsi que les banquettes. Seuls les abris de la grand place et de Barbieux ont en plus une avancée, fermée pour le premier, ouverte pour le second.

L'aubette de Barbieux – document archives municipales
L’aubette de Barbieux – document archives municipales

On fait les enquêtes administratives nécessaires, mais il se trouve que les riverains de la place Chaptal protestent contre l’emplacement prévu. La commission d’enquête municipale conclut que la compagnie doit louer une maison de la place et en transformer le rez de chaussée pour en faire un abri. Il reste six autres aubettes à construire, et la mairie rappelle à la compagnie l’urgence de ces constructions. En 1908, on modifie l’emplacement prévu du kiosque de Barbieux : destiné à l’origine à se dresser au coin du boulevard de Cambrai devant le café du Parc, il va être placé en face, au coin du boulevard de Douai. Mais il faut démolir pour cela le mur des serres de la ville, installées là. L’aubette est construite, mais les riverains se plaignent très vite de la présence d’immondices dans le kiosque. La compagnie se défend en déclarant qu’un homme est affecté à plein temps au nettoyage, mais que que la police ne fait pas son travail de surveillance. Cet échange de courriers nous apprend par ailleurs que les kiosques sont fermés la nuit. Six abris sont maintenant construits, mais il manque encore le septième, prévu place de la fosse aux chênes. On reste sur l’idée de louer une maison pour y aménager un abri et le septième est finalement construit sur la grand place de Wattrelos, avec la participation financière de l’ELRT, dont le nouveau réseau départemental dessert cette ville.

Le kiosque de Wattrelos – document Journal de Roubaix - 1930
Le kiosque de Wattrelos – document Journal de Roubaix – 1930

L’abri de la grand place a remplacé, sur le même emplacement, celui démoli précédemment. Il est plus vaste et plus commode que son prédécesseur.

La seconde aubette de la grand place et celle de la place de la Fraternité – documents médiathèqu
La seconde aubette de la grand place et celle de la place de la Fraternité – documents médiathèque

Nous allons passer en revue dans une prochaine livraison le destin des autres kiosques roubaisiens. A suivre …