Du fort Despretz au square des près

Le fort Desprez se situe entre la rue Lalande et la rue Masséna, avec un accès au 231 de la rue de Lannoy. Il était constitué par des rangées de petites maisons alignées , situées en arrière des maisons qui bordaient la rue de Lannoy. Non loin de cet endroit, Victor Despret tient une épicerie au n°261 de la même rue en 1910. Il est fils de Pierre Amand Despret, cultivateur aux trois ponts, et petit-fils de Florimond Despret également cultivateur. Le fort Despret leur doit probablement sa construction, et il était destiné au logement des journaliers qui venaient travailler à la ferme, et plus tard aux ouvriers de l’usine Motte du boulevard de Mulhouse.

Le magasin de Victor Despret 261 rue de Lannoy CP Méd Rx
Le magasin de Victor Despret 261 rue de Lannoy CP Méd Rx

Au moment où l’on décide de le démolir, Le fort Despret, c’est encore soixante-douze maisons, dont beaucoup de ses occupants sont propriétaires, malgré l’insalubrité qui y règne. Il faudra les reloger. Un projet de 120 appartements clairs agréables et confortables est alors affiché, qu’on vend comme un espace vert, le square des prés en continuité du square Destombes. C’est oublier qu’entre les deux squares, il y a une voie très passante, la rue Pierre de Roubaix, et le mur du square Destombes. La continuité affichée est démentie par l’histoire des deux parcelles de terrain : le square des près est issu d’une série de maisons insalubres, vraisemblablement antérieure à la propriété Delaoutre, qui contenait une maison de maître et un magnifique jardin devenus en 1910 square Destombes, du nom du mécène qui en permit l’acquisition pour la ville.

Le fort Despret vu de la rue de Lannoy, n°231 Coll Particulière
Le fort Despret vu de la rue de Lannoy, n°231 Coll Particulière

Le fort Despret fait plutôt partie des ensembles de construction de la première partie du dix-neuvième siècle, comme le fort Bayart, le fort Mulliez, le fort Frasez, dont la rénovation urbaine s’empara pour des réalisations fort diverses : les forts Bayart et Frasez devinrent des rues, les forts Mulliez et Despret devinrent des squares. Le dimanche 18 octobre 1955, le cortège présidentiel dans lequel se trouve René Coty s’arrêtera un instant devant le fort Desprez, en cours de démolition, et le secrétaire d’Etat à la reconstruction Bernard Chochoy vient y poser la première pierre en avril 1956.

Le projet du square photo NE
Le projet du square photo NE

De nos jours, si l’on peut apercevoir l’espace vert du square des près, il n’est cependant pas accessible. L’ouverture et le square prévus par la maquette originale n’ont pas été réalisés, car on a bâti à la place une série de trois immeubles parallèles aux bâtiments qui se trouvent le long de la rue Lalande. Quant à l’épicerie Despret, elle existe toujours, même si le fonds de commerce a changé de propriétaires. Elle se trouve toujours devant le square contemporain, comme gardienne de la mémoire des lieux.

Une rue pour le Pile

Le chemin du Pile, portant le n°10 dans la liste des chemins vicinaux roubaisiens commence au pont du Galon d’eau, prolongeant le chemin de l’Hommelet qui dessert les hameaux de l’Hommelet et de la Fosse aux Chênes, et se termine au croisement du chemin n°9 des trois ponts qui se dirige lui-même vers le pont du Sartel par le hameau des trois ponts. Il traverse le hameau du Pile, près duquel il rencontre l’extrémité du sentier du Tilleul (chemin n°5 dit de la Potennerie). Sa largeur est de 9 mètres, y compris deux fossés d’un mètre chacun et son parcours fait maints détours pour éviter propriétés et fermes. Il bute en particulier, au carrefour avec le chemin de la Potennerie, sur la ferme Wanin qui l’oblige à effectuer un virage à angle droit.

Plan cadastral 1845
Plan cadastral 1845

Ce chemin est régulièrement l’objet de l’attention des autorités soucieuses d’assurer la circulation entre les divers hameaux qui représentent une bonne part de la population de Roubaix. Dans cet esprit, en 1864, le directeur de la voirie fait un rapport dans lequel il insiste sur le fait que les riverains du chemin du Pile – et, en particulier, les fermiers – entassent des ordures diverses qui obstruent les fossés situés de part et d’autre du chemin et créent des mares en cas de pluie. Cet état étant dangereux pour la sécurité et l’hygiène publique, il propose de mettre les propriétaires en demeure de curer les fossés au droit de leurs habitations et n’hésite pas à citer les propriétaires en faute. A cette époque, le chemin est déjà pavé sur trois mètres de largeur.

En 1867 on nomme ou renomme de nombreuses rues de Roubaix. C’est le cas pour notre sentier qui, entre la rue de Lannoy et le Pile, prend le nom de rue du Pile. Entre le pont du Galon d’eau et la nouvelle rue du Pile, il devient la rue Pierre de Roubaix. A partir de ce moment, on va tenter de redresser ses méandres pour faciliter le déplacement des habitants (c’est la seule voie permettant de relier les trois ponts au centre de Roubaix). En 1869 le directeur du service des travaux municipaux présente un rapport soulignant de nombreux inconvénients de son tracé tortueux, soulignant qu’il traverse un quartier en voie de construction. Il propose un plan d’alignement redressant la rue sur plus de 300m, qui frappe d’alignement la ferme Wanin.

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Les propriétaires, sont d’accord pour l’alignement demandé, et offrent gratuitement le terrain nécessaire. Ils traitent entre eux par voie d’échange, s’occupent du pavage et de l’entretien des fossés.

Ils prévoient également de prolonger la rue Pierre de Roubaix au delà de la rue du Pile. Peu après, en 1872, le service de voirie se plaint de ne plus pouvoir assurer avec ses moyens actuels l’entretien du chemin qui se lotit de plus en plus. Il propose de séparer les pavés existants pour former deux bandes latérales d’un mètre 50 de large et de combler l’espace central avec des scories, en attendant de compléter le revêtement avec des pavés de réemploi. On en profite pour construire un égout central. La ferme Wanin doit être démolie avant le 15 mars de cette même année. Henri Wanin fait alors construire une maison sur son verger le long de l’alignement. L’espace étant libre, on peut maintenant prolonger la rue Pierre de Roubaix vers le sud. Dans les années suivantes, le début de la rue du Pile perd son nom au profit des rues du Tilleul (future rue Jules Guesde), et de Condé. La partie restante, prolongée vers la rue Pierre de Roubaix par la nouvelle rue de Leuze, commence à prendre sa configuration actuelle.

Plan du quartier en 1886
Plan du quartier en 1886

Tous les documents proviennent des archives municipales

Vague de modernisme au boulevard de Paris

Dans les années 50 et 60 apparaît dans la presse l’idée de rénover le boulevard de Paris pour y construire une cité-jardin prolongeant le parc Barbieux, et pour cela, de « remplacer les immeubles existants par des bâtiments modernes, implantés de façon rationnelle » (La voix du Nord). On voit également se multiplier les demandes de permis de démolir pour certains immeubles anciens, difficiles à chauffer, dégradés, et dont la remise en état, selon les propriétaires, serait prohibitive.

C’est dans cette voie que s’oriente la société immobilière de constructions du boulevard de Paris, créée en 1955 par Albert Prouvost. (par ailleurs président du CIL de Roubaix-Tourcoing). Cette société à but non lucratif a pour Secrétaire général Cl. Diligent. Elle achète des immeubles situés en haut du boulevard, entre l’ancienne rue du manège (aujourd’hui Delattre de Tassigny) et le boulevard de Douai pour les démolir, et les remplacer par des immeubles de standing.

Les immeubles rachetés – document coll. Particulière
Les immeubles rachetés – document coll. Particulière

La première réalisation de la société sur le site est la résidence d’Armenonville, un immeuble de 11 étages et 63 mètres de long, offrant une soixantaine d’appartements luxueux allant du 130 mètres carrés au deux pièces pour célibataire. Ascenseurs, vide-ordures, chauffage par le sol sont de rigueur. On prévoit des duplex sur deux niveaux avec escalier intérieur. Elle doit être prolongée par une « cité marchande » au dessus de garages, et, le long du boulevard, par une aile à un seul étage composée d’habitations individuelles. La construction de l’ensemble, à l’ossature en béton armé est le fruit du travail des architectes Guillaume Gillet, grand prix de Rome, et Guy Lapchin.

La maquette du futur immeuble. Document la Voix du Nord
La maquette du futur immeuble. Document la Voix du Nord

On prévoit de poursuivre avec d’autres résidences. Un deuxième bloc côté boulevard de Douai et un troisième au coin de la rue de Barbieux et du boulevard de Douai. Il est également prévu un centre commercial côté avenue du Maréchal de Tassigny.

Les travaux démarrent fin 1956, salués par la Voix du Nord qui, soutenant le projet de rénovation complète du boulevard de Paris, explique : « La plupart de ces immeubles construits il y a seulement une soixantaine d’années sont d’un entretien très difficile…. Le moderne et son confort ont du bon. »

Document la Voix du Nord
Document la Voix du Nord

Le constructeur est la société civile immobilière de construction « la résidence d’Armenonville », dont le secrétaire général est M. Diligent (directeur de l’UMIC, liée à la CIL), et le président Philippe Motte.

L’achèvement des travaux est prévu pour 1958. Les acquéreurs peuvent obtenir un prêt complémentaire de l’UMIC si leur entreprise cotise à la CIL. Tous les appartements seront répartis en copropriété.

Document coll. particulière
Document coll. particulière

En 1960 la société est présidée par Philippe Motte. Devant le succès d’Armenonville, on démarre la construction du deuxième immeuble, la résidence Marly : deux bâtiments l’un de 11 étages perpendiculaire au boulevard de Paris et l’autre de deux étages le long de ce même boulevard. Elle a pour autre projet un immeuble, encore de 11 étages au coin de la rue Dammartin, cette fois-ci réservé aux bureaux et un centre commercial. Nord Éclair se réjouit de ce que, à la place des « beaux, mais vétustes immeubles… condamnés à la fois par l’âge et l’évolution actuelle… » sont édifiées des constructions où « …sont alliés le modernisme le plus poussé et les exigences du bon goût et de l’élégance des formes »

Photo Nord Éclair
Photo Nord Éclair

Les anciens immeubles, le long du boulevard cohabitent un moment avec les nouveaux, plus en retrait, avant de disparaître irrémédiablement. Le dernier, le 139 au coin du boulevard de Douai reste beaucoup plus longtemps. On le retrouve sur un cliché de 1980, caché par des affiches publicitaires, mais il finit par être abattu lui aussi.

Documents la voix du Nord 1960 et 1980.
Documents la voix du Nord 1960 et 1980.

Les photos suivantes, prises toutes deux du même endroit, nous poussent à nous demander si, tout en leur conservant leur aspect extérieur, on n’aurait pas pu tenter de rénover les immeubles existants en y installant des appartements dotés de tout le confort moderne …

Photos coll. Vanhove et archives municipales
Photos coll. Vanhove et archives municipales

 

 

Une caserne au Pile

La caserne des pompiers du boulevard Gambetta avait bien besoin d’être remplacée : construite en 1910 pour un effectif de 80 sapeurs dotés de pompes à bras et de véhicules d’intervention hippomobiles, elle est notoirement dépassée dans les années 70 lorsqu’il faut accueillir 100 pompiers et un matériel toujours plus nombreux et plus lourd.

L'ancienne caserne - Document médiathèque de Roubaix
L’ancienne caserne – Document médiathèque de Roubaix

On projette donc de la transférer dans des locaux plus vastes et plus commodes. La Communauté Urbaine, pour y installer le nouveau centre de secours, jette son dévolu sur un terrain de 12000 mètres carrés situé au coin du boulevard de Mulhouse et de la rue de Nancy, où est implantée une usine désaffectée. Sur cette parcelle, qui faisait initialement partie des terres de la ferme de Courcelles, démembrées par les ouvertures du boulevard de Mulhouse et des rues de Nancy et Victor Hugo, s’installe dans les années 1910 une teinturerie, la société anonyme Grulois-Gaydet qu’on retrouve au 34 boulevard de Mulhouse jusque dans les années 60. Une large bande de terrain longeant la rue de Nancy est jusqu’entre les deux guerres dévolue à des jardins ouvriers, avant d’être absorbée par l’usine.

Documents IGN
Documents IGN

L’usine, devenue en 1970 la teinturerie sur textiles Jean Lagrange et Cie, ferme dans les quelques années qui suivent. La friche est le théâtre de deux incendies à quinze jours d’intervalle en 1978 : le premier, un feu de plancher, est suivi d’un autre qui embrase 150 mètres carrés de toiture. Les journaux ne manquent pas de remarquer que les pompiers interviennent à l’emplacement même de leur future caserne. L’usine désaffectée est finalement démolie peu après.

L'usine après le premier incendie - Photo La Voix du Nord
L’usine après le premier incendie – Photo La Voix du Nord

C’est sur ce terrain que s’installe la nouvelle caserne. Monsieur Notebart pose la première pierre de l’édifice en septembre 1982, alors qu’on prévoit 27 mois de travaux. Le gros œuvre est terminé en septembre 83 et l’année suivante voit la fin des travaux.

Photo Nord Eclair
Photo Nord Eclair

Le nouveau bâtiment forme un quart de cercle permettant au rez de chaussée le garage et la réparation des véhicules, ainsi que le réfectoire. A l’étage, une salle de sport, les chambres et l’infirmerie. L’implantation doit permettre des interventions dans une durée allant de 3 minutes pour Roubaix à 8 minutes pour Toufflers, la nouvelle caserne permettant une meilleure organisation des secours, générateur de gain de temps.

La caserne doit être entièrement informatisée, pour traiter les appels en provenance de 26 communes. Le logiciel permettra de suivre en temps réel l’ensemble des véhicules disponibles et de localiser ceux en mission. Il aidera également à décider du nombre d’hommes et de véhicules à envoyer après un appel. A cet effet, on organise des stages d’informatique à destination des officiers et des hommes. Des capteurs solaires et un système de pompe à chaleur permettront d’économiser l’énergie.

 Photo La Voix du Nord – 1984
Photo La Voix du Nord – 1984

Le nouvel établissement remplit alors vaillamment la mission pour laquelle elle a été construite. Elle continue d’ailleurs encore aujourd’hui à l’assurer à la satisfaction générale.

Documents archives municipales.

On Inaugure une station

La construction de la banque de France en 1904, réalisée place de la liberté sur l’emplacement d’une ancienne usine, laisse un espace entre les locaux de la banque et le boulevard Gambetta. Cet espace est occupé par un jardin clôt de murs. Un portail ouvrant sur la place y donne accès.

Document archives municipales
Document archives municipales

C’est sur cet espace que la société BP construit sa première station service à Roubaix. Inaugurée en décembre 1957, quelques mois après sa mise en service, elle est qualifiée d’ « ultra-moderne » par la Voix du Nord. Elle est idéalement située à un endroit particulièrement favorable, d’accès commode pour les véhicules. Cette inauguration se fait en présence de nombreuses personnalités. On y sable le champagne, le buffet étant disposé, pour la circonstance, sur le pont élévateur de la station.

Photo La Voix du Nord
Photo La Voix du Nord

Baptisée du nom de « station de Roubaix », elle est d’abord dotée de deux pompes, au centre de la piste, manœuvrées par un pompiste en uniforme. On ne tarde pas à les remplacer, venu le temps du self-service, par une pompe moderne offrant le choix Essence/Super, et une autre pour le Gas-oil, placée le long du trottoir de la place. Les automobilistes peuvent maintenant profiter de ces installations à l’abri d’un auvent central.

Photo Nord Éclair - 1965
Photo Nord Éclair – 1965

Le gérant est d’abord M. Teiten, puis, en 1959, M. Pannequin.

L’instauration du secteur piétonnier fait qu’on installe en 1965 des parcmètres sur le trottoir devant la station, ce qui, selon Nord Éclair interdit dorénavant aux poids lourds de se ravitailler en carburant. En 1972 de nouveaux gérants, M. et Mme Parsy, reprennent la station.

Document Nord Matin
Document Nord Matin

Cette même année, la station fait la une des journaux : un Mongy s’arrête en haut du boulevard de Paris. Le wattman, M. Gabiot, fait descendre les voyageurs à cause d’un début d’incendie dû à un court-circuit. Il descend le pantographe, mais le tram, désormais sans freins ni klaxon, se met à descendre le boulevard de Paris. Il grille le feu rouge de la rue Jean Moulin et s’engage dans le boulevard Leclercq en ignorant tous les feux de circulation – heureusement sans causer d’accident – jusqu’au virage à angle droit qui doit le mener place de la liberté. Il quitte alors des rails et poursuit sa course folle à travers le terre-plein jusqu’à s’arrêter face à la vitrine de la station heurtant au passage une deux chevaux

Photos Nord Éclair
Photos Nord Éclair

Mais la station éprouve, comme toutes, la concurrence des supermarchés qui grignotent peu à peu les bénéfices, et les années 80 lui seront fatales ; elle aura disparu dans le Ravet-Anceau de 1986, remplacée peu après par un garage voué aux réparations rapides à l’enseigne de Midas.

Photo médiathèque de Roubaix
Photo médiathèque de Roubaix

Les autres documents proviennent des archives municipales.

Une colonie ouvrière

On pourrait se dire à la vue du bel alignement de maisons de la rue de la Conférence entre les n°31 et 47, qu’il s’agit là d’une belle construction contemporaine. Mais il n’en est rien, même si on peut considérer qu’une belle rénovation récente a remis en valeur ces immeubles. Le projet de ces maisons date de 1925 et il est dû à la volonté de la Société Industrielle pour la Schappe de construire des maisons pour ses ouvriers et employés.

Document AmRx
Document AmRx

Qu’est-ce donc que cette société, dont le siège social se trouve à Bâle ? C’est en 1873 qu’intervient la constitution de la Société « Chancel-Allioth-Veillon et Cie » dont le siège social fut fixé à Bâle. La société possédait dès son origine les peignages de Briançon, Tenay-Eaux Noires et du Vigan, les filatures d’Arlesheim (18.620 broches à filer et 7.860 à retordre) et de Grel- lingen (17.724 broches à filer et 7.710 à retordre). Cette société franco-suisse ayant tous ses peignages en France et toutes ses filatures en Suisse, racheta dès 1879, la filature « La Roubaisienne » fondée à Roubaix par Charles Junker, qui en sera longtemps le directeur. Charles Junker est aussi connu pour sa carrière politique à Roubaix, il fut des républicains qui mirent en place l’école publique, laïque et obligatoire. Il fut également le premier Président de la Fédération des Amicales Laïques de Roubaix.

La passerelle des Soies CP Méd Rx
La passerelle des Soies CP Méd Rx

La filature en question se situait dans une voie perpendiculaire à la rue d’Avelghem, la rue des Soies, face à la passerelle du même nom, auxquelles elle avait donné son nom. Son activité portait sur le retraitement des déchets de soie. En raison de son extrême richesse, la soie a très vite suscité des efforts pour la récupération des déchets. Une fois filée, la schappe était le plus souvent utilisée comme trame dans les tissus unis et façonnés, car sa souplesse et son élasticité sont plus grandes .

La société franco-suisse décide donc de construire deux groupes de quatre maisons sur un terrain lui appartenant, autrefois propriété de la famille Tiers. Elle demande l’autorisation de faire construire le 24 avril 1925. L’époque est au développement de la construction de logements : ainsi dans le quartier du Nouveau Roubaix, l’avenue Linné a ainsi vu construire les maisons du Toit Familial, et les premières maisons HBM de la rue Jean Macé sont en chantier. Le lotissement de la rue de la Conférence comporte huit maisons façade rue, mais on peut voir sur le plan que la société se réservait la possibilité d’en construire huit autres en arrière des huit premières, dans la profondeur du terrain, ce qui ne se fera pas.

Vue actuelle des maisons doc Google Maps
Vue actuelle des maisons doc Google Maps

Le plan de 1925 montre les caractéristiques des maisons de la colonie ouvrière de la filature de schappes, car tel était le nom donné au lotissement. Les trois marches pour accéder au logement existent déjà, ainsi que les deux étages habitables. Le modèle de ces maisons tranche un peu avec celui de la maison roubaisienne, plus étroite. Il est en effet l’œuvre du Bureau d’architecture suisse Burckhardt, Wenk et Cie. Une belle réalisation de 1925 que la rénovation contemporaine a remis en valeur.

Informations sur la schappe extraites de la brochure Usine de la Schappe-Briançon

De la place à l’esplanade

Extrait d'un plan de 1855 Coll Particulière
Extrait d’un plan de 1855 Coll Particulière

Avant l’apparition du chemin de fer à Roubaix, la rue Nain, la rue du cimetière et la rue du Fresnoy formaient un axe de circulation important vers l’ouest. Le développement de la ville fera qu’on désaffectera bientôt le cimetière, pour le remplacer par un square, auquel aboutissait une rue du square, perpendiculaire à la rue Nain. En 1842, on inaugure la première ligne de chemin de fer, ce qui a pour effet d’isoler les quartiers du Favreuil et du Fresnoy du centre de Roubaix.

Vue de la rue vers la gare, Place Chevreul sur la droite CP Méd Rx
Vue de la rue vers la gare, Place Chevreul sur la droite CP Méd Rx

En 1867, le tronçon de la rue du Fresnoy menant de la rue Nain à la gare prend le nom de rue du chemin de fer. Une nouvelle gare plus spacieuse est très vite réclamée par les roubaisiens, qui l’obtiendront après avoir tracé une nouvelle voie, la rue de la gare, future avenue Jean Lebas. En 1877, le Conseil Municipal décide de créer cette nouvelle avenue. Les travaux de démolition commencent en 1882 et dès le mois de juillet la trouée est achevée. L’année suivante, la rue de la gare est terminée. La nouvelle gare est officiellement ouverte le 1er septembre 1888.

Ensait et Place Chevreul CP Méd Rx
Ensait et Place Chevreul CP Méd Rx

A la jonction de la rue du chemin de fer et de la rue Nain, à l’emplacement de l’ancien cimetière de Roubaix, devenu un square, on bâtit l’école nationale des Arts Industriels inaugurée le 30 juin 1889, actuel E.N.S.A.I.T. En 1895, quelques habitations situées entre la rue Nain et l’avenue de la Gare sont démolies et remplacées par un petit square auquel on donne le nom de Michel-Eugène Chevreul, chimiste français connu pour son travail sur les acides gras, la saponification, la découverte de la créatine et sa contribution à la théorie des couleurs. Divers projets d’aménagement du square Chevreul donnent des indications sur son mobilier urbain : un chalet de commodités, une vespasienne, un kiosque à journaux, une boîte postale, un bassin avec jet d’eau lui sont attribués. La rue du chemin de fer passe entre l’Ensait et le square, et la rue du square est devenue entre-temps la rue Pasteur. Elle traverse la rue de la gare et s’en va rejoindre la rue de l’espérance.

Marché aux oiseaux Coll Particulière
Marché aux oiseaux Coll Particulière

Dès 1891, une animation importante et traditionnelle, le Marché aux oiseaux, se tient tous les dimanches, à partir de six heures du matin sur la place Chevreul. Ce qui peut expliquer le glissement du chimiste au cervidé, du chevreul au chevreuil, à l’ombre des arbres, sur quelques cartes postales…

Place des Martyrs de la résistance CP Méd Rx
Place des Martyrs de la résistance CP Méd Rx

La Place Chevreul devient la Place des martyrs de la Résistance après la seconde guerre. Sur la petite place s’élève le monument aux Martyrs de la Résistance du sculpteur Lemaire, inauguré par M. Victor Provo, maire de Roubaix, le 11 novembre 1948.

L'esplanade aujourd'hui Extrait Google Maps
L’esplanade aujourd’hui Extrait Google Maps

De nos jours, on a reculé le monument dans l’alignement de l’ancienne rue Pasteur, laquelle disparaît à cet endroit. La jonction de la rue Nain à l’avenue Lebas s’appelle désormais l’allée Louise et Victor Champier. La petite place s’est transformée en esplanade, pour faire le pendant à l’esplanade du musée la piscine, ce qui permet aux deux musées d’être désormais en vis-à-vis.

La belle maison du coin

Au coin nord-est du carrefour formé par la rue de l’Hommelet et la Grand rue on retrouve tout au long du 19ème siècle un bâtiment qui subit un certain nombre de modifications au gré de ses propriétaires successifs. On retrouve ces modifications sur les plans cadastraux de l’époque :

Documents archives municipales
Documents archives municipales

Le Ravet-Anceau de 1886 fait état, au 159 de l’estaminet B. Luyx, au 159bis du carrossier Deblauwe, et au 161 d’un charron, C. Legrand. Mais ce sont les dernières années d’une construction, qui, rachetée par Jules Flipo, époux de Jeanne Cousin, va bientôt être démolie.

Jules Flipo est le fils de Carlos Flipo et de Sophie Delcroix, qui, veuve, habite en 1886 au 125, un peu plus haut dans la grand rue. On trouve également, en 1866, un Louis Flipo propriétaire de la maison frappée d’alignement située au 1, de l’autre côté de la rue de l’Hommelet, sur le coin nord ouest.

Une visite aux archives municipales nous apprend qu’en 1893 M. Flipo-Cousin demande l’autorisation de construire au 161, à côté de sa propriété, une maison qui existe encore aujourd’hui.

Documents archives municipales et google
Documents archives municipales et google

Cette maison fait maintenant le coin de l’avenue des Nations Unies, mais elle a été accolée à une autre maison grande et de belle apparence, que Jules Flipo fait construire à cette époque au coin de la rue et qui prend le numéro 159. Il y habite d’ailleurs en 1903, alors que le 161 abrite la famille Courouble-Meillasoux et que le 163 devient une pharmacie. On retrouve encore cette officine de nos jours sous le nom de pharmacie du Progrès, qu’elle a pris après la deuxième guerre.

Photo IGN 1965
Photo IGN 1965

La belle maison s’étire après le coin le long de la rue de l’Hommelet. Elle s’y prolonge par un bâtiment annexe situé après la grand porte donnant accès au parc. La propriété représente plus de 2600 mètres carrés.

La famille Flipo-Cousin habite la maison jusqu’avant la deuxième guerre, et on retrouve au 161 en 1939, à côté de chez ses parents leur fils Léon marié avec Elisabeth Guerre-Tissot. Ceux-ci habiteront à leur tour en 1953 le 159, où ils resteront jusqu’en 1970 avant de choisir un domicile à Tourcoing.

Document archives municipales
Document archives municipales

A cette époque, la municipalité se préoccupe d’abriter les activités culturelles de la ville et cherche, en attendant la réalisation d’un ensemble permettant d’accueillir la bibliothèque, le musée, des salles d’expositions et de conférences, un endroit où installer de manière provisoire les collections pour le futur musée. La propriété fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique et est rachetée en décembre 1971 par la ville. Mais, en 1974, on pense que la création du nouvel hôtel des postes pourra libérer un espace suffisant dans l’ancienne poste pour le musée. Les frais nécessaires à l’installation d’un service public dans notre belle maison font que l’on renonce à son utilisation, et qu’on accepte de la mettre à la disposition de la société Scrépel-Pollet, dont le magasin se situe en face, moyennant une redevance d’occupation. Deux ans plus tard, Scrépel Pollet, qui l’utilise comme lieu de stockage, offre à la ville de racheter la propriété, et le conseil municipal accepte la transaction.

Document archives municipales
Document archives municipales

Malheureusement, cette société ne profitera pas longtemps de son acquisition : le percement de l’Avenue des Nations Unies va la frapper d’alignement, ainsi d’ailleurs que le magasin Scrépel-Pollet lui-même, qui sera contraint d’aller s’installer un peu plus loin. On commence à démolir la belle maison :

Document archives municipales
Document archives municipales

Elle disparaît durant l’hiver 1984-85, à l’issue d’une longue période de travaux qui ont avancé progressivement depuis le pont St Vincent et finissent par toucher la rue de l’Hommelet et le boulevard Gambetta.

Photo aérienne IGN 1988
Photo aérienne IGN 1988

Le coin nord est est désormais représenté par le 161, repris par la pharmacie qui en profite pour ouvrir une nouvelle vitrine sur le pignon du côté de la nouvelle avenue.

Photo Google
Photo Google

Le pont de Wattrelos

Lors du tracé du nouveau canal contournant Roubaix par le nord, on prévoit des ponts sur les principaux axes de circulation, et, en particulier, pour le chemin de grande communication numéro 9, ou chemin de Wattrelos. La municipalité, anticipant l’arrivée du canal, décide de redresser ce chemin en réunissant par une ligne droite les actuelles places Nadaud et Chaptal, pour que cette nouvelle voie bénéficie du pont.

Document archives municipales
Document archives municipales

Un premier projet, approuvé par la ville, prévoit un pont fixe avec des rampes d’accès remblayées, juste en amont duquel on construirait une écluse à deux sas accolés, ce qui permettrait d’obtenir un tirant d’air suffisant pour les péniches sous le tablier.

Mais, sans doute pour des raisons techniques, le service des ponts et chaussées décide, sans en aviser les intéressés, modifier le projet et de le remplacer par deux écluses séparées, ce qui oblige à installer un pont levis sur la route de Wattrelos. Ce pont, qui coûte 36000 francs, est étroit (2m 50 de largeur) et ne permet le passage que d’un seul véhicule à la fois. On lui adjoint une passerelle pour que le piétons puissent traverser même pont levé.

Dès 1870 les habitants du Calvaire pétitionnent pour obtenir une autre passerelle sur l’ancien chemin à quarante mètres de la première. On proteste également contre l’établissement d’un pont levis. La municipalité propose de le doubler par un pont fixe établi à l’extrémité de l’écluse, Ces propositions restent sans suite. Le canal est alors encore en travaux, mais, dès son achèvement en 1877, regrettant encore d’avoir été mis devant le fait accompli, on souligne les inconvénients du pont levis. On insiste sur le fait que les convois funèbres s’y succèdent et que l’on met en service du tramway qui passera toutes les 5 minutes. On préconise donc la construction d’un second pont levis sur l’emplacement de l’ancien chemin (la distance étant supérieure à la longueur d’une péniche, les utilisateurs trouveraient toujours ainsi l’un des deux ponts libre). Ce nouveau projet ne voit, lui non plus, jamais le jour.

Plan cadastral 1884 – archives municipales
Plan cadastral 1884 – archives municipales

Les inconvénients de l’étroitesse de ce pont induisent des files d’attente importantes à chaque levée, et on se décide finalement à le remplacer par un autre plus large. Il restera mobile, mais il sera mû par la force hydraulique pour accélérer la manœuvre. Il repose sur quatre piliers, accolés à des contre-poids. Malheureusement, lors de son inauguration en 1903, il refuse de se lever, au grand dam des officiels réunis ce jour là. La cause de la panne est la rupture d’un tuyau d’arrivée d’eau alimentant la pompe hydraulique chargée de soulever le pont. Ce tuyau corrodé par la présence du courant de retour alimentant le tramway. Néanmoins, on finit par traiter le problème et le pont peut enfin remplir son office.

Collection médiathèque de Roubaix
Collection médiathèque de Roubaix

Malheureusement il est détruit en 1918 par les allemands en fuite, ainsi que la passerelle, partageant le sort de l’ensemble des ponts roubaisiens.

Le pont après déblaiement - Document médiathèque de Roubaix
Le pont après déblaiement – Document médiathèque de Roubaix

La paix revenue, il faut le reconstruire, mais les travaux n’avancent pas aussi vite que le voudraient les habitants. L’Égalité déplore en 1920 le fait que 6 ponts restent à reconstruire, dont celui de Wattrelos.

Le Journal de Roubaix - 1920
Le Journal de Roubaix – 1920

On érige un nouveau pont à l’emplacement de l’ancien. Les piliers que le soutiennent sont maintenant en profilés métalliques, reliés deux à deux par dessus la route, et son fonctionnement est amélioré. C’est celui qu’on connaît aujourd’hui après plusieurs réfections et remises en peinture. Il garde son intérêt, surtout pour la desserte du cimetière, malgré la construction du nouveau pont Nyckees, qui draine aujourd’hui l’essentiel du trafic vers Wattrelos.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Coop aux Trois Ponts

C’est en février 1972 que la SACOMUL (Société d’Aménagement de la Communauté Urbaine de Lille) met en vente les locaux du centre commercial qui va se trouver au cœur du nouveau quartier des Trois Ponts, encore en construction à l’époque. Le centre commercial lui-même est en cours de construction et on prévoit de le livrer en mai 1972. Il comprend une surface de supermarché de 712 m², une pharmacie de 140 m², un café de 70 m², une librairie-journaux de 70 m², une boulangerie de 140 m² et un local à affecter de 70 m². Les renseignements et le dépôt des candidatures se font à la SACOMUL, 326 rue du Général de Gaulle à Mons en Barœul.

Vue du quartier en 1972 Photo NE
Vue du quartier en 1972 Photo NE

Les trois-quarts de logements sont à présent occupés et il est temps qu’un centre commercial puisse approvisionner la population du quartier. D’autres équipements collectifs sont prévus : une crèche, un centre social, un centre de soins un foyer du vieillard, une maison de jeunes. Une école est en cours de construction. Très vite, on apprend qu’une supérette COOP occupera les 712 m² et que la pharmacie a trouvé son candidat. Les autres cellules attendent leurs acquéreurs. Le gros œuvre sera achevé en avril et le temps d’effectuer les aménagements intérieurs, l’ouverture des magasins se fera en septembre, selon le journal.

Le chantier en 1972 Photo NE
Le chantier en 1972 Photo NE

C’est à la fin du mois d’août que la supérette COOP est inaugurée rue Léonie Vanhoutte. Elle propose à sa clientèle tout ce qu’on peut trouver dans ce type de magasin, notamment un rayon boucherie. Ce point de vente bénéficie de la logistique des Coopérateurs de Flandres et d’Artois, association de coopérateurs qui gèrent et contrôlent eux-mêmes leur coopérative. Les COOP représentent plus de 600 points de vente dans le Nord de la France, dont 200 libres services et supermarchés, et nationalement, les magasins COOP sont au nombre de 10.000. Le PDG des Coopérateurs, Jean Delattre rappelle tout cela dans son allocation d’inauguration, ainsi que les divers services proposés par la société : assurance, documentation familiale gratuite, journal Le Coopérateur de France, œuvre de solidarité, crédit ménager le moins cher de France, vente par catalogue, service après-vente, laboratoire d’analyses…

L'inauguration en août 1972 Photo NE
L’inauguration en août 1972 Photo NE

M. Prouvost adjoint au maire, rappelle que Roubaix a été le berceau du mouvement coopératif et remercie les Coopérateurs de Flandres et Artois pour l’implantation de ce magnifique magasin. Un vin d’honneur est alors servi par M. et Mme Lefebvre, gérants du magasin et M. et Mme Lourme, gérants du rayon boucherie, et tous les présents boivent au succès du nouveau COOP.

La COOP des Trois Ponts Photo NE
La COOP des Trois Ponts Photo NE