Les travaux ont bien avancé, et la maison Ferret Savinel est en légère avance pour le gros œuvre. Sept collectifs à cinq niveaux sont sortis de terre, dont l’un ne mesure pas moins de 300 mètres de long, la fameuse Grande Barre, aujourd’hui disparue. Ces immeubles collectifs seront au début identifiés par une lettre et un numéro, la numérotation allant de B6 à B12.
Ce quartier résidentiel doit être terminé à la fin de l’année, pour respecter le délai imparti de 27 mois pour la construction. Déjà les peintres et les entreprises de plomberie sont à l’œuvre, et on envisage les travaux de viabilité. Les premiers logements sont livrés pendant le dernier trimestre 1960, alors que les plâtres sont encore frais, et qu’il faut encore s’occuper de l’environnement des bâtiments. On prévoit de loger 5.000 personnes dans ces logements construits en partie sur Roubaix et sur Hem, et on envisage déjà d’agrandir le groupe scolaire construit il y a trois ans.
En Janvier 1961, le chantier « frère » de celui des Hauts Champs est terminé. Ses bâtiments se trouvent entre la rue Montgolfier et le boulevard de Reims, entre le rue du Puy de Lôme et la rue Philippe Auguste. Il a été ouvert en novembre 1958, juste derrière le magnifique groupe de la Potennerie, et il représente 300 logements de différents types.
En mars 1961, les chantiers des Hauts Champs et du parc Cavrois sont donc terminés pour ce qui concerne les bâtiments. Une visite officielle des dirigeants du CIL, des architectes et des entrepreneurs vient visiter la chaufferie, et trois appartements dans le bloc 10.
Le groupe des Hauts Champs est alors considéré comme un quartier labyrinthe, avec ses immeubles et ses entrées numérotés. Aucun nom de rue, pas d’indications dans ce quartier en formation. Il y a bien des concierges, mais il faut les trouver, comme n’importe quel habitant de ces grands immeubles anonymes, dans une cité de près de 10.000 âmes.
Des noms de peintres seront donnés à certains bâtiments : le B6 sera le Pavillon Jean Baptiste Chardin, le B7 le pavillon Jean Baptiste Greuze, le B8, le pavillon Claude Monet, le B9 pavillon Edgard Degas. Les autres bâtiments B10, B11 et B12 n’obtiendront pas de dénomination immédiate. C’est alors que les rues s’organisent autour du nouveau quartier : en novembre 1963, la rue Michelet va enfin rejoindre l’avenue Motte, en longeant le mur de l’usine de velours. Elle permet ainsi d’intégrer le pavillon Claude Monet dans ses adresses. La rue Joseph Dubar à Roubaix et l’avenue du professeur Calmette à Hem suffisent à peine pour longer les trois cents mètres du B12, qu’on appellera par défaut, la Grande Barre. Trois bâtiments céderont alors leur nom à la rue qui les longe : le pavillon Degas donnera la rue du même nom, au bout de laquelle sera ouverte la rue Charles Pranard, entre les bâtiments 10 et 11. Les pavillons Jean Baptiste Chardin et Jean Baptiste Greuze, autrefois répertoriés dans les adresses de l’avenue Motte, deviennent des rues à part entière.
Telle est la configuration de la cité des Hauts Champs, à la fin des années soixante. Son histoire, bien entendu, ne s’arrête pas là…
Le témoignage de Christian Lebrun :
Félicitations pour votre initiative…J’ai été un des premiers habitants de ce quartier puisque j’y suis arrivé en novembre 1960. J’habitais rue Charles Pranard qu’on avait d’abord appelée Nouvelle Rue dans l’immeuble démoli depuis et qui était le bâtiment 11. La grande Barre était alors encore en construction. J’ai été nommé instituteur dans l’école appelée alors Ecole des Hauts Champs devenue Ecole Brossolette. Le bâtiment de deux étages n’existait pas et il y avait école de garçons et école de filles.
Je me souviens d’un drame survenu lors des vacances de Pâques 1961. Derrière le chantier de la grande barre, il y avait un énorme trou rempli d’eau et deux gamins avaient fabriqué un radeau de fortune pour s’y aventurer. Ils ont chaviré en plein milieu et il me semble qu’ils sont morts tous les deux. Je vais voir si j’ai des photos…
Celui de Robert Maurau :
J’ai habité les Hauts Champs en 1960, rue Beaujon à Hem. Je pense que mes parents ont été les premiers, je me souviens très bien des enfants qui se sont noyés, j’avais 9 ans et j’ai fait les mêmes bêtises.