Inauguration du lycée

Le dimanche 30 septembre 1956, c’est le Président du Conseil en personne, Guy Mollet, qui vient inaugurer le nouveau lycée, qui est ouvert depuis l’automne 1955. L’achèvement de la première tranche des travaux a permis d’accueillir 450 élèves à la rentrée d’octobre 1955. Le lycée n’est donc encore à cette date qu’un collège classique et moderne, car il reçoit les élèves du premier cycle et des classes élémentaires.

Le bâtiment B du lycée en 1956 Photo Nord Éclair

La seconde tranche de travaux lui permettra de devenir un lycée, où seront groupées les classes du premier et second cycle, c’est-à-dire de la sixième aux classes terminales. Bâti sur un vaste terrain, composé de bâtiments reliés par une galerie qui fait fonction de préau, le nouvel établissement possède également une cour d’honneur, une bibliothèque qui surplombe la cour d’honneur, à droite de laquelle se trouve la loge du concierge et les garages à vélo. Les bâtiments terminés sont les suivants : le bâtiment B celui des classes du premier cycle, quinze classes et sept études, le bâtiment C pour les classes élémentaires, onze classes et un préau couvert. Il y a aussi le bâtiment des cuisines, du réfectoire, qui peut recevoir 650 demi-pensionnaires et 180 internes. Il y a également une infirmerie qui peut héberger douze malades. Voilà ce que découvrira Guy Mollet.

Le Président du Conseil Guy Mollet Photo Collection privée et Nord Éclair

Qui est donc le Président du Conseil que reçoit Roubaix ? Élu maire et conseiller général d’Arras en 1945, puis député du Pas-de-Calais en 1946, Guy Mollet devient la même année secrétaire général de la SFIO, jusqu’en 1969. Il est ministre d’État dans les gouvernements Blum (1946-1947) et Pleven (1950-1951) et vice-président du Conseil dans le cabinet Queuille (mars-juillet 1951). Fidèle soutien du gouvernement de Pierre Mendès France, il lui succède en 1956. Président du Conseil (1er février 1956-13 juin 1957) Entre octobre et novembre 1956, il gère la crise du canal de Suez. À propos de l’Algérie, la guerre est pour lui « imbécile et sans issue », l’indépendance est dictée par le bon sens. Il a accordé leur indépendance à la Tunisie et au Maroc, et fait voter la loi-cadre Deferre, qui accorde l’autonomie à l’Afrique noire et annonce l’indépendance. Son cabinet fait adopter une troisième semaine de congés payés, la vignette automobile pour financer l’aide aux personnes âgées sans ressources, des mesures d’aide au logement. En mars 1957, seront signés les traités instituant la Communauté économique européenne (CEE).

Voilà l’homme qu’accueille Roubaix, pour deux réceptions, trois inaugurations, et un banquet. Il arrive d’Arras en voiture à 9 h 30 sur la Grand Place de Roubaix salué comme il se doit par la Marseillaise. Il prononce un premier discours dans la salle du conseil municipal, procède à une remise de décorations, reçoit la plaquette d’honneur de la ville, puis signe le livre d’or. A 10 h00, il se rend en cortège au monument aux morts du boulevard Leclerc pour y déposer une gerbe, tandis que le 43e RI sonne l’appel aux morts. Puis Guy Mollet gagne le lycée en remontant le boulevard de paris, les avenues Jean Jaurès, Gustave Delory, Alfred Motte et Roger Salengro.

Maurice Lefévre, le second Proviseur du Lycée, accueil des officiels Photos Nord Éclair

C’est un nouveau proviseur qui l’accueille, M. Maurice Lefévre, qui vient tout juste de remplacer M. Agnès parti à Constance. Originaire de l’Aisne, il a fait toute sa carrière dans l’académie de Lille, et il vient du collège de Béthune où il était principal depuis 1946.

Le Président du Conseil procède à une visite éclair de la bibliothèque et des classes d’études du premier bâtiment, puis l’on se retrouve dans la grande salle du réfectoire, pour la réception et les discours. Le maire de Roubaix, Victor Provo, prend la parole, raconte la réalisation pratique de l’ouvrage, rend hommage aux constructeurs, vante le cadre et conclut en ces termes : Puisse ce lycée fournir les chercheurs, les savants, les techniciens dont l’Humanité a besoin.

M. Brunol, directeur de l’enseignement du second degré prend ensuite la parole au nom du ministre de l’éducation, et c’est au tour de Guy Mollet. Il dit que ces inaugurations d’établissements secondaires lui procurent les plus grandes joies, car il est de la maison de la grande famille universitaire. Ancien enseignant, il se décrit comme un pédago en politique, mais qui doute au sens noble du terme. Il définit l’éducation, cet ensemble de méthodes par lequel une génération se poursuit dans la suivante, en assurant la continuité d’une action. Il évoque la perspective positive du nouveau lycée : les élèves habitués à des locaux où règnent la clarté, le confort et l’hygiène, ne pourront plus jamais admettre la plaie sociale du taudis, dans leur vie d’homme. Il rend hommage au corps enseignant, parle des réformes en cours et dit l’importance de l’élément intellectuel dans la formation et la culture des jeunes. Il termine en rendant hommage à Roubaix qui fait tant pour la République, tandis que retentit la Marseillaise exécutée par la Grande Harmonie.

Il s’en va ensuite inaugurer le groupe scolaire de la Potennerie, puis c’est une visite à la salle Watremez où se tient le salon international du tourisme et de la fleur. Après avoir traversé la nouvelle cité de la Mousserie, Guy Mollet regagne le centre de Roubaix et va s’incliner devant le monument de Jean Lebas. Il préside enfin un grand banquet au Grand Hôtel où il prononce un discours de politique générale (crise de suez, l’Europe en chantier…). Il quitte Roubaix dans l’après midi pour se rendre à Lomme pour d’autres inaugurations.

Une vie pour le commerce

Fils d’un chapelier d’origine belge, Jean Déarx est né le 24 mars 1885, au domicile de ses parents, rue de Lille. Il va poursuivre la profession familiale et la développer. Avant la première guerre, il crée l’industrie de la chapellerie cousue. On le trouve installé après la guerre comme fabricant de casquettes au n°21 de la rue de Lannoy, et il a installé ses ateliers au n°4 de la rue Bernard. Au-delà, il va consacrer sa vie à la défense et à l’extension du commerce. Dans sa branche, il sera Président de la chambre syndicale des fabricants de casquettes, chapeaux piqués et uniformes du nord de la France et vice-président de la fédération nationale de la Chapellerie.

Le magasin du Chapelier Jean, 21 rue de Lannoy Collection Particulière

A Roubaix, il sera premier vice-président de la chambre de commerce de Roubaix, Président fondateur de la fédération des syndicats commerciaux de Roubaix et de ses cantons, Président fondateur du salon des arts ménagers de Roubaix et Président de la fédération des groupements commerciaux de Roubaix et de ses cantons. Il a aussi été juge au tribunal du commerce.

Tout cet engagement ne l’empêche pas de s’investir encore dans d’autres domaines. Il a fait la première guerre mondiale, est décoré de la croix du Combattant, et pendant la seconde guerre a été interné comme résistant à la prison de Loos en 1944. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver président d’honneur de l’Union des réformés et mutilés de Roubaix, Lannoy et leurs cantons, et vice président des résistants internés et déportés.

Il est également délégué cantonal, administrateur du conservatoire de musique de Roubaix, administrateur du lycée de jeunes filles, administrateur et membre du conseil technique de l’ENSAIT et Président d’honneur de la FAL.

Fait Officier de la légion d’honneur en 1947, lors du passage du Président de la République à Roubaix, Jean Déarx est promu commandeur de la légion d’honneur le 8 mars 1957.

Jean Déarx Photo Nord Éclair

Mais l’un des titres honorifiques qui lui tenait sans doute beaucoup à cœur, c’est la présidence  d’honneur de l’union des commerçants de la rue de Lannoy. Car Jean Déarx s’opposa de toutes ses forces à la destruction du début de la rue de Lannoy, participant même à un contre-projet pour le centre commercial de Roubaix 2000. Mais rien n’y fit. Jean Déarx ne quittera pas la rue de Lannoy, car il se réinstallera aux n°111-113, et ainsi évitera le centre de transit du Lido. Il ne connaîtra pas réellement le centre commercial Roubaix 2000, car il décède le 25 août 1972, soit quelques jours avant l’inauguration officielle. Avec Jean Déarx, c’est une figure importante du Roubaix des grandes rues commerçantes qui disparaît.

Mobilisation des locataires

En 1962, la presse écrit à propos de la cité des Hauts Champs : dès leur arrivée, les locataires trouvèrent sous leur porte un charmant billet qui aurait pu être officiel ou émaner d’un quelconque syndicat d’initiative de quartier. Il s’agissait d’un feuillet contenant outre le plan du quartier lui-même, les adresses principales des services officiels les moins éloignés et les directions des commerces les plus proches. L’association populaire des familles était à l’origine de la rédaction de ce document qui rendit bien des services.

A l’époque, les Hauts Champs sont considérés comme une cité labyrinthe, sans équipements et sans accueil des nouveaux habitants. Il y a bien un gardien, mais était-il formé ? Pas d’aménagements : il n’y a pas de crèche, les enfants jouent au football sur l’ancien terrain de la briqueterie, et dans la cité, un terrain de volley-ball a été installé à l’initiative d’un locataire.

Un terrain de volley-ball de fortune en 1962 Photo Nord Éclair

L’association populaire familiale intervient dans le quartier. Robert Serrurier, responsable du secteur pour l’APF répond à la presse : un service de prêt de machine à laver, aspirateur et cireuse (58 rue Pasteur à Hem) a été mis en place et un service d’aide familiale (81/8 avenue Alfred Motte).

C’est le chauffage qui déclenchera la première action collective. La période de fonctionnement, fixée entre le 15 octobre et le 15 avril ne convient pas, car dès septembre 1960, il fait froid. Quarante personnes font circuler une pétition qui recueille 80% d’avis favorables. De là naît l’idée d’une association des locataires. Elle réunit les quartiers des Trois Baudets, de la Lionderie et les Hauts Champs et sera créée en août 1961. Le Président est Gilbert Guiart, le secrétaire est Alain Desjardin, qui habite le B11. Cette association n’est ni politique, ni confessionnelle, ni raciale. Au cours des réunions, le manque d’équipements est souligné : pas de centre commercial, ni de crèche, pas de terrains de jeux pour les enfants, absence de viabilité, pas d’éclairage, pas de cabine téléphonique, éloignement des moyens de transport. Plusieurs accidents ont eu lieu rue Paré, les écoles sont exigües, mais en voie d’agrandissement. En avril 1962, l’association est forte de 500 adhérents. Un bulletin ronéotypé est tiré qui relate les demandes et démarches effectuées par l’association. Son local, un baraquement qui servit autrefois d’installations sportives, se trouve rue Léon Marlot prolongée et des réunions s’y tiennent régulièrement.

Le local de l’association des locataires des Hauts Champs, Trois Baudets, Lionderie Photo Nord Éclair

De nombreuses associations de locataires se créent à cette époque, du fait de l’augmentation des loyers. Elles se regroupent sous l’égide de la fédération des  locataires CIL HLM de Roubaix Tourcoing.

 

La brasserie du Raverdi

Photo IGN de 1962
 

En 1899 apparaît au n°121 de la rue du Tilleul une brasserie appartenant à la société Chastelain et Compagnie. Cette société a construit l’année précédente deux maisons en front à rue encadrant un porche qui conduit à la brasserie dite « du Raverdi ».

Document Archives municipales

Elle devient en 1913 la « brasserie de l’Union Roubaix-Wattrelos » sous la forme d’une coopérative. En 1923, son directeur, E. Luesma est également le directeur de la brasserie des docks du Nord. En 1931, apparaît d’ailleurs au n°123 une épicerie des docks du Nord. M. Luesma assurera la direction de la brasserie jusqu’en 1939, tandis que l’épicerie des docks du Nord occupe le n°123 jusque dans les années 60.

Document collection particulière

En 1968 la dénomination est légèrement modifiée et devient « société coopérative Roubaix-Wattrelos ». En 1974, les locaux sont repris par la Grande Brasserie moderne, qui en fait un dépôt.

Curieusement, en 1981 et 1982 on trouve également à la même adresse mention du vélo club de Roubaix, alors qu’en 1988, la grande brasserie moderne reste située à cet endroit. A-t-elle prêté une partie de ses locaux au club sportif ?

Photo Collection particulière

Depuis, les bâtiments ont été réutilisés pour abriter d’autres activités dont nous parlerons ultérieurement.

La caserne disparaît

Le premier hôtel des pompiers fut édifié et inauguré en 1876. Il se trouvait sur la Grand Place, et on y accédait en passant entre l’ancienne mairie et l’ancienne bourse du commerce. Cet ensemble de bâtiments disparaissent à partir de 1907, pour laisser place au nouvel hôtel de ville dont l’une des ailes est occupée par la nouvelle bourse du commerce, et qui sera inauguré le 1er mai 1911. Les pompiers quittent la Grand Place car on leur construit boulevard Gambetta, une nouvelle caserne, dont les plans sont réalisés par l’architecte Barbotin. C’est un superbe édifice en béton armé, dont les travaux sont terminés en novembre 1910, les pompiers s’y installant le même mois.

La caserne des pompiers, derrière laquelle on aperçoit le gazomètre de la rue Bernard Collection Particulière

Le 19 juin 1911, c’est la journée des sapeurs pompiers dans le cadre des congrès tenus pendant  l’Exposition Internationale du Nord de la France, qui se tient à Roubaix. Les combattants du feu sont reçus à 10 heures par l’administration municipale à l’Hôtel de Ville, puis à 11 heures, intervient l’inauguration de la caserne des Pompiers du boulevard Gambetta. Constatant que depuis leur installation en novembre, le service des pompiers se fait avec une rapidité toujours plus grande, le maire Eugène Motte remet solennellement la caserne au commandant des Sapeurs Pompiers.

Les Sapeurs Pompiers de 1911 Photo Journal de Roubaix

Des manœuvres d’incendie sont ensuite exécutées par les pompiers de Roubaix. A midi, l’union des Sapeurs Pompiers tient son conseil d’administration dans la caserne même, avant de rejoindre l’Hôtel de Ville à midi et demie où se déroule l’assemblée générale de l’Union, dans la salle Pierre de Roubaix. Le banquet se déroulera à 14 heures au 50bis de la Grand Rue, dans la grande salle du Casino Palace.

Une vue de la caserne plus contemporaine Collection Particulière

Cette caserne idéalement placée sur le grand boulevard central roubaisien, à peu de distance du centre géographique de Roubaix, servira donc près de trois quarts de siècle.

La démolition commence en mars 1985 Photo Nord Eclair

En mars 1985, démarre la démolition de la caserne, les pompiers ayant été relocalisés boulevard de Mulhouse. Des artificiers ont placé des charges explosives sur le vieux bâtiment, qui s’écroule dans un grand nuage de poussière. L’aile de la caserne qui donne sur la rue Pierre de Roubaix sera achevée à l’ancienne par les démolisseurs. C’est un témoin important de l’ancien quartier des longues haies qui disparaît ainsi, et qui lui aura survécu vingt ans.

C’est désormais l’immeuble de bureaux de la caisse d’allocations familiales de Roubaix Tourcoing qui occupe le n°128 du boulevard Gambetta, dans l’angle formé par la rue Pierre de Roubaix et ledit  boulevard.

Les merveilleux fous volants

En 1911, il y eut à Roubaix un aérodrome, plus précisément un champ d’aviation, pendant la durée de l’exposition internationale du Nord, qu’accueillait notre ville cette année là. L’aérodrome se situait non loin de l’Exposition, le long de l’avenue des Villas sur les terres de la très ancienne ferme de Gourguemez. Il se trouvait au-delà de la rue de Beaumont, en face de la rue Carpeaux et la rue David d’Angers. C’était un champ d’aviation de dix hectares sur les pâtures de la ferme, avec comme installations, six hangars individuels, une grande tribune, des gradins, un hangar provisoire pour les grandes journées. Deux entrées sont aménagées de part et d’autre du champ d’aviation sur l’avenue des Villas. L’ouverture du champ d’aviation fut annoncée pour le 4 juin.

Sur cette photo aérienne IGN 1963,  l’emplacement du champ d’aviation, sous la ferme de Gourguemez, le long de l’avenue Gustave Delory
Plan du champ d’aviation et de ses installations Extrait du Journal de Roubaix

Les organisateurs ont obtenu l’aval de nombreux aviateurs pour leur participation. Quoique l’aviation ait beaucoup progressé, elle en est encore à ses débuts. En 1909, Blériot vient de traverser la Manche en aéroplane. Les roubaisiens auront donc des exhibitions pendant cinq mois, de juin à octobre. On leur promet des spectacles inédits : transports de passagers en aéroplane, randonnées aériennes fertiles en enseignements au dessus de la campagne, prouesses aéronautiques… En principe, on vole tous les jours au champ d’aviation de 6 h à 8h quand le temps le permet. Les roubaisiens ont également obtenu que leur ville soit la quatrième étape du Circuit Européen. Les organisateurs devront très vite compter avec les conditions météo. Des signaux sont placés à l’angle des rues de la gare, du vieil abreuvoir et de la Grand Place: une flamme rouge indiquera qu’on vole au champ d’aviation, une flamme noire qu’on ne vole pas, et une flamme blanche qu’on volera… peut être.

Védrines, vainqueur de l’étape Bruxelles Roubaix à son arrivée Photo Archives Départementales Nord

L’arrivée du circuit européen est prévue le mercredi 28 juin dans la matinée. A 9 heures, plusieurs milliers de personnes attendent déjà les aviateurs sous la surveillance d’un service d’ordre important. A 11 h 10, Védrines, vainqueur de l’étape, atterrit sous les accents de la Marseillaise. Trois minutes plus tard, c’est au tour de Roland Garros, puis Beaumont, et Kimmerling. Les exhibitions se poursuivront jusqu’en septembre, malgré le temps venteux et incertain. On pourra ainsi voir à Roubaix Mesdames Hélène Dutrieux et Jane Herveux. Ces dames firent aussi bien que les messieurs, en risquant leur vie au cours de vols rendus dangereux à cause du vent capricieux.

Hélène Dutrieux à Roubaix Photo Archives Départementales du Nord

Le meeting de clôture d’octobre sera d’ailleurs annulé, à cause d’un ouragan qui causera d’énormes dégâts : hangars disloqués, barrières et palissades arrachées, portes et cloisons enlevées, tribune et buvette renversées. L’Exposition elle-même eut à souffrir de ce très mauvais temps.

Le collège disparu

Jusqu’à la fin des années 60, les terrains situés entre l’usine Motte-Bossut et la rue Jean-Jacques Rousseau étaient occupés par des jardins ouvriers. Une première parcelle, placée le long de l’avenue Motte, verra s’ériger un garage, tandis que le reste sera ensuite dévolu au collège Jean Jacques Rousseau.

Le futur emplacement du collège. Photo IGN

Les travaux de construction du collège débutent en 1975, et l’ouverture est prévue en Septembre. Pourtant, à cette date, les locaux ne sont pas terminés et, comme il y a de la place au Lycée Van Der Meersch, on y héberge provisoirement le collège jusqu’à la fin des travaux qui se fera attendre près de six mois. L’association de parents d’élèves se constitue dès la rentrée.

Le nouveau principal, venant du collège d’Avion, est nommé en Mai. Il est provisoirement logé au collège Samain, rue d’Alger et participe aux réunions de chantier dès son arrivée . Il noue de bonnes relations avec l’équipe de Ferret Savinel, constructeur de l’ouvrage. Même si l’essentiel était déjà fixé, ces réunions lui permettent de faire quelques remarques prises en compte sur des points de détail (par exemple, il n’était pas prévu de clôture extérieure à l’origine). Au mois de Juin, les travaux en sont au stade des fondations, et en Septembre, l’ossature est en place. Ensuite, le reste des bâtiments s’est monté assez vite.

Photo La Voix du Nord

Dès la fin des travaux, au printemps 76, près de 400 élèves intègrent les nouveaux locaux, mais les repas du midi continuent à être assurés au Lycée Van Der Meersch. Les effectifs de demi-pensionnaires n’étant pas très importants, il n’a pas paru intéressant de nommer du personnel, et les élèves font ainsi le trajet en rangs tous les midis accompagnés d’un surveillant. La salle polyvalente sert donc à d’autres usages que la restauration : animations, réunions, spectacles… Le collège est prévu pour 600 élèves avec une SES (Section d’éducation spécialisée incluant un enseignement professionnel). Pour les garçons, il devait y avoir deux sections, mais une seule ouvre finalement : la menuiserie. Pour les filles, c’est la section traditionnelle à l’époque : enseignement ménager. Le corps enseignant est très jeune. Son dynamisme fait que tout marche dès le début sans aucun problème.

A proximité se trouvaient le garage Renault, et l’usine Motte-Bossut qui fonctionnait encore à l’époque ; elle a fermé quelques années plus tard. Sa cheminée émettait des noirons un peu agressifs, qui avaient tendance à esquinter les carrosseries des voitures du garage, ainsi que celles des riverains de Hauts Champs. Les plaintes n’empêchèrent pourtant pas l’usine de fumer !

Les officiels visitent une classe le jour de l’inauguration – photo La Voix du Nord

C’est M. Desmullier, vice-président de la communauté urbaine accompagné du recteur d’Académie, M. Niveau qui a procédé, en novembre 1976, à l’inauguration du collège, en même temps que ceux de Hem et de Lys. Ce jour là, justement, il faisait un temps un peu couvert, et les émanations de la cheminée étaient particulièrement présentes. Aux officiels qui regardaient ces fumées derrière les vitres, le principal fit remarquer que l’environnement n’était pas excellent ! Les mesures de qualité de l’air, installées par la suite, n’auraient jamais indiqué grand chose. L’usine travaillait alors jour et nuit, et c’était par ailleurs assez bruyant la nuit.

Un beau jour, on a appris qu’ils déménageaient les machines, et ça a commencé à agiter les syndicats. Le déménagement a duré deux jours complets. Et là, il n’y a plus eu de fumées ! Ça faisait partie de l’évolution d’une ville et de la vie.

Photos collection particulière
Réalisé grâce au témoignage d’Henri que nous remercions bien chaleureusement.

 

Un nouveau lycée à Roubaix

C’est le 23 septembre 1953 que les choses démarrent avec les adjudications des travaux, qui portent sur un devis général de 400 millions de francs. Deux cents vingt cinq entreprises étaient soumissionnaires et on dut mobiliser la salle Pierre de Roubaix pour accueillir les entrepreneurs. Vingt et un lots sont ainsi attribués à cette date.

Le chantier du futur lycée, à l’emplacement des jardins ouvriers d’autrefois Photo Nord Eclair

La première tranche de travaux est immédiatement amorcée. Elle comporte cinq groupes de bâtiments : l’administration,  les classes, une cuisine, un réfectoire…Le chantier commence à l’endroit où se trouvaient autrefois de nombreux jardins ouvriers. Le temps d’automne est favorable, et on procède déjà au coffrage de certains bâtiments. L’hiver rude de 1954 ne favorisa sans doute pas l’avancement des travaux.

Les premiers coffrages Photo Nord Eclair

C’est en juillet que la presse fait un nouveau point de chantier. Quatre bâtiments s’élèvent à présent destinés à l’administration générale, aux classes du premier cycle, aux classes élémentaires, aux cuisines et réfectoire. Des galeries de circulation sont prévues, ainsi que les cours de récréation et la cour d’honneur, où l’on attend l’arrivée d’un bas relief de M. Leleu, Grand Prix de Rome, symbolisant La Connaissance et la Recherche. Le bâtiment du premier cycle comporte quinze classes, huit salles d’études, deux salles de jeux. Le bâtiment de l’administration comprend quatre appartements destinés au proviseur, à l’intendant, au directeur pédagogique et au sous intendant.

Vue du chantier en juillet 1955 Photo Nord Eclair

En avril 1955, le gros œuvre est terminé, les travaux intérieurs sont bien avancés et l’on évoque la première rentrée pour octobre. On pense déjà à la seconde tranche de travaux qui comporte trois bâtiments, deux pour l‘enseignement et le troisième de six étages, pour l’internat. L’aménagement des terrains de sports, un gymnase, des plantations sont également prévus. C’est l’une des plus magnifiques cités scolaires de pays qui se construit à Roubaix !

En prévision de cette ouverture, dès le mois de juin, il est prévu de prolonger la ligne de bus n°15 qui part du quartier du Crétinier, passe par la Fosse aux Chênes, la gare, et dont le terminus est en haut du boulevard de Fourmies. L’autobus empruntera les avenues Motte et Salengro pour rejoindre le lycée. C’est la période de la disparition des tramways dans Roubaix, et il est question de la « motorisation » de la ligne C, qui relie Tourcoing à Toufflers via Roubaix, et qui sera remplacée par deux lignes d’autobus, le 19 et le 20. Il faudra toutefois attendre quelques années avant qu’il y ait un arrêt devant le lycée avec un abri aujourd’hui disparu.

Il fallait un proviseur au lycée roubaisien, le voici présenté par voie de presse en septembre. Il s’agit de M. Albert Agnes, un breton de 44 ans, licencié es lettre à la Sorbonne, titulaire de l’agrégation de grammaire. Professeur à Nantes jusqu’en 1952, il est nommé censeur au Lycée du Puy avant de devenir le premier proviseur du lycée de Roubaix.

Tout est prêt pour accueillir les premiers élèves lors de la rentrée du 1er octobre 1955.

Potennerie Blanche, origines

En 1958, l’office départemental HLM projette de construire conjointement avec la société Le Toit Familial 1200 logements répartis en deux tranches : l’une de 900 logements sur la plaine des Hauts Champs entre l’usine de velours Motte-Bossut et l’église Sainte Bernadette, et l’autre de 300 logements rue Dupuy-de-Lôme, pour 300 appartements répartis en cinq blocs.
Les architectes sont MM. Dubuisson, Grand prix de Rome et Lapchin, architecte en chef du CIL. La première pierre des 1200 logements Hauts Champs et Potennerie est posée le 24 juin 1958.
Pour la partie Potennerie du chantier, on parle fréquemment du groupe Cavrois, car les terrains appartenaient vraisemblablement à l’entreprise Cavrois Mahieu, dont l’usine se trouve à proximité, entre les rues Montgolfier, Jouffroy, Volta et la rue de la Potennerie. Une parcelle de jardins ouvriers semble être une survivance d’un groupe appartenant à la société Cavrois. Les flâneurs nous apprennent que le quartier de la Potennerie où se trouve la rue d’Artois comportait de nombreux jardins populaires, il était autrefois très peu bâti et gardait un caractère bucolique. Ils signalent que les constructions démarrent vers 1908 et que la rue d’Artois n’est viabilisée qu’en 1928, et la rue Volta prolongée vers 1924. Les propriétaires riverains sont Mmes Veuves Cavrois Mahieu et Loridan Lefebvre.L’usine Cavrois Mahieu fut construite en 1887, avant que la rue Jouffroy et la rue Montgolfier n’existent. La création de ce nouveau quartier entraîne la parcellisation d’une grande propriété foncière qui s’étendait jusqu’à la Place de la Fraternité et jusqu’à l’avenue Motte. En 1893, les boulevards de Lyon et de Reims viennent opérer une coupure entre le lieudit les Près, propriété de l’industriel Cordonnier où viendront s’installer les stades Maertens et Dubrulle Verriest, et le site de la Potennerie où s’édifieront dans les années cinquante les différents logements collectifs. En 1926, la rue Montgolfier opère une séparation entre le secteur où se trouveront les immeubles de la Potennerie Rouge, et ceux de la Potennerie Blanche.
En Août 1959, le chantier du terrain Cavrois avance de façon satisfaisante, et l’on peut espérer démarrer la location au printemps prochain. C’est qu’il y a des besoins pressants, les mal logés du bloc Anseele en pleine démolition doivent trouver enfin un logis agréable et confortable.

L’immeuble aux cent fenêtres Photo Nord Eclair

En Avril 1960, l’office départemental HLM met la dernière main aux immeubles des Hauts Champs et de la Potennerie Blanche. Il semble que le site de la rue Montgolfier entre les rues Philippe Auguste et Dupuy de Lôme, ait été complété par un chantier plus modeste à l’angle du boulevard de Reims et de la rue Jean Baptiste Notte, là où se dressait jadis un château, qui fut la propriété de M.Bossut Plichon, et dont le dernier occupant fut Charles Droulers, industriel, poète, et président de la société des Jardins Populaires. Primitivement ce terrain, situé dans l’angle formé par les boulevards de Lyon et de Reims, devait abriter un centre social et médical. Mais il fut ensuite rétrocédé à l’office départemental HLM à charge d’y bâtir, le centre devant être bâti boulevard de Fourmies.

Bien que les travaux soient bien avancés, car on procède au terrassement et au percement des voies et allées qui desserviront le nouveau groupe, lequel comportera 300 logements de différents types, on espère mettre les appartements en location pendant l’été. Sans doute avait-on été trop optimiste quant à l’achèvement des travaux.

D’après la presse de l’époque, et les chroniques des rues de Roubaix des flâneurs de la Société d’Émulation de Roubaix

Une rue plutôt industrielle

Dans les premières années d’existence de la rue Victor Hugo, les maisons d’habitation sont clairsemées. C’est ainsi qu’en 1903 ne figurent que cinq immeubles dans le Ravet Anceau. Les constructions se mettent en place progressivement, et il faut attendre le début des années 20 pour que les maisons se multiplient vraiment. Par contre, tout au long des années 30, la zone entre la rue Pierre de Roubaix et la rue de Nancy, du côté des numéros impairs, est occupée par les jardins ouvriers de la société des jardins populaires. Ceux-ci disparaissent après la guerre. Les habitants de la rue sont en majorité des ouvriers ou des employés, mais on y rencontre également les demeures d’industriels dont l’usine est installée dans la rue , et notamment l’habitation de M. Craye au n°88, et celle de la famille Stubbe au n°185 . On trouve également après guerre au n°176, à côté de l’entreprise Jacob, M. Loridant-Lefebvre, agriculteur, exploitant la ferme de la rue de Charleroi qui se trouve juste derrière. On y accède depuis la rue par un sentier.

Les domiciles de MM. Stubbe et Craye. Plan archives municipales, photos Jpm

Les commerces sont peu nombreux, même avant la deuxième guerre : on peut parler d’une rue peu commerçante. Dans les premières années, s’installent un boucher au n°3 en 1903, remplacé par un estaminet de 1912 qu’on retrouve jusqu’au début de la deuxième guerre, et, au n°95 un distributeur de bières en bouteilles remplacé par l’épicerie Castelain en 1912. Celle-ci restera ouverte jusqu’après la deuxième guerre et prendra le n°205 lors de la renumérotation de 1928. S’ouvrent également un estaminet au n°97, un marchand de vins au n°2, une épicerie au n°6, et un estaminet au n°78. Au début des années 30, on note l’apparition de deux estaminets au 171 et 173, d’une parfumerie au 175 et d’une mercerie au 150-152. La plupart de ces commerces disparaissent assez vite, si bien qu’en 1959, on n’en trouve plus que deux, une alimentation générale au 215, et l’épicerie Castelain, à qui revient la palme de la longévité.

Plus récemment, s’installe au 4-6 un confiseur en 74, et la boulangerie située au coin de la rue de Lannoy, la pâtisserie Planquaert. « Les craquelins y sont les meilleurs de la région » nous confie Gillette.

Photo coll. particulière

De nombreuses entreprises se sont installées dans la rue Victor Hugo. Dès 1913, la société Jacob et fils dépose une demande pour construire une retorderie, à l’angle de la rue de Charleroi. L’usine est agrandie en 1923, puis en 1933 se voit dotée d’un dispositif réfrigérant. Elle ne cesse son activité que dans la milieu des années 70.

La retorderie Jacob et fils – archives municipales

Au n°25 s’installe dès les années 30 l’entreprise Sani tapis, propriété de Pierre Motte. On la retrouve à la même adresse jusqu’en 1965. En 1923, les bâtiments, construits d’origine en retrait, sont prolongés jusqu’à l’alignement de la rue. A côté, au 27 à l’emplacement des jardins, s’installe en 1932 à 1970 la société Taffin et Cie, apprêteurs, puis tissus en 1953. Très tôt également s’implante au n°91, l’entreprise  Stubbe et Cie, teinturerie sur matières textiles. Elle exercera ses activités jusqu’à la fin des années 5,0 sur deux sites (une annexe au 163 et l’entreprise principale aux numéros 185 à 201). Au n°66, on trouve la société Israël Craye et fils, qui fabrique des tissus pour ameublement de 1931 à 1974. Monsieur Craye reçoit en 1914 l’autorisation de compléter les bâtiments de son usine. Comme il ne peut pas donner suite à cause de la guerre, il lui faut redemander une nouvelle autorisation en 1922.

L’entreprise Craye – photo collection particulière.

Dans le milieu des années 50,  s’installe au n°10 un rechapeur de pneus, A.Prevost. Sa veuve ouvre ensuite de l’autre côté de la rue, au 29, la maison du pneu spécialisée dans le rechapage. « Tous les possesseurs de camions connaissaient. C’était un spécialiste des pneus Michelin, un agent quasi exclusif » témoigne Jean-Louis.

Documents archives municipales

D’autres entreprises, plus éphémères, s’implantent également dans la rue : au 71 apparaît en 61 l’ « usine de la Lys », fabrique de non tissés ; au 75 s’installe l’imprimerie Descamps en 70 ; au 77bis s’implante en 1924 une fabrique de pianos. En 1961, un fabricant de brosses remplace l’annexe Stubbe au 163. Il est lui-même remplacé en 1970 par l’entreprise Sell service, fournitures pour horticulteurs. Au 185, l’usine Stubbe est reprise en 1974 par la SARL DIMA,  une société de chromage.

Au total, la rue semble avoir conservé tout au long de son existence un manque d’unité, dû à la cohabitation de nombreuses usines et d’alignements d’habitations abritant une population majoritairement étrangère à ces entreprises.