Nouvel espace d’apprentissage pour le bâtiment

L’enseignement technique des métiers du bâtiment se fait avant la deuxième guerre à l’Institut Turgot. On y trouve en 1935 des sections de maçonnerie, carrelage, menuiserie, charpente, plomberie et zinguerie, peinture, serrurerie, ébénisterie, sculpture sur bois et tapisserie. Durant la guerre, la place vient à manquer rue du Collège, et un centre d’apprentissage de garçons, préparant aux emplois dans le bâtiment est alors créé au 112 rue des Arts, dans un immeuble qui abritait en 1939 l’atelier de mécanique J. Martel.

Le 112 rue des Arts – Photo coll. particulière
 

Mais les locaux s’avèrent vite insuffisants pour accueillir les élèves, et le centre est amené à ouvrir des annexes. D’après le Ravet Anceau de 1955, il y en a deux, la première située 168 rue de Lille, et une autre 8 boulevard de Lyon. Cette dernière adresse correspond à une propriété entourée d’un parc, laissée à l’abandon, qui appartenait à la fin du 19ème siècle à la famille Scrépel. Elle est constituée d’un château avec d’autres bâtiments, situés à l’entrée du parc, dans l’alignement de l’ancienne rue Lacordaire, qui seront démolis lors du percement du boulevard de Lyon. Les terrains situés au coin du boulevard de Lyon et de la rue de Beaumont (aujourd’hui rue Edouard Vaillant) appartiennent aux familles Destombes et Bonami-Wibaux, ils seront coupés en deux lors de l’ouverture de ce même boulevard.

Le site d’après le plan parcellaire de 1889 – Document archives municipales
 

En 1907, c’est le nom de M. Léon Motte qui figure sur le plan cadastral pour le parc, alors que la zone près de la rue de Beaumont reste aux familles de Pierre Destombes et Bonami-Vibaux(sans doute Wibaux). Ces deux terrains désormais coupés en deux ont perdu de leur intérêt pour les propriétaires, et la partie formant le croisement du boulevard de Lyon et de la rue de Beaumont est finalement vendue vers 1922 sous forme de parcelles. Les nouveaux propriétaires y construisent les maisons qu’on voit encore aujourd’hui. D’après le Ravet Anceau de 1928, le parc et le château restent la propriété de Léon Motte-Scrépel au 16 rue Edouard Vaillant (renuméroté 26 en 1939), alors que Mme Veuve Willot Scrépel habite le 2 boulevard de Lyon. Il semble que ces deux adresses concernent un seul et même bâtiment, en l’occurrence notre château. En 1939, on retrouve la même famille rue Edouard Vaillant, puis le domaine est racheté par l’État en 1951. En 1955,  le domaine est inhabité et c’est là qu’on  va bâtir le nouveau centre d’apprentissage, transfuge de la rue des Arts.

Photo aérienne 1953- archives municipales

En 1956 aboutit le projet d’ouverture d’un centre d’apprentissage de 400 places, pour succéder à celui de la rue des Arts devenu beaucoup trop petit et incapable d’accueillir des effectifs en pleine progression. Les architectes choisis sont MM. Baselis et Deletang. La première pierre est posée en Juin. A cette époque, Le directeur du centre est M. Degryse, l’économe est Albert Andès, et le chef des travaux M. Simoëns. On conserve le château durant les travaux : il permet d’abriter les réunions de chantier, et M. Degryse l’utilise pour les visites qu’il organise, telle celle de l’association des parents d’élèves au mois de Juin 1958, alors que la construction approche de son terme. Sur la photo qui suit, on voit nettement que les premiers bâtiments sortent de terre, mais que le château est toujours présent :

Photos IGN et Nord Éclair

La première rentrée scolaire a lieu en septembre 1959, et les parents d’élèves y font leur première assemblée générale en octobre. A la rentrée 1961, on compte 145 élèves en première année, alors que le total des effectifs est de 322. L’établissement a donc presque fait le plein dès sa deuxième année. Il lui faudra également recourir à des annexes pour faire face aux demandes d’inscription.

Le site en 1962 – Photo IGN

 

Le berceau du rugby roubaisien

Le lycée Van Der Meersch réunissait toutes les conditions requises et nécessaires à la création d’un club de rugby à Roubaix, à savoir un terrain, de l’encadrement sportif et administratif, et surtout des joueurs !

La création du foyer socio-éducatif du lycée intervient fin 1968. A cette date, il y a une symbiose forte entre les parents d’élèves, l’équipe pédagogique et les élèves. De nombreuses sections sont créées parmi lesquelles des activités de chorale, de théâtre, un cercle historique animé par M. Wytteman, professeur d’histoire et géographie, et l’organisation de voyages (Autriche, Angleterre). Il y a aussi des activités sportives animées par les professeurs d’éducation physique du lycée, à l’occasion des après midi sportives (football, hand ball, natation, équitation, golf…et rugby).

La naissance du rugby club Roubaix en 1975 Photo Nord Éclair

C’est André Burette, professeur d’éducation physique, natif du nord, passionné de rugby, qui lance la pratique de ce sport à partir de 1970. D’abord pendant les heures de cours, il est bientôt rejoint par son collègue Perez qui lui, est originaire du sud ouest. On se souvient encore des rencontres mémorables entre littéraires et scientifiques, notamment ce match où le hasard d’un drop littéraire anéantit la stratégie scientifique…Les deux professeurs lancent une équipe de rugby dans le championnat scolaire universitaire à partir de 1972.

Les élèves rugbymen brillent dans les premiers championnats d’académie. Arrive leur dernière année de terminale, ils décident de rester à Roubaix et de créer un club, pour conserver les liens de camaraderie. A l’époque, dans la région, il existe comme clubs de rugby, le Lille Université Club, le Rugby Olympique Club  Tourcoing, et l’Iris de Lambersart.

Le club roubaisien va se créer en 1975 à partir d’un noyau d’une bonne centaine de personnes, avec des équipes cadets, juniors et seniors. L’impulsion vient surtout des juniors, parmi lesquels on peut citer Dominique Vermeulen, futur président et Patrick Mullié.

Terrains sportifs, l’un est aux normes du rugby, l’autre non Cliché IGN 1964

Pour créer un club, il faut un terrain de rugby homologué, et celui du lycée Van Der Meersch est le seul qui le soit à Roubaix. Cela est du au fait que les installations sportives de l’établissement ont été utilisées très tôt pour le sport universitaire. Mais il faut également parler des classes de préparation au professorat d’éducation physique, où sont passés des sportifs comme Guy Drut, et Jacques Carrette. Le lycée dispose ainsi d’une piste d’athlétisme, de terrains de basket homologués. André Burette a pris contact avec la fédération, et le terrain a donc été homologué pour le rugby.

M. Vergin, proviseur du lycée devient ainsi le Président d’honneur du club. Mais il faut un Président actif, et ce sera une présidente, Mme Gillette Mullié. Elle a les compétences requises : professeur d’éducation physique, présidente des parents d’élèves (association Cornec), des fils rugbymen…et quelques relations, en ville comme dans le monde sportif.

Dans un premier temps, il faut s’adresser à la mairie, pour présenter le projet et porter le nom de Roubaix. Gillette rencontre le maire de l’époque, Victor Provo. Le premier magistrat de la ville est enthousiasmé, mais ayant eu quelques déboires avec un autre sport au passé glorieux, il pose une condition en ces termes :

Petit, un club de rugby, mais pas comme le football, il y en aura un, pas d’autre !

Ensuite, ce sont les démarches à la fédération, et la demande de création du club qui prend pour nom Rugby club Roubaix et pour siège le foyer socio-éducatif du lycée Van Der Meersch. Très vite, les joueurs se sont inscrits pour se former, car il faut fournir un arbitre par an, entre autres exigences sportives.

A sa création, le Rugby Club de Roubaix joue en division d’honneur, ses couleurs sont celles du club de Narbonne qui va parrainer les rugbymen roubaisiens : maillot et chaussettes orange, short noir. C’est le début d’une grande aventure qui dure toujours, et dont nous espérons raconter l’histoire dans de prochains épisodes…

Merci à Gillette Mullié, première Présidente active d’un club de rugby masculin, de 1975 à 1981, pour ce magnifique témoignage. Précisons qu’elle est toujours Présidente d’Honneur du club auquel elle est restée très attachée !

La desserte du Chemin neuf

A la fin du 19ème siècle, le secteur du chemin neuf faisait partie du quartier de Maufait : on n’y voit qu’une rue, tracée sur l’ancien chemin numéro 9, qui reliait le hameau des Trois Ponts à Hem. En 1885, les héritiers Leconte-Baillon demandent à la municipalité l’autorisation d’ouvrir plusieurs rues sur leur domaine. Ces voies projetées se trouvent aux emplacements des actuelles rues Leconte-Baillon, Braille (dénommée Prince de Ligne), et Georges Verriest (rue Yolande). Ce projet et celui d’ouverture de la rue Jouffroy donnent l’occasion à la municipalité de relier directement par deux voies parallèles le boulevard de Reims à la limite de Roubaix, par les quartiers de la Justice et des Hauts-Champs. Le 19 mars 1886, le conseil municipal donne un avis favorable à cette demande. Mais le directeur de la voirie municipale donne l’alerte en 1899 : il signale que les héritiers Leconte-Baillon ont pris l’initiative de déplacer de 12 mètres le tracé d’une rue projetée, la rue Prince de ligne, et de commencer les travaux sans en référer à personne. Ceci ruine le projet de constitution d’une communication en droite ligne mis au point par la ville. La municipalité réagit donc, et les travaux de percement de la rue Prince de Ligne s’arrêtent là. Cependant, les cartes de l’époque la reproduisent ainsi qu’une place virtuelle en forme de losange, située sur le tracé de l’avenue des Villas, d’où part une non moins virtuelle rue Jean de Melun, placées toutes deux à l’emplacement où se construira en 1903 l’usine de velours Motte-Bossut.

Les voies en projet – document archives municipales

Le projet renaît avec la délibération du Conseil Municipal du 23 novembre 1934, qui prévoit l’ouverture d’une rue Prince de Ligne au delà de l’avenue Motte entre la rue du Chemin vert et la rue Emile Zola, s’arrêtant net, au coin de l’usine Motte-Bossut. Cette rue prend finalement le nom de Jules Michelet. Le projet de percement jusqu’au boulevard de Reims est abandonné, du fait de l’ouverture de l’avenue Linné, et des constructions qui la bordent désormais. Une photo aérienne de 1950 nous montre le quartier du chemin neuf couvert de jardins ouvriers et toujours traversé par la seule rue du chemin neuf, et le domaine des Prés remplacé par les stades Dubrulle et Martens.

Photo IGN 1950

Pourtant, en 1952 réapparaît le projet de relier directement et en droite ligne la rue Philippe Auguste au delà du boulevard de Reims à travers l’avenue Linné et l’avenue Motte vers Lys lez Lannoy, et une autre rue prolongeant la rue Horace Vernet au delà de la rue Léon Marlot et venant croiser la première. Enfin, en 1953, dans le cadre de la construction d’immeubles par la Maison Roubaisienne dans le quartier du Chemin neuf, il devient absolument nécessaire de tracer une voie dénommée « Prince de ligne prolongée » et une autre reliant celle-ci à la rue Léon Marlot. Cette première voie n’est prévue qu’entre l’avenue Linné et la rue du Chemin neuf . Le revêtement doit se faire en petits pavés en mosaïque.

On lance une adjudication publique. Les soumissionnaires sont au nombre de 7, dont les sociétés roubaisiennes Waquier frères, finalement déclarée adjudicataire, Ferret Savinel ainsi que Planquart et fils. Les terrains formant l’ancienne propriété Cordonnier ont été acquis pour la plupart par la société « la maison Roubaisienne », et les travaux peuvent commencer. Ils vont nécessiter la démolition des tribunes du stade Martens, qu’on voit distinctement en blanc sur la photo ci-dessus. Remarquons au passage le matériel utilisé pour les travaux typiques pour l’époque, camion GMC des surplus militaires et pelle mécanique – vraisemblablement à chenilles – actionnée par des câbles. La nouvelle artère sera baptisée rue Louis Braille.

Photos archives municipales. En haut vue vers l’avenue Linné. En bas vers l’avenue Motte.
Les travaux de percement. En haut vue vers l’avenue Linne, en bas vers l’avenue Motte.

Les immeubles collectifs étant maintenant construits, on décide en 1958 d’ouvrir au bout de la rue Louis Braille une chaussée en tarmacadam (alors que la rue du chemin neuf reste pavée) entre la rue du Chemin neuf et l’avenue Motte, dans l’alignement de l’usine de velours. Cette prolongation permettant compléter la desserte du quartier. C’est une aubaine pour le supermarché qui s’installe presque aussitôt dans l’ancienne usine Frasez, et qui en profitera pour ouvrir son parking le long de la rue nouvellement tracée.

Les travaux de prolongation photos Archives municipales, IGN et La Voix du Nord

Ce n’est finalement qu’en 1963 qu’a lieu la prolongation de la rue Michelet jusqu’à l’avenue Alfred Motte, en longeant l’usine de velours. L’ensemble forme enfin avec la rue Braille un ensemble cohérent, tel qu’il avait été prévu pour la première fois près de 80 ans plus tôt.

Du dispensaire au centre social

C’est en 1910 que la section roubaisienne de la Croix Rouge crée un dispensaire dans les anciens locaux de la boulangerie coopérative l’Union, au cœur du quartier des longues haies, au n°90 de la rue du même nom. Il fut ouvert aux malades le lundi 21 novembre après avoir été béni une semaine plus tôt. Après avoir subi les sévices de la première guerre mondiale, il est restauré en 1924, et ajoute à sa vocation de dispensaire, le recrutement et la formation d’infirmières.

Les élèves infirmières du dispensaire en 1950 Photo Nord Éclair

En 1950, ce dispensaire est toujours actif et ses activités éducatives se sont développées et transformées : on y trouve toujours l’école des infirmières hospitalières, mais également des assistantes sociales et des futures « reines du foyer » selon le titre du journal de l’époque. Ces stages d’instruction sont effectués par des jeunes filles âgées de 19 ans au moins et de 35 ans au plus. Un examen d’entrée attend les postulantes qui ne sauraient justifier d’un niveau d’études générales. Ce sont des élèves infirmières, ou de futures hospitalières, des assistantes sociales, ou simplement des jeunes filles qui viennent se former à la puériculture et aux soins à donner aux malades et aux blessés. Onze médecins viennent donner bénévolement des cours théoriques assistés par trois religieuses, qui jouent le rôle de répétitrices, et donnent des cours de morale professionnelle et des travaux pratiques, donnés dans une salle de démonstration.

La première année d’études est commune aux candidates hospitalières et assistantes sociales, mais les premières auront deux ans à faire avant d’obtenir leur diplôme d’état, alors que les secondes le feront en trois ans. Pendant cette période, elles ont onze mois de stage pratique obligatoire à la clinique, au dispensaire, ou au centre de Comines.

Pour les jeunes filles qui reçoivent un enseignement médico-social, elles obtiennent après une année d’études et sept mois de stage un diplôme d’infirmière croix rouge qui ne leur donne pas le droit d’exercer mais qui les prépare à leur rôle de mère de famille. Cette formation est un premier exemple des animations proposées par la Croix Rouge, qui se complètent  dans le cadre de ses centres sociaux.

La couture au centre social de la Croix Rouge 51 boulevard de Belfort Photo Nord Éclair

Il y en a deux en 1950 à Roubaix, dont la création remonterait à 1947. L’un est situé au 46bis rue de la chaussée dans le quartier de la Guinguette dans un ancien café d’angle, et l’autre est à deux pas du dispensaire des longues haies, au n°51 du boulevard de Belfort. La responsable est Melle Houmer, elle est assistée de quatre monitrices : Melle Jacquart pour l’enseignement ménager, Melle Vandamme pour la bibliothèque, Melle Vanwelden pour le chant danse folklorique et Melle Trackoen pour les expositions et fêtes. Qu’apprend-on dans ces centres ? Tout ce qui a trait à l’entretien du linge familial : utilisation de la laveuse, de l’essoreuse, du matériel de lessive. Ebauche des premières haltes garderies, Bébé est gardé pendant que maman se forme à la préparation du repas, à la pratique de la machine à coudre, des patrons, du fer à repasser électrique. Une bibliothèque pour tous propose un service de prêt et de lecture sur place. Le lieu est convivial, on peut y écouter la radio, bénéficier des services d’un secrétariat social.

Le coin bibliothèque du centre social de la guinguette en 1950 Photo Nord Éclair

Le centre social du boulevard de Belfort disparaîtra, comme le dispensaire, dans l’opération de rénovation du bloc  Anseele au début des années soixante.

Maison de l’enfance

Le chantier de la cité Cil des Trois Baudets a été mené de 1947 à 1949. C’est l’un des premiers lotissements réalisés de ce genre. On peut lire dans la presse de l’époque[1] :

les nombreux visiteurs ont pu constater qu’au beau milieu du vaste chantier on avait laissé un large espace vide. Que de terrain perdu a-t-on pensé ! Eh non, cet espace ne sera pas perdu. Il sera même utilement employé. Car il supportera une maison de l’enfance, qui rendra mille services aux familles nombreuses du quartier. Une maison qui sera aussi une garderie d’enfants, et dans laquelle on donnera des consultations de nourrissons et des consultations médicales.

Au centre de la cité des trois baudets, la maison de l’enfance en 1950 Extrait Photo IGN

Cet article tend à montrer que le projet de la cité des Trois Baudets comprenait donc la construction d’une maison de l’enfance, qui de fait, sera édifiée en 1950. Mme Albert Prouvost de Maigret, dont l’époux est le grand industriel à l’origine du CIL, se voit confier la présidence de l’association.

La maison de l’enfance à ses débuts Photo Nord Éclair

On se propose à l’époque d’édifier d’autres maisons de l’Enfance, dont le financement sera assuré par le concours financier des industriels de la région, la caisse de sécurité sociale, la caisse d’allocations familiales, et par des dons émanant de personnalités américaines (on cite Mme Patton). Des lieux sont évoqués à la suite de celle des trois Baudets à Hem : Wattrelos, Tourcoing, et les Hauts Champs…Une maison identique sera bel et bien édifiée dans le quartier du Laboureur à Wattrelos. Ces Maisons de l’enfance se présentent alors comme les corollaires indispensables de la grande œuvre sociale du CIL.

Qu’y trouve-t-on ? C’est d’abord un dispensaire complet, avec visites à domicile, nuit et jour, semaine et dimanche, une consultation de nourrissons et une consultation prénatale. On y pratique les vaccinations et les séances d’ultra violets pour les enfants. Un cabinet médical est mis à la disposition du médecin contrôleur de la sécurité sociale.Pour le côté social, on y trouve un bureau de sécurité sociale et une annexe de la caisse d’épargne. Il y a également des permanences de l’association des familles et de l’école des parents. On y donne des cours ménagers, qui s’adressent aux jeunes filles, mais aussi aux mamans, l’après midi  et le soir, on peut même y préparer un CAP. Il y a aussi les  jeudis de loisirs organisés (rappelons qu’en 1950, le jour de congé scolaire est encore le jeudi, le mercredi viendra bien plus tard). Bricolage, peinture, dessin, modelage et pyrogravure sont proposés aux amateurs, ainsi que solfège, bibliothèque et cinéma.

Petites usagères de la maison de l’enfance Photos Huguette

On souhaite bientôt compléter ces animations avec d’autres comme des activités sportives, un ciné club et de la construction de modèles réduits et un atelier menuiserie. Et surtout une salle de spectacle, qui sera réalisée ultérieurement. Dix ans plus tard, la maison de l’enfance des Trois Baudets est progressivement devenue un véritable centre social accueillant. Le taux de fréquentation est élevé, et l’on commence à refuser du monde, d’autant que l’habitat s’est développé, du côté des Hauts Champs, où l’on envisage de créer le même type d’établissement.


[1] Nord Éclair avril 1949

Boulevard de ceinture

En 1887 naît un projet d’ouverture d’un boulevard reliant la gare du Nord-Est (Gare du Pile) au parc Barbieux. Ce boulevard doit constituer la ceinture sud de Roubaix. Il se raccordera à l’extrémité de la rue Lacordaire, qui sera élargie à 20 mètres et, prendra, pour l’occasion l’appellation de boulevard.

Pourquoi ce boulevard ? Le directeur de la voirie municipale l’explique dans une note de 1889. Il s’agit selon lui d’enrayer la tendance des industriels à aller implanter leurs usines dans les communes voisines, alors que Roubaix dispose de nombreux terrains potentiels, malheureusement dépourvus jusque là de voies d’accès. Il faut créer une grande artère pour desservir le sud de la ville. Par ailleurs, il serait intéressant que son tracé suive le cours du riez des trois ponts, dans lequel commencent à se déverser les égouts , et qui, pour des raisons de santé publique, sera prochainement à recouvrir. L’existence d’une voie tracée à proximité faciliterait les travaux à prévoir. Restent à fixer les détails du tracé.

A cette époque, les familles Deltour et Delepoulle, propriétaires, s’engagent à céder gratuitement à la municipalité une bande de terrain de 20 mètres de large, « située au hameau du Raverdi »

En 1889, les familles Bossut-Plichon et Cordonnier acceptent également la cession gratuite du terrain nécessaire au percement, mais entendent en fixer le tracé : le futur boulevard devra passer au moins à 15 mètres de l’angle sud de la maison de M. Bossut-Plichon (au croisement du chemin d’Hem), et entre les « magnifiques parcs de MM. Cordonnier et Bossut ».

Plan de 1884 surchargé du tracé du boulevard et du nom des voies existantes

 En effet, le tracé du boulevard va devoir tenir compte de l’existant et s’insérer entre les grandes propriétés qui constituant cette partie de Roubaix, et, en particulier celles de Louis Cordonnier (domaine des prés), et de Jean Baptiste Bossut-Delaoutre (domaine de la Potennerie). On commence par réaliser la percée du boulevard de Mulhouse entre la gare et la rue de Lannoy. La future voie, partant de la rue de Lannoy à l’extrémité du boulevard de Mulhouse va se diriger droit vers les limites de ces propriétés importantes, se glisser entr’elles par un premier angle et contourner le château Bossut-Plichon pour remonter ensuite en droite ligne vers l’extrémité de la rue Lacordaire. Pour cela, il lui faut traverser certaines autres propriétés plus petites, et, en particulier, celle de la famille Destombes, à l’emplacement de la future place du Travail. Les propriétés placées sur le tracé consistent essentiellement en parcs, jardins, prairies, vergers, ainsi qu’en terres agricoles.

Le tracé du boulevard nécessite également la démolition de bâtiments existants : aux abords de la rue de Lannoy, plusieurs maisons appartenant à la famille Dufermont. , et, à l’autre extrémité le bout de la rue Chateaubriand, et quelques bâtiments appartenant à Emile Six-roussel (propriété de Mme Veuve Screpel), au coin des rues Chateaubriand et Lacordaire.

Les bâtiments à démolir

 La déclaration d’utilité publique est signée en 1889. L’arrêté d’expropriation suit immédiatement. Les indemnités sont calculées au début de 1891. A partir de ce moment, on commence à utiliser les dénominations de boulevard de Reims et de Lyon. On lance les adjudications pour la démolition des bâtiments.

Enfin, le boulevard est tracé et nivelé. On y construit un aqueduc et il est finalement empierré. 1909 voit la plantation de tilleuls sur la totalité du boulevard de ceinture. Le revêtement des chaussées est refait en tarmacadam en 1931, bien que la partie du boulevard de Reims située entre la rue de Lannoy et la rue Jouffroy semble avoir été pavée.

Document collection B. Thiebaut
Les autres documents proviennent des archives municipales

 

 

Beaurepaire : le dernier pont

Si la construction du pont Beaurepaire a connu bien des vicissitudes et des atermoiements, la lenteur de son élaboration n’aura pourtant pas été synonyme de longévité, et, peu après sa mise en service, il commence à faire parler de lui. Dès1962, des fissures sont constatées, qui conduisent à l’ interdire aux plus de 9 tonnes. Par ailleurs, la Voix du Nord, faisant écho à de nombreuses réclamations, dénonce en 1963 le danger représenté par le virage situé à l’entrée du pont, trop brusque et sans visibilité. 1967 voit s’effectuer des travaux de colmatage des fissures, et on ré-augmente le poids maximum admissible sur le pont pour le porter à 15 tonnes. Ces travaux ne sont pourtant pas suffisants, et, en 1972, un contrôle de routine effectué par la SNCF met en évidence une fissure importante qui s’accroît dans le tablier du pont. Les ponts et chaussées prennent d’urgence la décision d’interdire aux poids lourds le transit par le pont. Cette fois-ci, le poids total autorisé est ramené à 3 tonnes et demi. Heureusement, le pont du Carihem, qui vient d’entrer en service, permet de dévier le flot de camions en direction de Wattrelos et Leers.

Photo Nord Eclair.

Ces mesures sont encore insuffisantes et, en 1976, les fissures s’agrandissant et les poutres maîtresses semblant trop faibles, on décide de démolir complètement le pont et de le reconstruire à neuf. La voie d’accès du côté de Wattrelos sera élargie pour faciliter la circulation : des îlots directionnels seront créés pour séparer les courants de circulation vers Roubaix, Watrrelos et Leers à la place du terre-plein existant. On lance une enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, et les riverains sont consultés, qui pourront faire toutes les remarques nécessaires. Le chantier devrait durer un an et s’étendre sur 1977 et 1978. Pendant ce temps, les véhicules devront emprunter le pont du Carihem ou le pont Nickès.

Photo Nord Eclair

 

Mais, malgré l’état du tablier qui s’aggrave, les préliminaires traînent et les travaux de démolition ne sont finalement programmés qu’en septembre 1979. On complète le projet en y incluant des pistes cyclables. La largeur du pont passera ainsi de 11 à 13 mètres. Une passerelle provisoire permettra aux piétons de traverser les voies du chemin de fer. Les îlots directionnels prévus comporteront des feux rouges.

Finalement, les travaux commencent en Juillet 80 par la construction d’un échafaudage en bois et de la passerelle pour les piétons, suivies par les premiers travaux de démolition.

Photos Nord Eclair

La passerelle est édifiée à quelques mètres à droite du pont lorsqu’on vient de Roubaix. Elle relie le chemin qui longe l’usine Stein à la rue Boucicaut, de l’autre côté des voies. On prévoit d’adoucir le fameux virage côté Roubaix, vilipendé en 1963 par la Voix du Nord, grâce à la démolition d’un bâtiment de l’usine Lepoutre, situé à l’intérieur de la courbe. Au mois d’Août, l’ancien pont a disparu. On pose les piles du nouveau, puis les poutres principales, et enfin le tablier.

Quelques vues aériennes nous permettent d’apprécier l’évolution du site au fil des années :

Photos IGN

En 1932, le pont n’existe pas encore et le boulevard Beaurepaire n’est coupé que par le passage à niveau et l’écluse. En venant de Roubaix, une route sur la gauche mène au nouveau pont du Sartel,qu’elle atteint par une courbe. Le carrefour ne montre aucun aménagement spécial. En 1962, le premier pont conduit en ligne droite au pont du Sartel, au prix d’une courbe prononcée au niveau de l’usine Stein. Le terre-plein central de forme triangulaire sépare, au carrefour, les courants de circulation. L’ancienne extrémité du boulevard Beaurepaire est maintenant une impasse. La photo de 1983 montre le nouveau pont, plus large, et dont la courbe a été adoucie grâce à la démolition partielle des bâtiments situés au bas et à droite de la photo. Les circulations entre Wattrelos, Leers et Roubaix sont séparées par des îlots directionnels, renforcés par une importante signalisation peinte sur la chaussée . Retour à la simplicité en 2010, où ce dispositif complexe est remplacé par un rond-point. Le pont Beaurepaire, lui, n’a pas changé, si les bâtiments industriels qui l’enserraient côté Roubaix ont disparu.

 

Un centre médico-social

Pendant très longtemps, la préoccupation du suivi sanitaire des enfants a été l’apanage des organismes privés ou des œuvres de charité. On trouve trace dans les documents d’archives, de crèches attachées aux usines. C’est le cas de l’usine Dazin Motte, située boulevard de Fourmies.

1 – Chambre d’allaitement de la filature Étienne Motte au début du siècle – coll. Particulière
2 –  Le foyer du vieillard boulevard de Reims – photo Nord Éclair 1947
 3 – Extrait d’une demande de permis de construire. Entreprise Dazin-Motte 1926 – document Archives municipales

 

Entre les deux guerres, la municipalité se préoccupe de favoriser de meilleures conditions de vie pour les classes laborieuses, et de traiter les problèmes d’hygiène : création du centre aéré et de l’école de plein-air, construction d’écoles claires et aérées, dotées de lavabos nombreux, établissements de bains, dispensaires. Mais aussi, rénovation de l’habitat et résorption des logements insalubres dans de vastes programmes de constructions. On trouve pèle-mêle dans le Ravet-Anceau de 1935, à la rubrique « établissements de bienfaisance » les crèches municipales des rues de Sébastopol et de Tourcoing, le dispensaire anti-tuberculeux de la rue des Longues Haies, et les différents hospices civils.

En 1946, M. Henri Quint, directeur du service d’hygiène et des sports publie un rapport visant la protection sanitaire des femmes enceintes, la protection sociale des futures mamans, la surveillance médico-sociale des enfants, la mise en place de consultations pour les nourrissons,et la création d’un service social de l’enfance. L’année suivante, Nord Éclair recense 12 foyers du vieillards dont un boulevard de Reims et un au Raverdi, alors que le Cavet-Anceau de 1955 indique des centres sanitaires et sociaux rue de Cassel, rue Decrême, au 209 rue Ingres, ainsi que rue Marie Buisine et rue de Tourcoing. Ils sont répartis sur le territoire de Roubaix de manière à desservir tous les quartiers. On recense aussi trois crèches municipales : rue Marie Buisine (quartier du Pile), rue de Tourcoing, et au 211 rue Ingres, au coin de l’avenue Linné.

Le conseil municipal décide en 1956, dans l’esprit du rapport de M. Quint, de développer un programme de constructions dans ce domaine, et, en 1950, on projette de créer un centre sanitaire et social boulevard de Reims à l’angle de la rue Jean-Baptiste Notte, à l’emplacement du château Bossut-Plichon, dénommé plus tard le château Droulers, sur un terrain resté libre après la construction de la Potennerie Blanche. Ce projet n’aboutira pas, et on construira finalement des immeubles sur ce terrain pour reloger les derniers habitants de l’îlot Edouard Anseele.

Mais le projet suit son cours. En 1960, on construit une série de centres sociaux : rue de Cassel à l’emplacement du château Wibaux, boulevard de Metz, rue Decrême, rue Marie Buisine et boulevard de Fourmies, de manière à desservir l’ensemble de la ville en évitant des déplacements inutiles. L’idée est de regrouper les services en ouvrant des centres polyvalents. C’est ainsi que le centre du boulevard de Fourmies doit comprendre des centres médico-scolaire, médico-sportif, de vaccinations, de protection maternelle et infantile, un centre social et de médecine du travail. A cela doit s’ajouter un foyer du vieillard et une crèche. Il sera bâti sur un terrain appartenant à la ville au coin de la rue Charles Fourrier.

Plan archives municipales

L’architecte H. Hache, déjà choisi pour la construction du centre préalablement prévu boulevard de Reims, est associé à P. Dessauvages pour la réalisation. Victor Provo inaugure cette année là un centre de désinfection quai de Gand et pose le même jour la première pierre du centre boulevard de Fourmies et de la crèche de la rue de Cassel. Les travaux de construction s’étendent sur l’année 61, et l’inauguration du centre est faite l’année suivante par Victor Provo, qui prononce son discours dans la nouvelle salle de restaurant du foyer du vieillard.

Le chantier – Photos Nord Éclair et Nord Matin

 

 

Le projet Dom Bosco

Un précédent article laissait entendre que la maison St Jean Bosco avait été envisagée dès le mois de janvier 1945. De nouvelles découvertes nous amènent à préciser ce point.

Déjà à l’origine de la construction de l’église Ste Bernadette en 1935, l’abbé Carissimo devenu doyen de la paroisse Ste Elisabeth, souhaitait la création d’un nouveau centre d’œuvres charitables dans le quartier des Longues Haies. Son vœu est exaucé au début du mois de décembre 1942, époque à laquelle quelques religieuses se sont installées dans un assez vaste immeuble au n°102 de la rue Bernard. D’après le Ravet Anceau, c’était autrefois l’atelier du charpentier menuisier Vanacker Florin.

Saint Jean Bosco et les sœurs de l’ouvrier Photos Coll Privée

Cette œuvre est mise sous la protection de Saint Jean Bosco, fondateur des patronages dominicaux et de l’ordre des Salésiens, dont la mission consistait à recueillir les enfants pauvres ou abandonnés, à les éduquer et à leur donner une instruction professionnelle susceptible de faire d’eux des bons ouvriers. Saint Jean Bosco n’est pas un inconnu pour les roubaisiens, car il vint prêcher à Roubaix le 11 mai 1883 dans l’église Saint Martin. Il n’était alors que Dom Bosco, et il sera canonisé le 1er avril 1934.  Ce sont les « sœurs de l’ouvrier » dont la maison mère est à Croix, qui vont mettre leur dévouement à la disposition des familles du quartier, en visitant les malades, et en dispensant leur sacerdoce auprès des infirmes, des vieillards et des petits enfants. Elles s’occuperont de soupes populaires, d’ouvroirs et de vestiaires pour les déshérités. A partir de fin janvier 1943, leur chapelle permettra à tous ceux qui le souhaitent, et qui trouvent l’église paroissiale trop éloignée, de remplir leurs devoirs religieux.

L’autel de la chapelle de la maison Saint Jean Bosco Photo Brunin

La chapelle fonctionnait donc dans le cadre de la maison d’œuvres de St Jean Bosco, mais elle s’avéra très vite trop petite. On projeta un moment de construire une chapelle plus importante, sur un vaste terrain où se situait la cour Binet, au n°170, rue des Longues Haies. Un architecte, M. Forest, en dressa les plans, et la maquette fut présentée à la presse. Le projet ne fut jamais réalisé, mais le centre d’œuvres sociales de la rue Bernard continua d’exister et sa chapelle de fonctionner, jusqu’à la disparition intégrale du quartier en 1960.

Le 102 rue Bernard en 1942 et le projet de chapelle Photos Journal de Roubaix

Autour des Hauts Champs

Avant de devenir le quartier qui fut construit de 1958 à 1960, les Hauts Champs étaient constitués de vastes terres agricoles, qui s’étendaient de Lys Lez Lannoy et d’Hem jusqu’à Roubaix. L’appellation concerne d’ailleurs aussi le quartier du Nouveau Roubaix, avant qu’y soient construits les fameux HBM dans les années trente. L’ouverture du boulevard industriel (avenue Motte) a divisé le vaste lieu dit, lequel est également délimité au sud par un chemin venant du hameau des Trois Baudets à Hem rejoignant la ligne de chemin de fer Menin Somain, à l’orée de Lannoy. A l’est, l’usine Motte Bossut terminée en 1903, et le quartier de la Justice constituent le troisième côté de la grande surface triangulaire des Hauts Champs.

Ce vaste espace s’est rempli de logements progressivement après la seconde guerre mondiale. Le Comité Interprofessionnel du Logement réalise la cité des Trois Baudets à Hem de 1947 à 1949. Puis c’est au tour de la cité de la gare de débord, de 1949 à 1951. Jusqu’en 1957, les Hauts Champs seront encore un espace de champs, toutefois occupé par une grande briqueterie, près de laquelle s’édifie un nouveau groupe scolaire, dit des Hauts Champs.

La briqueterie et le groupe scolaire Photo aérienne IGN 1957

Conçue par les architectes Jean Dubuisson et Guy Lapchin, la cité des Hauts Champs sera réalisée de 1958 à 1960. On y retrouve les caractéristiques architecturales en vogue à l’époque : ce sont de grandes barres d’immeubles et de logements collectifs, dont l’espace et la lumière contrastent avec l’habitat enserré et étouffant des courées de la ville industrielle.

La cité des Hauts Champs Photo aérienne IGN 1964

Mais la construction ne s’arrête pas là. Dès 1964, commence la réalisation du Groupe du Chemin Vert, œuvre de l’architecte Robert Puchaux, sous la forme d’un ensemble de logements « cubes ». Puis de 1967 à 1975 seront construits sur Hem l’ensemble de Longchamp, les cités des Trois fermes, de la Lionderie, des Provinces et de la Vallée.

 

Le chantier du chemin vert en 1965 Photo Nord Éclair

En près de vingt ans le grand espace agricole des Hauts Champs a disparu sous les constructions, et s’est trouvé englobé dans un grand ensemble d’habitations, qui a dépassé les limites des communes. Nombre de problèmes sont alors posés, qui ne peuvent être résolus que dans une logique intercommunale. Dès lors, plus question du seul quartier des hauts Champs, mais bien du quartier des Trois Villes, qui associe les villes d’Hem, Lys lez Lannoy et Roubaix.