Dès la 3ème semaine d’Août 1914, les astronomes de l’observatoire de Hem entendent tonner le canon presque chaque jour. Bientôt les troupes allemandes envahissent la région. Ayant mis sa femme et ses enfants à l’abri en Angleterre, Robert compte regagner son observatoire mais celui-ci, de même que l’entreprise familiale, est occupé par les allemands, qui vont y installer un casino restaurant.
Il s’ exile alors lui aussi en Angleterre, pour la durée de la guerre, et se trouve rattaché au service d’optique de l’arsenal royal à Woolwich, passant ses nuits à l’observatoire royal de Greenwich.
De retour en France en 1919, il découvre les déprédations commises par l’armée d’occupation dans son observatoire et l’entreprise familiale :
– dans l’observatoire : le vol des pièces de précision et des instruments d’astronomie, la disparition des livres de la bibliothèque, le saccage de la maison d’habitation, la détérioration du matériel trop lourd pour être emporté et le sabotage de la coupole ainsi que la destruction du poste météorologique. Il doit donc commencer la remise en état de son observatoire qui sera longue et coûteuse…
-dans l’entreprise textile : le pillage des tissus et étoffes par les allemands mais également des machines et de l’outillage de l’usine. Son frère aîné, successeur de son père en 1910 à la direction de celle-ci, revenu diminué de la guerre et n’étant plus apte à remplir cette fonction, Robert en héritera à son tour en 1922.
Robert est dès lors très pris par ses affaires s’occupant à la fois de la gestion de l’entreprise familiale et de la restauration de son observatoire pour laquelle il recherche activement des financements. Toute cette activité ne lui laisse que peu de temps à consacrer à sa famille et la séparation des époux intervient en 1926.
Le divorce est acté en 1927. Cette même année, le gouvernement anglais interdit l’importation de draperies étrangères et Robert, qui commerçait beaucoup avec ce pays, reste avec tout son stock de draperies de style anglais et se voit contraint de déposer le bilan de son entreprise de filature.
Il rencontre également trop de difficultés financières pour pouvoir continuer à supporter les frais et charges occasionnés par un observatoire et son personnel.
Après avoir vendu quelques parcelles de terrain de l’autre coté du boulevard, il se résout donc à vendre son matériel scientifique à l’université de Lille.
Le 12 décembre 1928, après de longs pourparlers avec celle-ci, le journal de Roubaix annonce le transfert de l’observatoire de Hem à Lille. Ce n’est pourtant qu’en 1929 que la vente est enfin conclue, Robert ayant tenté jusqu’au bout, sans succès, d’obtenir la direction du futur observatoire. L’observatoire astronomique disparaissant de Hem le boulevard qui portait son nom devient le boulevard Gustave Delory, du nom du député du Nord.
La propriété est quant à elle mise en vente dès le mois de mars 1930 en plusieurs parcelles. C’est Pierre Verspieren, assureur, qui se porte acquéreur de la 1ère parcelle, « en nature de jardin bien planté », avant de la revendre, en 1945, à Pierre Motte père. Quant à la 2ème parcelle comprenant la maison d’un étage avec terrasse, l’habitation du concierge et les chambres des observateurs, les bureaux et la bibliothèque un garage et les restes de la coupole, en partie démolie pour en extraire la lunette, elle est achetée par des épiciers grossistes en 1935 et revendue à Pierre Motte en 1948.
C’est dans les années 50 que les nouveaux propriétaires agrandissent le rez-de-chaussée et surélèvent la maison d’un étage la rendant telle qu’elle est actuellement toujours visible au n°80 du boulevard, devenu Clémenceau dans les années 30.
Plus rien ne retenant Robert dans la région lilloise, il quitte celle-ci pour s’installer dans le sud, à Marseille où, après avoir exercé de multiples métiers, il obtient enfin, en mars 1930, un poste à l’observatoire de Marseille, où il travaillera jusqu’en 1962, année de sa retraite. Quand il décédera, en 1974, il laissera derrière lui, à Lille, une des plus importantes lunettes encore en service en France.
Pendant ce temps, en 1933, l’observatoire de Lille sort de terre rue du Faubourg de Douai, construit dans un style très semblable à celui de Hem ; il est inauguré fin 1934.
La même année celui de Hem est pratiquement rasé en dehors des bâtiments d’habitation : l’ancienne habitation de Robert et les 2 garages au 80, et la maison du concierge au 82.
Le reste du terrain est devenu un lotissement de maisons bourgeoises dont l’accès est baptisé Allée de l’Observatoire.
Remerciements à Mr Jean-Claude Thorel, auteur du livre : Le ciel d’une vie- Robert Jonckheere.
Remerciements à l’Association Jonckheere pour son document : Extrait des premières publications de l’observatoire de Hem, édité en 2009.