Les cinq de chez Delescluse

Une cordiale réception est organisée le samedi 18 octobre 1958 à l’occasion de la remise de la médaille du travail à cinquante ouvriers des établissements Delescluse frères et Cie. Cette maison de teinture et d’apprêts s’est installée dans la rue de Cohem au n°44 juste après la première guerre mondiale, et on se souvient encore dans le quartier de la teinte rouge ou verte que prenaient de temps à autre les eaux du petit riez (de Cohem) qui passait derrière l’usine.

Autrefois adossée à une zone de champs, elle fait désormais l’angle du carrefour formé par les rues de Cohem, Léo Lagrange et avenue Brame. Avant que le quartier ne devienne l’actuelle cité, il y avait des jardins ouvriers derrière l’usine. L’entreprise disposant d’une parcelle de terrain contigüe à ses locaux a fondé en 1942 un groupe de jardins ouvriers, contribuant ainsi à sa manière au décor champêtre des Trois Ponts. Le groupe Delescluse fait l’objet des soins attentifs du gérant de la société Robert Maincent, du responsable « brigadier » Marcel Coquerelle et des jardiniers des Trois Ponts. Ce grand potager agrémenté d’allées fleuries sera régulièrement visité et primé par les sociétés des jardins populaires.

Mais la récompense du jour, c’est celle de la longévité au travail, celle de la fidélité à l’entreprise et aux services rendus par ses ouvriers. La salle d’apprêts de la rue de Cohem a été transformée en un salon de réception aux murs d’étoffe, agrémentés de guirlandes, ce qui contribue à l’ambiance familiale et solennelle de la remise des médailles. La direction de l’établissement est présente : la famille Maincent, avec ses trois générations de gérants, André le père, ses fils André et Robert, son petit fils Gérard, les directeurs, les contremaîtres et les chefs de place.

Cinquante employés sont mis à l’honneur en ce jour d’automne. André Maincent fils s’adresse aux impétrants, en rappelant les origines de l’entreprise à la prospérité de laquelle ils se sont associés par leur travail et leurs vertus. Il évoque la réputation internationale de l’établissement et célèbre la mémoire du premier ouvrier de l’usine, Théophile Bracq, ainsi que celle des disparus de la première heure. Après un hommage rendu au directeur de la teinture, M. Gaston Gilleman, il s’adresse particulièrement aux cinq frères Maguerre. En effet, cette famille de quatorze enfants, originaire du Pas de Calais, installée à Roubaix après la première guerre, a confié cinq de ses fils à la teinturerie. Fernand, Joseph, Pierre, Auguste et Hubert Maguerre se trouvent ainsi honorés parmi les cinquante médaillés du jour. Cette fratrie familiale et professionnelle leur vaut les félicitations de la direction, des cadres et du personnel de toute l’entreprise. Un cadeau leur est fait par leurs camarades de travail.

les cinq

André Maincent fils remet alors les médailles avec un petit mot aimable pour chacun, avec cadeaux et enveloppes, et André Maincent père vient apporter son témoignage d’amitié et ses félicitations. La manifestation se poursuit par un vin d’honneur, puis les participants se retrouvent au café Bellevue pour un lunch.

Cette petite évocation des Trois Ponts d’autrefois met en valeur que le quartier n’était pas une campagne abandonnée. On y habitait, on y travaillait la terre, et on y travaillait aussi en usine, comme l’indique le caractère industriel des rues Brame et de Cohem. En bref, on y vivait.

Chemin de fer et activités industrielles

Le quartier se développe avec la Gare

gdupileLa Gare du Pile Photo Archives Municipales

La présence industrielle s’est développée à partir de la Gare du Pile construite en 1878, agrandie et reliée à la Belgique par Wattrelos en 1897. La même année, le 11 juin, l’alignement de la rue Brame est décidé, ainsi que celui de la rue du Pile, avec les rues Molière et d’Anzin. C’est donc tout le quartier qui s’organise autour de la Gare dite de Roubaix Wattrelos.

vandecruxEn tête de lettre Vandecrux  Coll Méd Rx

Entreprises de la rue Brame

La caractéristique de la rue Brame, c’est de n’avoir longtemps eu que des numéros impairs où se trouvaient des entreprises, l’autre côté de la rue étant constitué de champs et de jardins, propriétés d’horticulteurs ou de cultivateurs.

Dans les années soixante, parmi les entreprises de la rue, il y a la Société de Teintures et de Produits Chimiques de Monsieur Vandecrux depuis 1894 au n°55. La Société Wattinne Bossut et fils, triage de laines, puis la fonderie de Croix. Le parc à charbon de la Société Gertgen Guiot est au n°19. La grande brasserie de Lille y eut un dépôt au n° 189. Des maraîchers y ont encore quelques arpents de terre, comme M. Delbecque du Carihem ou encore M Corne de la rue de Tournai. De nos jours, cette rue a changé: elle possède désormais deux voies séparées par un terre plein, et depuis le 27 janvier 1964, elle a pris le nom d’avenue Jules Brame, désignation plus en rapport avec sa taille, en hommage à la mémoire d’un important personnage politique nordiste du siècle dernier.

pubbramePublicités 1958  Coll Particulière

Fonderie de Croix

Créée à Croix en 1896, rue de la fonderie, par M. Vanoverschelde, cette société ne prendra son nom actuel qu’en 1955, quand elle sera reprise par une entreprise …tourquennoise. En 1962, la Fonderie de Croix s’installe dans le quartier des Trois Ponts, à l’emplacement du triage de laine Wattinne Bosssut dont les bâtiments ont été complètement démolis pour laisser place à des installations neuves. La cité n’existait pas encore, il n’y avait que des champs en face. La Fonderie de Croix employait soixante ouvriers et produisait des pièces industrielles pour le textile, le bâtiment et le matériel agricole, et du mobilier urbain (bornes en fonte, barrières de protection, grilles).

fonderieLa fonderie de Croix aux Trois Ponts Photo Nord Éclair

Un quartier cerné par l’industrie

La liste des entreprises

Le quartier des Longues Haies est pour ainsi dire encerclé par l’industrie depuis la fin du dix neuvième siècle. Au début de la rue Edouard Anseele, il y a Motte Porisse, la filature des Longues Haies et la Manufacture des deux gendarmes. La rue passe ensuite entre l’usine Motte Bossut et la fabrique de couvertures Lemaire et Dillies. Entre la rue Bernard et le boulevard Gambetta se trouvent les usines Toulemonde Destombes et Charles Huet. Puis, après la rue Pierre de Roubaix, il y a la bonneterie Maurice Dillies, et l’usine de pansements Willot. Sur le boulevard de Belfort se situe ensuite l’usine Motte Delescluse plus connue sous le nom de SATAIN, et enfin rue Saint Jean la maison Motte et Marquette. Ce relevé d’entreprises correspond à la situation de la fin des années cinquante.

GENENTREPRISES
Motte-Bossut, Mote-Delescluse, Motte-Porisse doc Méd Rx

Le centre d’apprentissage

Le 11 avril 1958 est inauguré le centre d’apprentissage de la filature des Longues Haies. On y forme des jeunes filles aux métiers de la filature de laine, continus, doubleuses, moulineuses.

Apprentissage en bonneterie doc NE

Typologie des usines

Toute la production s’organise autour de la laine : les filatures de laines peignées, les tissages, les usines de teintures et d’apprêts pour fils et matières, la fabrication de tissus, le pelotonnage de laines, la bonneterie. Les produits sont nombreux : laines à tricoter, linge de table et de maison, couvertures, tissu éponge, tissus de velours d‘ameublement…

Publicité des entreprises

 

Os à moelle et carré Motte

La grande barre de l’îlot Edouard Anseele, longée par la rue des Filatures, a pour nom de chantier le H 13. Les roubaisiens la surnommeront l’os à moelle à cause de sa forme caractéristique. Elle forme comme un rempart entre la nouvelle cité et les usines du carré Motte, ainsi dénommé car la famille Motte est à l’origine de la plupart des établissements industriels de cette partie du quartier qui se situe entre les rues du Coq Français, St Jean, Jean Moulin et Édouard Anseele.

L’os à moelle alias le H13 photo NE

à suivre