Pennel & Flipo : 1924 à 1934

Le 10 juin 1924, c’est la création de la société anonyme des Ets Pennel & Flipo. Firmin Dubar[1]  annonce aux jeunes entrepreneurs : il faut dix ans pour créer une entreprise !

Deux des parrains de l'entreprise: Firmin Dubar et l'abbé Pinte Photo VDN
Deux des parrains de l’entreprise: Firmin Dubar et l’abbé Pinte Photo VDN

Ils se lancent donc dans la fabrication de feuille de gomme. Pour la fabriquer, il faut une calandre avec un mélangeur pour l’alimenter. Le calandrage est un procédé de mise en forme du caoutchouc qui permet de fabriquer des feuilles de caoutchouc dont l’épaisseur et la largeur sont constantes. On utilise également le calandrage pour recouvrir une feuille de tissu d’une mince couche de caoutchouc ou pour imprimer un dessin sur la feuille ou lui donner une texture. Pennel & Flipo seront les premiers à utiliser ce nouveau procédé en Europe. Pennel et Flipo avaient acheté une première calandre chez Repiquet à Bobigny. En 1928, ils achèteront une autre calandre plus grande chez Repiquet, pour tissus de grande largeur, encore en service trente ans après ! Ce matériel produisait 5.000 mètres par journée de huit heures.

Calandre Repiquet Coll. Particulière
Calandre Repiquet Coll. Particulière

En 1926, Pennel & Flipo s’intéressent aux vêtements de pluie caoutchoutés. 1930, l’entreprise prospère ! L’atelier devient petit, surtout après l’achat d’une deuxième grande calandre chez Repiquet. Il fallait aussi trouver une clientèle. Ce seront les confectionneurs pour lesquels on produit du gommage à façon. Ils font leurs achats de tissus à Roubaix Tourcoing, ils font l’économie des transports, le « gommeur » de Roubaix va les chercher. Pennel & Flipo auront bientôt un agent unique à Paris au n°3 rue André-Gill de 1926 à 1929 (Métro Pigalle) puis au 70 rue de l’aqueduc de 1929 à 1936, (Métro Stalingrad) et enfin boulevard Voltaire.

Bulgomme Coll. Particulière
Bulgomme Coll. Particulière

En 1932, le Bulgomme, caoutchoutage cellulaire, fait l’objet d’un brevet. Il contribuera à assurer solidement la réputation de la maison, alors qu’elle produit encore les articles qui l’avaient fait vivre jusque là, à savoir les culottes, alèzes, bavoirs, bonnets de bain, tabliers en tissus imprimés caoutchoutés. La gomme renforcée remplace progressivement le taffetas huilé.

En  1932, on prépare la loi sur les allocations familiales. Certains industriels pratiquaient déjà la prime en faveur de la mère au foyer. Quand parut la loi sur les allocations familiales obligatoires, les prestations légales étaient inférieures à celles déjà pratiquées. L’année suivante, en 1933, cinq entreprises dont Pennel et Flipo (Leclercq Dupire, Léon Olivier, Lesaffre et cie et Saint Gobain) versent une allocation complémentaire pour couvrir la différence.

L'usine en 1936 Coll Particulière
L’usine en 1936 Coll Particulière

On poursuit l’équipement, signe de l’évolution de la production. En 1933-1934, il est procédé à l’achat d’une quatrième calandre chez Repiquet. Pennel & Flipo, à cette époque, c’est 100 salariés. On célèbre les traditionnelles fêtes patronales suivantes : la Sainte-Anne pour la confection, et la Saint-Eloi pour la fabrication. Le bilan des dix ans est positif. Firmin Dubar pouvait être fier de ses filleuls.

à suivre

D’après l’historique de la société Pennel et Flipo, et le Journal de Roubaix


[1] Firmin Dubar (1860-1947) directeur de la firme textile Dubar-Delespaul à Roubaix, parrain de la nouvelle société.

Pennel & Flipo : les débuts roubaisiens 1921-1924

La première société Pennel & Flipo est constituée en 1921 et ses locaux se trouvent dans un ancien café reconverti en atelier (Estaminet Hiroux en 1914). Aujourd’hui démoli, ce café, qui appartenait à la Brasserie Jonville, était situé au n°58 rue de l’espérance. Jean Pennel a 25 ans, il est chimiste. Joseph Flipo a 29 ans, fils de fabricant, il est dans la finance.

Publicité dermoplaste Willot Coll. Particulière
Publicité dermoplaste Willot Coll. Particulière

Ils vont se lancer dans la fabrication d’un sparadrap pharmaceutique, le dermoplaste Willot, un produit du laboratoire Joseph Willot, le pharmacien roubaisien bien connu de la rue du vieil abreuvoir. Mais le dermoplaste ne suffit pas à faire vivre la société. Ils font la découverte d’un produit à Paris, les culottes bébé en feuille de gomme de couleur naturelle. Le produit est fabriqué par la société S.I.T. caoutchouc Paris, qui sera reprise par la société Kléber Colombes. C’est la grande époque du caoutchouc ! A Roubaix, Emile Degraeve établit la manufacture de caoutchouc du Coq français (n°173 en 1885) qui sera reprise par la société Hutchinson.

Société Degraeve Col Méd Rx
Société Degraeve Col Méd Rx

Les commandes augmentent, on complète la gamme: un bavoir, une alèze… Côté dermoplaste, d’autres produits : le taffetas Pierart, œuvre d’un pharmacien parisien, qui change le traditionnel taffetas chiffon à base d’huile de lin par une feuille caoutchoutée, et un autre fournisseur, Morel, pour acheter du drap d’hôpital afin de renforcer le rayon pansement. Mais tout cela revient cher : trop de fournisseurs, trop d’intermédiaires. Les deux associés se décident à passer à la fabrication du principal produit, la culotte bébé en caoutchouc ! Ils ont bien un fournisseur de feuilles, la maison Lick et Paramount de Paris, mais elles sont de qualité irrégulière et en quantité insuffisante ! Alors, fabriquer le produit de base ?

Les parrains de l'Oiseau de France Monde Illustré 1923
Les parrains de l’Oiseau de France Monde Illustré 1923

Leur projet est clair : il faut construire un immeuble, y mettre du matériel, apprendre à s’en servir, et trouver l’argent nécessaire. Pour l’argent, des souscripteurs ont accepté de prendre le risque, ils y retrouveront plus que leur compte après coup. Il y a tout d’abord Adolphe Delmasure et ses deux frères. Adolphe Delmasure (1890-1978) est une personnalité de l’Action Catholique du département du Nord. Fils d’industriel et lui-même petit patron, il est à l’origine des secrétariats sociaux et de l’émergence du syndicalisme chrétien C.F.T.C. dans le Nord. Puis Firmin Dubar (1867-1947) a participé. Lui, c’est la famille. Il est l’oncle des deux partenaires. Sa sœur Marie Dubar a épousé Charles Flipo, lesquels sont les parents de Joseph Flipo. La femme de Firmin Dubar est une Pennel. Et il possède des terrains dans le quartier du Hutin, ce qui n’est pas négligeable. Vient ensuite Alphonse Louis Allard (1860-1936), un important industriel roubaisien. Ils reçoivent aussi de l’aide de la part de l’Abbé Pinte lequel était chimiste de formation. L’abbé Jules Pinte, Firmin Dubar et Joseph Willot, c’est l’équipe reconstituée de l’Oiseau de France, journal de résistance pendant la première guerre. Ce sont des héros !

L'usine Pennel & Flipo en 1934 Coll Particulière
L’usine Pennel & Flipo en 1934 Coll Particulière

Avec de tels parrainages, le 10 juin 1924, la société anonyme des Ets Pennel & Flipo est créée avec un capital de 900.000 francs. Elle absorbe la première affaire qui apporte ses actifs. Un beau champ de blé est acheté dans le quartier du Hutin et un premier immeuble est construit.

 (à suivre)

D’après l’historique de la société Pennel et Flipo, et le Journal de Roubaix

Les cinq sœurs de chez Pollet

L'usine César Pollet et frères Coll Particulière
L’usine César Pollet et frères Coll Particulière

L’usine de César et Joseph Pollet fut construite en 1903, c’est une filature de laines peignées, une retorderie et un tissage. La maison mère, manufacture de tissus pour robes et draperies, fut créée rue Nain en 1831  par Joseph Pollet. En 1950, l’usine Pollet se situe au n°153 rue Edouard Vaillant. C’est dans cette usine que cinq sœurs d’une même famille, les sœurs Leclercq, ont travaillé pendant plus de 30 ans. En 1950, un article de presse leur est consacré, qui nous apprend que Jeanne, Clémence, Laure, Zoé et Célina totalisent ensemble 174 années de travail chez Pollet. Elles sont toutes titulaires de la médaille du travail. Voici leur histoire.

Les cinq sœurs Leclercq Photo NE
Les cinq sœurs Leclercq Photo NE

D’abord la famille, présente depuis plus d’un siècle à Roubaix. Le père Florimond Eloi Leclercq est né à Roubaix en 1868. Il habite rue du Tilleul, (aujourd’hui rue Jules Guesde) il est domestique à la naissance de sa première fille, en 1897. Le grand père Charles Ferdinand Henri Leclercq est né à Roubaix en 1820, et il est fileur. L’arrière-grand-père Florentin Leclercq est né en 1789, il est tisserand à Roubaix. Voilà donc une famille présente à Roubaix depuis au moins un siècle et demi.

Jeanne Espérance Leclercq épouse Turpin est née en 1897 à Roubaix, s’est mariée au même endroit en 1920. Elle est entrée à l’usine Pollet le 11 novembre 1912, à l’âge de 15 ans. En 1950, elle exerce la profession de soigneuse de continu à filer. C’est un travail qui nécessite une position debout permanente, avec de fréquents déplacements entre les différentes machines, dans le bruit,  l’humidité et la chaleur. Elle est domiciliée avenue Linné, Square des Platanes. Clémence Madeleine Leclercq épouse Delaender est née en 1898 à Roubaix, où elle s’est mariée en 1924. Elle commence à travailler chez Pollet le 30 décembre 1912, à l’âge de 14 ans. En 1950, elle exerce la profession de soigneuse de préparation, comme sa sœur ainée. Laure Leclercq épouse Dutilleul est née en 1902. Elle est entrée à l’usine le 10 septembre 1914,  l’âge de 12 ans. En 1950, elle est papillonneuse chez Pollet, et elle habite juste à côté de l’usine, square des acacias.

L'occupation allemande à Roubaix CP Méd Rx
L’occupation allemande à Roubaix CP Méd Rx

Les trois premières sœurs ont donc commencé à travailler chez Pollet dans une période difficile. La première guerre mondiale venait de commencer. Dès octobre 1914, les allemands occupent l’usine, puis réquisitionnent les matières et tissus, avant de démonter tout ce qui pouvait l’être, machines, tuyauteries, câbles, canalisations… Pillée par les allemands jusqu’en en 1918, cette usine reprit son activité moins d’un an après leur départ.

Le 10 décembre 1919, Zoé Leclercq épouse Hasquette née 1904, entre chez Pollet à l’âge de 15 ans. En 1950, elle est soigneuse de préparation comme ses sœurs ainées, et elle habite également square des acacias. Enfin Célina Leclercq épouse Debever née en 1906, commence à l’usine le 10 décembre 1919 à l’âge de 13 ans. En 1950, elle est également soigneuse.

Mais ce n’est pas fini ! La famille est également concernée. Florimond Leclercq, le père a travaillé 25 ans dans la même usine. L’épouse de l’un de ses fils née Julie Evrard y est entrée en novembre 1931. Le mari de Jeanne, Alfred Turpin, et son fils y sont également. Enfin le mari de Zoé, M. Hasquette y était mécanicien.

Les trois censes Photo PhW
Les trois censes Photo PhW

Quand le textile tournait à plein rendement, il n’était pas rare de trouver dans une même usine une famille entière (voir notre article les cinq de chez Delescluse aux Trois Ponts). Selon les conditions de travail et les conditions de vie (logement et déplacement), il arrivait qu’on fasse l’intégralité de sa vie professionnelle dans la même entreprise.

Après avoir été occupée par Phildar, l’usine de la rue Edouard Vaillant le fut par les Trois Suisses à partir de 1965. En juin 2013, l’ancien site est transformé en lieu de commerces et d’habitation par la société Saint-Roch habitat.  L’endroit sera dénommé Les 3 Censes, en référence à l’ancien caractère champêtre des lieux et à la proximité d’anciennes grosses fermes aujourd’hui disparues (Beaumont, Gourghemetz, La Haye).

Sources : Nord Éclair, Archives municipales de Roubaix, Ravet Anceau

Magris et le granito

Joseph Magris, est né dans un village près de Trieste et de Venise. Cimentier de son état, il vient en France après la première guerre. Il travaille à Reims, puis dans le Pas de Calais, enfin à Tourcoing, dans le cadre de la reconstruction. Puis Il s’installe à son compte en 1925 à Roubaix au 133 rue de la Mackellerie.

Joseph Magris et sa maison Photos NE
Joseph Magris et sa maison Photos NE

Cette maison à l’architecture insolite (dit la presse de l’époque) a été entièrement aménagée par son nouveau propriétaire, qui va y installer une entreprise de bâtiment prospère. De l’ancienne maison, il ne reste plus rien. Au rez-de-chaussée, front à rue, c’est l’usine avec l’entrée des bureaux, le vestiaire des ouvriers, et l’entrée du personnel. Il y avait aussi une petite salle d’exposition. La maison d’habitation située au-dessus comprend des balustres, des jardinières, un escalier extérieur, une large terrasse, comme il se doit d’influence italienne. C’est désormais la maison de Joseph Magris, le fabricant de « granito ».

Initialement, Joseph Magris est granitier, il fabrique des dalles avec des morceaux de marbre, il était aussi polisseur sur place. C’était fastidieux, il fallait poncer et re-poncer, mais ça durait et c’était beau. Mais c’était aussi cher. Joseph Magris invente alors une imitation de la pierre bleue (marque Sirgam). Puis ce sera le granito, qui est une pierre artificiellement reconstituée, utilisée pour les pavements, les revêtements et pour les monuments funéraires. Moins cher que la pierre naturelle (le marbre ou la pierre de Soignies), le granito permet de faire des monuments funéraires à bon marché.

En tête de l'entreprise Magris Coll Particulière
En tête de l’entreprise Magris Coll Particulière

Joseph Magris se lance ensuite dans la fabrication de carreaux de granito, toujours avec l’argument d’être bon marché, il propose de la couleur. A l’aide de ses deux fils Oscar et André, il développe cette nouvelle orientation. D’autres projets suivront, carrelages pré-fabriqués, sous forme de dalles.

La maison Magris aujourd'hui Photo Google Maps
La maison Magris aujourd’hui Photo Google Maps

Une anecdote concernant l’entreprise : sur le fronton de l’usine de la rue de la Mackellerie, l’artisan avait mis un s à Granito sur la façade, transformant notre italien en espagnol. Les lettres étaient en relief, et on décida de repeindre en blanc la lettre en trop. C’est pourquoi on la voit encore apparaître sur la façade.

L’entreprise s’est développée : cinq, dix puis vingt ouvriers. Il faut un autre local. C’est ainsi que Joseph Magris achètera en viager l’usine de la rue de Mouvaux, ex tissage Domino, anciennement savonnerie Vaissier, qu’il utilisera pour l’exposition de ses produits, mais aussi pour la fabrication des grands formats. En 1958, les Ets Magris fabriquent chaque jour 300 m² de carreaux en granito. Une exposition permanente de ces matériaux est visible au 2 de la rue de Mouvaux (ancienne usine de savonnerie Vaissier) avec entrée libre. Une autre exposition est installée au centre de documentation du bâtiment à Lille Place de la Gare.

Magris à la foire de Lille Photo NE
Magris à la foire de Lille Photo NE
Le stand Magris à la foire de Lille Coll Particulière
Le stand Magris à la foire de Lille Coll Particulière

En 1959, les Ets Magris exposent à la foire de Lille, et le ministre de la construction s’intéresse à leur production. Les carreaux de granito Magris sont présentés comme un matériau absolument remarquable de solidité et d’élégance. On évoque également le goût des coloris : ciment flammé, mosaïques de marbre, carrelages de granito, agréables à l’œil, au toucher, solides et confortables. C’est du beau, du bon et du pas cher ! Le stand Magris présentait une polisseuse de carrelage, qu’on utilisait pour poncer sur place sur les chantiers des particuliers, notamment pour qu’on ne voie pas les joints.

En tête de chez Magris Coll Particulière
En tête de chez Magris Coll Particulière

Progressivement l’entreprise s’est équipée avec des robots et des nouvelles machines. Elle fabriquait les grands formats rue de Mouvaux, et les petits rue de la Mackellerie. Quand elle a cessé ses activités, l’entreprise produisait quotidiennement 520m². Sur la fin, elle ne fabriquait plus de granito, mais des dalles d’usine et de trottoir, pour les aéroports, ou les usines. L’entreprise s’est arrêtée à Roubaix en novembre 2004. Une société des Carrelages Magris dont l’objet est la fabrication d’éléments en béton pour la construction est aujourd’hui implantée à Lieu Saint Amand près de Bouchain.

Merci à Patrick pour les précisions et les anecdotes

Platt frères

La société Platt frères est installée boulevard de Lyon depuis fort longtemps. En voyant ce site fermé depuis plusieurs années, le curieux peut se demander d’où vient cette société, et ce qu’elle fabriquait.

En faisant quelques recherches, on trouve au 19eme siècle à Old’Ham en Angleterre une entreprise Platt brothers (ou Platt Bros) qui fabriquent des machines textiles. Elle deviendra dans sa branche l’une des plus importantes d’Angleterre. L’un des membres de cette famille va-t-il s’expatrier en Normandie ? Toujours est-il que, en 1864 et 1866, naissent à Sotteville les Rouen John et William Platt. Leur père, Samuel, né en 1837 est ouvrier régleur de cardes. Après 1880, la famille quitte la Normandie et vient s’installer à Roubaix, où Samuel ouvre avant 1886 une fabrique de cardes et d’outils trempés au 187-189 rue de l’Alma, entre la rue de France et la rue de Tourcoing. L’entreprise prend le nom de Samuel Platt et compagnie.

La société quitte la rue de l’Alma avant 1906, Samuel prenant peut-être sa retraite (il est né en 1837), et l’affaire est reprise par John et William et on la retrouve en 1909 au 108 rue La Fontaine sous la nouvelle raison sociale de Platt frères.

Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière
Documents médiathèque de Roubaix et coll. particulière

Ils sont mécaniciens constructeurs, fabriquent de l’outillage nécessitant une trempe. La porte cochère conduit à une cour dans lequel se trouve l’atelier. Ils resteront à cette adresse jusqu’en 1924, date à laquelle ils installent d’abord leurs bureaux, puis l’entreprise elle-même boulevard de Lyon au numéro 106 à partir de 1926. Ils se spécialisent alors dans la fabrication de cardes destinées à l’industrie textile.

L’usine occupe un terrain qui s’étend jusqu’à la rue Ingres, d’où on aperçoit une cour servant aux chargements et déchargements. La grand porte métallique du Boulevard de Lyon sert à l’entrée du personnel. A sa droite se trouvent les bureaux techniques, dont la première fenêtre est celle du responsable d’atelier. Les bureaux situés à gauche de la porte métallique sont beaucoup plus récents et abritent les personnels administratifs et commerciaux qui ne figurent pas encore sur cette photo aérienne de 1962 :

Document IGN

La fabrication comportait plusieurs opérations. A partir d’un ruban d’acier reçu en bobine, on commence par l’emboutissage des dents. Puis le ruban est étire, passe dans un four à induction pour être préchauffé, puis sur les rampes à brûleurs à gaz pour être chauffé au rouge. Il traverse ensuite un bain contenant de l’huile pour être trempé et acquérir la dureté nécessaire. Ensuite, les dents sont avivées sous un jet d’huile de coupe. En bout de chaîne, le ruban est reçu sur un rouleau, puis emballé et expédié. Dans certains cas, le ruban est enroulé en hélice sur un tambour de carde pour emploi direct, mais, le plus souvent, le ruban est installé sur la machine par les soins du client.

Quelques étapes de la fabrication – photos DR
Quelques étapes de la fabrication – photos DR

Jusque dans les années 80, toutes les machines étaient anglaises, ainsi que les pièces détachées. A chaque panne, il faut attendre que les pièces arrivent d’Angleterre. L’alimentation de la chaîne se fait à la main, mais, à partir des années 60-70, la vitesse de parcours du ruban est régulée automatiquement, d’abord avec des platines électroniques pilotant des armoires à relais. Dans les années 90, on transforme et on améliore les machines avec des pièces françaises, et on en ré-automatise l’asservissement et la commande avec des automates français Télémécanique au départ, puis Siemens. Cette technologie n’a plus évolué jusqu’à la fin (pas d’informatisation). Dans les derniers temps, le directeur de production est belge.

Une armoire de commande - Photo DR
Une armoire de commande – Photo DR

Mais l’entreprise éprouve des difficultés et est contrainte à la fermeture. La société Bekaert tente en 2004 de reprendre l’activité, mais a doit, elle aussi, fermer en 2008. Elle regroupe aujourd’hui ses activités à Armentières. Depuis cette époque, le site est une transformé en friche industrielle. On pense y construire des logements, mais le terrain est peut-être pollué, ce qui retarde les choses.

Remercions Daniel pour sa collaboration.

 

Photos Jpm
Photos Jpm

 

 

 

 

Coussement, le chauffage innovant

Selon un de ses en-têtes de lettre, la société Coussement a  été créée en 1909, à Tourcoing par Achille Coussement. Elle fabrique des cuisinières à charbon et de la ferronnerie. Avant son arrivée à Roubaix, une forte concurrence existe déjà localisée dans les autres quartiers de la ville, tels Havret et Dhondt, rue Lalande, l’Hygiène moderne rue de l’alma, Liagre rue de Lannoy, Mazure rue du Grand Chemin, Nollet place du progrès. Il s’agit alors de fabricants de cuisinières, dont la fonction était double, chauffer le logement et servir pour la cuisine. Un article de presse de 1958 nous apprend que l’entreprise est animée depuis 20 ans par son fondateur, André Coussement ! Soit un réel démarrage à Roubaix, en 1938, au n°15 rue du Fresnoy, qui fut auparavant occupé par un marchand de fourrages, M. Hacquette, et qui sera repris un temps par la société Crépy pneus en 1960.

La production Coussement au 15 rue du Fresnoy Coll. Particulière
La production Coussement au 15 rue du Fresnoy Coll. Particulière

La société Coussement s’est vraiment développée après la seconde guerre. Le 15 rue du Fresnoy étant devenu trop petit, elle déménage rue du vivier n°8 au 12, dans une ancienne usine occupée par la société Vandenbroucke frères, fabricants de machines à tisser. C’est un grand espace qui convient bien à une fabrication industrielle.

Rue du Vivier n°8-12 Extrait Ravet Anceau
Rue du Vivier n°8-12 Extrait Ravet Anceau

L’article de 1958 nous apprend que les premiers systèmes de chauffage, cuisinières à système de foyer intégral sont sortis des ateliers en 1947. A cette époque, on pouvait chauffer un trois pièces pendant 24 heures avec 8 kg de charbon. Mais André Coussement n’est pas seulement un fabricant, il est également un inventeur, comme le prouve ce dépôt de brevet en 1956.

Brevet Coussement source Gallica
Brevet Coussement
source Gallica

L’installation rue du Vivier qui date de 1958 fait de lui un industriel, dont l’usine est présentée comme modèle !

Vues de l'usine rue du Vivier Photos NE
Vues de l’usine rue du Vivier Photos NE

André Coussement va apporter sa contribution aux progrès du chauffage, faisant ainsi passer la cuisinière d’autrefois aux oubliettes. Il développera la conception et la fabrication du chauffage central, avec tous types d’énergies, du charbon à l’électricité. Dès lors l’entreprise rayonne et se développe, comme le prouvent ces publicités du début des années soixante.

Publicités Cousement 1958/1959 in NE
Publicités Cousement 1958/1959 in NE

La célèbre marque Godin reprend les chaudières Coussement en 1992. Producteur de poêles et de cuisinières bois-charbon, l’entreprise Godin de Guise, dans l’Aisne, élargit sa gamme de productions avec l’acquisition de la société Coussement, qui fabrique des chaudières de chauffage central toutes énergies à usage domestique. Pour Gilbert Dupont, le président de Godin, cette acquisition constitue, avec son unité de production de l’Aisne, une complémentarité de gammes et de produits qui rend l’ensemble particulièrement compétitif. L’entreprise au célèbre poêle « le Petit Godin » poursuit donc son développement depuis sa reprise en 1988 par la famille Philippe, propriétaire du groupe Cheminées Philippe. (d’après le journal Les Echos).

Le site de la rue du Vivier sera ensuite abandonné, et en 2006, l’emplacement de l’ancienne friche Coussement au sol « pas très catholique » (sic la presse) est livré aux mains des jardiniers. Pendant trois ans, « poussant des brouettes de gravats, retournant, à l’instar de forçats dans un pénitencier, une terre aride et argileuse », ils réussiront « à faire pousser autre chose que du chiendent en contre-bas de la ligne de chemin de fer sur cet espace ». Ainsi est né Le Jardin de traverse qui constitue son herbier en 2010 en explorant les abords de son potager pour établir un recensement des espèces botaniques poussant en toute liberté sur « le sol ingrat de l’ancienne friche Coussement ».

Pour l’historique des Jardins de Traverse : http://jardindetraverse.over-blog.com

 

 

 

 

La société Vroman Sports, une institution roubaisienne

Jules Vroman est né le 3 juin 1864 à Roubaix, rue du Calvaire (nom de la Grand–rue à l’époque). Ses parents étaient commerçants : le père Alexandre était boulanger et quand il décède,  Jules n’est âgé que de 13 ans. Sa mère reprend le commerce situé au 225 Grand Rue, elle apparaît au Ravet Anceau de 1883 comme épicière. Un article de journal retraçant sa carrière nous apprend qu’il est un élève d’une intelligence précoce et d’un amour ardent de l’étude. Il quitte l’école à l’âge de quinze ans, avec des connaissances dans des matières aussi diverses que le solfège, le dessin de menuiserie.

Jules Vroman & La Roubaisienne Photo Coll Privée et En tête AmRx
Jules Vroman & La Roubaisienne Photo Coll Privée et En tête AmRx

A 20 ans, il est gymnaste à la Roubaisienne. Jules Vroman est un jeune homme sportif parmi les sportsmen de l’époque qui fréquentent cette  importante société de gymnastique. Cette pratique sportive l’amène à s’orienter vers la fabrication d’appareils de gymnastique. Habile menuisier, il crée ainsi dès 1884 sa société, dont les locaux se trouvent dans la maison maternelle, au 225 de la grand-rue. Le réseau grandissant des sportifs va constituer sa clientèle. Il fait preuve d’innovation, et d’un vrai sens commercial : son matériel est aisément démontable, avec des tarifs adaptés et il est testé par la Roubaisienne. A 29 ans, il devient aussi professeur de danse et de gymnastique.

La première société Vroman Coll Privée
La première société Vroman Coll Privée

Jules Vroman épouse Zoé Marie Millescamps le 31 mars 1894. Le commerce se développe et les locaux de la Grand Rue deviennent trop petits, Jules Vroman va s’installer rue des Fabricants au n°28 et il participe à la fondation de l’Ancienne le 14 juillet 1895. C’est une société de gymnastique et de jeux athlétiques et d’instruction militaire, dont il sera le directeur technique, puis le président. Les sociétés de gymnastique sont nombreuses et florissantes à cette époque. Comme elles voyagent et remportent de nombreux concours. Jules Vroman voit ses affaires prospérer avec le développement de son réseau sportif. Dans un premier temps, le siège de l’Ancienne est situé 28 rue des Fabricants, et Jules Vroman voit ainsi se développer la société sportive et sa société de fabrication.

En tête de l'Ancienne et catalogue Vroman En tête AmRx Catalogue Coll Privée
En tête de l’Ancienne et catalogue Vroman En tête AmRx Catalogue Coll Privée

Le 30 juillet 1898 naît Jules Vroman, deuxième du nom, qui prendra la succession de son père en 1928. Entretemps, le succès de la société Vroman nécessite de nouveaux locaux et la maison se retrouve au n°30 de la rue du Grand Chemin.

La société Vroman au 30 rue du Grand Chemin En tête Méd Rx
La société Vroman au 30 rue du Grand Chemin En tête Méd Rx

En 1900, Jules Vroman loue l’établissement sis Grand-rue n°50, jusque là occupé par un fabricant de cardes, M. Beaumont. Il y crée le franco-américain skating rink, lieu de loisirs inspiré des patinoires américaines, bientôt consacré aux patins à roulettes sur plancher de bois. Cette reconversion d’un vaste hangar rencontrera un grand succès. Le même type d’établissement existera au Fresnoy un peu plus tard. C’est sur cet emplacement du n°50 de la Grand-rue que sera créé le Casino Théâtre de Roubaix, grande salle de spectacles de music hall, qui deviendra un des grands cinémas de la ville.

Le skating rink de la Grand Rue CP Méd Rx
Le skating rink de la Grand Rue CP Méd Rx

Après la première guerre, la société Vroman a développé ses fabrications : la gymnastique les sports collectifs, la natation, pour lesquels sont fabriqués les installations et équipements appropriés.

à suivre

Merci à Mme Vroman pour les témoignages et les illustrations

Le centre de formation de la rue Delespaul

Au n°185 de la rue Delespaul se trouvaient en 1953, les ateliers de constructions électroniques, anciens Ets Flaga. Il y avait un concierge, M. Breywaert. Puis en 1960, c’est la société parisienne Clarel qui vient s’installer là. Les membres de l’atelier se souviennent du grand nombre d’ouvriers qui travaillaient là et de l’agencement des lieux. Chaque étage était réservé à un type de fabrication particulier. CLAREL était une société Française spécialisée dans la fabrication d’appareils d’éclairage intérieur et extérieur. CLAREL s’est fait connaître sur le marché de l’éclairage public Français au début des années 1950. Sa première réalisation fut un modèle résidentiel de lanterne fait d’une vasque en plexiglass allongée en forme d’accordéon, équipée de tubes fluorescents. Son catalogue de produits s’est largement développé en France et en Belgique. La société Ragni continue de commercialiser les lanternes CLAREL encore présentes au catalogue lors de la reprise tout en commercialisant ses propres produits.[1]

Publicité Clarel parue dans NE
Publicité Clarel parue dans NE

Une annonce parue dans la presse en janvier 1971 nous apprend que le centre AFID est installé depuis quelques mois dans ses nouveaux locaux du 185 de la rue Delespaul, et qu’il pourra accueillir de nombreux élèves à la rentrée prochaine. On peut situer la création du centre de formation dans le courant de l’année 1970. Les témoins disent que le site est resté inoccupé quelques années.

L’A.F.I.D (association pour la formation dans les industries diverses de la région Roubaix Tourcoing) existe depuis le 24 mars 1961, date de l’inauguration officielle de ses locaux à Roubaix, 18 rue Pauvrée. Elle fait partie de l’A.I.F.P. (association interprofessionnelle de formation professionnelle). Sa mission est d’étudier les problèmes de formation professionnelle du personnel des entreprises industrielles et commerciales de la région. Elle suscite, crée ou participe à la création de moyens de formation et de perfectionnement. M. Gacon en est le directeur en 1961. Première initiative, une session d’initiation industrielle destinée aux jeunes qui sortent de l’école primaire, et qui n’ont pu accéder aux collèges d’enseignement technique. Des projets : formations de bobiniers électriciens, vers un CAP, électromécaniciens, cours de vente en magasins de détail, examens professionnels.

Le centre AFID Photo CQ ECHO
Le centre AFID Photo CQ ECHO

L’A.F.I.D fonctionne avec des commissions constituées par les représentants des écoles ou instituts intéressés, des représentants patronaux, des salariés et des spécialistes compétents. Ces commissions déterminent les programmes, le niveau établi, le moyen de formation choisi, et suivent l’exploitation et la gestion de cette activité. L’AFID ne recueille aucune cotisation, n’a pas d’adhérents. Ses frais administratifs sont couverts par des subventions d’organismes professionnels.

Le point de vue de l’AFID en 1963 est le suivant : l’activité économique se façonnera qu’en fonction d’une main d’œuvre qualifiée. Il faut donc développer la formation régionale en fonction des problèmes industriels et commerciaux. Les contacts entre professionnels, responsables de formation et d’enseignement et spécialistes doivent être plus nombreux. Les professionnels doivent mettre en place les moyens pour les formations qu’ils désirent voir appliquer et prouver ainsi aux organismes officiels (FPA) la nécessité de telle ou telle formation. Des conventions pourront ensuite être passées pour les frais de formation. Enfin, il faut éviter l’émigration de la main d’œuvre qualifiée, en lui permettant de se perfectionner.

Une vue des ateliers Photo NE
Une vue des ateliers Photo NE

En janvier 1971, on annonce donc  l’ouverture pour la rentrée prochaine d’un nouveau centre AFID. Installé depuis quelques mois, il accueillera 100 nouveaux élèves à la rentrée scolaire (septembre), élèves âgés de 14 ans. On trouve là un centre d’éducation professionnelle, avec stages en entreprises (46 entreprises de Roubaix et environs), un centre de formation d’apprentis, pour jeunes embauchés souhaitant obtenir un CAP avec accord employeur, et une section adultes, en recyclage, techniques électroniques et pneumatiques, plans et dessins, conducteurs de machines.

Les membres de l’atelier ECHO se souviennent d’un centre très fréquenté, mais également replié sur lui-même, qui communiquait peu dans le quartier. Cependant, en mai 1990, le centre de formation de la rue Delespaul organisait une opération « portes ouvertes » pour promotionner ses formations de tourneurs, fraiseur, soudeurs.

Démolition du centre Photo CQ ECHO
Démolition du centre Photo CQ ECHO

Nous ne savons pas encore quand le centre de formation arrêta ses activités, ni pour quelles raisons. Le comité de quartier a pris ces clichés au moment de sa démolition  en novembre 1998. Tous les témoignages sur la vie et les activités de ce centre sont les bienvenus !

L'emplacement vide ext Google maps
L’emplacement vide ext Google maps

Remerciements au Comité de Quartier ECHO pour les témoignages et illustrations


[1] D’après le site Phozagora

Quand Meyerbeer devint Nord Lorraine

La brasserie Meyerbeer (Union Roubaix Tourcoing) fut créée en Coopérative fondée en 1907. Elle occupait les adresses suivantes : n°33-39 & 62-84 rue Meyerbeer. C’était l’une des grandes brasseries de Roubaix et ses productions étaient nombreuses. Parmi les bières en bouteilles, citons la bière double extra fine, la triple blonde de luxe, la blonde perle Meyerbeer, la triple brune de luxe, la Munich Meyerbeer. Tout cela en bouteilles d’un litre, ou en fûts de 25, 50, 75 et 100 litres. La Triple blonde de Luxe obtint un premier prix à Gand en 1928 avec félicitations du jury. Des connaisseurs ! La publicité du Bock Meyerbeer occupa longtemps les unes de journaux et les façades des estaminets. L’arrêt de la production intervient au début des années cinquante.

En tête Brasserie Union Roubaix Tourcoing Méd Rx
En tête Brasserie Union Roubaix Tourcoing Méd Rx

La nouvelle brasserie Nord Lorraine, société constituée par plusieurs groupes importants de brasserie de l’est et de Paris, rachète les bâtiments de l’ancienne brasserie Meyerbeer en février 1957. Ils seront entièrement rénovés par des entrepreneurs dont certains sont roubaisiens : la SA Léon Planquart, 22 grand-rue, s’occupe des bétons et maçonneries, les Ets Van hooland, rue St Jean, interviennent  pour les travaux de charpente et menuiserie. Une passerelle surmonte la rue Meyerbeer pour mettre en relation les deux parties de la brasserie, d’un côté la fabrication, de l’autre la canetterie (côté pairs) où se pratiquent la pasteurisation des bouteilles et le capsulage par couronnes.

L'inauguration de la nouvelle brasserie Photo NE
L’inauguration de la nouvelle brasserie Photo NE

L’activité va reprendre en mars 1958, avec une production de 16.000 bouteilles à l’heure ! La marque de Nord Lorraine, c’est Vivastar. Une innovation est proposée : le gobelet de surbouchage, pour pallier au capsulage qui ne peut servir qu’une fois. C’est un super bouchon gobelet, qui est accordé en prime au client pour l’achat de 22 bouteilles.

Publicités Vivastar Pubs NE
Publicités Vivastar Pubs NE

L’inauguration a également lieu en mars 1958 et le premier verre est offert au député maire Victor Provo, qui a auparavant coupé le ruban tricolore. Il inaugure une usine moderne, avec un buffet bien assorti. Le jeune et distingué PDG de Nord Lorraine, M. Vallaud, prend la parole pour accueillir les personnalités et présenter son unité de fabrication brassicole. Victor Provo déplore quant à lui la disparition de plusieurs brasseries à Roubaix et salue chaleureusement la naissance de Nord Lorraine.

La Vivastar Pub NE
La Vivastar Pub NE

Nord Lorraine va investir pour son équipement, dès novembre 1958, avec  l’arrivée d’une nouvelle laveuse de bouteilles. Par la suite, les grandes brasseries et malteries de Champigneulles rachèteront la brasserie Nord Lorraine à Roubaix, en 1962.

 

Le quai de Wattrelos

A l’origine, les terres situées entre le Galon d’eau et Wattrelos se partagent entre différentes fermes, situées le long de l’ancien chemin de Wattrelos. Ce sont notamment la Digue du Pré (à l’emplacement de la place Nadaud) et la Laverie, ou Haverie (au niveau du coude formé par la rue d’Avelghem). Les douves de ces fermes sont alimentées par le Trichon qui s’y écoule, après avoir alimenté les fossés du vieux château seigneurial.

Puis on creuse le canal, bordé par un talus et le chemin de halage. La rive nord de la partie la plus ancienne, incluant l’actuel boulevard Gambetta est rapidement dénommée quai de Wattrelos.

Plan cadastral 1826 – archives municipales
Plan cadastral 1826 – archives municipales

En 1869, les propriétaires de la rive du canal consentent à céder du terrain sur huit mètres de largeur depuis la rue de Lannoy à condition que la ville pave le quai. On rédige dès l’année suivante le cahier des charges préalable aux travaux. La chaussée fera 6m70 de largeur, et sera encadrée par deux trottoirs. L’accès à la berge sera protégé par un garde-corps. Mais la guerre de 1870 stoppe les travaux. Après celle-ci, il est question de combler la première partie du canal pour y aménager un boulevard. En attendant, on sursoit aux travaux. Le quai de Wattrelos est alors officiellement limité au pont du Galon d’eau et au pont du chemin de fer. Vers la fin du siècle, le quai est encore à l’écart de toute agitation ; le Ravet-Anceau de 1891 cite les estaminets Nyckees et Dubenne, ainsi que le bureau des douanes. La rive est également fréquentée par les pêcheurs et les canotiers : le « Ro (a?)ving Club » y pratique les sports nautiques. L’estaminet situé au numéro 4 a pour enseigne « la réunion des canotiers ». La courbe du canal face au boulevard Gambetta est plantée d’arbres.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Mais l’atmosphère bucolique de cette partie du canal va changer radicalement : Les frères Florent et Henri Carissimo installent d’abord une filature entre la rue d’Avelghem et le canal, limitée par la rue des Soies, et c’est ensuite le tour d’Alfred Motte d’y construire un peignage qui s’étend jusqu’à la ligne de chemin de fer. Il est autorisé à construire une voie s’embranchant sur la voie ferrée. Elle forme une courbe serrée pour longer la rue d’Avelghem, et traverse l’usine pour rejoindre le canal qu’elle suit ensuite, les wagons étant orientés à angle droit grâce à une plaque tournante. Une distillerie s’implante également au n°101 la « société anonyme des levures et alcools de grains ». Le quai sert alors intensivement au chargement et déchargement des péniches.

En 1920, on autorise la société des levures et alcools de grains à installer un portique permettant de décharger les péniches de charbon et de grains. Elle est également autorisée à placer une voie Decauville sur trente mètres le long du quai. La société Alfred Motte et Cie à remplace par une plus grande la plaque tournante située sur le quai. Elle reçoit également en 1925 l’autorisation de placer une ligne trolley au dessus de la voie pour permettre la traction électrique de ses wagons. L’estaminet Godin apparaît au 22 , après la passerelle des soies.

Document médiathèque de Roubaix
Document médiathèque de Roubaix

Les usines étant desservies par le Trichon, on n’a pas éprouvé le besoin de creuser le quai pour y installer un aqueduc. De ce fait, la mairie est réticente pour attribuer des permis de construire pour des habitations en 1928 et 29. A cette époque, la société Carissimo a vendu du terrain pour y établir un lotissement. Ces habitations doivent écouler leurs eaux usées dans le riez du Trichon en traversant les autres propriétés, ce qui complique beaucoup les choses. On trouve néanmoins dans cette zone, au n°1 l’estaminet Colpaert (le 2 est maintenant une épicerie), Au 5 l’entreprise de bois Léon Delsalle et au 6 le marbrier Lamarque ; au 7 et 7 bis et 97 des maisons particulières ; au 99 un estaminet. En 1932 on considère que l’entrepôt de bois Léon Delsalle au n°5, le long de la cité Wallerand pose de sérieux problèmes en cas d’incendie. Au début des années 50 apparaît au 3 la cour Rousseau, au 9 une fabrique de grillages. En1960 s’installe au 10, avant la rue des soies une entreprise de transports, la SARL Bednar.

Mais la construction du pont Nyckees va profondément modifier le quartier en supprimant une bonne part des bâtiments de cette zone. On voit encore sur la photo aérienne de 1962 une série de maisons situées dans le virage du canal, alors que les jardins ouvriers s’étendant jusqu’à à l’entrée de la rue d’Avelghem semblent bien à l’abandon. Mais l’ensemble donne encore l’impression d’une vaste zone industrielle.

Photo 1962 – document IGN
Photo 1962 – document IGN

Pourtant, la désindustrialisation s’opère et les usines sont amenées à fermer. Cette partie du canal va perdre son côté « port de commerce » pour reprendre un aspect plus bucolique. Les sociétés de pêche s’y retrouvent, les sports nautiques également, avec l’installation en 1993 d’une base de kayak. On y trouve le Café « Bouchard Pêche ».

Les usines sont démolies ou reconditionnées dans la 2eme moitié des années 90. On crée un terrain de sports, un parking, et surtout, on réalise une promenade plantée d’arbres le long du canal. Les promeneurs, piétons et cyclistes, empruntent la passerelle des soies pour poursuivre leur chemin vers l’Escaut sur la rive droite du canal. Celui-ci devient à nouveau calme et verdoyant.

Le quai aujourd'hui – document Google maps
Le quai aujourd’hui – document Google maps