U.R.S.A.

L’Union Roubaisienne des Sports Athlétiques (U.R.S.A.) a été fondée en 1892 par Edmond Desbonnet, le « père de la culture physique en France »1. Elle fut longtemps basée au 28 de la rue Jeanne d’Arc avant la disparition de la rue pour cause d’urbanisme. Quelques points de repére pour lancer la recherche historique.

Les premiers champions de la belle époque s’appelaient Raoul le boucher ou Constant le marin, noms qui les situaient entre les forains et les sportifs. Ils levaient la fonte et pratiquaient la lutte.

Les champions URSA 1912 Photo JdeRx

Les champions d’avant 1914 s’appelaient Goudnis, Charles Vanwinsberghe, Alphonse Pesez, Liévin Demey, Victor Lefebvre, Pierre Bogaert, Louis Vasseur. Le dernier nom de cette liste est sans doute le plus connu.

Passée la première guerre, l’URSA reprend ses activités et ce sera l’époque des Gaston Buter, Alfred Lounck, Démosthène Faith, Monnet, Léon Vandeputte, Vereecken, Jean Populier et Pierre Allène. La section de lutte compte aussi les César Luc, Charles Pâcome, Desnoullet, Stanys et Théo Drymala. La section haltérophilie est plus nombreuse encore. Citons Legleye, Herbaut, Debuf, Robert Cocheteux. En 1920, signalons deux adhésions importantes : Marcel Dumoulin et Georges Grisagelle.

Trois époques de l’URSA: Louis Vasseur, Charles Pacôme et Marcel Dumoulin Ph Coll Particulière

Tous ces noms vont de pair avec de nombreux titres de champions et des participations à des prestigieuses compétitions, du championnat de France aux Jeux Olympiques. Tout cela sera détaillé avec les portraits des différents membres.

Les champions URSA de 1953 Photo NE

Le comité de l’URSA en 1953 : Démosthène Faith président d’honneur, Marcel Dumoulin président actif, Georges Grisagelle secrétaire, Jean Populier, trésorier. En 1953 l’URSA compte une section haltérophilie, un groupe de judokas et des catcheurs. Le 27 septembre en la salle watremez à l’occasion d’un gala de catch, les professionnels viennent aider les amateurs et l’URSA, reconnu comme le plus ancien club de force de France.

d’après Louis Lampe NE

1Voir notre article à son sujet

Edmond Desbonnet à Roubaix

Quand il arrive à Roubaix, Edmond Desbonnet jouit déjà d’une certaine notoriété, comme professeur de culture physique, alimentée par le journal l’Athlète dont il est le rédacteur en chef. Venant de Lille, il gagnera ensuite Paris où il devait trouver la consécration. En attendant, il prospecte à Roubaix pour monter une quatrième école de culture physique.

Edmond Desbonnet à l’âge de 20 ans @ domaine public

Dans son journal, Edmond Desbonnet présente Franz Cyclops de son vrai nom Bienkowsky né à Tomken le 5 juillet 1862, un athlète extraordinaire qui a remporté un énorme succès au cirque royal de Bruxelles. Suit l’énumération de ses prouesses : deux haltères de 115 livres épaulées et poussées en haut des bras, une haltère de 200 livres dévissée d’une main très facilement, une haltère de 200 livres développée à deux mains, cinq fois de suite sans revenir toucher la poitrine. Ajoutés à cela un certain nombre de pièces, chaines, fils de laiton, courroies déchirés ou rompus, et un poids de 25 kg sur une table, soulevé par l’athlète assis le bras tendu jusqu’à hauteur d’épaule. Une véritable bête de foire entre le cirque de Bruxelles et les folies bergères de Paris !

Desbonnet annonce ensuite la soirée du 28 mars 1897 au Club athlétique roubaisien qui offre des primes afin d’attirer les compétiteurs. Arthur Leblond champion du nord pour le caoutchouc dorsal relève le défi. Cyclops sera également de la partie. Mais Desbonnet qualifiera le Cercle athlétique de Roubaix, de simple réunion de jeunes gens présomptueux. En effet, il ne se trouve aucun compétiteur à l’arrivée de Leblond et Cyclops. Leblond essaie l’extenseur roubaisien et le casse en deux. Il confie le sien au champion roubaisien qui ne le bouge pas. Après cette déception concernant le matériel, le lutteur Cyclops ne travaille pas, car il n’y a pas plus de défi que d’argent. Roubaix ne semble pas être à la hauteur.

Edmond Desbonnet écrit une chronique sur les trois célèbres lutteurs Youssouf, Nourouhlat et Kara-Osmann qui viennent en représentation à Lille. Ils ont pour barnum l’ancien athlète lutteur Doublier qui les a engagés à Constantinople. Ils sont turcs. Nouroulhat mesure 2 m et pèse 150 kg, Youssouf 1,86 et 115 kg et Kara-osmann 1,80 et 100kgs. Ce sont des lutteurs aguerris qui passeront par Roubaix à l’hippodrome un peu plus tard. Les turcs sont passés par le Cercle Athlétique Lillois puis sont rentrés à Paris où ils cherchent des engagements. On vend leurs photographies au journal.

Deux mois plus tard, l’attention de Desbonnet est retenue par les animations des cirques à Roubaix, qui en accueille deux à la fois, le cirque Diter et le cirque Lenka. L’athlète Léon Dumont est engagé au cirque Lenka obtient tous les soirs un grand succès. Il affronte quelques amateurs roubaisiens, Quivy, Desnoulez, le grand Jean, dont il est vainqueur. À l’occasion d’une rencontre de lutte au cirque Lenka entre deux roubaisiens Desnoulez et Jean Rousseau, le jury est composé de MM Parent, Desbonnet, Dubois, Février, Allemand, Leleu tous membres du Club Athlétique Lillois. L’enjeu est double, une prime de 100 frs et le titre de champion roubaisien. Les deux adversaires étant brouillés pour raisons privées, il n’y aura pas de compérage entre eux. Desnoulez est un lutteur amateur de première force et Jean Rousseau est le directeur de l’arène athlétique et du club de la rue de Lannoy. Rousseau est vainqueur de Desnoulez par un collier de force. Le frère de Desnoulez monte sur le ring et veut lutter, mais la police l’empoigne et l’expulse. Rousseau est champion de Roubaix 1897.

Le Journal d’Edmond Desbonnet in Gallica

Edmond Desbonnet semble être séduit par l’animation sportive roubaisienne. Il annonce la fête fédérale de gymnastique de Roubaix et publie le programme détaillé du 4 juin au 8 juin. Il signale également la création de la société de sport athlétique « la jeunesse roubaisienne » autorisée à se constituer chez M. Jean Burggrave quai de Rouen à Roubaix, par arrêté préfectoral du 25 juin.

Il consulte un peu les archives et relate dans son n°19 de juillet 1897 le concours athlétique de Mouscron s’étant déroulé le 25 décembre 1894. Y ont été primés les roubaisiens Emile Faucheux pour un épaulé et jeté d’un bras 140 livres, et Nauvelaerts troisieme du même concours.

Dans son N°22 d’ août 1897, Jules Parent et Edmond Desbonnet sont en visite chez les deux nouveaux clubs athlétiques de roubaix, l’un dirigé par Jean Burggrave 10 quai de rouen, et l’autre par M. Vancrayenest rue Philippeville. Ces deux sociétés sont amies et s’entraînent mutuellement. Parmi les athlètes recensés, on trouve les noms suivants : Henri et Jean Desnoulez, Jean Brys, Florentin, Scatteman, Davelos, Wotters, Lafrance, Dekayser, Vermersch, Rousselle.

Le professeur lillois est de plus en plus interessé par la vie sportive roubaisienne, il chronique dans la rubrique sports athlétiques le racing club roubaisien. Il donne le résultat des courses, les noms des racingmen, en tête Catteau, Bonnier, Reheiser, Dancette, Waeles, Vroman, Kaltemback, Loucheur, Kiebbe, Hargrave. Ces courses organisées par le racing club roubaisien se déroulent au vélodrome de Barbieux, et elles cloturent la saison sportive.

Publicité Extraite du Journal l’Athlète

En septembre 1897, Edmond Desbonnet fonde sa quatrième salle de sports à Roubaix. C’est une une école de culture physique super équipée qui compte rapidement trente élèves, et Jules Parent le champion du nord amateur vient y donner des leçons. C’est un club privé qui donne des leçons particulières. On photographie l’adhérent à son arrivée, ses mensurations sont régulièrement prises et reportées sur un registre. L’ouverture de la salle intervient dans les premiers jours d’octobre et son adresse est 28 rue Jeanne d’arc en face les halles. Edmond Desbonnet y transfère le bureau et la rédaction du journal L’athlète. Vingt membres s’y entraînent régulièrement parmi lesquels les sociétaires : Masson, Scrépel, Plateau, Lucien Monet, Desgranges, Vallet, Debryl, Danel, Six, Dubeaurepaire.

La même année, Edmond Desbonnet organise le championnat du monde de force pendant l’exposition internationale de Bruxelles. Le Français Noël Rouveyrolis, dit Noël le Gaulois, y sera sacré champion du monde.

On lira une notice complète sur Edmond Desbonnet sur Wikipédia

Louis Vasseur, force et énergie

Louis Vasseur Photo Gallica BNF

Louis Vasseur est né à Roubaix le 24 janvier 1885. Il exerce la profession de magasinier et il est la révélation du championnat international de Lille en 1906, où il prend une prometteuse troisième place. Il effectue alors une période militaire de deux ans, devient trompette du régiment, et il est de retour en septembre 1908. Sa fiche militaire le décrit comme un homme de 1,78 m au visage ovale, aux yeux gris et au menton à fossettes. Il se marie en 1909 avec Irma Decorte. Sa carrière sportive démarre vraiment en 1910 : il bat le record d’Alexandre Maspoli (135,5 kg) avec 136,5 kg au jeté à deux bras et il réussira plus tard 142,5 kg. Il participe aux épreuves organisées dans le cadre de l’exposition de 1911 à Roubaix. Le samedi 5 octobre 1912 au gymnase Rosset à Ménilmontant, il soulève à droite le poids formidable de 100 kg (en barre), c’est la 1ère fois que cet exploit a lieu officiellement. Il pèse alors 97 kg. En 1913 il arrache 116 kg à deux bras et c’est un nouveau record du monde. Tous ces records font date, même s’ils ont été battus aujourd’hui. Mais Louis Vasseur en établit quelques autres qui tinrent quarante ans !

Louis Vasseur au Trocadero Photo Gallica BNF

Il est passé professionnel et sera dix fois champion du monde d’haltérophilie. Il sera aussi recordman de France amateur du lancer de poids (7,257 kg) avec 12,78 m en 1909, et du lancer du disque avec 33,20 m en 1906. Mobilisé en août au 1er régiment d’artillerie, il est démobilisé le 20 mars 1919 et vit à Paris. En 1922, il poursuit sa carrière et notamment à la Société Athlétique de Montmartre, où il bat le record du monde en haltères séparées, détenu, avec 206 livres, par l’amateur Joseph Alzin de Marseille, avec 210 livres. Entre les deux guerres, Louis Vasseur comme avant lui le célèbre Apollon et Charles Rigoulot fera l’hercule sur des pistes de cirque, ce qui va attirer nombre d’amateurs de force pure et ce qui lui vaudra la mention artiste sur sa fiche militaire.

Louis Vasseur, recordman du monde en poids et haltères, publie, sous le titre «La Force, ayez de l’énergie », un recueil de souvenirs et de conseils paru dans la célèbre collection des Champions Sportifs aux éditions Nilsson (73, boulevard Saint-Michel, à Paris). Avis aux amateurs ! Louis Vasseur qui n’hésitait pas à revenir à Roubaix, notamment pour saluer son camarade Dumoulin, s’est éteint à Issy les Moulineaux le 11 octobre 1968.