L’ilot Voltaire

Depuis 1981, un plan de restructuration du quartier du Cul de four a été envisagé, dont les premières opérations concernent les démolitions de logements insalubres. Le relogement des familles, la réhabilitation de maisons individuelles ont également été prévus.

La SAEN (société d’Aménagement et d’Equipement du Nord) a demandé la réalisation d’une étude pour relever les habitations susceptibles d’être réhabilitées. Une convention entre la Communauté Urbaine, l’Etat et l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat doit permettre la mise en œuvre d’un plan de restructuration, dont les premiers travaux débuteraient en octobre 1982. Il faudra donc démolir, reconstruire et réhabiliter. On sait depuis juillet 1981 que 600 maisons du quartier du Cul de four seront démolies, car jugées trop dégradées.

Le premier projet de rénovation du Cul de four est celui de l’îlot Voltaire : soixante et un logements collectifs et individuels seront construits par les HLM et les premiers habitants pourraient s’installer au début de l’année 1985. Le projet ambitieux prévoit également l’installation d’un foyer logement rue Voltaire et d’une maison de quartier rue de Flandre.

Démolitions rue Voltaire Photo NE
Démolitions rue Voltaire Photo NE

En Octobre 1982, le comité de quartier est intervenu pour protester contre les nuisances provoquées par un terrain vague situé rue Voltaire et résultant des premières démolitions. C’est une décharge publique permanente, et quelques maisons vétustes restantes sont transformées en cloaques malodorants. Les choses avancent doucement, il reste les dernières maisons écroulées, côté rue Turgot et un atelier de confection en procédure d’expropriation. L’ilot Voltaire concerne les quatre rues suivantes : Voltaire, de Flandre, Basse Masure et Turgot. On connaît les mesures du plan : pour la rue basse masure,  les maisons du n°1 à 11 sont condamnées. Rue de Flandre, les maisons du 53 au 85 seront maintenues, mais réhabilitées comme les cours des n°65 et 65 bis. Pour la rue Voltaire, les  maisons et cour du n°30 au 36 vont disparaître, les n° 40 au 44 sont maintenues, et seront réhabilitées.

La surface déblayée Photo NE
La surface déblayée Photo NE

L’opération se déroulera en 2 phases : reconstruction côté rue Turgot pour reloger les habitants des cours qui veulent rester sur le quartier, puis démolition de l’autre partie de l’ilot Voltaire. Au terme de l’opération, il y aura 62 logements locatifs, 45 en semi collectif, et 17 individuels. L’opération est menée par l’office HLM, avec l’architecte Arpan, qui appelle à une réunion le 6 novembre 1982 pour discuter des plans avec lui dans l’ancienne école de la rue de Flandre.

Une partie du projet ilot Voltaire Photo NE
Une partie du projet ilot Voltaire Photo NE

Une autre réunion a lieu sous l’égide du comité de quartier en mars 1983. En juin 1983, les habitants sont à nouveau réunis et participent à une nouvelle réunion de concertation, puis à la visite de l’exposition « reconstruire le quartier » présentée dans les locaux de la Madesc au 137 rue de Flandre. En plus des projets concernant l’ilot Voltaire, réalisés par l’école d’architecture de Paris, l’école Quemando de Paris et le cabinet Leplus basé 46 rue Daubenton à Roubaix, une exposition sur « la réhabilitation à Roubaix » et un débat avec des étudiants architectes sont proposés aux habitants du quartier.

Le projet vu de l'angle de la rue de la Basse masure et de la rue Turgot Photo NE
Le projet angle de la rue de la Basse masure et de la rue Turgot Photo NE

 (à suivre)

La rue du Gaz

Le 12 décembre 1866, la compagnie Desclée frères et compagnie, dite « compagnie du gaz », sise depuis 1834 le long de la rue du Cul de four, adresse une lettre à la ville de Roubaix, demandant la permission d’annexer une rue qui traverse les terrains de l’entreprise, la coupant en deux. Cette rue, située dans le prolongement de la rue de L’Alma, fait 7 mètres de large, et met depuis toujours en communication le hameau du Cul de four et le quartier du Fontenoy. La compagnie propose de la remplacer par une voie de 12 mètres, située à peu de distance, qu’elle paverait et viabiliserait à ses frais. Cette nouvelle voie de communication prolongerait la rue Jacquart dénommée alors la rue Paulus.

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Trait perfide au passage, la compagnie conteste la propriété de cette voie à la ville, puisqu’elle n’a jamais fait l’objet d’un classement, et n’a jamais été entretenue par la commune.

Après recherche dans les archives, la commission municipale établit en février 1867 qu’à l’origine cette voie était dénommée carrière Toussaint, dite petite rue du Gaz et, en tant que carrière, on lui avait attribué la largeur réglementaire à l’époque soit trois mètres. Elle souligne, par ailleurs, l’intérêt d’utiliser cette voie pour prolonger la rue de l’Alma qui pourrait alors relier ainsi en droite ligne la rue de Mouvaux au pont des Couteaux sur le canal en cours d’exécution. La commission des rues conclut que, dans l’intérêt général, il faut conserver cette rue à la commune.

L'usine à gaz – Document Médiathèque de Roubaix
L’usine à gaz – Document Médiathèque de Roubaix

Deux mois plus tard, -est-ce une coïncidence-, la compagnie projette d’augmenter le prix du gaz, arguant du renchérissement du charbon. Pour qu’on ne puisse contester sa propriété sur la ruelle, la ville fait paver la voie, mais sur toute sa largeur, empiétant donc sur le terrain de la compagnie, puisque la carrière n’est censée faire que trois mètres de large. La compagnie réplique par voie d’huissier, pour faire enlever les pavés nouvellement posés.

Parallèlement, la compagnie fait une proposition de conciliation : elle offre, en compensation de la perte de la ruelle, de construire une école de 4 à 500 places. Elle rappelle que la ruelle ne pourra jamais être élargie pour prolonger la rue de l’Alma sans une expropriation qui coûterait très cher aux finances publiques. La municipalité se rend à ces arguments et fait finalement machine arrière en accordant la cession du chemin à la compagnie du gaz. La préfecture ordonne une enquête préliminaire d’utilité publique, puis entérine le vote en mai 1868.

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Le terrain pour l’école se situe en face de l’usine, sur l’autre trottoir de la rue Turgot. L’école troquée contre une ruelle est alors construite. On la retrouve aujourd’hui, qui fait face au terrain de l’Edf.

Document Géoportail – IGN
Document Géoportail – IGN

Les autres documents proviennent des archives municipales de Roubaix

 

 

La tour disparue

L’opération de résorption de l’habitat insalubre a démarré avec trois ans de retard au Cul de four. C’est  en novembre 1974, que la surface comprise dans le périmètre des rues Meyerbeer, Turgot, Rollin, Rossini et Wagram a été « dégagée». Cent trois maisons ont ainsi été détruites, et on a programmé une centaine de logements HLM à leur place, il s’agira d’un programme de logement à loyer réduit, mené par l’Office Municipal de HLM de Roubaix.

Une zone dégagée en 1974 Photo NE
Une zone dégagée en 1974 Photo NE

En Aout 1975, le projet Turgot Meyerbeer va démarrer, avec comme entrepreneur la société Ferret Savinel . Deux architectes MM André Dutilly de Roubaix et M Gérard Martin de Villeneuve d’Ascq se sont chargés du projet. La tour Marengo va être construite. Les premiers locataires s’y installeront dans le courant de l’année 1977.

Le projet de la tour Marengo Photo NE
Le projet de la tour Marengo Photo NE

En janvier 1984, des voitures sont incendiées sur le parking de l’immeuble. Les propriétaires de ces véhicules sont des locataires de la tour aux revenus bien modestes. Quelques jours plus tard, c’est au tour de la fourgonnette d’un brocanteur. Ce sont donc des incendies criminels. La tour Marengo est alors comparée aux fameuses Minguettes de la banlieue de Lyon.

Vue de la tour Marengo Coll Particulière
Vue de la tour Marengo Coll Particulière

De fait les locataires ne s’éternisent pas dans la tour et déménagent rapidement. Le concierge explique que le local à containers a été incendié 23 fois l’an dernier. Les portes sont continuellement cassées, les boîtes à lettres saccagées. Qu’est ce qui peut expliquer une telle violence ? La tour Marengo se vide progressivement. Un projet de réhabilitation est envisagé en 1987. Puis en 1988, il ne reste plus que 35 locataires sur les 120 logements. Alors que l’année précédente, des travaux ont été effectués (remise en peinture des couloirs et remplacement des revêtements de sol), l’office HLM envisage à présent une stratégie de relogement. La tour doit être vidée pour la fin du mois d’avril ! Le comité de quartier envoie une lettre recommandée à l’office HLM pour savoir ce qu’il va advenir des 35 familles de la tour Marengo. Finalement, l’office appelle à une réunion de concertation avec les locataires qui se tiendra dans la tour au n°101.

Vue de la tour Marengo Photo NE
Vue de la tour Marengo Photo NE

En octobre 1988, la tour Marengo est vide et officiellement murée. Transformée en terrain de jeux pour les gamins du quartier, elle est aussi devenue le paradis des récupérateurs. L’environnement n’est pas en reste. Une décharge sauvage s’est installée entre les pilotis de la tour Marengo, et les maisons des rues d’Iéna, Dombasle et Milton sont murées. Les constructions de l’îlot Voltaire et de la résidence de la rue Bayard ne se sont pas étendues au reste du quartier. Le sort de la tour Marengo n’est pas encore réglé. On hésite à la démolir. Il est vrai que l’office HLM rembourse encore les emprunts contractés pour sa construction. On envisage de la reconvertir en un immeuble tertiaire. Mais l‘insuccès rencontré par la tour Mercure, à deux pas de là, n’incite pas à un tel projet. On pense louer les appartements à de petits ateliers textiles, mais la proposition reste sans suite.

La tour Marengo en 1988 Photo NE
La tour Marengo en 1988 Photo NE

Pourtant tout un secteur du quartier dépend de l’avenir de cette tour inoccupée, la voie rapide sur berge va bientôt passer un peu plus haut, et cela va générer des terrains à vocation industrielle. La situation n’évolue pas. La Tour sert même de terrain d’entraînement pour les pompiers qui vont y éteindre un début d’incendie, en juin 1989.  Déjà en mars 1989, sa démolition avait été actée par une délibération municipale.

D’après les articles de Nord Éclair et les témoignages de l’atelier mémoire du Cul de Four

 

 

La rue Turgot

Elle reprend le tracé du très ancien chemin de Tourcoing, classé en première place dans le recensement préfectoral des chemins vicinaux pour Roubaix en 1823. Ce chemin y est décrit comme se terminant « près du cabaret de l’Union ». On le voit sur le plan cadastral du consulat passer à peu de distance de l’ancienne ferme du Fontenoy. Le cadastre de 1845 nous le montre partiellement construit, alors qu’on ne trouve pratiquement plus de terrains non bâtis dans celui de 1884 : Les entreprises se partagent la partie nord, proche du canal, et les maisons individuelles se cantonnent à la partie sud.

La viabilisation de l’ancien chemin prend très longtemps, en particulier dans sa partie nord : En 1863, une pétition est envoyée par les riverains. Ceux-ci demandent le pavage du tronçon situé entre la ferme Delcroix (au coin de l’actuelle rue Meyerbeer) et le lieu-dit l’Union, alors que la partie plus vers le centre de Roubaix est déjà pavée « depuis plusieurs années ».

Le chemin n°1 en 1845 - archives municipales
Le chemin n°1 en 1845 – archives municipales

Ce chemin était bordé de fossés à l’origine. Ceux-ci, au fur et à mesure des constructions, sont plus ou moins comblés, et l’écoulement des eaux se fait mal. Les riverains demandent la construction d’un aqueduc central en 1868, alors qu’on vient de tracer le canal qui forme désormais l’extrémité de la rue. Celle-ci est d’abord baptisée rue du Cul de Four, puis prend son nom définitif en 1871. Pourtant le pavage n’existe toujours pas partout ; il est défoncé et peu praticable là où il existe.

Dans les années 70, on se propose de porter la largeur de la rue à 12 mètres sur tout son parcours et on publie à cet effet un plan d’alignement. En attendant, les habitants se plaignent de « l’état d’insalubrité » de la rue, les fossés servant de « dépôts d’immondices de toutes espèces ». On vise notamment l’usine à gaz et l’entreprise Auguste Morel, qui y déverseraient leurs effluents. Pour faire avancer les choses, les riverains proposent en 1875, alors que va s’installer l’école de natation, de participer pour moitié aux frais d’installation de l’aqueduc, de poser les bordures de trottoir en suivant l’alignement, et à compléter le revêtement de la chaussée sur ses accotements.

Document archives municipales
Document archives municipales

 

Enfin, le service de voirie prépare un projet pour la construction de l’aqueduc en 1876. Les travaux sont mis en adjudication. M. Charles Larnou est chargé des travaux, qui sont finalement réceptionnés en 1884.

La rue est, dès le départ, très commerçante, en particulier dans sa partie sud. En 1895, pratiquement chaque rez de chaussée est un commerce, et on trouve en particulier de nombreux estaminets.

Deux estaminets de la rue, avant la première guerre – documents médiathèque de Roubaix
Deux estaminets de la rue, avant la première guerre – documents médiathèque de Roubaix

Par contre, le côté impair et la partie nord est dévolue aux entreprises: l’entreprise Morel (huiles et graisses), l’usine à gaz, et, près du canal, le peignage de l’Union, installé de chaque côté de la rue. Cette usine restera dans le domaine du textile, même si l’enseigne change ensuite : filature, puis retorderie et enfin bonneterie.

Cette rue a abrité également un école de garçons, dont le bâtiment, reconverti ensuite, existe encore aujourd’hui, et l’école de natation, qui, alimentée par les eaux du canal, a fermé ses portes à l’ouverture de la piscine de la rue des Champs.

 

document IGN 1962
document IGN 1962

Sur la photo aérienne, nous retrouvons notre rue limitée en bas à gauche par le quai de Gand et en haut à droite par la rue St Vincent. On voit que, du côté pair les installations industrielles prédominent, dont l’usine à gaz et ses réservoirs.

Mais la rue a subi une transformation complète dans la dernière partie du 20ème siècle : pratiquement toutes les constructions sont démolies pour être remplacées par des bâtiments modernes, certains terrains restant encore pour l’instant en friche. On a peine à retrouver des traces du passé de cette rue…

 

Photos Coll. particulière
Photos Coll. particulière

La perle du Cul de four

Des entreprises importantes, le quartier du Cul de four en a connu, telles que la brasserie de l’union Roubaix Tourcoing, ou encore l’usine de fabrication des extincteurs Mather et Platt. Ces sociétés ont progressivement disparu, malgré quelques tentatives de reprise, comme la brasserie Nord Lorraine pour la première citée.

Née de la fusion de deux petites sociétés Manuplastic et Afiplast, rue Franklin Roosevelt à Mouvaux, à la fin des années cinquante, la société Afiplastex est venue s’installer dans les anciens locaux du 27 de la rue d’Iéna autrefois occupés par la société anonyme des manufactures de laines filées. En 1987 elle se lance dans un grand chantier de modernisation et de rénovation. La construction d’une nouvelle halle de 2.500 m² permet d’accueillir trente presses ultra modernes. L’usine s’étend alors sur une surface totale de 9.000 m². Un lourd investissement, 15millions de francs pour une entreprise dont le chiffre d’affaires de l’époque est de 50 millions de francs. L’usine est située près de la nouvelle voie rapide urbaine avec une nouvelle façade rue Meyerbeer. Les services économiques de la ville de Roubaix ont soutenu le projet en permettant d’obtenir plus facilement les permis de construire.

Vue intérieure de l'usine Photo NE
Vue intérieure de l’usine Photo NE

Cette société fait vivre plus de cent dix salariés. Que produit-elle ? Des pièces en matière plastique selon la méthode de l’injection : cassettes pour photocopieurs, boîtiers pour vélomoteurs, ses clients sont  Thomson CSF, l’aérospatiale, Léanord (ordinateurs).

Plaque d'inauguration Photo NE
Plaque d’inauguration Photo NE

Après dix huit mois de chantier, la nouvelle halle et son matériel ultramoderne sont inaugurés le mardi 21 juin 1988 en présence du sénateur maire André Diligent. L’usine est alors qualifiée de « perle de technologie dans un écrin peu aguichant ».

Pont roulant Photo NE
Pont roulant Photo NE

Malgré des clients prestigieux, Rank Xerox, Toshiba, Renault, Whirlpool, l’entreprise est mise en règlement judiciaire en 1991, ce qui réduit presque de moitié sa clientèle. En 1993, la société se sépare de 42 personnes alors qu’elle n’en compte déjà plus que 82. Le chiffre d’affaires est tombé à 20 millions de francs en 1996. Un nouveau redressement judiciaire intervient en décembre 1996. L’histoire se termine le 27 mars 1997, date à laquelle la société roubaisienne Afiplastex est mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing. Malgré une offre de reprise déposée par le groupe Heideman, et la mise en place de la zone franche, c’est  la fin de l’entreprise, et les 25 salariés que comptait encore Afiplastex sont licenciés.

D’après les articles de NE

Des fours, encore

Le temps des dépôts d’ébouage étant dépassé, la décision de construire un incinérateur est prise au milieu des années trente. Le Cul de Four fut choisi, en raison de sa proximité du canal pour le transport, et de son environnement relativement campagnard. En effet, la Mousserie toute proche était encore une plaine agricole.

L’usine d’incinération se construit sur les bassins de l’ancienne école de natation. On peut apercevoir à droite la brasserie Meyerbeer. Photo Archives Municipales de Roubaix.

Le vieil établissement de l’école de natation, créé en 1880 laisse bientôt la place à un nouvel équipement.  Nous sommes en 1936 et l’usine d’incinération des ordures ménagères de Roubaix s’installe rue Meyerbeer. Après une courte période d’essai, elle fonctionne à plein rendement en novembre 1937.

Les fours de l’usine d’incinération Photo Journal de Roubaix

35.000 tonnes d’ordures ménagères sont traitées annuellement, et bientôt on atteindra les 50.000 tonnes. L’usine produit de la vapeur et des kilowatts, et du mâchefer pour les travaux de voirie. Mais elle produit aussi beaucoup de cendres et de là viendra son cauchemar. Les ordures sont brûlées dans une batterie de cinq fours, alimentés par les seuls déchets. Tout y brûle sauf ce qui est métallique. Les habitants du Cul de Four se souviennent de la perpétuelle fumée de la grande cheminée haute de 75 mètres, car le service ne s’arrête jamais.

L’usine en 1939 Photo Archives Municipales de Roubaix

En 1972, la compagnie générale de chauffe exploite cette usine avec un effectif de 28 personnes, et le directeur est alors M. Louis Coquant. Les cendres deviennent vite un problème. Mille kilos d’ordures donnent 300 à 400 kilos de cendres. On les vendait autrefois, pour les entrepreneurs de travaux publics. Les derniers temps, elles étaient données gratuitement.  Puis il faut payer l’entrepreneur pour s’en débarrasser. On commence également à parler de pollution, avec les nouveaux emballages, comme les bouteilles de plastique, qui produisent un gaz toxique et détériorent les conduits de cheminée. La généralisation de l’emballage perdu a fait accroître le tonnage d’ordures.

Vie et mort de la cheminée de l’usine d’incinération Photo Archives Municipales de Roubaix et Nord Éclair

En janvier 1981, la haute cheminée était inactive depuis quelque temps, et elle est abattue à l’aide de bâtons de dynamite soigneusement disposés. Elle va s’effondrer en moins de cinq secondes après une semaine de préparation. Le projet de l’époque prévoyait la destruction de l’usine incinération pour laisser la place au centre technique municipal. On se prépare également à démolir l’ancienne brasserie Meyerbeer.

Aujourd’hui,  la chaufferie biomasse du quai de Gand fournit l’essentiel de la chaleur du chauffage urbain. Mise en service en 2011, cette énergie irrigue aussi bien les bâtiments municipaux que les hôpitaux, le vélodrome et des logements collectifs. Cela met en valeur que le quartier du Cul de four a toujours contribué à l’apport énergétique de la ville, que ce soit pour l’éclairage avec l’usine à gaz de la rue de Tourcoing et la production d’électricité avec l’usine d’incinération de la rue Meyerbeer.

D’après le Journal de Roubaix, Nord Éclair, et le fonds des archives municipales de Roubaix

 

 

Contribution pour le Cul de Four

Il existait autrefois, avant la première guerre mondiale, une usine à gaz dans la rue de Tourcoing. Elle avait été construite au n°58 de la rue par la société roubaisienne d’éclairage par le gaz et l’électricité. Une grande halle abritait 38 fours, il y avait une salle des machines, une chaufferie. Cette usine fournissait en gaz la ville et les industries roubaisiennes. Dans la nuit du 16 au 17 octobre 1918, les soldats allemands truffèrent les installations d’explosifs. Puis ils firent sauter l’usine, le 17 octobre à 10 h 30. Après avoir pillé la ville, ils la laissaient sans énergie.

usine après bombardement

Dès le 2 décembre 1918, quatre fours étaient reconstruits, ce qui permit d’éclairer la ville de manière restreinte. Car c’était encore l’époque des allumeurs de réverbères, bien qu’une première tentative d’éclairage électrique ait été faite pour la rue de la gare, à l’occasion de l’exposition internationale de 1911. Le 1er avril 1919, l’usine satisfaisait aux besoins immédiats des particuliers et de l’industrie.  En 1920, la société entreprend la construction d’une batterie mécanique moderne afin de remplacer les anciens fours.  A la fin de l’année, la modernisation est achevée. Monsieur Ricard, le directeur de l’établissement, fait visiter les nouvelles installations à la presse en février 1921, assisté de ses collaborateurs, MM. Tourrière, ingénieur, et Leclercq, chef de fabrication. La nouvelle batterie est composée de huit fours, dont le chargement est plus rapide qu’autrefois, grâce à l’appareillage mécanique. Progrès important, car il fallait plus de trois heures pour cette opération avant la guerre, et seulement 40 minutes en 1921. Le coût de l’installation se monte à plus de deux millions des francs de l’époque. La société d’éclairage souhaite construire une autre batterie dès que les matériaux de construction subiront une baisse sensible. Parallèlement le réseau d’électricité, composé de trente deux postes entièrement détruits par les allemands, fut reconstitué et progressivement augmenté, avec l’aide de l’Energie Electrique du Nord de la France, autre société implantée à Wasquehal.

L’usine reconstruite en 1921 Le Monde illustré

Voilà donc une contribution historique à l’appellation du quartier « Cul de four », qui se situait donc à proximité des fours de l’usine de la société roubaisienne d’éclairage de la rue de Tourcoing. Mais la discussion reste ouverte, car le mot four a d’autres acceptions, du boulanger aux ouvriers des briqueteries. Décider péremptoirement de l’origine de l’appellation du quartier serait prendre le risque de faire un four…

D’après le Monde Illustré (article et photos) et le Journal de Roubaix de février 1921

 

Centenaire de l’église Saint François

En juin 1960, l’église Saint François va célébrer le centenaire de sa construction. Au milieu du dix neuvième siècle, Roubaix s’agrandit et la population augmente. Il n’y a que deux églises à cette époque Saint Martin et Notre Dame. De plus, il y a beaucoup d’ouvriers flamands. On décide alors de faire appel aux franciscains pour le service des prêtres flamands. C’est à eux qu’on doit le nom du quartier qui se construit alors : St Joseph, dont une rue garde le souvenir, qui mène au parvis de l’église. Ces prêtres franciscains étaient des Récollets, et ils vinrent tout d’abord s’installer dans une maison de la rue du Collège, puis rue Saint Antoine, près de l’ancien carmel.

De généreux paroissiens, parmi lesquels la famille Dujardin, offrent un grand terrain situé en plein champ à la basse masure. Le 21 novembre 1857, la première brique du couvent Saint Joseph est posée. Le 15 mai 1859, c’est au tour de la première pierre de la chapelle du couvent. Ce sanctuaire est l’œuvre de l’architecte Dewarlez, et il fait 50 mètres de long sur 21 de large. Le 23 juin 1860, la nouvelle chapelle est bénite.

La chapelle des Récollets doc Med Rx

 

Une première injonction de quitter les lieux est faite aux Récollets en 1880, les frères franciscains étant belges sont frappés d’un arrêté d’expulsion.  Les portes de l’église sont ré ouvertes en 1896. Puis la loi sur les congrégations religieuses de 1903 force les religieux à quitter les lieux. Après avoir servi de dépôt de pain, de logements, d’école d’apprentissage, l’église reprend ses activités cultuelles en 1919. La même année, intervient la création de la paroisse qui englobe les quartiers du cul de four et de la basse masure, et on donne à l’église des pères le nom de Saint François, fondateur de l’ordre franciscain.

Notre Dame d'Assistance et les petits pages Photo Nord Eclair
Notre Dame d’Assistance et les petits pages Photo Nord Éclair

Les cérémonies du centenaire donnent lieu à diverses manifestations : le 9 juin une conférence par le R.P. Pol de Léon Albaret à la maison paroissiale de la rue Richard Lenoir, le 14 juin au Colisée, gala en l’honneur de Saint François d’Assise par « Jeunesse et famille », le 19 juin à 10 h 30 en l’église Saint François, cérémonie d’actions de grâce, sous la présidence de Son Eminence le Cardinal Liénart. Il est accueilli à dix heures rue Philippe Lebon, au domicile de M. Jules Georges Duquesne, adjoint au maire. Une procession conduit ensuite le chef du diocèse jusqu’à l’église dont le fronton est orné des armoiries épiscopales et de l’inscription 1860-1960. En tête de la procession, le groupe des enfants de chœur, les communiants et communiantes de l’année, la communauté des Pères franciscains de Roubaix, une délégation des Pères de la province de Paris, de Belgique.

Les Pères Franciscains en tête de la procession Photo Nord Eclair
Les Pères Franciscains en tête de la procession Photo Nord Éclair

Le cardinal est accompagné de Mgr Prévost, vicaire général. Il est accueilli sous le porche de l’église par le curé Vincent Guegen et le gardien du couvent Alexis Castro. A l’entrée dans l’église, les grandes orgues tenues par M. Paul Carrière. La messe sera célébrée par le TRP Gustave Boulez, ministre provincial. La chorale paroissiale et la maitrise des Frères du couvent de Mons en Baroeul exécutent le Missa Festiva. Le RP Alexis Castro donne ensuite lecture en chaire d’une lettre du Père Général des Franciscains à la communauté de Roubaix, ainsi que d’un télégramme du Vatican. A son tour le cardinal prend la parole. Il dit notamment : nous devons faire de nos paroisses des communautés chrétiennes ouvertes aux autres et accueillantes.

Le Cardinal Liénart à Saint François Photo Nord Eclair
Le Cardinal Liénart à Saint François Photo Nord Éclair

Après la messe, le cardinal donne à l’assistance sa bénédiction et regagne la sortie en procession. L’après midi fut récréatif, les Canterelles d’Anne Marie Debatte exécutent musiques et danses, puis les frères du noviciat de Mons interprètent avec finesse et esprit plusieurs chœurs.

 

 

 

Les origines du quartier

Après la révolution, le quartier – essentiellement agricole – est bordé par deux chemins. Le premier, une voie importante qui mène à Tourcoing (aujourd’hui la rue Turgot), et le chemin des couteaux sur l’emplacement du boulevard de Metz. Sur celui-ci s’embranche un chemin à droite menant au Hutin. Ces deux voies sont reliées au sud par ce qui deviendra plus tard la rue de la Vigne. Le long du Chemin de Tourcoing, deux autres chemins forment un triangle.

Peu de constructions, au nombre desquelles plusieurs fermes, reconnaissables à leurs cours carrées. Elles forment deux hameaux le long de ces axes, celui des Couteaux et du Triez St Joseph. La cense plus importante est celle de Fontenoy, entourée d’eau (gage d’ancienneté). La famille Le Becque-Fontenoy qui la tient tout au long du 17ème siècle. L’un de ses membres, Philippe de Le Becque fut échevin et inhumé dans le chœur de l’église St Martin. La ferme est placée entre les rues de Tourcoing et Turgot, juste au sud de la rue Jacquart.

Les couteaux St Jposeph – 1805

En 1816, le fort St Joseph est construit sur le triangle le long de la rue Turgot. Il est contenu entre les chemins préexistants et un nouveau hameau apparaît au lieu-dit de la Basse masure, le long d’une voie reliant le chemin de Tourcoing à celui des couteaux, et qui deviendra plus tard la rue Basse-Masure.

plan cadastral 1826

Près de trente ans plus tard, en 1847 les constructions n’ont pas évolué. Seul, le croisement entre le chemin de Tourcoing et celui menant à la Basse-masure est-t-il désormais bordé de maisons. L’essentiel de la population est encore agricole, et le recensement de 1851 cite un certain nombre d’agriculteurs.

Mais de profondes transformations coïncident avec le percement du canal à la fin des années 1860 et l’arrivée des entreprises qui s’installent le long de la rue de Tourcoing, récemment tracée. On construit des logements pour les ouvriers, flamands pour la plupart. On construit une église et un couvent attenant pour les révérends pères des Recollets. Le quartier acquiert le caractère qu’on lui connaît encore.

Documents archives municipales

 

 

 

 

Présentation du Cul de four

Le quartier du Cul de four se constitue progressivement dans la seconde partie du dix neuvième siècle. On se rendait autrefois à Tourcoing par un chemin qui démarrait à la Place de la Fosse aux Chênes et serpentait par la campagne. Cette première voie constituera plus tard le tracé des rues Saint Joseph, Turgot et Cadeau, avant que la rue de Tourcoing ne soit ouverte entre 1835 et 1836. Cette ouverture va favoriser l’industrialisation du quartier le long de son tracé : les noms des rues Duflot et Jacquard en attestent, la première du nom d’un industriel qui fut installé là, la seconde du nom de l’inventeur du métier à tisser.

Église St François des Récollets Coll Part

En octobre 1857, les Frères Récollets arrivent à Roubaix, venant de Gand, pour exercer leur ministère auprès de leurs compatriotes flamands, que l’expansion de l’industrie textile a attirés à Roubaix. Le 21 novembre 1857, est posée la première pierre du Couvent Saint Joseph, et le 15 mai 1859 démarre la construction de la Chapelle du Couvent, future église Saint François d’Assise, conçue par l’architecte Dewarlez. L’église est bénie le 23 juin 1860. Entre-temps, c’est un quartier tout entier qui se bâtit, auquel on donnera le nom de Saint Joseph. Il est à l’époque entouré au nord par le sentier de la basse masure, à l’est par le sentier de l’Ommelet à la Basse Masure, au sud par le chemin des Sept Ponts, et à l’ouest par l’ancien chemin de Tourcoing, autrefois nommé rue du Cul de Four (aujourd’hui rue Turgot et deuxième partie de la rue St Joseph). On prévoit d’ouvrir des rues, dont la rue de Flandre et la rue St Joseph, ouvertes en 1857. Puis on réalise la rue Daubenton qui sera réalisée en trois étapes de 1860 à 1875 jusqu’à sa jonction avec la rue de Constantine.

Le canal de Roubaix Quais d’Anvers et de Gand Photo Nord Eclair

Entre-temps la réalisation du nouveau tracé du canal dans les années 1870 renforcera l’activité du quartier par le nord : ainsi le quai de Gand dénommé en 1867 accueillera les magasins de stockage des charbonniers ou des entrepreneurs, et des transporteurs (voituriers-camionneurs.  De grandes structures métalliques apparaissent, grues mobiles, appareils électriques de déchargement pour le coke, appareils fixes de déchargement des charbons, portiques pour le déchargement des matériaux. Le quartier est ainsi délimité dans sa configuration actuelle depuis le début du vingtième siècle. De nouvelles rues apparaissent dans les années 1880, Iéna, Wagram, Marengo, Meyerbeer où s’installent des activités diverses : une brasserie, une école de natation, remplacée par une usine d’incinération, et aujourd’hui par une grande surface commerciale.

Brasserie de l’Union Roubaix Tourcoing rue Meyerbeer Photo Collection particulière

La rue Turgot et la rue de Flandre assuraient la circulation du nord vers le sud dans le quartier, mais il faut attendre les années 1890 à 1900 pour joindre la rue de Tourcoing au boulevard de Metz. La rue Voltaire et la rue Rollin, assureront cette jonction. La rue Olivier de Serres viabilisée en 1884 établit la jonction entre la rue Voltaire et la rue Daubenton, alors qu’une école s’y est installée depuis quelques années. La place du Progrès est créée en 1896, et c’est l’aboutissement de la structuration du quartier engagée depuis 1890 qui comprend l’appropriation de l’ancien fort Bayart en rue (1891) et la création des rues Grétry et Labruyère (1891).

École rue Olivier de Serres Photo PhW

Nombre de rues et d’activités ont depuis disparu de ce quartier autrefois très animé. Que s’est-il passé ? Quelles sont les traces de ce passé ? Comment se présente l’évolution du quartier ? C’est à partir des souvenirs de l’après seconde guerre mondiale que l’atelier mémoire du Cul de four se propose de restituer la mémoire du quartier, selon l’adage bien connu : c’est avec l’éclairage du passé que l’on comprend le présent et que l’on prépare l’avenir !