La Roseraie

Ets Leclerq-Dupire à Wattrelos (Document ateliers-mémoire)

Louis Leclercq-Huet descend d’une famille d’industriels. Son père Louis Leclercq-Mulliez a en effet développé en 1865 les établissements Leclercq-Dupire à Roubaix-Wattrelos que son grand-père avait fondé. Louis épouse Jeanne Huet en 1885 et demeure dans un 1er temps à Roubaix , 74 boulevard de Paris avant de faire construire son château à Hem, au 111 rue de Croix, « La Roseraie »..

La Roseraie CPA et Photo (Document collection privée)
Photo de famille en 1923 dans le parc du Château (Document Historihem)

Louis, qui travaille avec son père élève une famille de 12 enfants dont 2 fils meurent: l’un à la guerre, l’autre accidentellement à l’armée. Quant à lui, pendant la 1ère guerre mondiale, en tant qu’industriel, il fait partie des otages emmenés en Allemagne au camp de Holzminden.

Les otages du Nord du camp de Holzminden (Document Historihem)

Membre de la chambre de commerce de Roubaix il conserve ses fonctions le plus longtemps possible aux Ets Leclercq-Dupire, jusqu’à ce que sa santé ne le lui permette plus et décède, en 1928, dans sa 66ème année, dans sa résidence de Hem. Son épouse le suit un an plus tard à l’âge de 63 ans.

Mortuaires des époux Leclercq-Huet (Documents Historihem)

Comme le montre une vue aérienne de 1932, La Roseraie, ce n’est pas qu’une grande demeure majestueuse. C’est également un énorme terrain qui comprend, outre la bâtisse principale : plusieurs dépendances puis une ferme, des jardins, des prés, un cours d’eau…

Photo aérienne de 1932 (Document IGN)
La famille sur le pont enjambant le cours d’eau (Documents collection privée)

Entre les années 1930 et 40, les jardins se structurent et le domaine est savamment entretenu comme en témoignent les séries de cartes postales qui lui sont consacrées. Un magnifique parc boisé et des jardins luxuriants font l’admiration des visiteurs. La demeure familiale est alors la propriété de Louis Leclercq-Motte et son épouse, fille d’Eugène Motte, qui ont 10 enfants. C’est Louis qui dirige les Ets Leclercq-Dupire à Roubaix et Wattrelos et fonde également, avec ses frères, les usines Leclercq-Dupire d’Ypres, Cysoing, Saint-Python….

La Roseraie série noire (Documents collection privée)

En 1936, le salut solennel et la cérémonie de clôture de la fête d’été en l’honneur de Notre Dame de Lourde, sous la présidence du cardinal Lienart, évêque de Lille, se déroulent à la Roseraie après une procession dans les rues de la ville et une grand messe solennelle chantée à l’église Saint-Corneille avec le concours de la chorale paroissiale.

La presse se fait écho du rassemblement de l’ensemble de la procession dans la propriété, et de la chorale d’hommes entonnant le Magnificat repris en choeur par la foule des fidèles. La cérémonie s’achève par la bénédiction du Saint-Sacrement sur la foule agenouillée.

Le programme de la fête d’été (Document Historihem)
Photos de la cérémonie à la Roseraie (Document Historihem)

Pendant la 2ème guerre mondiale, comme la plupart des châteaux et maisons de maître à l’époque, la propriété est occupée par les allemands comme le démontrent les 4 photos ci-dessous. Pourtant la demeure reste fort heureusement intacte si l’on se réfère à cette vue aérienne de 1947.

La Roseraie occupée (Documents collection privée)
Vue aérienne de 1947 (Document IGN)

En 1957, Louis Leclercq-Motte et son épouse célèbrent leurs noces d’or avec faste. La journée commence par une messe d’action de grâces à l’église Saint-Corneille, en présence de toutes les notabilités de la région. Puis une cordiale réception est offerte au domicile des jubilaires aux nombreux parents et amis où un grand repas familial rassemble ensuite une centaine de membres de la famille.

La famille pose sur l’escalier extérieur à l’arrière du château (Document Nord-Eclair)

La Roseraie reste ensuite la propriété des familles Leclercq-Motte et Motte-Watinne que l’on y retrouve domiciliées dans les Ravet-Anceau de 1958 à 72. Dans les années 60, un carton d’invitation est envoyé par Mme Jean Leclercq sous la forme suivante : « Gentilhomme et Gente Dame, soyez priés à danser, ce samedi trente et un mai en notre Cense de la Roseraie, où bal campagnard est donné pour fester de Sylvie et Christian les dix-huit et vingt-cinquième printemps » « Tenue de gente Dame ou Gentilhomme campagnard du siècle passé ».

La carte d’invitation à la fête (Document collection privée)

A suivre…

Remerciements à l’association Historihem

Blanchisserie du Nord (Suite)

La Blanchisserie Teinturerie du Nord est répertoriée dans l’annuaire téléphonique jusqu’à la moitié des années 1970. Elle exerce son activité sur laines peignées et filées ainsi que sur des fibres artificielles et synthétiques. La vue aérienne de l’entreprise en 1971 est donc l’une des dernières à la représenter en activité.

Publicités de la Blanchisserie des années 1970 (Documents Historihem et collection privée)
Vue aérienne de 1971 (Document IGN)

En 1976, soit après presque 50 ans d’existence, l’entreprise, victime de la crise économique, ferme ses portes. Grâce à la volonté d’une quinzaine d’artisans et de l’ancien propriétaire, d’une agence et de la municipalité, le site voit s’implanter une zone artisanale qui est la première à Hem.

L’ensemble est accompagné d’une supérette au n°346, au coin de la rue Jules Guesde et de la rue des Vosges, qui a pour objectif de desservir le quartier de la Vallée qui commence dans cette rue (perpendiculaire à la rue Jules Guesde), et s’étire jusqu’à la rue de la Vallée.

Dès 1979, un Intermarché est construit au 346, sur une surface de vente de 950 mètres carrés, comprenant alimentation, produits frais, bazar mais aussi un rayon photo. Un parking de 60 places complète l’offre du magasin par ailleurs d’une hauteur modeste et entouré d’un îlot de verdure pour ne pas gâcher l’environnement. Cette implantation doit entraîner la création de 20 emplois.

Fermeture définitive de la Blanchisserie (Document BD Au temps d’Hem)
Vue aérienne du site en 1981 avec l’ Intermarché et son parking (Document IGN)
Doc 15.5 Photo de la construction en 1979 (Document Nord-Eclair) et publicités Intermarché (Document collection privée)

C’est ainsi que dans les vingt cinq années qui suivent la fermeture de l’entreprise, les habitants voient s’installer sur ce site des représentants de professions très diverses :

  • des entreprises de bâtiment telles que Guelton (chauffage central), Dourdin (électricité générale), Alutherm (menuiserie alu et plastique), Isotherm (isolation technique et phonique), Morival (maçonnerie)

  • des entreprises telles que Best (agencement de bureaux), Buisine (agencement de magasins), Discem (cuisiniste)

  • puis Labbé (électroménager), IBB (imprimerie), Jeanine (studio photo) ou même Laile et Lacuisse (volailler), Hem Modelisme…

Publicités de l’année 1982 pour la Zone Artisanale de la Blanchisserie du Nord (Document Office Municipal d’Information de Hem)
Diverses publicités et autocollant du 362 (Documents collection privée)
Vue des bâtiments en front à rue en 2008 à côté de la grille d’entrée dans le site et du château d’eau encore existant (Documents Google Maps)

Ce n’est que dans la fin des années 2000 qu’intervient la destruction complète de l’usine, hormis les bâtiments en front à rue, après le rachat du site par la ville. Une future zone commerciale et artisanale, actée par le nouveau POS (Plan d’Occupation des Sols) doit voir le jour sur cet emplacement tout à côté du magasin Lidl qui a remplacé l’ancien Intermarché.

Vues de l’usine en démolition en 2007 et 2008 (Documents Historihem)

Puis en 2009 intervient la démolition du château d’eau, dernier emblème de la Blanchisserie du Nord, devant le voisinage ébahi : « 3 secondes de Waouah ! après 2 mois de préparation » témoigne le Directeur des Services Techniques de la ville de Hem. Des gravats de l’ancienne usine ont été laissés pour amortir la chute et une pelle de 40 tonnes vient achever la tour.

Démolition du château d’eau en 2009 (Document Nord-Eclair)

Après le temps des démolitions, vient le temps des constructions : la rénovation du magasin Lidl, l’aménagement d’une zone artisanale et enfin, 10 ans après la destruction du château d’eau, la sortie de terre d’un nouveau centre commercial de six cellules commerciales pour une surface de 740 mètres carrés.

Ce nouveau centre, situé entre le nouveau Lidl et les reste des bâtiments en front à rue de la blanchisserie, qui accueille des professions médicales, paramédicales et des associations, doit comprendre une pharmacie, une agence bancaire, un magasin de cycles, une opticienne et un café-poussette (concept de petite restauration adapté aux enfants en bas âge).

Le nouveau Lidl, les anciens bâtiments en front à rue, la zone commerciale en chantier en 2019 et la zone artisanale avec une publicité d’établissement (Documents Google Maps,Voix du Nord, collection privée)

Près d’un siècle plus tard il ne reste donc plus de la Blanchisserie du Nord qu’un bâtiment en front à rue et la vue aérienne de la zone en 1998, soit 20 ans après sa fermeture définitive, en comparaison avec celle qui peut être observée de nos jours n’a plus rien à voir. Il n’en reste pas moins que ce lieu est resté une zone artisanale et commerciale et donc une zone d’emplois pour la ville.

Vision comparative des vues aériennes de la zone en 1998 et 2022 (Documents Google Maps)

Remerciements à l’association Historihem et à la ville de Hem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume  pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem

Teinturerie Gabert (Suite)

Après l’appel à la résistance du Général de Gaulle, une poignée de hémois et hémoises s’engage dans la résistance. Parmi eux se trouve un dénommé René Thomas, syndicaliste convaincu et ouvrier chez Gabert. Domicilié impasse Vandemeulebrouck (dans la rue Jules Guesde), il participe à la structuration d’un réseau et devient l’âme de la résistance avec le Dr Trinquet.

Les tâches du réseau sont multiples : compter les camions de ravitaillement, les camions d’essence, les avions, voir quel bâtiment vient d’être abandonné par étirement des troupes allemandes, reconnaître les barrages antichars, comme celui situé entre l’usine Duprez et le passage à niveau de la Briqueterie et fait de rails sortant de terre de 60 cm à 1,20 m.

René se dépense sans compter, à ses frais, pour les réfractaires d’Hem. Il se montre d’un dévouement et d’un courage sans faille en participant à des actes de résistance pure, tels que le sabotage de la voie ferrée Lille-Bruxelles, sur les territoires voisins de Hem et en diffusant des tracts par voie d’air.

Il est malheureusement arrêté sur dénonciation et subit de longues séances de torture par la Gestapo à La Madeleine. Pendant 90 jours il est au secret, enchaîné, blessé, laissé sans soins mais ne parle pas. Sa femme donne le jour à leur fille pendant son emprisonnement. Puis il est déporté en Allemagne en forteresse d’abord puis en camp de concentration. Il n’en reviendra pas…

Les ouvriers de chez Gabert avant1939 : à droite, tête nue, René Thomas (Document Historihem)

Après-guerre l’usine reprend son activité et de nombreuses femmes y sont employées en tant que préparatrices en écheveaux, ces assemblages de fils repliés et réunis par un fil de liage. Sur la photo ci-dessous au 1er plan c’est Mlle Decottignies qui restera la dernière ouvrière de l’usine à sa fermeture 40 ans plus tard.

Les préparatrices en écheveaux avec Mlle Decottignies au 1er plan et la même 40 ans plus tard (Document Hem 1000 ans d’histoire)

L’entreprise poursuit son activité sans problème apparent durant les 30 années qui suivent. Entre 1950 et 1960, elle emploie jusqu’à 300 personnes et connaît son apogée pendant cette décennie.

Le bulletin de paie d’un salarié en 1957 (Document collection privée)

En 1971, il devient nécessaire de recimenter, recercler et rejointoyer la cheminée haute de 40 mètres après plus d’un siècle d’existence. C’est une entreprise de la région parisienne qui se charge de cette œuvre de haute voltige pour laquelle il faut non seulement n’avoir pas le vertige mais également ne pas craindre la température des fumées de 150 à 180 degrés à la sortie de la cheminée.

Photo aérienne de l’entreprise et du château Gabert en 1971 (Document IGN)
La réparation de la cheminée en 1971 (Document Nord-Eclair)

En 1975, la société, alors dirigée par l’arrière petit fils du fondateur Philippe Gabert et son frère Jacques, fête le départ en retraite de 2 cadres qui y ont travaillé pendant 40 ans : Jean Hotot, responsable des ateliers de bobinage, et Jean Vanhamme, responsable de la teinturerie sur bobine. La société emploie alors encore 270 personnes. Philippe Gabert se félicite dans son discours du fait que le plein emploi a pu être assuré pendant toute la durée de l’année précédente.

2 départs en retraite de cadres de l’usine en 1975 (Document Nord-Eclair)

Malheureusement les années 1980 sonnent le glas de l’entreprise qui n’arrive plus à faire face économiquement après avoir dû déposer le bilan en 1977. Ainsi, alors qu’elle se trouve en concordat depuis, elle ne peut faire face à l’échéance concordataire de juin 1982.

C’est alors que le conseil municipal à l’unanimité décide le rachat des terrains et des bâtiments au moyen d’un emprunt. Le but est clair : l’entreprise devient locataire et peut relancer activité et investissements afin de sauvegarder l’emploi, tandis que la municipalité paye capitaux et intérêts de l’emprunt grâce au loyer versé.

L’entreprise Gabert se rapproche en parallèle du groupe Leblan par l’intermédiaire duquel elle devrait trouver des commandes. Pour atteindre le seuil de rentabilité il lui faut en effet assurer une charge de production de 100 tonnes par mois, résultat envisageable uniquement grâce à une modernisation de son outil de production et à la conquête d’une nouvelle clientèle. Pourtant la situation continue à empirer jusqu’à la fermeture.

L’usine en1982 (Document Nord-Eclair)

Deux ans plus tard l’usine n’emploie plus qu’une dizaine de salariés même si elle fait encore travailler à façon le personnel d’autres entreprises. Le tribunal de commerce prononce alors la liquidation des biens de la société qui, dès lors, semble condamnée à fermer définitivement ses portes.

Et en avril 1987, c’est le dernier acte, et la mairie est forcée de constater la vétusté des lieux et de décider la démolition des bâtiments (sauf un atelier et des entrepôts) construits sur 22.000 mètres carrés, y compris la mythique cheminée. Il est alors question que Kiabi y installe ses services centraux mais c’est finalement rue du Calvaire, face à la briqueterie d’Hem que cette installation aura lieu.

L’agonie d’un géant ainsi que titre le journal Nord-Eclair : les ateliers et la cheminée lors de la destruction (Document Historihem)
La cheminée Gabert tombe en 1987 (Document Au temps d’Hem)

Photo aérienne de Meillasoux et Mulaton et du terrain de l’usine Gabert après démolition.

En 1990, le réaménagement du site Gabert est décidé avec l’implantation d’un lotissement abritant des petites et moyennes entreprises accueillies sur des terrains de 1200 à 3500 mètres carrés. Cette zone d’activité est financée par un gros investissement communal, par une subvention du FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) pour l’aménagement des friches industrielles et le solde par un emprunt qui devrait être remboursé au moyen des recettes fiscales apportées par les entreprises installées sur le site.

La friche Gabert en gros plan avec le château après la démolition puis 10 ans plus tard (Documents Historihem)
Entrepôts transformés en loft en 2008 (Document Historihem)

30 ans plus tard, soit plus d’un siècle et demi après la naissance de l’entreprise, le site Gabert a laissé place à la zone d’activités prévue et délimitée par une allée ayant reçu le nom de Gabert, au n°6 de laquelle on retrouve l’ancien château Gabert joliment restauré.

Photo aérienne de la zone en 2022 (Document Google Maps)
Le château en cours de restauration puis actuellement au milieu de la nouvelle zone d’activité (Document Historihem et Google Maps)

Remerciements à Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leur ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui et à ce dernier pour son ouvrage Hem 1000 ans d’histoire.

Blanchisserie du Nord

En 1928, au lieu-dit Le Monceau, plus précisément au 362 rue de Lannoy (actuelle rue Jules Guesde) à Hem, est édifiée une usine de blanchiment et teinturerie, dite « Blanchisserie du Nord », dont le fondateur propriétaire est Mr Charles Derly.

L’usine se compose au départ d’un atelier de fabrication en briques, avec un étage carré couvert d’un lanterneau. Le toit est à longs pans et la couverture en tuiles flamandes. Un autre atelier de fabrication en rez-de-chaussée est ajouté à l’ensemble en 1934. L’usine est surmontée d’une cheminée portant la date de construction et possède une cour et un château d’eau.

Vue aérienne de l’entreprise en 1933 (Document IGN)

La curiosité de la rue de Lannoy est à l’époque le passage à niveau qui se tient au coin de l’actuelle rue des 3 Fermes et qui permet le passage de la ligne de chemin de fer Roubaix-Somain, laquelle amène alors le charbon des mines aux usines textiles. Comme par ailleurs il existe un tramway Lille-Lannoy, une passerelle a été construite derrière l’usine grâce à laquelle la ligne de tramway contourne la blanchisserie pour « enjamber » la voie ferrée et rejoindre la rue de Lannoy à hauteur de la rue de la Léverie.

En-tête de papier à lettres de la blanchisserie (Document Historihem)

Le papier à lettres de la blanchisserie fait clairement apparaître le contournement de l’époque. La passerelle initiale détruite par les allemands lors de la première guerre en 1918 a été reconstruite et inaugurée en 1920, soit 8 ans avant la construction de la Blanchisserie du Nord. (Voir sur notre site un précédent article intitulé : la ligne Lille-Leers septième partie Hem la rue de Lannoy)

La passerelle et les motrices en 1920 (Document Journal de Roubaix)

Le procédé de blanchiment le plus anciennement connu, surtout pour les tissus de chanvre et de lin, consiste à soumettre les tissus à l’action réitérée de l’air, de l’eau, de la lumière et des lessivages alcalins, à l’aide de produits chimiques. Le travail est pénible et effectué majoritairement par du personnel féminin.

Le personnel de la Blanchisserie du Nord dans les années 1920-1930 (Documents collection privée)
Exemple d’atelier de blanchiment des textiles de l’époque (Documents Alamy Images)
Certificat de travail établi par la blanchisserie teinturerie du Nord en 1936 (Document collection privée)

Au début de la deuxième guerre mondiale, avec l’invasion de la Pologne, la France décrète la mobilisation générale, et la défense passive est mise en place dans la ville de Hem comme ailleurs, sur ordre préfectoral. La municipalité prévoit donc des mesures de sécurité et de protection particulières. Ainsi la commune est divisée en 7 secteurs dont le troisième prévoit un repli sur la Blanchisserie du Nord en cas d’alerte.

Chaque chef de secteur dispose de brancardiers, d’infirmières, de chefs d’abri et de chauffeurs auto. Les consignes sont données et, dès que l’aviation ennemie approche, l’alerte est donnée par coups de sirène continus et répétés. Les chefs d’abri se rendent sur place et veillent à ce que la descente aux abris se passe en ordre en donnant la priorité aux femmes, enfants et vieillards. Leur rôle, en fin d’alerte est également de faire ressortir les occupants de l’abri en ordre, pour éviter les accidents.

Dans les années 1950, la Blanchisserie et Teinturerie du Nord poursuit son activité. La vue aérienne de 1951 permet de constater que la voie ferrée ainsi que celle du tramway ont disparu. En 1959, le fondateur Charles Derly, décède à l’âge de 78 ans. Pourtant l’entreprise continue son activité comme en attestent les annuaires Ravet-Anceau de l’époque.

Vue aérienne de 1951 (Document IGN)
Enveloppe personnalisée postée en 1954 (Document collection privée)
Faire-part de décès de Charles Derly (Document Historihem)

Blanchir et teindre des vêtements et textiles est une activité très polluante et il faut en moyenne entre 100 et 150 litres d’eau par litre de tissu teint soit une quantité énorme d’eau. C’est sans doute la raison pour laquelle en 1964, l’entreprise fait réaliser un sondage pour recherche d’eau par la société auxiliaire des distributions d’eau.

En-tête sondage pour recherche d’eau en 1964 (Document Historihem)
Publicité et offre d’emploi des années 1960 (Documents Nord-Eclair)

En 1965, un grave incendie dévaste un bâtiment de l’entreprise abritant la forge, la menuiserie, les vestiaires des ouvriers et un stock d’entretien (matériel électrique et outillage), détruisant tout le matériel entreposé et occasionnant pour 300.000 francs de dégâts. Toutefois aucun chômage n’est à prévoir pour les 150 salariés.

Fort heureusement, en effet, le bâtiment est isolé du reste de l’usine par une clôture en ciment ayant fait office de coupe-feu et empêché la propagation de l’incendie aux autres bâtiments. La cause du sinistre, survenu de nuit, est inconnu et ce sont des riverains, ouvriers de l’usine, qui, ayant observé l’épaisse fumée s’échappant du bâtiment, ont prévenu le concierge lequel a fait intervenir les pompiers de Hem.

Cliché pris par le toit montrant les moteurs de machines détruits (Document Nord-Eclair)

A suivre…

Remerciements à l’association Historihem et à la ville de Hem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume  pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem

Teinturerie Gabert

Né en 1828, à Condrieu, dans le Rhône, Firmin Gabert épouse en 1858 une hémoise, Flore Flament, avec laquelle il a un fils, Claude en 1859. Domicilié rue Poivrée, actuellement rue du Général Leclerc, il y installe également sa teinturerie, et on le retrouve sur les listes électorales de 1858.

Il figure sur la liste des commerçants et industriels patentés en1870, mais exerce déjà depuis plusieurs d’années, petitement d’abord au 37 bis où il est répertorié dans l’annuaire de 1923 puis en développant rapidement son affaire au 69 de la même rue. Son installation à Hem plutôt qu’à Roubaix s’explique par le manque d’eau de cette dernière tandis que la Marque arrose la ville de Hem d’eaux abondantes et claires.

Publicité ancienne précisant que la maison date de 1863 (Document collection privée)

Avec la guerre de 1870 et la Commune, tous les centres parisiens de teinture s’arrêtent et les marchandises affluent sur Roubaix et environs dont les industries prospèrent. Les fabricants de tissus d’ameublement de Lannoy notamment vont trouver chez Gabert des spécialistes de la teinture des écheveaux de soie entre autres.

C’est à ce moment qu’apparaissent les colorants chimiques qui donnent une quantité de nouvelles possibilités en remplaçant les produits d’origine animale et végétale. C’est le fabricant de produits chimiques hémois Frédéric Tellier qui se charge alors d’approvisionner les teinturiers locaux.

Conséquence néfaste sur l’eau de la Marque (Document Au temps d’Hem)

La première demeure de la famille Gabert est voisine de celle de la famille Meillassoux, tout comme leurs deux entreprises sont également voisines. En 1887 Firmin décède mais ce n’est qu’en 1920 que leur propriété est vendue au Docteur Leborgne après le décès de Claude en 1917.

Celui-ci a eu un fils Firmin en 1892 qui a épousé Suzanne Fremaux et les époux s’installent au 103 Boulevard Clémenceau. Le couple a 2 enfants : Philippe en 1927 et Jacques en 1931. Suzanne reste domiciliée bd Clémenceau après le décès de Firmin en 1953.

En 1981, le bâtiment vendu au Docteur Leborgne 60 ans plus tôt atteint du mérule sera rasé par la commune tandis que la maison des Meillassoux devient une annexe de la mairie. Il ne reste donc aujourd’hui plus trace du 1er Château Gabert.

Le 1er château Gabert, à droite sur la photo, le bâtiment de gauche appartenant à la famille Mulaton, et sa voisine de droite étant la famille Meillassoux (Document collection privée)
Vue des 3 châteaux dans la rue avec celui de la famille Meillassoux au 1er plan et le château Gabert au 2ème plan (Document Hem 1000 ans d’histoire).
Vue aérienne de la propriété Gabert-Fremaux Firmin du 103 boulevard Clémenceau en 1971 (Document IGN)

En 1895, avec d’autres industriels le successeur de Firmin réclame la création d’un tramway qui relierait Hem à Flers puis à Lille et fait partie d’une commission créée afin de se documenter sur le sujet. Il souhaite en effet investir pour que Hem devienne une ville moderne et bien reliée aux centres industriels de Roubaix et Lille. Il sera ainsi également l’un des premiers automobilistes hémois.

Ce n’est pourtant que sous la mandature de Mr Delecroix qu’un avis favorable est donné suite à l’enquête menée sur la création d’une ligne de tramways électriques à travers la ville de Hem. La ligne Roubaix Hem sera mise en exploitation en 1908 tandis qu’une 2ème ligne est également commencée pour relier Lille à Leers en passant par Hem.

Photo aérienne des teintureries Gabert (point noir) et Meillassoux et Mulaton en 1933, et le 2ème château Gabert (point blanc) (Document IGN)

Au début du 20ème siècle, l’usine Firmin Gabert a pris son essor. C’est tout naturellement dans ses ateliers qu’est créé le géant de la ville appelé à défiler lors de la fête nationale de 1911 : Gustave le Teinturier, et les ouvriers et ouvrières de l’usine ne sont pas peu fiers de réaliser ce témoignage du savoir-faire hémois.

La création du 1er géant hémois en 1911 (Document Au Temps d’Hem)

Pendant la 1ère guerre mondiale, la fortune publique et privée est rançonnée sous prétexte de contribution de guerre et de réquisition et la ville de Hem est soumise à un pillage filtré et méthodique qui fait le vide partout. Les allemands procèdent à l’enlèvement du matériel industriel et la casse des machines, ainsi qu’au vol des marchandises stockées dans les usines dont celle des Gabert.

Des commandes attendues par les clients sont confisquées par l’armée d’occupation et à la fin de la guerre, l’entreprise Gabert établit des attestations afin que les commandes non livrées de ce fait puissent faire l’objet de réclamations pour indemnisation auprès des autorités.

Attestation de 1919 pour les Ets Deffrennes-Duplouy frères à Lannoy (Document Historihem)

Dans les années 1930, l’entreprise est devenue la SARL Firmin et Jean Gabert. La famille de Jean Gabert-Lundy s’installe dans un château qu’elle a fait construire sur le terrain où se trouve l’usine. La maison est entourée d’un parc et se situe au 69 bis de la rue de Lille comme on peut l’observer sur la photo aérienne de 1933 ( cf document plus haut).

Malgré la crise économique, les Ets Gabert s’agrandissent avec la construction de nouveaux ateliers. Pourtant en 1936, l’usine est rattrapée par la crise et les grèves qui touchent les transports charbonniers l’affectent en la forçant à l’arrêt pour cause de manque de charbon, ainsi qu’en témoigne le certificat de chômage technique établi pour leurs ouvriers.

Agrandissement de l’usine en 1934 (Document Hem 1000 ans d’histoire)
Certificat de chômage technique de 1936 (Document collection privée)

A la fin des années 1930, les temps incertains qui mèneront à la guerre, suite à l’annexion de l’Autriche par le Reich suivie de la mobilisation des réservistes en France, pèsent sur les affaires. Par arrêté du Ministère de la guerre, le droit de réquisition est ouvert dans la commune en septembre 1938. Le manque de travail se fait alors sentir et l’usine procède à des licenciements puis à du chômage partiel .

Licenciement pour manque de travail (Document collection privée)
Certificat collectif de chômage partiel (Document collection privée)

Jean Gabert appartient à l’Association des familles nombreuses et, à ce titre, apporte son aide à la recherche de logements pour les familles évacuées de leurs maisons sur ordre de l’armée d’occupation pendant la seconde guerre mondiale.

A suivre…

Remerciements à Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leur ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui et à ce dernier pour son ouvrage Hem 1000 ans d’histoire.

Le Chalet à Hem

En 1955, le 164 de la rue du Général Leclerc à Hem, à l’angle de la rue de la Tribonnerie, apparaît dans le Ravet-Anceau, dans la catégorie café et cycles, au nom de Pringuet-Brelle. L’établissement est répertorié à ce nom jusqu’en 1971, année à la suite de laquelle c’est Mlle Demarecaux qui reprend le café pour quelques années ; l’enseigne « Au chalet » est alors spécifiée sur l’annuaire.

Auparavant rien ne figurait à cette adresse et les cafés étaient répertoriés par un alignement de noms de propriétaires sans que leurs adresses ne soient précisées. Impossible donc, si ce n’est par les souvenirs des anciens habitants de savoir quelle famille représente la photo ci-dessous, à priori prise dans les années 1920 devant le café à l’enseigne « le Chalet », la légende de la photo dans le livre Mémoire en Images de Hem ne le précisant pas.

Tout juste peut-on voir que l’entrée se faisait à priori au n°1 de la rue de la Tribonnerie sous les fenêtres du 1er étage. On peut également constater qu’à l’époque la rue n’était pas encore pavée, le lotissement de la Tribonnerie n’ayant vu le jour qu’en 1962.

Photo Chalet années 1920 (Document Mémoire en Images de Hem) et Photo prise au même endroit en 2016 (Document Google Maps)

En 1972, la presse se fait l’écho du passage du champion cycliste Bernard Hinault chez le restaurateur hémois installé depuis quelques mois : Mr Castelain, l’occasion pour l’article de vanter : « le cadre sympathiquement campagnard de l’Auberge du Chalet, la gentillesse de l’accueil, et la cuisine empreinte d’une simplicité de bon aloi » ayant su séduire le champion fin gourmet.

Le passage de Bernard Hinault en 1978 (Document Nord-Eclair)
Publicité des journées du coq des restaurateurs hémois et photo de Mr Castelain (Document Nord-Eclair)

Puis l’Auberge du Chalet apparaît , en tant que telle, dans le Ravet Anceau, en 1979, sans que le nom de ses propriétaires n’y figure. Cependant en1982, dans le bulletin de l’Office Municipal d’ Information de la ville, est publiée une annonce publicitaire indiquant les nouveaux propriétaires de l’auberge : Mr et Mme D’Haese.

Publicité de 1982 (Document OMI « La Famille » de Hem)

Instantané de mémoire : « Quand je m’installe à Hem Centre en 1986, l’auberge du Chalet est le restaurant traditionnel de Hem, à l’atmosphère intimiste, à la décoration sobre où il est plaisant à un couple de venir déguster des plats savoureux au calme et où l’accueil est toujours agréable ».

En 1993, l’auberge est reprise par le couple Suppa, Bruno en cuisine et son épouse en salle. Fils de restaurateurs, Bruno a fait l’école hôtelière et a travaillé dans un restaurant en Belgique avant de s’installer à son compte à Hem. L’atmosphère est alors toujours chaleureuse et la cuisine délicieuse et évolutive au fil des saisons. C’est une adresse incontournable de la restauration dans l’agglomération roubaisienne.

Bruno Suppa en cuisine (Document Facebook)

Après une vingtaine d’années passées dans ce restaurant le couple Suppa décide de passer à autre chose et reprend La Terrasse des Remparts à Lille. L’auberge du Chalet change alors d’enseigne et devient en 2008 l’auberge du roi de la Moule sous la direction de Christian Leroy, ancien chef de cuisine à l’ Ecume des mers à Lille.

Au menu 30 recettes différentes de moules, des classiques aux plus originales, mais aussi différents plats de poissons et de viandes cuisinés de façon régionale et traditionnelle.

Christian Leroy en cuisine (Document magazine Tout Hem) et Carte publicitaire (Document collection privée)
Restaurant l’auberge du Roi de la Moule en 2008 (Document Google Maps)

Plus tard, l’auberge devient simplement l’Auberge du roi et propose une cuisine de produits frais et faits maison, principalement axée sur l’univers de la mer : dorade, sole, lotte, raie…Le restaurant régale les papilles des amateurs de poissons et de fruits de mer pendant une dizaine d’années.

Auberge du Roi en 2016 (Document Google Maps)

Puis en 2016 c’est la société Lise et Nico qui prend la suite sous l’enseigne « Le sot l’y laisse ». Lise Vermeersch et Nicolas Noblet, respectivement monitrice d’équitation et directeur commercial d’imprimerie, se sont rencontrés lors d’une formation de reclassement en cuisine et ont eu l’idée de monter ensemble un restaurant.

Lise et Nicolas : Le Sot l’y Laisse (Documents Facebook)

Ils ont donc repris l’auberge du roi à sa fermeture et, après quelques mois de travaux et l’élaboration d’une nouvelle carte, ouvrent leur nouveau restaurant sur la base de menus imaginés par eux-mêmes à partir des produits disponibles au fils du temps. Pas de spécialisation pour eux mais une recherche constante de qualité à base de produits frais et donc une carte qui change très souvent.

A partir de 2019, c’est seule que Lise, chef de cuisine, continue l’aventure. Elle privilégie le classique revisité et propose une cuisine de saison, de marché avec une touche d’originalité. Le restaurant est à son image, simple et classique, mais aussi chaleureux et accueillant.

Intérieur du restaurant (Documents site internet)
Lise Vermeersch à l’accueil et en cuisine (Document site internet et Facebook)

Très vite le restaurant se fait un nom dans la métropole lilloise et le Petit Futé le place dans ses recommandations du guide 2022. Malheureusement la crise sanitaire met à mal le fonctionnement de ce restaurant encore bien jeune et celui-ci ferme ses portes en Mars 2021, mettant fin à une belle aventure pleine de promesses.

Recommandation Petit Fûté 2022

L’avenir seul dira si l’établissement situé à l’angle de la rue du Général Leclerc et de celle de la Tribonnerie, qui a abrité pendant plus d’un siècle estaminets, cafés puis restaurants va continuer à héberger ce type d’activités ou si, comme pour beaucoup d’anciens commerces, ce bâtiment va perdre sa vocation commerciale pour revenir à l’usage d’habitation.

Remerciements à la ville de Hem et à Bernard Thiébaut pour son ouvrage Mémoire en images de Hem.

Briqueterie de Hem (Suite)

Dans les années 1980, à Hem, c’est le fils du fondateur Mr Delfosse qui dirige l’usine. Le produit est toujours fabriqué à l’ancienne, afin de lui assurer une qualité maximale permettant à cette entreprise de continuer à fonctionner. L’argile et la glaise sont extraites de carrières creusées dans les terrains environnant l’usine à l’aide d’excavatrices puis transportées par locotracteurs sur 6 kms de voie ferrée. Les carrières sont rebouchées au fur et à mesure avec des ordures ménagères.

Une excavatrice en fonctionnement en 1980 (Document Nord-Eclair)

Puis dans des doseurs on ajoute un peu de schiste à la terre pour éviter les fissures avant de passer le mélange dans une machine dont la fonction consiste à enlever les résidus métalliques et les cailloux. Puis il est broyé et fortement humidifié dans une sorte d’énorme pétrin. Après mise en forme le pain rectangulaire d’un mètre environ est découpé en tranches ou briques.

Les placeurs entreposent alors les briques dans les séchoirs et forment des murs de 200.000 unités tout en veillant à laisser des intervalles entre les briques pour permettre une meilleure circulation de l’air. Une fois sèches, soit au bout de 15 jours par beau temps et plus d’un mois en cas d’intempéries prolongées, les briques sont retirées des hangars pour être cuites au four.

Les séchoirs (Document Nord-Eclair)
Le four (Document Nord-Eclair)

Le four est maintenant un bâtiment de 2 étages de 80 mètres de long. Les briques sont entassées au niveau inférieur dans un compartiment dont le plafond est percé de plusieurs trous. Le charbon est introduit régulièrement par le haut et les briques sont cuites à une température de 1000 degrés.

Le travail à l’intérieur du four après la cuisson (Document Nord-Eclair)

L’industrie de la brique est une activité saisonnière dans la mesure où l’on ne peut fabriquer les briques que pendant 6 mois puisqu’il serait impossible de les faire sécher naturellement en hiver. Mais le four tourne toute l’année sur les réserves faites à la bonne saison. On ne l’éteint qu’une fois par an pour les indispensables réparations. 38 personnes sont donc employées pour la fabrication et la cuisson pendant 6 mois mais seulement 20 à 22 l’hiver. Les saisonniers sont alors essentiellement portugais et nord-africains.

Malgré la mécanisation intervenue améliorant les conditions de travail par rapport au début du siècle, le travail en briqueterie est toujours pénible : la poussière à la fabrication, la chaleur dans le four et le poids des briques rendent le métier difficile et les ouvriers sont payés au rendement.

Photos aériennes de 1992 et 1999 (Documents Historihem)

Pendant 20 ans encore la briqueterie de Hem continue à fonctionner avec plus ou moins de difficultés mais elle ne parvient pas à fêter son centenaire. Les réalités économiques finissent par la rattraper et à l’aube du 21ème siècle sa démolition est inéluctable, d’autant que la production a dû cesser en 1999, faute d’argile.

La vingtaine de salariés restants a dû être licenciée et les grues et marteaux piqueurs sont entrés en action pour raser les bâtiments. Le plus gros morceau du chantier s’est avéré être le vieux blockhaus en béton armé datant de la guerre et sur lequel une grue piqueuse s’est cassé les dents. Les stocks de briques restant en ce début d’année 2000 s’écoulent lentement et près d’un million et demi d’entre elles sont encore en vente.

Le blockhaus en cours de démolition et les palettes de briques à vendre (Documents Historihem)

En 25 ans le paysage de la rue du Calvaire s’est considérablement modifié comme en témoignent ces 2 photos aériennes prises l’une en 1975 à un moment où la briqueterie est encore en pic d’activité, produisant 25.000 briques par jour et celle de 2000 où la démolition est terminée.

Vues aériennes du 187 rue du Calvaire en 1975 et 2000 (Documents IGN)

Actuellement reste, au milieu des nouvelles entreprises implantées dans la zone d’activité des 4 Vents, au 187 rue du Calvaire, le siège social de la société anonyme Briqueteries de l’Entreprise Roubaix et environs, créée en 1957. Bernard Delfosse en est le président et l’activité, d’après le site société.com, est la fabrication de briques, tuiles et produits de construction, en terre cuite. Sur place on constate encore à ce jour la présence d’une boîte à lettres au nom de l’entreprise.

Les boîtes aux lettres du 187 rue du Calvaire (Document photo IT)

A la même adresse se situe également la société anonyme Vermeulen Matériaux, spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de gros (commerce interentreprises) de bois et de matériaux de construction. Un panneau au nom de cette entreprise est apposé à la grille donnant accès au site.

Vue du site et du panneau apposé sur la grille (Document photo IT)
Vue aérienne du 187 rue du Calvaire en 2022 (Document Google Maps)

Remerciements à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leur ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui.

Le café Saint-Louis

Cet établissement est ouvert par Charles Vanhasbroucq, en Novembre 1888, au 123 rue Jean Jaurès à Hem et repris 10 ans plus tard par son fils Louis. Ce café barbier est toujours en activité avant guerre et, en 1945, on y parle encore de Marie Bonne-Soupe, une des tenancières du passé.

Le Saint-Louis en façade et un gros plan sur la superbe céramique d’origine figurant au fronton du café (Documents Nord-Eclair)
Le Saint-Louis sur 2 CPA du début du 20ème siècle (Documents collection privée)

Sur la carte postale du haut on voit clairement à gauche du café un commerce démontable, car fait de cloisons de bois. Il s’agit de la boucherie Lelièvre dans les années 1950, à laquelle succède Quinton poissons dans les années 1960, que l’on retrouve au n°117 dans les Ravet-Anceau de l’époque.

On y voit aussi une épicerie sur le coin de la rue Louis Loucheur en face au n° 118, alimentation générale Flahaut dans les années 50, puis Coop Dekeukekeire-Baron dans les années 1960-70, qui deviendra par la suite une boucherie chevaline, Wanin puis Haze dans les années 1980. Pendant ces périodes le Saint-Louis est géré par les Saelens dans les années 1950-60 puis Carette et ensuite Lejeune dans les années 1970-80.

Dans les années 1950, beaucoup d’événements sont fêtés au Saint-Louis. C’est notamment le cas, en 1956, quand « La Gauloise » y fête la Sainte-Cécile lors d’un banquet à l’issue duquel, en présence de Mr Leplat, maire de Hem, il est procédé à une distribution de distinctions aux membres de cette clique, crée en 1923 par Mr Sueur.

(Document Nord-Eclair)

Dans les années 1970 l’établissement sert de siège à l’association « Les amis du Saint-Louis », comité d’entraide aux aînés du quartier. Une cagnotte réunie grâce aux fêtes du quartier, permet, en 1975, d’offrir à une trentaine de convives du 3ème âge un menu soigné, dans une ambiance conviviale et de leur remettre des colis.

Soleil dans les cœurs au Saint-Louis (Document Nord-Eclair)
Publicité de l’époque (Document Historihem)

Les festivités du comité du Saint-Louis se déroulent sur un week-end. Le samedi Gérard Pau, son accordéon et ses musiciens, font virevolter les couples dans la rue Jean Jaurès.

Les festivités au Saint-Louis (Document Nord-Eclair)

Le dimanche est organisée une course cycliste, le prix Emile Delcourt, dont le départ a lieu devant l’établissement et à laquelle participe une petite centaine de coureurs. Le nom de ce grand prix est celui d’un coureur cycliste très connu à Hem, s’étant classé 5ème dans le Paris-Roubaix.

Emile Delcourt pendant le Paris-Roubaix à Hem Bifur (Document Hem d’hier et d’aujourd’hui)
Le départ des coureurs devant le café St Louis en 1976 (Document Nord-Eclair) et 1977 (Document Historihem)

Le café Saint-Louis est alors toujours le siège du comité des anciens du Saint-Louis mais il se tourne également vers le sport en qualité de sympathisant de l’USH (Union Sportive Hémoise) née de la fusion du club de foot du foyer Saint Corneille et du Football-Club de Hem le 16 mai 1964. Il est enfin le siège de la pétanque jusqu’à la création de l‘association « Pétanque Club des Trois Baudets » le 24 septembre 1979 .

Publicité de l’époque (Document Historihem) Publicité de 1982 (Document Office Municipal d’Information)

30 ans plus tard en 2001, les habitudes sont bousculées dans l’un des plus anciens estaminets de la commune, habituellement théâtre de paisibles parties de belote, où l’équipe des débutants de l’Olympic Hémois se voit offrir une belle parure, sérigraphiée aux armes du Saint-Louis, par la gérante du café depuis 1993 : Jacqueline Dellemme.

L’équipe revêtue de son nouveau maillot (Document Nord-Eclair)

Le café retrouve alors des airs des fêtes qui s’y déroulaient dans les années 1950-60. La bâtiment quant à lui n’a subi que très peu de transformations et la magnifique céramique est toujours présente au fronton de l’établissement où elle trône encore 20 ans plus tard dans les années 2020 alors que le commerce est toujours en activité et ouvert toute la semaine.

La façade du café dans les années 2020 et le café dans la rue Jean Jaurès (Documents Google Maps)

Remerciements à la ville de Hem, l’association Historihem et Jacquy Delaporte pour son ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui

Quand Le Corbusier vint à Hem

Le château de la Marquise doc Historihem

Le château de la Marquise, une vaste propriété qui appartenait autrefois à la Marquise d’Auray, servit de dépôt de munitions pendant l’occupation. En septembre 1944, les allemands préviennent la population qu’ils vont faire sauter les dépôts de munitions. Après les explosions la destruction est totale, il ne reste plus rien du château.

Après l’explosion du dépôt de munitions doc Historihem

La propriété a ensuite été acquise par la société roubaisienne d’HLM, pour y édifier des logements. L’aménagement de ce lotissement doit comprendre un jardin public et fait l’objet d’études. À l’époque, il y a deux chantiers à l’étude, la résidence du Parc à Croix et le lotissement de la Marquise à Hem. « Pour les immeubles de la résidence du parc construits sur le terrain du peignage Holden, nous avons fait appel à Jean Dubuisson. Pour la Marquise à Hem, nous hésitions… »1

Vue du lotissement de la Marquise IGN 1947

Un samedi d’octobre 1952, un visiteur de marque est attendu sur le terrain hémois. Il s’agit de M. Le Corbusier, l’architecte bien connu, recommandé aux roubaisiens par Eugène Claudius Petit, Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Le Corbusier a élaboré les plans et supervisé la construction de la Cité radieuse de Marseille, sa première unité d’habitation dont la construction s’achève en 1952. Il s’agit d’un « village vertical », composé de 360 appartements en duplex distribués par des « rues intérieures ». Surnommée familièrement « La Maison du Fada », cette réalisation fait partie des œuvres de Le Corbusier classées au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les autorités indiennes, au début des années 1950, lui confient le projet de la ville de Chandigarh, nouvelle capitale du Pendjab située sur un haut plateau dominé par la chaine himalayenne.

C’est donc en octobre 1952 qu’il vient visiter le site hémois. Il est accompagné de M. Albert Prouvost, Président du CIL de Roubaix Tourcoing et des dirigeants des sociétés d’HLM, MM Victor et Michel Hache directeurs de la société La Maison Roubaisienne. Les personnalités ont été auparavant accueillies à la mairie par M. le docteur Leplat maire d’Hem, Marquette adjoint et Lepers secrétaire de la mairie. À la suite de quoi, Le Corbusier se met au travail et envoie un projet à Albert Prouvost.

Le projet Le Corbusier de 1953 pour la Marquise site http://www.fondationlecorbusier.fr

Albert Prouvost raconte très précisément comment il s’est personnellement opposé à l’intervention de Le Corbusier.  « Le célèbre architecte… nous soumet un projet qui ne plait pas : immeubles trop hauts trop rapprochés les uns des autres, balcons conformes au modulor qui ne laissent apercevoir qu’un pan de ciel et ne permettent pas de profiter des beaux arbres de la marquise d’Auray. » Et il ajoute : « Je le lui fais remarquer en m’efforçant à la diplomatie ». Le grand architecte lui répond par courrier : « ce sera bien assez bon pour vos pauvres types ! » Albert Prouvost se vexe. « Sans doute fallait-il prendre cette phrase au deuxième degré », ajoute-t-il dans ses mémoires1. Le projet resta sans suite.

Albert Prouvost et Le Corbusier

L’architecte et l’industriel ne parviennent pas à s’entendre. Ce fut finalement un collège d’architectes qui se forma sous l’impulsion de MM. Lapchin architecte en chef du CIL, et Marché géomètre. On retrouve dans ce collectif les noms suivants : MM Finet, Lecroart, de Maigret, Ros, Maillard, Neveux, Spender, Verdonck…Un plan masse fut établi et on s’attacha à préserver le site qui fut divisé en 105 parcelles. Un article de la presse locale de 1958 évoque dans son titre Le Corbusier, en dénaturant le sens de sa création : sur le terrain de l’ancien château de la Marquise, on prépare une authentique Cité Radieuse. Le groupe CIL UMIC avait en effet abandonné la construction de HLM pour des maisons individuelles destinés à des milieux plus favorisés2.

1Toujours Plus loin, Mémoires d’Albert Prouvost éditions La Voix du Nord

2Article de presse de 1958 figurant dans le site Historihem

Briqueterie de Hem

Dans le quartier du Rivage à Hem, au 17ème siècle un chemin menant au hameau du Petit Voisinage bifurque ensuite vers Sailly et Willems. En 1931, ce chemin est devenu la rue du Calvaire et doit son nom à une petite chapelle calvaire située à son extrémité, avant la ville de Sailly-lez-Lannoy.

De son vrai nom « Briqueterie de l’Entreprise de Roubaix et ses environs », la briqueterie « dite d’Hem », Comptoir Régional de la Terre Cuite, s’implante au 187 rue du Calvaire au lieu dit «  Au-Dessus du Petit-Voisinage » en 1930, suite à une demande de construction faite en 1929 par Mrs Degallay et Delfosse. On la voit clairement sur une photo aérienne de 1933.

Photo panoramique de 1933 (Document IGN)

L’entreprise utilise une terre ocre, particulière à la région : le limousin argileux des Flandres. Elle est constituée d’un atelier de fabrication, d’une aire de séchage, d’un logement d’ouvriers, d’un bureau d’entreprise, d’une cour, d’une voie ferrée, d’une cheminée d’usine en briques portant son année de construction, 1930, et d’une pièce de stockage du combustible.

Elle n’apparait cependant en tant que Briqueterie de l’Entreprise de Roubaix et ses environs dans l’annuaire qu’après la seconde guerre mondiale. On constate mieux l’importance de l’entreprise en terme de surface dans la rue du Calvaire sur une photo aérienne de 1962.

Photo panoramique de 1962 (Document IGN)

L’entreprise est construite en briques avec une charpente pour partie en bois couvert en ciment amiante en ce qui concerne les séchoirs et pour partie métallique en ce qui concerne l’atelier de fabrication recouvert d’un toit à longs pans couvert en ciment amiante. Le logement d’ouvriers comporte quant à lui un étage carré avec sous-sol couvert d’un toit à longs pans brisés, recouvert de tuiles flamandes.

La briqueterie vue de la zone des 4 Vents et les logements des ouvriers (Documents Historihem)

L’usine fabrique des briquettes de parement, produits creux, et des briques pleines ordinaires et rustiques dont la cuisson se fait au charbon dans un four Hoffmann. Sa production journalière d’avril à septembre se monte de 30 000 à 35 000 briques. La briqueterie emploie de 27 à 37 saisonniers, à l’origine belges puis italiens.

Antonio, l’un des saisonniers italiens employés par la briqueterie, à droite sur la photo (Documents Historihem)

Dans  les années 1920-1930 l’extraction ne se fait plus de façon manuelle mais à l’aide de pelleteuses. La terre est ensuite acheminée à l’usine par wagonnets sur rails ou par camions. Ce travail a lieu toute l’année pour alimenter l’usine en continu.

Elle est ensuite convoyée par un tapis roulant jusqu’aux broyeurs à meules verticales qui la broient et la malaxent avec de l’eau puis elle est transformée en pâte. Celle-ci est ensuite moulée puis propulsée en continu au travers d’une filière qui lui donne la forme désirée. Ce ruban d’argile est tronçonné à la longueur voulue par le fil d’acier d’un découpeur.

Le séchage s’effectue le plus souvent dans un séchoir tunnel, dans lequel les produits, empilés sur des wagonnets, sont balayés par un courant d’air chaud, de l’ordre de 120° C., récupéré du four. Le four Hoffmann, inventé en 1858, est un four à cuisson continue et à foyer mobile (le feu se déplace dans des chambres de cuisson), chauffé au charbon, de plan circulaire à l’origine.

L’intérieur d’un four à briques et les rails des wagonnets (Documents Historihem)

Lors de la seconde guerre mondiale, une ligne défensive, la ligne Maginot, consistant en fortifications commencées en 1927 et achevée en 1936, est sensée arrêter les troupes allemandes. A Hem, les troupes britanniques font des travaux de défense militaire sur les terrains de culture exploités par le fermier Callewaert autour de sa ferme sise 234 rue de la Vallée.

Ses terres sont alors entièrement sillonnées de tranchées et boyaux de 5 mètres de profondeur. La terre de ces ouvrages est rejetée sur les bords et des parapets en sacs de terre sont établis. La prairie garnie de réseaux de barbelés est inaccessible aux bestiaux.

Ces ouvrages et la résistance acharnée des troupes britanniques ne suffisent pourtant pas à arrêter l’ennemi et l’occupation de Hem commence. Une quinzaine de militaires allemands ont cependant trouvé la mort derrière la briqueterie et leurs corps sont transférés au cimetière d’Haubourdin.

Photo prise du château d’eau situé rue de la vallée vers les tranchées et le blockhauss (Document Historihem)

Après-guerre, bien que dans le Nord la brique soit le matériau de construction privilégié, l’urgence de la reconstruction oblige les entreprises à utiliser des parpaings et ce n’est que nombre d’années plus tard que, par souci d’esthétisme et de solidité, les bâtisseurs reviennent à la brique. Pourtant la Briqueterie d’Hem tient bon.

Remerciements à l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leur ouvrage Hem d’hier et d’aujourd’hui.

A suivre…