Les jardiniers de Cohem

Jardins ouvriers du groupe Delescluse Photo Nord Éclair Juillet 1961

Un article de juillet 1961 signale que le groupe Delescluse rue de Cohem enlève la coupe de la société des Jardins Populaires. Les établissements de teinture et apprêts Delescluse et cie  situés au n°44 rue de Cohem disposent d’une parcelle de terrain contiguë à leur usine, et ils fondent en 1942 un groupe de jardins ouvriers disponibles pour le personnel. M. Robert Maincent, gérant de l’établissement, M. Marcel Coquerelle, brigadier du groupe, et un groupe de jardiniers dévoués et assidus ont fait de ce terrain un ensemble de jardins parfaitement entretenus. On peut y voir des allées bordées de fleurs, des bancs, des arceaux, une cabane à outils, des châssis de couche. Une fosse à purin et de l’eau du riez voisin complètent l’installation. Le groupe Delescluse reçoit donc la coupe, et cinq jardiniers sont primés à titre individuel.

D’après Nord Éclair

Du trou sortira l’abondance

le chantier parking copie
Le chantier du futur parking Photo NE mars 1967

Le chantier du parking a donc débuté en  mars 1967 par le creusement du sol de la rue de Lannoy, exactement là où l’on avait parlé autrefois de faire une réserve d’eau pour l’industrie sous la forme d’un lac. L’enjeu est important, il s’agit de désengorger le centre de Roubaix de la présence automobile en proposant plus de mille places de parking sur plusieurs niveaux. Ces places de stationnement visent plusieurs types d’utilisateurs : les locataires de l’os à moelle, dont le parking situé de l’autre côté de l’immeuble est déjà saturé, mais aussi les futurs locataires des quatre tours de dix neuf étages en construction. Et il est bien entendu un argument majeur pour la fréquentation du futur centre commercial.

Les nuisances pour le voisinage sont importantes : poussières, boues sont le lot des piétons, car il faut enlever les terres pour couler ensuite la dalle inférieure du parking le plus profond. Les terres enlevées prennent la direction de la Planche Epinoy.

Le bruit est également présent avec les coups sourds de la sonnette, qui est un engin de génie civil qui enfonce par battage les pieux, pilots ou palplanches, servant de fondations aux bâtiments ou ouvrages de génie civil. La sonnette porte un outil cylindrique massif appelé mouton dont les coups répétés enfoncent les palplanches. On est descendu très profond, un radier de béton a été coulé. On annonce que les trois parkings profonds seront terminés pour le mois d’octobre 1967. La dalle supérieure, qui sera aussi le plancher du centre commercial serait terminée en janvier 1968, et le centre commercial lui-même au printemps 1968. Mais ces prévisions sont trop optimistes. Un certain nombre d’événements vont perturber la bonne exécution de cet important chantier.

Jardins ouvriers

Usine velours
L’usine Motte-Bossut avenue Motte doc Collection Particulière

La société Motte-Bossut fils et Mengers répartissait sa production de velours entre le n°28 de la grand Rue et le n°161 de la rue de Tourcoing avant de faire bâtir l’usine de l’avenue Motte en 1903. A l’image du bâtiment du boulevard Gambetta, apparaît un nouveau château de l’industrie, avec son donjons et ses créneaux, alors en pleine campagne.

La société est propriétaire des terrains compris dans le quadrilatère, avenue Alfred Motte, rue Jean-Jacques Rousseau, rue Emile Zola, rue Edgar Degas et rue Léon Marlot prolongée.  Les parties non bâties ont été transformées en jardins ouvriers. En 1954, les terrains entre l’usine et l’église Ste Bemadette sont vendus pour la construction d’immeubles collectifs à usage d’habitation. La rue Michelet située entre la rue du chemin vert et la rue Emile Zola, est prolongée jusqu’à l’avenue Alfred Motte en novembre 1963. Cela situe la fin des jardins ouvriers entre ces deux dates.

De l’autre côté de l’usine, les jardins potagers appartenant à la société Motte Bossut se trouvent derrière des palissades en plaques de béton ajourées. Ils disparaîssent au moment de la construction du Collège Jean-Jacques Rousseau, en 1975. Comment ces jardins étaient-ils gérés et attribués ? Faisaient-ils partie de la fédération des jardins ouvriers de Roubaix ?

Jardins
Le plan des jardins Carte IGN 1939
D’après l’histoire des rues de Roubaix par les Flâneurs

Que faire du grand espace ?

Le terrain libéré de la Grande Barre Photo Lucien Delvarre

La Grande Barre a donc été démolie en septembre 1985. Quelques temps encore, les Hauts Champs vont conserver ce grand espace libéré par les bulldozers. Que va-t-on y faire ? Les projets se succèdent. On pense tout d’abord à reconstruire un groupe de lotissements individuels voisinant avec des terrains de jeux pour les amateurs de football et de pétanque, notamment. Il s’agit de remodeler un quartier qui se sentait écrasé par une telle muraille

Ces projets sont confirmés lors du coup d’envoi officiel des opérations de démolition, à l’occasion d’un pot réunissant à la salle des fêtes d’Hem, les municipalités d’Hem, de Roubaix, de Lys lez Lannoy, le Préfet, le Préfet de Police et les représentants de la Communauté Urbaine de Lille. Il ne faut pas laisser de vide, et répondre aux souhaits des habitants. Il s’agit là de l’une des premières phases du plan local de développement social des quartiers[1]. Interviewés, les jeunes réclament un terrain de football, une salle d’haltérophilie et un cinéma. Alors que FR3 vient filmer la démolition, la maire d’Hem confirme qu’il y aura quarante logements individuels et un terrain de sport. Ce sera une opération tiroir dans le cadre de la réhabilitation. Deux hommes politiques hémois de famille politique différente tombent d’accord pour dire que la Grande Barre fut une aberration, où l’absence de commerces et de lieux de réunion était criant…

Le plan de développement social des Quartiers Hauts Champs, Longchamp et Trois Fermes 1986 1988 est présenté en février 1986. Il concerne entre autres chantiers l’aménagement du terrain de la Grande Barre et prévoit des mesures diverses d’accompagnement social (animation, création de structures de quartier comme centre d’accueil, halte garderie,…). Il est rappelé que ce quartier s’étend sur Hem, Lys et Roubaix et qu’il est totalement excentré de toute administration administrative et commerciale.

Pendant ce temps, la réhabilitation de la petite barre, autrement dit le bâtiment Degas a démarré et celle des bâtiments de la rue Pranard devient urgente. En effet, malgré des travaux menés quatre ans plus tôt, l’humidité suinte sur les murs, entraînant une dégradation envahissante de moisissures et une atmosphère malsaine et invivable. Les locataires craignent un nouveau ratage et se mobilisent.

D’après Nord Eclair

[1] Les programmes de développement social des quartiers (DSQ) ont été créés en 1981 à un rapport d’Hubert Dubedout, maire de Grenoble.

L’os à moelle, premiers habitants

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Opposition de genre et d’époque doc AmRx

Le grand immeuble aux treize étages accueille ses premiers habitants : le couple de gardiens voit arriver les premiers locataires dès juillet 1966. Les premiers locataires, des jeunes mariés, se sont installés avec un mois de retard, le 15 juillet. Le chantier n’était pas terminé : le gaz de ville n’était pas branché, les paliers encore plein de graviers, l’accès était rendu difficile, un véritable bourbier de gravats. Il y a quelques anciens de la rue de Lannoy, ainsi la propriétaire de la dernière maison encore debout de ladite rue, au pied du H 13. Cette dame surveille la démolition de son ancienne demeure, de son nouvel appartement. Elle était venue s’installer en 1958 dans la rue de Lannoy sans savoir qu’elle allait être démolie, la question de la démolition ayant été définitivement tranchée en 1964. Elle trouve son nouveau logement plus clair et plus gai, mais il n’y a pas assez de place pour son mobilier et ses bibelots.

Le recoupement des différents témoignages recueillis par la presse de l’époque, nous permet de faire un état des lieux, juste après réception. Pour les aspects positifs, les personnes interrogées évoquent immédiatement la lumière qu’apportent les larges baies des fenêtres. La vie de jour est séparée de la vie de nuit par deux couloirs de dégagement. L’électricité est bien répartie. Les pièces sont grandes, et les placards vastes et profonds, bien qu’ils ne montent pas jusqu’au plafond. Enfin, l’eau chaude, quoique calcaire, fait l’unanimité.

Les aspects négatifs concernent l’utilisation pratique et domestique : les vitres sont difficiles à nettoyer, car peu accessibles pour l’extérieur. La cuisine étroite est très étroite : où mettre table et machine à laver ? L’évier est circulaire, sans trop plein. Il manque un débarras. Accrocher une photo ou un tableau au mur est impossible, aucun clou ne peut être planté dans le béton. Les tuyaux courent sur le mur, et la conduite de gaz se trouve au plafond, d’où la réduction de la hauteur des placards. Le tableau du compteur électrique est trop près de la porte, en ouvrant, on risque de le faire disjoncter. Il y a des pannes d’ascenseur, des fuites de gaz, l’éclairage des couloirs extérieurs est insuffisant. Les locataires se demandent aussi quand le téléphone sera installé.

Toutes ces remarques semblent indiquer que l’immeuble n’est pas totalement achevé lors de la livraison. Elles montrent aussi qu’il a été construit sans réflexion préalable sur l’utilisation pratique et domestique. Ainsi les problèmes d’entretien signalés, mais également l’étroitesse de certaines pièces, ou encore le positionnement des compteurs.

La plupart des nouveaux arrivants ne connaissent pas Roubaix, et ne savent pas ce qu’est l’îlot Anseele, ni ce qui se trouvait là avant. Les tâches du couple de gardiens sont lourdes, vu la taille du bâtiment : nettoyage des caves et des abords, celui des paliers et escaliers étant effectué par les locataires, surveillance des locaux, menus travaux (remplacement d’ampoules,…) et renseignements des différents visiteurs. L’amélioration des abords devra attendre : d’un côté, le parking pour les voitures sera très vite saturé, et de l’autre, le chantier du grand parking souterrain et du centre commercial Roubaix 2000, qui durera plusieurs mois.

D’après Nord Éclair

Un nouveau lycée pour Roubaix

Le petit lycée boulevard Gambetta Photo PhW

Depuis 1948, le petit lycée du boulevard Gambetta est rattaché à l’Institut Turgot. A l’époque il propose deux classes d’enseignement secondaire, la sixième et la cinquième, les élèves terminant leur parcours secondaire au lycée de Tourcoing. Dès 1948, il est question de mener les élèves roubaisiens jusqu’au baccalauréat à Roubaix, mais les murs du petit lycée ne sont pas extensibles. De plus, il a été construit dans l’ancien hôtel particulier de M. Léon Allart, l’industriel du grand peignage du boulevard Gambetta[1], et il ne correspond plus aux normes et aux exigences officielles. L’extension nécessite 48.000 m² !

Le conseil municipal qui se réunit en janvier 1950 prend alors plusieurs décisions importantes. Les conseillers choisissent un emplacement pour le futur lycée : un terrain situé le long de l’avenue Salengro, hors de la grande agglomération roubaisienne, dans le quartier tranquille et encore campagnard des Trois Ponts. C’est une surface bien exposée, aérée et affranchie des mitoyennetés, à proximité du parc municipal des sports et de l’école de plein air. Puis il est décidé d’ouvrir un concours aux architectes français avec le cahier des charges suivant : il s’agit de construire des bâtiments simples, avec le souci de l’hygiène, du confort, et de la facilité d’entretien, plutôt que de faire dans le somptuaire et dans la dépense superflue. En bref, et pour paraphraser un slogan publicitaire bien connu : du beau, du bon et du pas cher !

(d’après Nord Eclair)

[1] aujourd’hui remplacé par la cité CIL du Galon d’Eau

Châteaux et propriétaires

Les châteaux du quartier Plan 1919 AmRx

Quand on observe attentivement le plan de 1919 ci-dessus, et qu’on le recoupe avec les propriétés signalées dans le Ravet Anceau ou dans la presse, on obtient la liste suivante.

1-Côté Raverdi, une propriété située au démarrage de la rue du Tilleul (future rue Jules Guesde) à l’endroit du carrefour formé par cette rue avec les rues Jean Goujon, d’Hem, et Jean Baptiste Vercoutère. On aperçoit une grande bâtisse près de laquelle se trouvent des jardins et dont l’accès se fait par la rue Montgolfier. Cette propriété est occupée par l’industriel Georges Heyndrickx et sa famille jusqu’à la première guerre.

2-Immédiatement au dessus, et séparée de la précédente propriété par le prolongement de la rue de Bouvines, un grand bâtiment autour duquel se trouve une grande pièce d’eau au lieu dit la Pontennerie, et quelques autres bâtiments disparates. La percée ou le prolongement de la rue de Bouvines jusqu’à la rue Montgolfier n’a jamais abouti. Il semble bien qu’il ait servi d’accès à cette propriété où l’on pouvait entrer également par la rue du Puy de Lôme. Selon le Ravet Anceau, cette propriété est occupée par M. Toulemonde Destombes, puis appartient à M. Alfred Motte Scrépel et sa famille jusqu’à la première guerre. En 1897, Alfred Motte demande l’autorisation de faire construire une ferme sur cette propriété.

3-Au-delà de la rue Montgolfier, à l’angle de la rue Jean Baptiste Notte et du boulevard de Reims, une autre propriété avec un grand jardin, dont l’accès se trouve boulevard de Reims. En 1892, il s’agit de la propriété de M. Bossut Plichon.

4-De l’autre côté du boulevard de Reims, se trouve la grande propriété dite des Près, appartenant à M. Louis Cordonnier, dont le souvenir subsiste avec le nom de l’avenue qui donnait accès à ce véritable château. L’avenue Linné a été tracée sur une partie de la propriété.

On voit donc que le quartier était encore campagnard, libre de toutes constructions, excepté ces grandes propriétés d’industriels, dont on peut situer la construction entre 1870 et 1900. Plusieurs familles s’y succéderont, avant que la réappropriation de leurs propriétés en terrains publics ou sportifs ne s’opère, après la première guerre mondiale.

Les châteaux de la Potennerie

Un croquis de M. Fleurbayx sur la Potennerie

Voici le dessin réalisé en mai 2010 par M Georges Fleurbayx  pour illustrer sa description des  trois châteaux  qu’ il situe  à  La Potennerie  dans le périmètre formé par les rues Jean-Baptiste Notte, Montgolfier, Dupuy de Lôme et Jules  Guesde.

Les 19 premières  années de sa vie –  de 1923 à 1942 –  Mr Fleurbayx a habité au 28 rue de la Potennerie , impasse Courbet,  une petite maison à un étage. Son père était contremaitre de filature à l’ usine Dazin-Motte,  Boulevard de Fourmies et lui-même y sera embauché  comme coursier à  14 ans.

Depuis sa chambre au premier étage , quand  il regardait vers la rue Dupuy de Lome, il  avait vue sur un  vaste  espace boisé comportant également  pelouses et jardins,   clôt  par un mur  épais d’ environ 3 mètres de haut . A travers les arbres,  il pouvait apercevoir au centre de la propriété l’ arrière d’ un château  qu’ il désigne comme  » le château d’ Halluin ». Face à l ‘ actuelle rue de Rocroi – qui relie la rue Dupuy de Lôme à la rue de la Potennerie- existait une entrée permettant d’ accéder au château. Sur la droite de cette entrée  se trouvait l’ habitation du concierge et, encore à droite de ce logement, un jardin potager qui allait  jusqu’ à la rue Jules Guesde.

Selon M Fleurbayx ,  la façade du  » château d’ Halluin » était tournée vers la rue Jean- Baptiste Notte. Il place un deuxième château , le  » château Huet » ,  le long de cette même rue et un troisième , plus petit , plutôt  » manoir » dit-il,  le long de la rue Jules Guesde , le « château Derville ».  Une grande entrée existait précisément rue Jules Guesde et permettait d’ accéder à l’ un ou à l’ autre de ces  châteaux, aucune clôture n’existant entre eux. Sur la gauche du château d’ Halluin se trouvait une petit point d’ eau ou pièce d’ eau et sur le terrain Huet , côté rue Montgolfier, une sorte de pavillon de chasse.

« Je ne suis jamais entré  » , dit Georges Fleurbayx.  »  Sauf pour aller chercher mon ballon,  passé au dessus du mur …Le devant du château, personne ne le voyait. … Une seule fois quand même , on y est allé : c’était pour  ma promesse scout , vers 1935. « 

Madame Fleurbayx se souvient également :  » moi, j’ allais à l’ école Notre Dame de Toute Bonté. L’ église Saint Jean-Baptiste juste à côté était une église  aisée  ( sic) . Les d’ Halluin venaient. Nous , on était assis avec l’ école sur les côtés, eux , comme tous ceux des châteaux, avaient leurs chaises à leurs noms, réservées dans la nef centrale. On respectait ça…Une fois, l’ école a été autorisée à faire la procession chez Huet. On  est entré par la rue Jules Guesde , en venant de l’ église St Jean-Baptiste et on a fait le tour du château en procession . Ca nous a marquées. C’était magnifique pour nous. On a été dans les jardins. C’était dans les années 1935. Je me souviens que ma petite sœur faisait un ange avec des ailes et moi je tenais les cordons de la statue de la Vierge. « 

La fin de la Grande Barre

 

La grande barre photo NE

L’immeuble collectif qui allongeait ses trois cents mètres à cheval sur les territoires d’Hem et de Roubaix a d’abord été dénommé B13, car il faisait partie d’ l’opération des 1200 logements démarrée en 1958, et partagée entre le quartier des Hauts Champs pour les trois quarts et le quartier de la Potennerie pour le quart restant. Les tous premiers locataires avaient quitté soit une courée ou une vieille maison sans confort pour venir découvrir un luxe nouveau : salle de bains, chauffage central, grandes pièces éclairées par de grandes baies vitrées. Une grande pelouse bordait toute la longueur de la construction[1].

Dès 1968, surgissent les premiers problèmes. On parle de la dégradation des logements, due à la mauvaise qualité de la construction, mais aussi au surpeuplement et au fait que les habitants n’entretiennent pas correctement leurs logements. Le journaliste de l’époque évoque même un problème d’éducation des locataires. Petit à petit, les ménages dynamiques[2] quittent le secteur et l’on craint une nouvelle ghettoïsation. Il y a ceux qui peuvent partir et ceux qui ne peuvent pas et qui disent : nous sommes là parce qu’il n’y avait de place ailleurs, si nous pouvions en partir…

Les Hauts Champs sont considérés comme une cité dortoir : où sont la salle de spectacle, le comité des fêtes, la ducasse, les jardins d’enfants et les terrains de sports ? La crise du textile produit ses effets. On venait à Roubaix parce que l’employeur y assurait le logement, et on venait de partout, car les roubaisiens et tourquennois ne représentent qu’à peine 50% des locataires nouvellement installés. En 1968, on considère que 55% des familles sont en situation précaire. La répartition des types de logements ne correspond plus à la demande : en moyenne la famille type des Hauts Champs est composée de cinq personnes, et le nombre de F4 est insuffisant.

La décennie suivante voit augmenter la dégradation de l’habitat et des conditions de vie. Les détériorations volontaires et l’incivilité se sont ajoutées aux problèmes de vieillissement du patrimoine immobilier. Cette zone urbanisée sur les chapeaux de roue, connaît au début des années quatre-vingt, les désagréments d’un chauffage qui ne fonctionne plus, l’humidité, les vitres et portes cassées, les problèmes de robinetterie détériorée, de persiennes cassées. Dans le quartier s’installe un climat d’insécurité. Deux cent cinquante réclamations par jour sont adressées au GIL pour une population de 27.000 habitants !

Dès lors la grande barre plonge dans le chaos : odeurs nauséabondes, éclairages dégradés, appartements inoccupés, portes défoncées, trous béants. La grande barre est abandonnée par la majorité des locataires et son état de délabrement devient inquiétant, d’autant que la drogue et le squat y ont fait leur apparition.

On parle déjà de démolition depuis 1979. Mais il faut reloger les derniers habitants et rembourser les emprunts : la construction de la grande barre, soit 330 logements, a coûté 11 millions de francs (en 1958) et il reste la moitié à rembourser. Le coût de la démolition n’est pas négligeable, surtout pour le transport des gravats et matériaux. Enfin, cette démolition est annoncée, elle démarrera le lundi 16 septembre 1985 et durera quatre mois. Le grand immeuble de classe est à la casse. La CSCV[3] y voit l’échec d’une politique de construction dont les locataires ont largement payé le prix. Avec cette démolition débute le plan de développement social des quartiers[4]. Au moment où les bulldozers et les grues commencent à transformer la Grande Barre en un amas de gravats dans une poussière dense, on ignore qui suivra…

Photo Nord Éclair

[1] Propos de Madame Nadine Duquenne, arrivée dans le quartier des Hauts Champs en 1962, relatés par Nord Eclair en 1985
[2] L’expression est celle du journaliste
[3] Confédération Syndicale du Cadre de Vie
[4] C’est au cours des années 1980 qu’une approche globale, à la fois sociale et urbanistique, des problèmes spécifiques aux villes modernes est apparue nécessaire. Cette prise de conscience a mené à la création d’un ministère de la ville en 1991.

1967 : le groupe scolaire Jean Macé

GSJeanMacé1967

Le groupe scolaire Jean Macé qui ne comprenait jusqu’ici qu’une école de garçons se voit adjoindre en septembre 1967 une école de filles et une école maternelle. L’école de filles est composée de huit classes, réparties en deux étages, une salle d’enseignement ménager, un bureau de direction, une cour de 800 m², un préau de 200 m² et une salle de propreté. L’école maternelle comprend six classes, une aire de jeux, une salle de repos, une salle de propreté, un bureau de direction, un cabinet médical.

Un restaurant scolaire pouvant accueillir 680 couverts, une salle des sports et un groupe de logements de trois appartements complètent les installations. Le projet reçoit l’aval de l’Etat en juillet 1966, et le département et la ville contribuent également au financement de ce nouveau groupe scolaire. Les plans sont l’œuvre de  l’architecte Dessauvages.

L’inauguration aura lieu le samedi 16 septembre 1967, en présence du maire Victor Provo et de M. Treffel, inspecteur d’académie. Le premier intervenant sera Octave Vandekerkhove, délégué cantonal de l’école Jean Macé, qui souligne le caractère moderne de la nouvelle école, dont les élèves se rendront compte que ce n’est plus l’école caserne de jadis[1].

Puis il rend hommage à l’action de Victor Provo et de la municipalité : la Laïcité et l’Education Nationale avec de tels hommes se porteront bien. L’inspecteur Jacques Treffel le suit sur cet hommage, en qualifiant Victor Provo de très grand bâtisseur, avant de faire l’éloge des inspecteurs Mme Valade et M. Bouret. Il relève le choix judicieux du nom du Jean Macé, qui fut le précurseur de l’éducation permanente.

Victor Provo prend ensuite la parole pour évoquer la transformation du quartier des Trois Ponts en cours, qui devient une véritable petite ville dans la ville, et il évoque les prochaines constructions du quartier : un nouveau groupe scolaire (ce sera le groupe scolaire Léo Lagrange) et de la future passerelle du Carihem, destinée à permettre une liaison directe avec Wattrelos. Le grand plan de la mutation du quartier des Trois Ponts est lancé.


[1] Propos relatés par le journaliste de la Voix du Nord