Une réunion des commerçants se déroule le mardi 4 mars 1969 : cent cinquante persones se sont réunies au Casino cinéma place de la Liberté à l’appel de l’intercommerciale de Roubaix. Son président Robert Bousquet souligne la nécessité de « faire l’unanimité dans le calme et la dignité ». Un mouvement de grève est prévu le mercredi 5 mars suivi d’un meeting qui doit se tenir à la foire commerciale de lille. Au bureau de cette réunion siègent MM. Bousquet, Harmand, vice président, Papillon et Sauvet, délégués de la chambre de commerce, Moermann président des cafetiers, hôteliers et restaurateurs, Plateau, président adjoint de la fédération des groupements commerciaux de Roubaix, Antoine président des épiciers et fruitiers du Nord Pas de Calais.
Les motifs du mouvement font l’objet d’un cahier de revendications déjà rédigé. Il est rappelé que 80% de l’activité commerciale est exercée sur le plan national par le commerce indépendant qui emploie aussi 70 % du personnel. Le mécontentement est du à la non reconnaissance du rôle et de la place du commerce indépendant dans la vie économique de la nation, ainsi qu’à la campagne de dénigrement qui met en jeu sa dignité. On réclame une fiscalité juste simple et supportable, la liberté des prix et des marges commerciales, la fin des contrôles, l’égalité des droits et des moyens pour tous, le aintien de la propriété commerciale, des loyers équitables, l’indemnisation du préjudice causé en cas d’expropriation, la neutralité de la publicité à l’ORTF, un statut social digne et valable.
De leur côté les cafetiers, hôteliers et restaurateurs de Roubaix se sont réunis dans l’après midi à leur siège au 10 de la rue du Maréchal Foch en présence de M. Moermann président et Harmand vice président, Michel Vandenberghe président des cafetiers, Pierre Louchard président des restaurateurs, Moïse Sadoine trésorier. Les revendications du matin ont été rappelées. La FNAIM (immobilier) s’associe au mouvement.
Les consignes ont été données aux commerçants pour la grève du lendemain: enseignes éteintes, portes closes, rideaux baissés, mais pas de désordre en ville. « Prévenez les clients ! » Il s’agit d’une grève d’avertissement, une suite est d’ores et déjà prévue s’il n’y a pas d’effets. Ceci s’adresse aux Pouvoirs Publics. On précise les revendications : réduction du taux et simplification de la TVA, égalité des droits et charges entre tous les commerçants, suppression des contrôles fiscaux, assouplissement du régime de la Caisse d’assurance maladie, reconnaissance du salaire fiscal du commerçant, simplification des formalités administratives. M. Papillon rajoute la liberté des prix et des marges commerciales et la posibilité pour les commerçants indépendants d’être présents dans les nouveaux centres commerciaux. Pierre Poujade, président de l’UDCA, se déclare hostile à la journée de fermeture du mercredi 5 mars sans précision, mais le représentant local de l’UDCA a donné consigne de fermer.
Le 5 mars a donc lieu une grève sans précédent des commerçants et artisans, et le mouvement a été fortement suivi dans notre région. Il y eut des cortèges à Valenciennes, Dunkerque, Cambrai, Avesnes et à Arras. Ce jour là, Roubaix est devenue une ville aux boutiques closes, le mouvement de grève a été suivi à 98 %. Aucun incident. Sous un soleil radieux mais un froid vif. Le centre du Lido affiche fermé. Charges trop lourdes et fiscalité injuste ! Grilles fermées, stores pudiquement baissés. Seuls cinq grands magasins sur les sept installés dans la ville avaient ouvert avec des cars de police pour assurer la sécurité. Les ménagères avaient pris leurs précautions, on ne pouvait trouver aucun bistrot ouvert, ni un coiffeur, ni une pharmacie, pour laquelle un service d’urgence avait quand même été mis en place. La quasi totalité du commerce roubaisien avait donc suivi la grève hier. On aurait dit Roubaix au mois d’août, signale un journaliste dont l’article prend un peu ça à la rigolade. Meetings et défilés se sont déroulés dans le calme. Victor Provo président du conseil général du nord, maire de Roubaix écrit une lettre de soutien envoyée au président de l’intercommerciale M. Bousquet, dans laquelle il assure le mouvement de sa sympathie et de la solidarité de l’association des maires. Il en profite pour faire le procès de la fiscalité injuste développée par l’État, sur les inquiétudes concernant le transfert aux collectivités des charges et la perspective de la régionalisation.
On est en pleine période de construction de Roubaix 2000 et le Lido a déjà tamisé beaucoup de commerçants de la rue de Lannoy. Les supermarchés sont de plus en plus présents : Auchan, le grand marché, Monoprix, Unifix. Ceux- là ne fermeront pas le 5 mars de même que les Coop. Leur délégation régionale publie un communiqué dans lequel elle déclare ne pas s’associer aux manifestations car les Coop n’ont pas été contactées, bien que connaissant les mêmes charges, impôts et contrôles que les commerçants. Elle termine en rappelant que les Coop sont des associations de consommateurs auxquels elles doivent rendre le service attendu.
Les grévistes sont des petits et moyens commerçants, de ceux qui ont fait l’attractivité d’une ville depuis plus d’un siècle, Roubaix pouvant être considérée comme la ville aux rues commerciales. C’est un monde qui souffre et va progressivement disparaître sous les attaques concurrentielles des grandes surfaces, les coups de boutoir de la fiscalité, la particularité des statuts vis à vis de la maladie, de la retraite…
vous citez le supermarché Unifix, ne serait ce pas plutôt le supermarché Minifix qui se trouvait Grand rue prés de la grand place ?