On pourrait se dire à la vue du bel alignement de maisons de la rue de la Conférence entre les n°31 et 47, qu’il s’agit là d’une belle construction contemporaine. Mais il n’en est rien, même si on peut considérer qu’une belle rénovation récente a remis en valeur ces immeubles. Le projet de ces maisons date de 1925 et il est dû à la volonté de la Société Industrielle pour la Schappe de construire des maisons pour ses ouvriers et employés.
Qu’est-ce donc que cette société, dont le siège social se trouve à Bâle ? C’est en 1873 qu’intervient la constitution de la Société « Chancel-Allioth-Veillon et Cie » dont le siège social fut fixé à Bâle. La société possédait dès son origine les peignages de Briançon, Tenay-Eaux Noires et du Vigan, les filatures d’Arlesheim (18.620 broches à filer et 7.860 à retordre) et de Grel- lingen (17.724 broches à filer et 7.710 à retordre). Cette société franco-suisse ayant tous ses peignages en France et toutes ses filatures en Suisse, racheta dès 1879, la filature « La Roubaisienne » fondée à Roubaix par Charles Junker, qui en sera longtemps le directeur. Charles Junker est aussi connu pour sa carrière politique à Roubaix, il fut des républicains qui mirent en place l’école publique, laïque et obligatoire. Il fut également le premier Président de la Fédération des Amicales Laïques de Roubaix.
La filature en question se situait dans une voie perpendiculaire à la rue d’Avelghem, la rue des Soies, face à la passerelle du même nom, auxquelles elle avait donné son nom. Son activité portait sur le retraitement des déchets de soie. En raison de son extrême richesse, la soie a très vite suscité des efforts pour la récupération des déchets. Une fois filée, la schappe était le plus souvent utilisée comme trame dans les tissus unis et façonnés, car sa souplesse et son élasticité sont plus grandes .
La société franco-suisse décide donc de construire deux groupes de quatre maisons sur un terrain lui appartenant, autrefois propriété de la famille Tiers. Elle demande l’autorisation de faire construire le 24 avril 1925. L’époque est au développement de la construction de logements : ainsi dans le quartier du Nouveau Roubaix, l’avenue Linné a ainsi vu construire les maisons du Toit Familial, et les premières maisons HBM de la rue Jean Macé sont en chantier. Le lotissement de la rue de la Conférence comporte huit maisons façade rue, mais on peut voir sur le plan que la société se réservait la possibilité d’en construire huit autres en arrière des huit premières, dans la profondeur du terrain, ce qui ne se fera pas.
Le plan de 1925 montre les caractéristiques des maisons de la colonie ouvrière de la filature de schappes, car tel était le nom donné au lotissement. Les trois marches pour accéder au logement existent déjà, ainsi que les deux étages habitables. Le modèle de ces maisons tranche un peu avec celui de la maison roubaisienne, plus étroite. Il est en effet l’œuvre du Bureau d’architecture suisse Burckhardt, Wenk et Cie. Une belle réalisation de 1925 que la rénovation contemporaine a remis en valeur.