La droguerie Crombé

C’est l’un des commerces les plus anciens de Roubaix. En 1806, Louis Crombé ouvre une droguerie rue du Vieil Abreuvoir. C’est à l’époque un commerce de teintures, de couleurs, de pigments, de colorants pour le textile. En 1830, Louis fait construire les locaux actuels au 47 rue Nain.Puis les Crombé vont se succéder de père en fils, pendant plusieurs générations. Le petit commerce va se développer, de façon extraordinaire, grâce au textile et à l’explosion démographique.

Document Nord Éclair

Les produits vendus vont bien sûr évoluer au fil des années. On y trouve toujours les colorants mais également des peintures, des produits chimiques, des engrais, des fournitures pour artistes peintres ( dont Rémy Cogghe ), des appareils et produits photographiques. Madame Crombé se déplace à Lyon pour se fournir chez les frères Lumière.

Document coll. priv.

Sur cette facture de 1906, sur les deux colonnes latérales, on constate l’impressionnante liste de produits et références disponibles. A la fin des années 1920, un deuxième magasin ouvre, au 3 bis rue de Lannoy, et un troisième à Avesnes-sur-Helpe, géré par le cousin : M. Renard

Document coll. priv.

Tous les corps de métier viennent s’approvisionner chez Crombé : les peintres, les antiquaires, les photographes, les médecins, les dentistes, les entreprises, les mairies . . .

Dans les années 1960-1970, l’entreprise Crombé se spécialise davantage dans son métier de base : la droguerie, et abandonne la photographie et la fabrication des produits maison. Une petite dizaine de salariés travaille dans l’entreprise. Il n’est pas toujours très simple de travailler chez Crombé, vu la dangerosité des produits. Certains produits toxiques peuvent provoquer explosion, pollution. D’ailleurs le magasin possède une ligne rouge téléphonique avec le service de secours des pompiers.

En 1971, Jules Crombé prend sa retraite de conseiller municipal, mais continue à aider Albert Crombé à la direction de l’entreprise. Gérard Dumoulin, un ancien salarié de la CIMA à Croix, embauché en 1967, devient rapidement son bras droit. En 1987, Ludovic Crombé ( sixième génération ) reprend l’affaire de son arrière arrière arrière grand-père et continue l’activité. Gérard Dumoulin devient le pilier de la célèbre maison Crombé.

A droite Ludovic Crombe, le patron et Gerard Dumoulin ( Document Nord Eclair 1997 )

Monsieur Gérard, comme on l’appelle, est tout de suite reconnaissable quand on entre dans le magasin. Il est grand et porte toujours sa blouse blanche impeccablement propre.

Document Google Maps

La famille Crombé reprend la maison voisine au 49 rue Nain. Le rez de chaussée de cette habitation se transforme en bureaux et le garage permet une meilleure réception des livraisons de marchandise.

Toutes les références sont stockées par famille : les produits toxiques sont déposés dans la cour intérieure à l’air libre ; les plus dangereux sont entreposées au sous-sol, dans les magnifiques caves voûtées.

Quand on regarde la façade extérieure de la droguerie on a peine à imaginer l’importance des bâtiments. La surface totale avoisine en effet les 2000 m2.

Document G Dumoulin

Gérard connaît parfaitement les 10.000 références du magasin. Il est incollable sur les détachants, la restauration de vieux meubles, les produits d’entretien. Il teste tous les nouveaux produits proposés par les représentants, avant de les référencer. Sa devise est : la qualité, le service et le conseil en plus ! Et les clients sont ravis d’avoir trouvé chez Crombé, le produit miracle conseillé par un vendeur toujours aimable et sympathique.

Document G Dumoulin

Tous les produits doivent être parfaitement visibles et bien présentés, d’où l’importance de soigner de superbes étalages dans les 2 grandes vitrines extérieures.

Au début des années 2000, les premières difficultés apparaissent. La vente de certains produits chimiques dangereux est maintenant interdite dans les magasins de détail ; ces produits tels que formol, arsenic, benzine, ammoniaque pur, mono chlorobenzène, toluène, perchloréthylène, etc… représentent une bonne partie du chiffre d’affaires, et les produits de droguerie ( lessive et d’entretien ) sont malheureusement très concurrencés par la grande distribution. Il reste heureusement les peintures, articles de beaux arts.

C’est ainsi qu’en 2015 Ludovic Crombé cesse l’activité après plus de 200 ans d’existence. Par ailleurs, Ludovic a plutôt la fibre artistique, et aucun de ses fils ne souhaite continuer l’activité.

Photo BT

Aujourd’hui le magasin est vide. Depuis les vitrines extérieures, on peut encore apercevoir des anciens présentoirs publicitaires, des gondoles métalliques rouillées. La fin d’une époque. . .

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Remerciements à Gérard et Christiane Dumoulin pour leur témoignage et la documentation.

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