Nous laisserons aujourd’hui la parole à une habitante, qui a passé 50 ans rue du chemin neuf.
Yvette, juste après son mariage s’installe rue du Chemin neuf. Son mari vivait précédemment avec ses parents dans un HBM avenue Motte, alors qu’elle habitait la rue des Champs, près de la piscine. Ils achètent un chalet en viager à la veuve du premier propriétaire, ancien combattant, avec laquelle ils partagent la maison. Il fait partie d’une série de 10, dont 6 sont implantés rue Ingres et rue Carpeaux et possèdent des noms de militaires tués lors de la première guerre. Les quatre derniers sont construits rue du Chemin neuf, au milieu des jardins. Ces habitations sont construites vers 1925 à l’instigation d’industriels Motte-Bossut et Motte-Porisse en mémoire des soldats décédés lors des combats. Ils avaient décidé de donner à des anciens combattants qui s’étaient illustré durant le conflit des facilités pour accéder à la propriété.
Son mari, ébéniste, travaillait alors dans l’atelier de son père rue Basse Masure. En 1962, dès qu’ils ont pu jouir de toute la maison, ils font construire un atelier dans le jardin.
Au départ, le quartier est voué aux jardins ouvriers qui s’étendent autour du groupe de chalets dans toutes les directions. Ceux-ci sont bien isolés : à part trois ou quatre maisons datant d’avant guerre situées sur le trottoir d’en face, on ne trouve pas de construction avant l’ancienne usine Léon Frasez, avenue Motte, qui deviendra quelques années plus tard le premier Auchan, les terrains de football, les établissements Salembier, et le groupe scolaire Jules Guesde. La rue est étroite et pavée ; elle a perdu il y a peu de temps ses deux fossés, remplacés par des trottoirs.
Le deuxième chalet était à l’origine habité par un couple. Lui était mutilé de guerre (de là le nom du chalet, « le mutilé »). L’allée Watteau desservait les deux autres chalets, et servait d’accès aux jardins ouvriers situés au-delà.
Faire les provisions au quotidien n’était pas un problème : il y avait un épicier dans la rue Léon Marlot, sur la gauche après le groupe scolaire, dans une maison particulière. On voyait également passer des marchands ambulants, telle la crémière qui transportait sa marchandise dans une charrette à bras. Elle avait aussi, à l’occasion, des légumes. Cette commerçante avait un dépôt rue Henri Regnault, précise Yvette. Pour trouver une boucherie, il fallait se déplacer rue Horace Vernet, ou rue de Lannoy…
Le couple a opéré bien des modifications à la maison : dans son état d’origine, celle-ci offrait une cuisine au fond du couloir d’entrée, le reste de la surface étant divisé entre un salon et une salle à manger. A l’étage, deux grandes chambres, dont l’une a été rapidement coupée en deux pour abriter les trois garçons. Ils construisent également un garage accolé au chalet.
Ils ont assisté à la transformation du quartier. D’abord les immeubles derrière dès 1962 et, peu après, celui du côté des terrains de sport. Les deux blocs de maison vers la rue Léon Marlot ont suivi, ainsi que la cité en face du chalet. En l’espace de 10 ans, la physionomie du quartier est complètement modifiée ; il s’est beaucoup animé… Auchan a amené également de la clientèle extérieure au quartier.
Yvette n’a quitté son chalet qu’en 2005, après le décès de son mari. Entre-temps, le garage avait été transformé en espace d’habitation.
Aujourd’hui l’atelier a été transformé en loft, la maison en deux appartements, un au rez de chaussée, l’autre à l’étage.
Remercions Yvette, qui nous a confié ses souvenirs et les photos qui les illustrent.