Au 15ème siècle, Pierre de Roubaix fait édifier une chapelle dédiée au St Sepulchre le long du chemin de Wattrelos, à ce qui était alors l’extrémité de la grand-rue, dans l’alignement de la rue Pauvrée. Un hospice pour les vieillards la jouxte. Le jardin s’étend jusqu’au Trichon. À la fin du 17ème siècle l’édifice brûle dans l’incendie du centre ville, mais il est reconstruit. Lors de la révolution, il est vendu comme bien national, et on le retrouve ensuite propriété des hospices de Roubaix qui le cèdent finalement à la municipalité.
En 1815 on installe les services de la douane dans l’ancienne chapelle. Sur les jardins, côté Trichon, est édifiée une caserne de gendarmerie. Le reste de l’espace accueille le marché aux charbons. Un numéro du Journal de Roubaix de 1909 nous retrace ainsi cette époque : Les chariots, appelés « carabeux » apportaient le charbon de bois depuis la forêt de Mormal. Celui-ci était utilisé par l’industrie pour la préparation des laines. Ils se dirigeaient vers un terrain vague devant la chapelle… La place va garder le nom de marché aux charbons jusqu’en 1848. La rue qui longe les habitations est baptisée rue du Sépulchre.
Peu de temps après, un plan de 1832 nous montre que les bâtiments de l’Hospice ont disparu et qu’on a ajouté un corps de bâtiment à la gendarmerie, qui forme maintenant un « U ». Celle-ci, servant de caserne a sans doute vu ses effectifs augmenter entre-temps.
La gendarmerie est située face au canal, creusé récemment. La rue de Lannoy le traverse sur le pont dit « de la gendarmerie ». Entre le canal et la gendarmerie, le terrain appartient au fabricant Bulteau-Prouvost, dont l’usine borde la rue du Galon d’eau.
Mais le bâtiment de la chapelle se dégrade et les douaniers le quittent. L’ensemble est rasé. La place ainsi dégagée prend le nom de place du Sépulchre pour peu de temps, car on y plantera lors de la révolution de 1848 un peuplier, l’arbre de la Liberté au milieu du marché et la place prendra ainsi son nom définitif.
Eugène Grimonprez-Delaoutre, fils de Pierre Grimonprez et d’Hyacinthe Bulteau va ériger une filature sur le terrain situé entre la gendarmerie et le chemin de halage du canal.
Même si les bâtiments de la gendarmerie brûlent en 1877, amenant les gendarmes à partir s’installer rue des Arts, et que la ville devient propriétaire de l’ancienne caserne qui appartenait au département, l’issue de la place vers le canal reste toujours étranglé. L’usine Grimonprez empêche encore le débouché de la place vers le boulevard Gambetta.
Les photos suivantes nous montrent, la première, les bâtiments de l’usine face au boulevard Gambetta, qu’arpentent les promeneurs, avec, à gauche la silhouette du café du Broutteux, et, la suivante, les constructions situées le long de la place jusqu’au coin de la grand rue.
En 1889, la filature a cessé ses activités, et les bâtiments qui empiètent sur la place appartiennent à Léontine Grimonprez, veuve d’Alfred Philippe Motte. Les autres, le long de la place, sont à sa belle-mère, la veuve Liévine Grimonprez-Delaoutre, veuve du filateur Eugène Grimonprez. En outre, le coin situé en face du Broutteux, est loué au brasseur Desurmont qui y a installé un cabaret.
La municipalité, après maintes discussions, frappe d’alignement le bâtiment en mauvais état, pour empêcher les travaux de réparation et forcer ainsi sa démolition. Elle a l’idée d’y construire un théâtre puis, cette idée étant abandonnée, elle veut simplement élargir la place. Une délibération municipale de 1890 souligne que le passage entre la place et le boulevard est trop étroit pour laisser le passage aux tramways. La mairie cherche donc à acheter l’immeuble pour le démolir. Il est à noter sur le plan suivant que le passage entre l’ancienne filature et les autres bâtiments a pris le nom de rue de Lannoy, dont il est le prolongement.
Des pourparlers ont lieu avec la municipalité pour l’immeuble débordant sur la place, que Mme Grimonprez a vendu à la veuve Motte, venant elle-même de décéder en 1899. Pour ce qui est des bâtiments longeant la place et comportant des écuries et remises, les contacts sont pris avec la banque de France, qui cherche à s’implanter dans le centre-ville. Les interlocuteurs sont donc les héritiers, représentés par Albert Motte. Entre-temps, le bâtiment qui fait obstacle à l’ouverture de la place menace ruine aux dires des services de la voirie, ce qui permet à la ville, soucieuse des deniers publics, de marchander le prix d’achat. On finit en 1900 par tomber d’accord sur la vente, et la mairie va s’empresser de démolir une partie des bâtiments, tout en conservant la partie louée par M.Desurmont jusqu’à expiration de son bail en 1905. La photo suivante nous montre l’ancienne filature partiellement démolie entre 1901 et 1906. A gauche le café du Broutteux, et au fond, la grand rue.
En 1906, la dernière partie de l’usine disparaît finalement. La ville va maintenant pouvoir aménager la place notablement agrandie, le marché aux charbons gagner un surcroît de superficie, et la banque de France ériger son agence.
A suivre…
Les documents proviennent des archives municipales et de la médiathèque de Roubaix.