U53 à Wattrelos

Il ne s’agit pas d’une histoire de sous marins ni même d’objets volants non identifiés. Il s’agit d’un nouveau type de logement réalisé par le bureau d’études du CIL dans le cadre de la loi Courant, du nom du ministre qui fit voter en 1953 une loi facilitant la construction de logements tant du point de vue foncier que du point de vue du financement et de l’appareil de production. Le projet U53 est également établi dans la perspective des travaux du quartier de la Mousserie, qui seront adjugés en mai-juin 1953 : 1600 logements prévus sur 50 ha, 30 % collectifs et 70 % de maisons individuelles.

Le type U53 bureau d’études CIL vise à la fois à faire baisser les coûts de production et le prix de la maison. Les portes et fenêtres préfabriquées permettent un achat en nombre qui entraîne une baisse des coûts. Par ailleurs, l’utilisation de l’aluminium en tôle pour les toitures a pour conséquence l’allègement des charpentes ce qui représente de sérieuses économies, avec des matières isolantes de qualité supérieure. Les plomberies et tuyauteries également préfabriquées facilitent une pose rapide, soit 40 % d’économie ! La maison U53 offre une baignoire, un chauffe bain, un évier en grès dans la cuisine.

Le plan U53 publié par NE

Comment se présente un U53 ? C’est une maison d’une architecture un peu différente, avec une toiture en pente très faible, 5 degrés seulement, qui suffit à assurer l’écoulement des eaux, surmontée de cheminées très basses. De larges baies facilitent l’entrée de la lumière au rez de chaussée dans un living room de 18 m² avec une cuisine et la salle d’eau. À l’étage, il y a trois chambres bien éclairées et la maison dispose d’une cave. Le prix de revient d’un U53 a été abaissé à moins de 1.700.000 francs.

Les deux U53 de la rue du Commandant Bossut Photo NM

Des prototypes sont en construction au Brun Pain (Tourcoing) et rue du Commandant Bossut (Wattrelos). Le jeudi 16 février premier coup de pioche sur le chantier de la rue du Commandant Bossut. Neuf semaines après, soit quarante jours de travail ouvrables, deux unités de U53 sont construites. C’est une performance ! Des cinq semaines pour le gros œuvre, il n’en a fallu que quatre, les portes et cloisons ont été posées dès leur arrivée, cloisons mises au point d’après un brevet anglais qui servit pendant la guerre à bord des avions de la RAF. Les plafonds sont constitués par des plaques de 3,60 m, l’encadrement des fenêtres est en alliage d’aluminium absolument indéformable et l’équipement sanitaire se monte comme les pièces d’un véritable meccano.

Les deux maisons U53 de la rue du Commandant Bossut sont ouvertes à la visite dès le vendredi 8 mai. Près de huit mille personnes viendront les découvrir. Le succès est tel que le ministre d’État Édouard Bonnefous ne put y accéder.

Ces modèles de maison sont destinés à la Mousserie et la Tannerie pour un millier d’exemplaires. À la Mousserie il y aura aussi un certain nombre de maisons de type W construites selon le principe hollandais c’est-à-dire comprenant deux logements superposés. on pourra devenir propriétaire en 25 ans (apport initial 50.000 francs, mensualité de 5000 francs).

Quinzaine du logement 1956

Guy Mollet vient inaugurer l’exposition du CIL à Roubaix le 30 septembre 1956 Photo Nord Éclair

Après avoir occupé l’hôtel de ville en 1952, le CIL (comité interprofessionnel du logement) s’installe en octobre 1956 sur l’esplanade du boulevard Gambetta, ordinairement réservée aux foires du printemps et de l’automne…

Petit rappel historique : le CIL a été créé en 1943, sur la base d’une gestion paritaire des syndicats d’employeurs et des syndicats de salariés. Cinq hommes en sont à l’origine : Albert Prouvost, grand industriel textile, Bernard d’Halluin, Président du Syndicat Patronal Textile, Victor Provo, maire socialiste de Roubaix, Robert Payen, syndicaliste CFTC et Gabriel Tétaert, syndicaliste CGT. Ensemble, ils décident de consacrer volontairement 1% de la masse salariale à la construction de logements décents. De là s’est développée quelques temps après, l’allocation logement, imaginée et préconisée en 1938 par l’ingénieur Pierre Kula[1], et qui prend son véritable démarrage à Roubaix Tourcoing, avant de faire l’objet de la loi du 1er septembre 1948.

Le CIL fête donc en 1956 le 13ème anniversaire de sa création, mais également le 10ème anniversaire de la création de la cité expérimentale du Congo[2], qui a permis de lancer la construction de nombreux lotissements. Bâtie en septembre 1946, cette cité expérimentale du Congo à Mouvaux se trouvait à deux pas de l’ancien emplacement du château de l’industriel Vaissier. Une trentaine de logements en maisons jumelées sont présentées aux visiteurs, comme un catalogue de réalisations alliant les techniques et les matériaux les plus divers[3].

Le comité interprofessionnel du logement aura encore recours à cette modalité de présentation des réalisations de son bureau d’études. Ainsi en mars 1953, le modèle U53 est-il présenté à la presse. Il sera adopté pour les chantiers importants de la Mousserie à Wattrelos.

Le quartier de la Mousserie, tel qu’on l’envisage en janvier 1956 Photo Nord Éclair

En 1956, où en est la construction de logements à Roubaix Tourcoing et leurs environs ? Depuis 1946, les chantiers CIL se sont succédé : la cité des Trois Baudets à Hem de 1947 à 1949, et à Roubaix la cité du Galon d’eau à Roubaix, de 1948 à 1949, la cité de la gare de débord de 1949 à 1951, la cité du Pont Rouge en 1950, le lotissement Pigouche Carpeaux en 1951, la Potennerie rouge en 1954. La liste n’est pas exhaustive. Depuis 1946, 9.000 logements ont été construits ou sont en cours de construction. L’exposition montre les différents quartiers nouvellement créés, mais évoque aussi les besoins qui restent à satisfaire : un tiers du programme envisagé il y a dix ans a été réalisé. Il faut à présent sauver et assainir ce qui peut être maintenu du vieil habitat, et édifier d’autres quartiers résidentiels[4].

L’exposition présente un grand nombre d’informations et de réalisations. Sous une grande tente, panneaux et stands photographiques relatent les différents chantiers, mais le slogan de cette exposition, –Déjà un tiers, mais seulement un tiers ?-  est significatif : le programme prévu il y a dix ans n’a été réalisé qu’en partie[5] et des besoins considérables sont encore à satisfaire. Un diorama présente le bulletin de santé de l’habitat de Roubaix Tourcoing et évalue le nombre des logements à détruire, à améliorer à transformer et à construire dans les dix ans à venir. On peut également découvrir les projets d’études du CIL, et connaître quel est le concours des municipalités, des caisses d’épargne, de la caisse d’allocations familiales. On peut y prendre connaissance des initiatives favorisant l’accession à la propriété.

L’exposition accueille également le stand des producteurs de matériaux, et présente deux cellules d’habitation grandeur nature, réalisés à partir d’éléments préfabriqués. La formation professionnelle des adultes y anime un stand.

La grande opération immobilière du moment, c’est le grand chantier de la Mousserie à Wattrelos[6], dont on voit une photo géante dans le cadre de l’exposition, et qui est présentée comme une ville moderne aux vastes aires gazonnées. On peut aller y visiter les logements témoins, un service d’autocars fonctionne entre le boulevard Gambetta et la plaine de la Mousserie à Wattrelos.

La quinzaine du logement va durer jusqu’au 14 octobre 1956. Son entrée est libre, un public nombreux s’y rendra. Des réceptions officielles auront lieu, parmi lesquelles, celle des organismes paritaires, des entrepreneurs, des représentants de la presse régionale. Le conseil municipal de Wattrelos sera reçu à la Mousserie, puis il y aura la journée du bâtiment, avec la participation du syndicat du bâtiment, et une exposition des travaux des stagiaires FPA. Les nouvelles techniques concernant l’industrialisation du bâtiment seront également exposées.

Albert Prouvost Président Fondateur du CIL recevant les représentants des Caisses d’Épargne Photo Nord Éclair

Après la visite des administrateurs des caisses d’épargne, et des représentants des services municipaux, c’est au tour des représentants des CIL de France qui se retrouvent à Roubaix pour la tenue de leur congrès. Enfin, une soixantaine d’architectes parisiens visitent les établissements Pennel et Flipo et l’exposition du CIL.

Le CIL utilise le système des quinzaines, dans le but de présenter ses réalisations, mais également d’intéresser la population à la question du logement sur les thèmes de la location, et de l’accession à la propriété. Ces manifestations s’organisent simultanément avec l’inauguration de nouvelles constructions. La quinzaine d’octobre 1956 intervient quelques temps avant le démarrage des grands chantiers de la cité des Hauts Champs et de l’opération de rénovation du quartier Edouard Anseele.


[1] In Robert Colin, Premier bilan des allocations de logement 1952
[2] Voir ce sujet dans la revue des ateliers mémoire n°1 disponible en médiathèque de Roubaix
[3]ibidem
[4] D’après la presse de l’époque
[5] Ibidem note 2 et 3
[6] La première pierre a été posée le 18 octobre 1954.