L’usine de teinturerie et de blanchiment Mulaton est fondée, au milieu du 19ème siècle rue Poivrée (ou route nationale, puis rue de Lille, actuellement rue du Général Leclerc) à Hem, par Antoine Mulaton. Né en 1814, Antoine fait son apprentissage de teinturier à Lyon, puis parcourt l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie pour se perfectionner dans cette industrie avant de s’installer à Hem en 1850.
Epoux d’une lilloise, Rosalie Masquelier, avec laquelle il a des enfants, il emménage avec sa famille et son beau-père qui est aussi du métier dans une maison de la rue Poirée (renommée ensuite rue de Lille) avec une jeune servante belge, Philomène Pollet, aux fourneaux. Mr Masquelier l’aide alors à monter sa propre teinturerie en 1952 dans la même rue.
Le choix de s’installer à Hem plutôt qu’à Roubaix s’explique par le manque d’eau de la capitale du textile, la distribution des eaux de la Lys n’existant pas encore et le petit ruisseau du Trichon et les puits ne suffisant pas. En revanche, pour réaliser des apprêts sur tissus et de la teinture en écheveaux, Hem dispose de la Marque, aux eaux abondantes et claires.
Antoine s’associe rapidement avec Achille Screpel et l’entreprise devient Mulaton-Screpel en 1854. Les deux hommes travaillent en parfait accord et mènent à bien et font croître une industrie qui, à la fin du siècle, compte 6 usines et emploie 600 salariés. La même année Antoine Mulaton s’inscrit sur la liste électorale de la ville.
Chez Mulaton, on a choisi de teindre la laine et c’est un dur travail : les écheveaux sont enfilés sur une longue perche et trempés par 4 ouvriers en sabots dans un bac de 10 à 20 mètres de long sur 2 mètres de large et 0,80 mètre de profondeur. Il faut promener les lourdes charges dans le bain, les retourner, les élever, les écraser d’abord dans une eau tiède puis bouillante.
C’est à partir de 1870 qu’apparaissent les colorants chimiques qui donnent une quantité de nouvelles possibilités en remplaçant les produits d’origine végétale ou animale. C’est Frédéric Tellier, fabricant de produits chimiques à Hem, qui approvisionne les 2 teinturiers locaux. Mais cela commence à nuire à la Marque dont l’eau change de couleur et dont les poissons périssent au grand dam des pêcheurs qui vont s’en plaindre à la municipalité, laquelle leur répond que les 2 teintureries, Gabert et Mulaton, assurent du travail et donc du pain à plus de 1000 ouvriers hémois.
Les anciens racontent qu’on appelle Antoine : « le père de la teinture » dans la mesure où c’est lui qui introduit à Hem les méthodes de la teinturerie Lyonnaise. Avec la vieillesse il se voit contraint d’abandonner le travail industriel et cède alors la place à ses fils en 1875. Mais il continue à siéger dans l’assemblée communale à laquelle il participe depuis 1870 (suite à la chute du Second Empire) et ce jusqu’en 1892 avant de décéder à l’aube du nouveau siècle.
En 1886, les trains passent régulièrement et s’arrêtent à la gare située sur la route reliant Hem à Forest. L’usine est alors répertoriée comme une teinturerie en soie, possède 2 chaudières de 60 chevaux, consomme 70 wagons de houille par année, dix wagons d’avoine et importe 15 wagons de matières premières.
En 1893, l’entreprise apparaît dans le Ravet Anceau sous le nom de Mulaton Frères et en 1895, la maison se spécialise dans le mercerisage de coton, opération consistant à donner aux fils et étoffes de coton un aspect brillant et soyeux, par trempage dans une solution d’hydroxyde de sodium (soude caustique).
En 1899, le Journal de Roubaix relate l’explosion d’une chaudière ayant provoqué un vif émoi dans la commune en raison du bruit épouvantable et de la présence de tous les ouvriers au travail. La couverture de la chaudière qui sert au bouillage des cotons, pesant une tonne, a rompu tous les écrous qui la retenaient en explosant et a été projetée à travers le toit avant de retomber 10 mètres plus loin à travers une autre toiture…Toutes les vitres de l’usine ont été brisées et quelques maisons voisines endommagées mais fort heureusement seuls deux ouvriers ont été légèrement blessés.
A la fin du 19ème siècle, la famille Mulaton habite un château situé sur le côté pair de la rue de Lille (actuelle rue du Général Leclerc) au n° 44. La propriété, voisine de celle de Mr Gabert, comprend une villa ainsi, en perpendiculaire, qu’une conciergerie et fait partie de la dot du fils Jean Mulaton qui épouse Marie Leborgne en 1882.
La maison est vendue en 1919 à un chapelier lillois, Joseph Picavet, puis acquise 4 années plus tard par Edouard Catrice, industriel roubaisien qui en fait sa maison de campagne avant d’en construire une autre au même endroit, la mérule ayant attaqué l’ancien bâtiment. Le nouveau bâtiment deviendra après-guerre la nouvelle mairie de la ville de Hem.
Trois numéros avant, au n°38, la famille Meillassoux occupe le 1er château visible côté pair en venant du centre de Hem, et appelé « le Petit Château ». Cette demeure sera rachetée par la municipalité qui en fera le Centre Communal d’Action Sociale en 1971, une annexe de la mairie qui existe encore de nos jours.
Au début du vingtième siècle, l’automobile arrive mais ne connaît évidemment pas le succès populaire réservé au train puis surtout au « mongy », car c’est un objet de haut luxe, réservé aux plus fortunés. Mr Mulaton fait donc, sans surprise, partie des premiers automobilistes hémois, avec une vitesse limitée dans la commune à 12 km/h.
La qualité des produits ne s’est pas démentie avec les années et en 1908, l’entreprise Mulaton reçoit un grand prix à l’exposition franco-britannique de Londres.L’entreprise devient en 1912 la société Meillassoux frères et Mulaton, Antoine Mulaton, descendant du fondateur, ayant épousé une Meillassoux.
A suivre…
Remerciements à la ville de Hem, l’association Historihem ainsi qu’à André Camion et Jacquy Delaporte pour leurs ouvrages Hem d’hier et d’aujourd’hui et Jacquy Delaporte, Christian Teel et Chantal Guillaume pour leur bande dessinée Au Temps d’Hem